DC Infinite #12 | Un grand héritage

par Anthony F.

Fort d’un début d’année plutôt satisfaisant, la collection Infinite est sur de bons rails et continue de proposer mois après mois des choses assez intéressantes. Pas toujours parfaite, l’ère actuelle des comics DC a le mérite de tenter des choses, et a même accouché d’une excellente série qu’on retrouve à nouveau ce mois-ci : Nightwing Infinite. Après deux excellents premiers tomes, l’arc de Tom Taylor continue son bout de chemin, tandis que ce mois de mars est aussi marqué par la sortie de Flashpoint Beyond, où Geoff Johns reprend un personnage qu’il n’avait plus écrit depuis 2011.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’exemplaires par l’éditeur.

Nightwing Infinite – Tome 3, confusion des identités

© 2023 DC Comics / Urban Comics

Les élites corrompues de Blüdhaven, ville historique de Nightwing, mettent des bâtons dans les roues de Dick Grayson/Nightwing et de son refuge pour des enfants désœuvrés. Une attaque a été commise et on réalise vite, sans surprise, que la police en est responsable. À la solde de Blockbuster, le mafieux qui contrôle la ville, des agents de police mettent en effet en scène une attaque pour attirer l’attention sur les gamins défavorisés et abandonnés de la ville recueillis par Dick, afin que la population pense que leur présence attire la délinquance. Dans la pleine continuité des deux précédents tomes, cette suite amène son héros à jouer sur plusieurs tableaux, d’abord celui où il se met dans la peau de Dick Grayson, mécène qui cherche à régler quelques problèmes de sa ville au moyen de la fortune dont il a hérité, et puis dans la peau de Nightwing, collaborant avec la nouvelle maire de Blüdhaven pour la défaire de l’influence Blockbuster et de ses malfrats. Surtout, en toile de fond se joue une autre question, celle du Sans-cœur, étonnant vilain qui a fait son apparition dans le premier tome, qui tire son surnom d’une arme qu’il utilise et lui permet de voler (littéralement) le coeur de ses victimes. On en apprend enfin un peu plus sur son identité, alors qu’il met au défi Blockbuster en lui annonçant qu’il allait lui prendre sa ville. Pris entre deux feux, Nightwing doit se dépêtrer de tout ça avec l’aide de ses ami·e·s, à commencer par Barbara Gordon/Oracle, avec qui il partage une relation amoureuse qui leur permet enfin de s’épanouir. Les deux forment d’ailleurs un couple attachant, alors que leur relation trouve enfin une certaine paix.

Et sans surprise, ce troisième tome continue de régaler pour sa mise en scène. Entre son action très inspirée par le cinéma hollywoodien et sa faculté à s’amuser des codes de la BD, jouant sur le découpage et les limites de ce que peuvent raconter les images (grâce aux gestes à l’impression de mouvement plutôt que par les textes et les onomatopées), Nightwing Infinite est un plaisir aussi bien narratif que visuel. Le duo formé par Tom Taylor et Bruno Redondo fonctionne parfaitement, en effectuant un énorme travail pour apporter une telle fluidité aux planches que l’on a toujours l’impression que c’est trop court. Avec son rythme effréné mais surtout, la beauté des dessins de Redondo, ce troisième tome montre que Nightwing Infinite reste l’une des meilleures séries de l’ère Infinite, et peut-être même la meilleure. D’abord pour sa maîtrise de la narration (aussi bien écrite que visuelle), mais aussi parce que son histoire s’émancipe des grandes considérations de l’univers DC pour raconter quelque chose de plus terre à terre, plus ancré dans le quartier et la ville de Dick Grayson, plus proche du quotidien. Certain·es pourraient y voir un récit qui manque d’ambitions dans la grande continuité DC, mais j’y vois plutôt une vraie volonté de rappeler que les super-héros et héroïnes DC peuvent aussi exister au travers du quotidien, et pas seulement dans les grandes considérations de l’omnivers.

Flashpoint Beyond, le retour d’une réalité interdite

© 2023 DC Comics / Urban Comics

Geoff Johns reprend le personnage de Thomas Wayne de son Flashpoint de 2011, dont la survie et l’existence a été suggérée dans DC Infinite Frontier – Justice Incarnée. On retrouve donc le monde alternatif de FlashpointThomas Wayne, père de Bruce, est celui qui a survécu à l’agression, où est son fils à sa place par rapport à l’histoire habituelle. Mais là où les réalités se rejoignent, c’est que Thomas a aussi fini par devenir Batman. Mais un Batman différent, moins détective, plus violent, plus impulsif, avide d’une vengeance aveugle, utilisant des armes à feu et n’hésitant pas vraiment à tuer ses ennemis. Une réalité alternative où Martha, la mère de Bruce, est devenue le Joker. Un monde qui est donc empreint d’un véritable sens tragique, où l’espoir n’est plus permis. Et Thomas a pleinement conscience des évènements de Flashpoint, il s’interroge alors sur le sens de son retour à la vie, sur le retour de cette réalité alternative dont il est le fruit : pourquoi celle-ci existe à nouveau, qui en est responsable ? Ce Flashpoint Beyond se lance donc dans un grand récit d’enquête où Thomas Wayne cherche à trouver le ou la responsable, sur fond de réflexions un peu déprimantes pour un Batman alternatif qui a conscience de n’être qu’une erreur de l’histoire, une erreur commise à l’origine par Barry Allen/Flash qui revenait dans le passé pour sauver sa mère, déclenchant l’apparition d’une réalité alternative de laquelle émergeait Thomas Wayne (évènements du Flashpoint de 2011). Alors il s’imagine évidemment que Barry Allen est à nouveau responsable, mais les choses apparaissent plus compliquées.

Compliqué comme le récit : bien que l’idée de retrouver cette version de Batman est intéressante, Geoff Johns repart dans ses considérations cosmico-tragiques qui font perdre au récit en intelligibilité. Compliqué de se prendre de passion pour un récit qui parle d’hypertemps et de grandes ténèbres à tout bout de champ comme si cela avait du sens pour les lecteur·ices lambda. Au lieu de ça, Flashpoint Beyond semble vouloir parler qu’une petite fraction d’un lectorat qui se passionne pour des théories farfelues autour de l’omnivers, à l’occasion de quelques scènes où, dans la continuité principale, Bruce Wayne s’interroge sur ce qui semble se passer en toile de fond. Certes on sent que le récit tente de raccrocher les wagons de l’énigmatique intrigue de DC Infinite Frontier, mais ces quelques scènes sont pénibles à suivre. Heureusement toute la partie « enquête » du récit, où Thomas Wayne agit presque contre-nature, lui qui est habitué à taper plutôt qu’à parler, se révèle assez passionnante grâce à une histoire qui convoque de nombreuses références du Flashpoint originel sans manquer de les expliquer pour les personnes qui prendraient les choses en cours de route. Il y a donc vraiment deux faces à ce Flashpoint Beyond, l’une plutôt réussie, l’autre plutôt pénible, pour un ensemble qui peine tout de même à récompenser l’attente que suscitait le retour de Geoff Johns avec ce personnage longtemps disparu.

  • Le tome 3 de Nightwing Infinite et Flashpoint Beyond sont disponibles en librairie aux éditions Urban Comics.

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