DC Infinite #21 | Gloire à la famille ?

par Anthony F.

Un mois après l’autre, on continue notre chronique mensuelle des nouvelles sorties de la collection DC Infinite, petit nom donné à l’univers DC Comics en cours de publication depuis maintenant un peu plus de deux ans, en VF chez Urban Comics. L’univers de Batman, Wonder Woman et Superman a connu de nombreux bouleversements avec le temps et de nombreux auteurs et autrices tentent d’apporter leur pierre à l’édifice. Ce mois-ci, on retourne sur des publications très centrées sur Batman avec la suite de deux séries, le début d’une nouvelle, et un peu de diversité avec l’arrivée d’une série centrée sur Green Arrow et Black Canary.

Cette chronique a été écrite suite à l’envoi d’exemplaires par l’éditeur.

Batman Nocturne – Tome 3, Gotham en perdition

© 2024 DC Comics / Urban Comics

Depuis les débuts de son run sur Detective Comics, sorti dans la série Batman Nocturne chez Urban Comics, l’auteur indien Ram V a emmené le Chevalier Noir dans ce qu’il aime le plus : des histoires au caractère mystique, interrogeant les origines de Gotham et l’influence de guerres d’autrefois sur le présent. C’est ainsi qu’on voyait arriver dans les précédents tomes l’héritier d’une famille qui pense avoir un droit sur l’avenir de la ville, s’infiltrant dans les hautes sphères de sa société pour mieux la manipuler. De son côté, Batman est victime de sortes de cauchemars et d’hallucinations où ses peurs, ses craintes et sa haine prennent la forme de Barbatos, entité démoniaque qui semble vouloir prendre le contrôle de son esprit. Si le récit manque un peu d’originalité en abordant encore et toujours le traumatisme originel de Bruce Wayne, c’est-à-dire le meurtre de ses parents dans une ruelle, Ram V a la finesse d’écriture nécessaire pour pouvoir surprendre à quelques moments. Notamment en montrant la fragilité et le côté solitaire de son personnage, l’isolant peu à peu de celles et ceux qui l’entourent, ainsi que l’impact de la mort d’Alfred dans l’univers DC, qui a précipité Batman dans les bras de ses peurs d’antan. Cette nouvelle perte a rouvert des blessures d’autrefois, et cela offre un boulevard à son nouvel ennemi qui tente de s’approprier Gotham en montrant les faiblesses de son héros de toujours. Le récit a ses défauts, notamment un rythme en dents de scie qui n’assimile pas toujours très bien l’étendue de ses idées. On sent que Ram V veut raconter beaucoup de choses sur le trauma du héros, la remise en cause de son statut, mais aussi sur les origines de Gotham et des guerres millénaires entre les familles qui ont fondé la ville. Mais en s’éparpillant, il manque parfois son coup, et dans ce troisième tome il faut attendre les deux ou trois derniers chapitres pour voir quelque chose de vraiment très maîtrisé, pile au moment où l’auteur recentre son histoire sur une thématique précise : les peurs de Batman.

Pour autant, Batman Nocturne reste une bonne série. Quand on aime l’univers de l’auteur, on en retrouve ici une bonne partie ; bien que ce ne soit pas son œuvre la plus marquante, la faute aux impératifs de DC et la nécessité d’ancrer Batman dans son monde habituel. Le récit ne manque pourtant pas de bons moments qui montrent tout le potentiel de cette collaboration entre Ram V et le héros le plus populaire du monde. Il doit aussi beaucoup au travail des artistes sur les dessins, plusieurs noms se relayant au fil des chapitres, avec notamment le brésilien Ivan Reis dont le style sied plutôt bien à l’aventure aux accents mystiques. Pour conclure le tome, on a aussi droit à deux numéros de l’évènement Knight Terrors avec les tie-in Detective Comics. Pour rappel, il s’agit d’un évènement sorti il y a quelques semaines (et dont on a parlé dans une chronique DC Infinite précédente) où un nouveau vilain, Insomnia, plongeait le monde dans ses propres cauchemars. Cette fois-ci, l’évènement est vu au travers des yeux de l’ancien commissaire Gordon, qui n’a cessé d’errer ces dernières années et de tenter de survivre à ses propres traumatismes après avoir quitté son boulot. Sans être transcendants, les deux numéros fonctionnent plutôt bien et s’insèrent sans mal dans l’ambiance générale du bouquin.

Batman & Robin Dynamic Duo – Tome 1, tel père, tel fils

© 2024 DC Comics / Urban Comics

Comme souvent avec la collection DC Infinite, on retrouve l’éternel Joshua Williamson à la baguette d’une nouvelle série. Le grand manitou de l’ère Infinite s’est en effet lancé sur une autre série, celle réunissant Batman et Robin. Aux côtés de Simone di Meo qui lui prête son pinceau, l’auteur réunit le père et le fils dont les relations ont rarement été bien favorables, entre un Bruce Wayne qui n’est clairement pas le père de l’année, et Damian Wayne qui ne cesse de lui en vouloir pour ce qu’il incarne. Alors Williamson joue paradoxalement sur les points communs qui les rassemblent, comme leur goût pour les enquêtes, leur intelligence et capacité de réflexion face aux indices les plus tordus, ou leur besoin irrépressible de trouver des réponses à la violence qui s’abat sur Gotham. Le dynamic duo décide de faire équipe après s’être écharpés pendant des années, à un moment où ils doivent vivre ensemble par la force des choses, avant de se lancer sur les traces de Man-bat et de Soupir qui semblent avoir des plans plutôt dangereux pour l’avenir de Gotham. Plutôt classique dans son approche, le tome trouve son intérêt dans la dynamique qui s’installe entre les deux personnages, entre le père indigne et le fils aux tendances meurtrières.

En parallèle, on y découvre un Bruce qui souhaite convaincre Damian de retourner au lycée, alors que ce dernier est convaincu qu’il n’a rien à apprendre. La faute à son entraînement intensif auprès de la Ligue des assassin, avec sa mère Talia Al Ghul, qui lui a déjà permis d’acquérir des connaissances très vastes sur le monde, bien plus que ce que le lycée pourrait lui apporter. Mais c’est un moyen de replacer Damian dans un environnement plus réaliste, loin des considérations super-héroïques et sociétés secrètes à infiltrer. Enfin, les dessins de Simone di Meo jouent un rôle prépondérant dans l’identité du comics, entre son trait plein d’énergie, ses couleurs éclatantes et ses jeux de contraste. C’est somme toute un petit comics tout à fait honnête, avec ses bons moments, qui fait du bien au sein d’un univers de Batman qui a tendance à jouer une partition bien plus dramatique ces derniers temps.

Batman / Superman World’s Finest – Tome 3, la déception

© 2024 DC Comics / Urban Comics

Depuis son lancement, la série Batman / Superman World’s Finest de Mark Waid et Dan Mora séduit pour son approche très « innocente » de ces deux personnages. Et ce en rendant hommage à l’âge d’or des comics, que ce soit dans la mise en scène, le choix des couleurs ou les costumes d’antan. Il y a le ton, aussi, plus léger, avec des dialogues toujours pleins d’humour (même parfois de la part de Batman !) et une envie d’inscrire les deux héros les plus populaires de DC Comics dans un monde moins sombre que les autres comics actuels. Néanmoins, ce troisième tome s’égare un peu, en racontant la mort de Simon Stagg, un riche homme d’affaires peu scrupuleux, victime d’un meurtre en chambre close. C’est-à-dire un meurtre qui semble impossible puisque personne n’est entré ni sorti de la pièce. Cela fait basculer le récit dans un whodunit où le meurtrier potentiel est vite désigné comme étant… Bruce Wayne. Malheureusement, cela entraîne le récit vers quelque chose de moins emballant que les deux tomes précédents, d’autant plus que l’auteur abandonne très vite l’idée de l’enquête sur le meurtre pour retomber sur quelque chose de trop classique : une bataille rangée qui oppose le duo de super-héros ainsi que Metamorpho, l’anti-héros capable de manipuler les éléments, à NewMazo, un androïde créé par des esprits fous. Celui-ci prend le contrôle des systèmes informatiques et des IA partout dans le monde pour le soumettre. Tout un programme.

Si on sent bien le côté kitsch recherché à la série dans ce plan invraisemblable d’une IA folle, cela devient vite très caricatural, chose que les deux tomes précédents avaient su éviter. En outre, la moitié des chapitres se focalisent sur des batailles où les personnages ont assez peu de place pour exister. Je comprends bien le besoin d’offrir un peu d’action occasionnellement, mais ce choix remet en cause toutes les jolies qualités qu’on pouvait apercevoir auparavant, pour retomber sur un rythme et une tonalité trop classique. Heureusement les dessins de Dan Mora ne manquent pas de caractère, de quoi donner envie de tourner les pages et aller au bout de l’aventure, mais avec l’espoir que les choses s’améliorent au prochain volume.

Dawn of Green Arrow & Black Canary – Tome 1, l’amour parfait

© 2024 DC Comics / Urban Comics

Cela faisait un bout de temps qu’on n’avait pas vu passer Green Arrow dans les comics DC. Perdu dans le multivers, le milliardaire aux airs de Robin des Bois fait son retour dans cette anthologie avec une première histoire signée Joshua Williamson. On y retrouve ce bon vieux Oliver Queen perdu entre les mondes, mais refusant purement et simplement de revenir sur sa Terre, convaincu par une vision du futur qu’être près de ses proches provoquera la destruction de sa ville. Pas tout à fait convaincue, Lian, la fille d’Arsenal (Roy Harper, l’acolyte de Green Arrow) le retrouve par hasard et tente de le convaincre de trouver un moyen de rentrer. De leur côté, Arsenal et Black Canary, convaincu·e·s qu’il n’a pas définitivement disparu, se lancent dans la traque d’Amanda Waller, qu’ils soupçonnent d’être liée à toutes ces histoires. Mais si vous savez, Waller, celle qui colle des bombes dans la nuque de criminel·le·s pour gentiment les inciter à suivre ses ordres et former ses différentes Suicide Squad. Exit toutefois ces histoires de criminel·le·s puisque rapidement notre héros et héroïnes se retrouvent plutôt confronté·e·s à Peacemaker, qui leur met des bâtons dans les roues pendant que Waller tente certainement de gagner du temps. Les six premiers numéros de cette histoire, dessinés par un Sean Izaakse en bonne forme, jouent donc sur deux arcs plutôt intéressants, la narration mêlant les deux points de vue avec fluidité, tandis que la mise en scène ne manque pas de panache. Même si l’ensemble paraît pour le moment assez inconséquent, c’est le type de comics qui se lit facilement et qui se laisse apprécier pour son action et ses couleurs, ainsi que la sympathie inspirée par ses personnages.

Comme tous les comics titrés « Dawn of » que Urban Comics publie depuis le début de l’année, on passe ensuite à une deuxième histoire qui termine l’anthologie, avec les six premiers numéros du Birds of Prey de Kelly Thompson, à l’écriture, et Leonardo Romero, aux dessins. Une nouvelle série dont la publication a commencé en septembre dernier aux États-Unis, et qui met en scène une équipe des Birds of Prey composée de Batgirl (Cassandra Cain), Black Canary, Harley Quinn, Big Barda et Zélote. C’est Black Canary qui forme cette équipe, dans le dos de Oracle (Barbara Gordon, l’habituelle cheffe du groupe), pour une raison initialement obscure et dans le but de sauver Sin, sa propre sœur. La dynamique du groupe s’installe directement et offre une belle base narrative à une nouvelle série qui se distingue par son énergie ainsi que son style visuel très pulp, avec des couleurs et un crayon qui évoque des comics d’une autre époque. Ça fonctionne super bien dans ses premiers numéros, l’univers est original et on sent dès les premiers instants que Kelly Thompson et Leonardo Romero veulent réinventer les Birds of Prey à leur manière. Le récit peine toutefois à tenir la distance, avec deux derniers numéros (sur six) où le comics flanche au moment de mettre en scène une grosse bagarre qui manque d’intensité. Mais il y a de quoi avoir de bons espoirs pour la suite.

  • Les comics de la collection DC Infinite sont disponibles en librairie aux éditions Urban Comics.

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