Tout le monde connaît le monument cinématographique qu’est la saga Star Wars. On connaît probablement aussi des anecdotes de tournage… mais en sait-on pour autant beaucoup sur la genèse du premier film ? La bande dessinée Les Guerres de Lucas, scénarisée par Laurent Hopman et dessinée par Renaud Roche, propose une approche documentaire et réaliste de la production de La Guerre des Étoiles, à travers les yeux de George Lucas. Une superbe BD biopic, qui permet de dévoiler les coulisses d’un travail de longue haleine pour arriver au film final – dans la lignée de l’excellente série The Offer, qui relatait la genèse du Parrain de Coppola.
Il était une fois George Lucas
Que sait-on du créateur de Star Wars ? Personnellement, bien que je sois fan de la saga, je ne savais pas forcément grand-chose sur l’homme derrière l’œuvre. Les Guerres de Lucas dessine alors le portrait d’un enfant réservé, rêveur, et en même temps rebelle. George Lucas est loin d’être un bon élève, il est têtu, borné, n’écoute pas grand-monde. Dans sa jeunesse, il échappe à un traumatique accident de voiture – dans une course de bolides urbains à laquelle il participait – qui lui refait considérer sa vie. Il décide alors de s’adonner à son rêve et de devenir cinéaste. Ses études le font créer des court-métrages très bien reçus, dont THX 138 qu’il transformera en long-métrage par la suite, avec l’aide de Francis Ford Coppola. Sorti des études, l’excellent film American Graffiti lui donne une petite renommée et le sauve surtout de la précarité où il vit avec sa femme, Marcia, monteuse cinéma talentueuse et au fort caractère.
C’est là qu’il en profite pour mettre sur pied un rêve de gamin : un film qui se déroulerait dans l’espace, avec des chevaliers. Ce n’est que l’esquisse de ce qui devient Star Wars ! Il veut quelque chose qui fasse rêver, qui emporte les pré-adolescents dans un univers passionnant, comme lui l’a été en regardant des films de pirates ou de western au même âge. George Lucas passe alors des mois et des mois à réécrire le scénario, peu doué pour les dialogues. Il est soutenu par Coppola, mais surtout sa femme, qui n’hésite pas à lui dire frontalement ce qui cloche ou ce qui doit être amélioré. Le parcours du combattant pour la Guerre des Étoiles commence.
Une genèse laborieuse
Outre l’intrigue qui est réécrite à plusieurs reprises, le projet Star Wars a bien du mal à trouver preneur. La bande dessinée relate très bien la période à laquelle se trouve George Lucas, entre deux périodes charnières, deux décennies où des films classiques et/ou ambitieux ont fait leur preuve (comme 2001, l’Odyssée de l’espace) et s’imposent comme des monuments du cinéma, alors que la Nouvelle vague arrive et donne naissance à des films plus audacieux, hors des canevas traditionnels, avec un style et des effets spéciaux différents. Cependant, les studios sont frileux et ne croient pas au projet de jeune cinéaste de 32 ans.
On entre alors au cœur des Guerres de Lucas. Durant ses deux cents pages, la BD raconte, de façon non exhaustive – au regret de ses auteurs, mais cela aurait fait alors mille pages – beaucoup de la production, tant côté technique que côté financier. Les déboires pour trouver les bons acteurs, certes, mais aussi pour créer les effets spéciaux en partant de zéro, aucun équivalent n’existant à l’époque pour fabriquer les plans de caméras et effets post-production, tels que George Lucas le voulait. Alan Ladd est le seul producteur au sein de la 20th Century Fox à croire au projet, se battant et utilisant coups de bluff pour faire perdurer le projet face aux autres producteurs. Le contrat de Star Wars met des années à être signé !
Ce sont aussi diverses personnalités du cinéma qui gravitent dans ce récit, autour de George Lucas. Alec Guinness qui demande un pourcentage pour son salaire, chose unique à l’époque ; Steven Spielberg et Francis Ford Coppola, amis de Lucas, ce dernier extraverti bien à l’opposé d’un Lucas réservé, introverti et peu à l’aise pour parler à son équipe. Laurent Hopman et Renaud Roche racontent les déboires techniques pour créer les C3-PO et R2-D2 (sans étouffer les acteurs à l’intérieur), à trouver des figurants ; les démêlés avec la police tunisienne lors du tournage ; l’incroyable création de la musique culte de John Williams ; un amour de tournage entre Harrison Ford et Carrie Fisher ; ou encore le nombre ridicules de salles de cinéma ayant accueilli le film à sa sortie, preuve du manque de foi de la 20th Century Fox dans le projet.
Autant d’anecdotes, aussi humaines que propres à un milieu de cinéma dans toute une production et ses différents aspects. Tout cela est vu à travers le regard de George Lucas, même si on suit aussi les avancées de certains acteurs ou producteurs. Un regard qui balance entre optimisme (faire avec ce qu’il a, dans les délais impartis, en y mettant de sa poche et avec un peu de bluff) et sentiment de désespoir face au studio peu enthousiaste, au retard pris, à la peur que le film ne ressemble en rien à son rêve. C’est un regard très humain, souligné par le dessin Renaud Roche, très proche de concepts de story-boards. Toutes les personnes du projet sont aisément reconnaissables dans son style, captant l’expressivité et les émotions de chacun.e, allant même jusqu’à faire percevoir leur caractère.
Une œuvre sur Star Wars, mais aussi sur le cinéma
Vous l’aurez compris, la bande dessinée rend hommage à la genèse du premier Star Wars, en passant par l’aventure humaine vécue par George Lucas, sur un projet qui le rendra célèbre, mais qui l’aura aussi tant fait rêver que souffrir, au point de lui occasionner des problèmes de santé. Extrêmement documentée, elle permet de (re)découvrir nombre d’anecdotes sur le tournage et la production, de connaître tous les déboires rencontrés par Lucas, et de remettre en avant Alan Ladd, le producteur croyant en lui, ainsi que Marcia Lucas, qui a beaucoup aidé son mari sur le projet, montant même le film. C’est le reflet d’une époque entre deux périodes de cinéma, avant que Star Wars ne devienne un immense blockbuster et change alors certaines règles du milieu, comme le fait de payer désormais un ticket par séance, et non à la journée dans les cinémas.
Le style très expressif attendrit, fait qu’on s’attache à toutes les personnes de cette histoire, et les deux cents pages défilent très vite. Et quel plaisir de voir toutes ces personnes de ce milieu, parfois au début de leur carrière ! Un jeune James Cameron qui décide de se lancer dans le cinéma après avoir vu Star Wars, un Harrison Ford vivotant de travaux de menuiserie sur les plateaux avant d’être choisi pour être Han Solo, les membres d’un public-test pour une première projection sans musique ni effets spéciaux de Star Wars… Il permet d’en découvrir aussi beaucoup sur l’homme derrière l’œuvre, sur une personnalité réservée et pas toujours à l’aise au milieu des autres artistes, un rêveur qui a eu la chance de voir son rêve sur grand écran réalisé. Les Guerres de Lucas passionne autant parce qu’il s’agit d’une très belle manière de redécouvrir la genèse d’un monument, mais aussi ce milieu du cinéma et de la production qui demeure encore très méconnu, hors tournage des acteurs. A découvrir absolument pour les fans de cinéma et de Star Wars !
- Les Guerres de Lucas est disponible depuis le 4 octobre 2023 aux éditions Deman et a reçu plusieurs prix. Un deuxième tome est prévu pour la rentrée 2025, concernant la production de l’Empire Contre-Attaque et Indiana Jones : Les aventuriers de l’arche perdue.