Cicatrices – Tome 1 | Deux âmes blessées se soignent

par F-de-Lo

Cicatrices est un seinen édité par Vega Dupuis, dont le premier tome est sorti le 19 janvier 2024. C’est un manga particulier dans la mesure où son auteur est de nationalité chilienne. Il s’agit d’Arias Brandon, un jeune homme né en 1997, qui a appris l’art décrire et de dessiner des mangas, de façon autodidacte. Il s’agit de sa première série professionnelle, et l’on peut dire sans trop s’avancer, qu’il débute fort, en abordant des sujets délicats.

Romance difficile entre collégiens

Première de couverture de Cicatrices © 2023, Vega Dupuis

L’édition proposée par Vega Dupuis est plutôt agréable, dotée d’une couverture souple et de premières pages en couleurs. Les illustrations d’Arias Brandon le sont tout autant, et changent de l’ordinaire. Certaines vignettes possèdent un style presque cartoonesque – ce qui n’est en aucun cas péjoratif – mais s’explique peut-être par le fait que ce manga ne soit pas japonais.

Quant à l’histoire, elle est généralement catégorisée dans le genre « romance », pourtant elle n’est pas dénuée de violence. En effet, les deux protagonistes sont en marge de la société conservatrice du Japon. Kyonosuke est un collégien dont le visage est barré par une cicatrice très visible. Ses parents n’ayant plus assez d’argent, il est contraint de renoncer à ses cours à domicile, afin d’intégrer l’école. Il croisera très vite la route de son harceleur : un garçon violent nommé Kenta. Mais une collégienne, du nom d’Akira, viendra prendre sa défense. Des sentiments naîtront très rapidement entre Kyonosuke et Akira. Cependant, celle-ci possède aussi un secret : il s’agit d’une jeune fille transgenre.

Quelques raccourcis malheureux

Comme je le disais plus tôt, il s’agit du premier tome d’un nouvel auteur, qui doit encore faire ses preuves. C’est peut-être pour cela que l’évolution de l’intrigue ou des relations entre les personnages avance très vite, au risque de sembler cousue de fil blanc. À titre d’exemple, dès son premier jour d’école, Kyonosuke se fait insulter, frapper et même racketter. Je déplore ce manque de subtilité qui rend le harcèlement un peu caricatural. On peut aussi mentionner des rencontres hasardeuses qui rendent un peu trop service à l’intrigue. Ne nous leurrons pas, le collège et le lycée ne sont pas un contexte facile pour des personnes comme Kyonosuke ou Akira, mais l’accumulation de clichés, qui ne leur laisse que peu d’instants de répit, dessert quelquefois le plaisir de la lecture.

Un premier tome empli de force

En dépit de ces légères erreurs de parcours, Cicatrices est un tome plaisant. Il porte d’ailleurs bien son nom, puisqu’il établit un parallèle entre les blessures visibles et invisibles. Les violences ne sont pas seulement physiques mais morales. Les cicatrices que l’on porte ne se voient pas toujours et, d’ailleurs, on les retrouve parfois chez celles et ceux où on les attendait le moins. Ce premier tome apprend à ne pas se fier aux apparences : j’ai moi-même été agréablement surprise par le développement de l’un des personnages secondaires. En dépit de quelques raccourcis et facilités scénaristiques, il dépeint aussi de manière crédible la mentalité conservatrice du Japon. Kyonosuke est sévèrement jugé à cause de son apparence physique ; quant à Akira, elle est considérée par certaines personnes, à commencer par son père, comme un garçon homosexuel. La différence entre le fait d’être gay ou transgenre n’est pas comprise par les autres, qui se montrent à la fois transphobes et homophobes. C’est une double peine pour Akira mais aussi pour Kyonosuke, dont l’amour s’annonce impossible. Ces deux personnages sont attachants et on désire en apprendre davantage sur eux. D’ailleurs, un flash-back assez mystérieux, à propos de Kyonosuke, attise le mystère. La fin, bien qu’elle soit rapidement amenée, annonce une suite prometteuse.

Conclusion

Cicatrices est le premier tome d’une série proposée par un auteur chilien. Il aborde des thèmes forts comme le harcèlement, la transphobie, mais aussi l’amour naissant, la tolérance et l’espoir. À plusieurs moments, les personnages montrent que de petites intentions peuvent faire la différence. Ce premier tome n’est pas dénué de défauts, comme une narration trop directe et expéditive, mais il possède aussi un certain charme et une représentation juste des minorités. J’ai envie d’encourager la première série professionnelle d’un auteur chilien qui semble y avoir mis tout son cœur. Je le souhaite d’autant plus que les protagonistes sont un garçon exclu à cause de sa cicatrice et une jeune fille transgenre, également mise en marge de la société japonaise. Son traitement n’est malheureusement pas très différent en France, quand on voit les messages de haine émis sur les réseaux sociaux, lors de la parution du manga, le 19 janvier dernier. Cela ne fait que prouver combien ces œuvres sont d’utilité publique et méritent de la force.

  • Le premier tome de Cicatrices, édité par Vega Dupuis, est sorti le 19 janvier 2024.

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