DC Infinite #22 | Retour aux sources

par Anthony F.

Le mois d’avril dans la collection DC Infinite chez Urban Comics nous promet d’emblée de très belles choses. Avec les suites des séries Dawn of Superman et Dawn of Titans qui ont connu des débuts plutôt convaincants, l’arrivée de Dawn of Green Lantern (un univers qu’on n’avait pas vu depuis trop longtemps) et le troisième tome de Poison Ivy Infinite qui pointe enfin le bout de son nez, il y en a pour tous les goûts. À voir maintenant si tout ça est à la hauteur des espoirs.

Cette chronique a été écrite suite à l’envoi d’exemplaires par l’éditeur.

Dawn of Superman – Tome 2, des fractures à soigner

© 2024 DC Comics / Urban Comics

Comme pour le précédent, le deuxième tome de Dawn of Superman s’ouvre sur la série principale Superman désormais écrite par Joshua Williamson avec les numéros six à dix. Motivé par une quête de rédemption de Lex Luthor, le récit raconte les suites de l’accord étonnant passé entre les ennemis de toujours, l’un étant convaincu qu’il peut trouver une certaine volonté de bien faire dans son ancien némésis, et l’autre mettant à disposition ses moyens colossaux au travers de son entreprise, LexCorp, devenue SuperCorp. Mais les choses tournent au vinaigre assez vite quand une menace depuis longtemps enfouie sous les terres de la prison de Stryker refait surface, une menace créée de toute pièce par le Lex Luthor d’autrefois, le rappelant à ses erreurs du passé. Évitant l’écueil de la rédemption qui tourne court, l’auteur en profite plutôt pour raconter le difficile chemin vers un monde meilleur, avec des erreurs qu’il sera difficile de combler, mais qui permettent aussi d’insister sur la détermination de Lex à devenir quelqu’un d’autre. Difficile de dire si Joshua Williamson continuera là-dessus pour les prochains numéros ou si Lex redeviendra l’éternel grand méchant, mais pour le moment l’ambigüité du personnage est savamment mise en scène. Aussi inquiétant que touchant, notamment quand le récit se met à raconter sa famille, celui qui devient une sorte d’antihéros instaure une nouvelle dynamique, de quoi faire grandir également Superman qui apprend à gérer les menaces autrement, avec l’appui technologique et financier qu’il n’a pas toujours eu. On reste toutefois sur un récit assez inconséquent, qui manque cruellement de grandes scènes et de moments vraiment marquants, mais on sent quand même que Williamson s’amuse bien dessus et s’offre même quelques pages en mode « western » qui font plutôt plaisir.

Pour terminer ce deuxième tome, on passe aux Action Comics de Phillip Kennedy Johnson qui s’ouvrent sur un numéro dessiné par Rafa Sandoval en offrant un aspect très rétro. Avec son style qui rappelle les années 1980-1990, un peu punk, c’est une petite pépite où l’on voit dans les premières pages Superman discuter avec un ouvrier en pleine construction d’un gratte ciel à Metropolis, prenant sa pause déjeuner à plusieurs centaines de mètres au-dessus du sol. Hommage visuel à la célèbre photo « Lunch atop a Skyscraper » qui date des années 30, ces quelques pages rappellent la simplicité du héros et sa proximité avec les habitants de sa ville. Et ce avant d’embrayer sur une histoire à la tonalité très actuelle, où un groupe terroriste d’extrême droite nommé Terre Bleue vise l’immigration d’extraterrestres, avec les mêmes arguments d’invasion et d’identité, comme les idiots qui peuplent nos contrées. Dessinés ensuite par Eddy Barrows, ces numéros offrent une ambiance plus crade, plus violente, avec une pointe de mystique, qui tranche radicalement avec la série Superman de Williamson mais qui permet aussi à Dawn of Superman de montrer tout ce que peut offrir l’homme d’acier, un héros que l’on accuse parfois à tort d’être un simple boy-scout. Enfin, ce tome contient également les Knight Terrors : Action Comics qui, à l’image de la plupart des récits autour de l’événement Knight Terrors, sont oubliés juste après la lecture.

Dawn of Titans – Tome 2, à l’épreuve des responsabilités

© 2024 DC Comics / Urban Comics

Maintenant que les Titans menés par Nightwing ont remplacé la Ligue de Justice de Batman, Wonder Woman et Superman en guise de gardien·ne·s de la Terre, il fallait bien qu’une terrible menace leur tombe sur un coin de la tête. Et quoi de mieux qu’un poulpe de la taille d’une planète qui est réveillé par une personne malintentionnée (tendance sectaire, qu’on a croisé dans le premier tome) pour mettre à l’épreuve la petite équipe dont les responsabilités ont récemment été décuplées. Et bien évidemment, ça tourne très mal, très vite. Aux origines du mal, un grand complot fomenté par Amanda Waller, la fameuse agente secrète américaine connue pour ses exploits à la tête de la Suicide Squad, mais qui profite là plutôt de son petit toutou, Peacemaker (dont les traits reprennent clairement ceux de John Cena, qui l’incarne au cinéma et à la télé), pour imaginer un moyen de faire tomber les Titans et, par extension, les super-héros et héroïnes qu’elle a en horreur. Et c’est comme ça qu’on se retrouve dans l’arc Beast World, une crise qui monopolise tous les collants de la Terre pour vaincre un espèce de conquérant stellaire, dont les parasites finissent par transformer les gens en bêtes féroces. Sortes d’animaux anthropomorphes, ces bêtes s’attaquent de manière indiscriminée à leurs proches et leurs voisins, et quelques super-héros et super-héroïnes font vite partie du lot, au moment où l’on s’aperçoit que les parasites cherchent toujours un hôte plus puissant.

Cette grande crise qui permet de jeter les Titans dans le bain, en leur confiant des responsabilités similaires à celles de la Ligue de Justice en son temps, est une jolie réussite. Tom Taylor est l’un des meilleurs scénaristes actuels du côté de DC, et il le prouve encore et encore. Amanda Waller est un personnage que l’on adore détester, Peacemaker offre toujours des apparitions sympathiques, mais surtout cela permet d’insister sur la dynamique et les choix assumés des Titans d’agir à leur manière, et pas nécessairement de la manière que souhaitent leurs prédécesseurs (ce qui offre une scène plutôt rigolote où Nightwing contredit Batman et ses potes). Au-delà de ça, c’est aussi un récit pas inintéressant avec quelques scènes plutôt malines, notamment celles qui évoquent la facilité avec laquelle le public déshumanise une population parce qu’elle est décrite comme barbare par ses dirigeants, justifiant à un moment donné une opération visant à éliminer les « bêtes » alors qu’il ne s’agit en réalité que d’humain·e·s victimes d’un parasite, qui pourraient être soigné·e·s. Bref, une bonne aventure, bien racontée du début à la fin, et qui s’offre même une jolie variété de planches avec un grand nombre d’excellent·e·s artistes qui se sont relayé·e· sur les nombreux numéros.

Dawn of Green Lantern – Tome 1, tombé en désuétude

© 2024 DC Comics / Urban Comics

Cela faisait un bon bout de temps qu’on n’avait pas vu une nouvelle série principale sur le Corps des Green Lanterns, les super flics du cosmos. Très à l’écart depuis le lancement de l’ère Infinite, ils reviennent sur le devant de la scène avec l’arrivée ce mois-ci de Dawn of Green Lantern, un premier tome qui fait la part belle à la nouvelle série lancée par Jeremy Adams, précédemment sur The Flash Infinite (Flash fait d’ailleurs une apparition), et Xermánico, le tandem ayant visiblement à cœur de raconter un Green Lantern sous un angle très terre à terre. Le premier numéro nous emmène en effet dans la vie de Hal Jordan, l’un des Lanterns les plus populaires, qui s’est retrouvé exclu du Corps et qui tente de vivre sa vie péniblement, sans le sou, dans un coin reculé des États-Unis. Hébergé dans un vieux mobil-home, l’ancien pilote de chasse part quémander un travail à Carol Ferris, à la tête d’une société d’aviation, qui se trouve également être son ex. Le récit prend immédiatement une tournure romantique, entre un Jordan qui tente de reconquérir sa bien aimée et elle qui ne croît plus à rien de ce qu’il dit, et ça donne un nouveau sens à cet univers. Parfois rébarbatif à cause de son orientation vers l’espace et le développement de concepts mystico-cosmiques pas toujours bien racontés, l’univers des Green Lanterns est loin d’être ma came. Mais la volonté d’ancrer le récit dans quelque chose de plus humain est une bonne idée, d’autant plus qu’en ayant perdu ses pouvoirs (qu’il retrouve très vite, mais sous une autre forme), Hal Jordan gagne de suite une vulnérabilité qui donne plus de relief au combat qui se prépare.

Car inévitablement, les choses s’enveniment et notre brave héros se trouve confronté à une menace bien connue, Sinestro. Bien menée, fortes d’une mise en scène solide, ces séquences ne manquent pas de panache et s’associent même très bien à deux numéros de Knight Terrors, l’évènement dont on ne semble jamais pouvoir se défaire, avec les deux tie-in consacrés aux cauchemars de Hal Jordan, qui s’intercalent au milieu du récit. Plus inspirés que ceux de Action Comics présents dans le deuxième tome de Dawn of Superman, ils bénéficient d’une dynamique un tantinet différente de celle qui a été régurgitée à l’infini pour chaque personnage ces derniers mois de publication chez DC. Ici, la menace d’Insomnia, le grand méchant qui manipule les cauchemars, est vite balayée par un Green Lantern qui comprend vite ce à quoi il fait face et qui y répond de la meilleure des manières. Pas indispensables, ces numéros s’insèrent toutefois très bien dans le récit principal en plus d’offrir un bon délire à la House of the Dead. En complément, il y a un numéro consacré aux cauchemars de Sinestro, et là, c’est bien moins palpitant. Enfin à la toute fin du tome la suite se prépare déjà, avec quelques numéros de Philipp Kennedy Johnson qui s’empare des Green Lanterns avec le début d’un récit centré sur John Stewart, venu épauler sa mère mourante, et qui s’interroge sur le sens de ce qu’il fait et ses difficultés à revenir sur Terre après une vie à patrouiller l’espace. C’est pas inintéressant, reste à voir où ça ira pour le tome 2.

Poison Ivy Infinite – Tome 3, l’impossible rédemption

© 2024 DC Comics / Urban Comics

La Poison Ivy de G. Willow Wilson avait marqué un grand coup dès le premier tome, en allant chercher un truc un peu mélancolique dans un personnage traumatisé par la violence d’une Gotham qui lui échappait et des évènements qui ont remis en cause sa personnalité. Déterminée à changer le monde, elle prenait la décision de déclencher une sorte d’épidémie qui allait permettre à la nature de reprendre ses droits. Mais cela s’est avéré être une erreur, et elle en paie les conséquences avec ce troisième tome. L’épidémie, qui évoque évidemment The Last of Us avec son champignon parasite qui prend possession des humain·e·s (et qui fait pousser ces mêmes champignons sur leurs corps), a transformé ses premières victimes en corps assoiffés de violence. Et ces personnes, elles sont en route pour Gotham. Alors on retrouve une Ivy contrainte de devoir retourner dans la ville qu’elle aurait aimé ne jamais revoir, en compagnie de Harley Quinn, l’amour de sa vie et Janet, l’employée des ressources humaines qu’elle a sauvée d’une corporation qu’elle avait attaquée dans le premier tome. Un trio qui tire le récit vers le haut tant l’autrice s’amuse à savourer la dynamique installée entre elles, dessinant les contours d’un triangle amoureux aussi drôle que touchant, grâce à une écriture subtile qui tire partie de ses personnages hauts en couleur. C’est aussi un moyen pour le comics d’opposer une certaine légèreté à un récit souvent plus lourd, avec des thématiques qui évoquent aussi bien un monde qui s’en fout du changement climatique que les traumas de sa vilaine aux tendances héroïques.

Une Ivy qui cherche à se repentir, à se racheter après avoir lancé l’épidémie, et qui concocte un antidote pour protéger la population. C’est ce qui compose l’essentiel des pages du comics, et qui emmène ses personnages dans les pas de quelques têtes connues, entre Batman, Killer Croc et Solomon Grundy, tandis que s’insèrent au milieu évidemment deux numéros des tie-in réservés à Poison Ivy autour de l’évènement Knight Terrors. Le cauchemar vécu par celle qui manipule les plantes et la nature est paradoxalement très artificiel : elle se trouve plongée dans un monde créé de toute pièce où le bonheur est maître mot, où tous ses voisins sourient sans arrêt, et où les couleurs pastels éclaboussent de bons sentiments. Plutôt rigolo, ce bout d’histoire a le mérite de nous proposer Batman en short qui prépare le barbecue pour ses voisins, autant dire quelque chose de pas très sérieux, mais qui a le mérite de trancher avec ce que vivent habituellement tous ces personnages. Dans l’ensemble ce troisième tome est plutôt bien équilibré, dans l’esprit de ses prédécesseurs, donnant même très envie de découvrir la suite grâce à un cliffhanger plutôt surprenant.

  • Les comics de la collection DC Infinite sont disponibles en librairie aux éditions Urban Comics.

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