« In a Heartbeat » et « Out » | Quand un garçon en aime un autre

par F-de-Lo

© 2017, « In a Heartbeat », Beth David et Esteban Bravo

L’homosexualité est rarement évoquée, surtout de manière directe, dans les films d’animation. Sortis respectivement en juillet 2017 et en mai 2020, In a Heartbeat et Out dérogent à la règle. Si le premier court-métrage est une réalisation indépendante imaginée par Beth David et Esteban Bravo, le deuxième est une création du mastodonte Pixar. Out appartient au programme SparkShorts, destiné à mettre en avant les projets expérimentaux des artistes du studio. C’est Steven Hunter qui en assure l’écriture et la réalisation.

In a Heartbeat est un film d’animation qui, pendant 4 minutes, suit les mésaventures d’un jeune garçon terrorisé à l’idée de révéler ses sentiments à son camarade de classe. Out dure, quant à lui, 9 minutes. Ce court-métrage conciliant la motion capture à des dessins en aquarelle introduit le personnage de Greg. Le jeune homme n’a pas informé sa famille qu’il déménageait, car ils ignorent tout de sa relation avec Manuel. Mais voilà que ses parents lui font une visite surprise.

Ces résumés laissent imaginer l’effroi dans lequel vont se retrouver les deux protagonistes. Quand on parle de coming out, il paraît naturel d’évoquer la peur du regard des autres et celle d’être rejetés par ceux qu’on aime. Par dessus-tout, les deux films dénoncent l’absence de communication, cause de bien des misères. Ils le font malgré tout avec fantaisie, excentricité et surtout avec humour. Les destins des deux personnages sont placés entre les mains d’un cœur volant et d’un chien appelé Jim. (Dans les deux cas, ils n’ont pas de mains, et alors ?) Cette apparente légèreté met du baume au cœur et fait du bien à l’âme, tout en renforçant les moments émouvants. Et tout ceci, en quelques minutes à peine ! Si ce n’est déjà fait, regardez In a Heartbeat et Out. Vraiment.

L’analyse qui suit a pour vocation d’être accessible à tous. Si vous souhaitez éviter tout spoiler, je vous invite à découvrir les courts-métrages en amont.

In a Heartbeat est disponible sur Youtube. Out est consultable sur la plateforme Disney +.

La peur du rejet

© 2020, « Out », Pixar

L’histoire de In a Heartbeat débute en face d’une école. Le jeune protagoniste n’a d’yeux que pour l’un de ses camarades de classe, dont il est secrètement épris. Dans ce court-métrage non verbal, les enjeux et émotions passent exclusivement par la musique ou la gestuelle des personnages. De nature inquiète, l’adolescent est pris de panique lorsque son cœur s’envole et part retrouver l’être aimé, au risque de trahir ses sentiments. Il va littéralement faire des pieds et des mains pour tenter de récupérer son cœur, avant que la vérité n’éclate. La solitude est traduite par l’interruption de la musique à un moment clé de l’histoire, mais aussi par le regard suspicieux des autres élèves ou encore la ternissure des couleurs, lorsque le héros se retrouve isolé.

Dans Out, Greg n’est pas seul. Ou du moins, il connaît une autre forme d’exclusion. Il envisage sereinement l’avenir avec son petit-ami, Manuel, lorsque ses parents arrivent de manière impromptue. Sa mère, aussi bienveillante soit-elle, est perçue comme envahissante. Son père est un homme robuste et peu engageant qui, au contraire des autres personnages, ne prononce pas un mot du court-métrage. En dépit de leurs bonnes intentions, les parents de Greg incarnent une menace. La situation devient hors de contrôle lorsque, par un étrange procédé, les esprits de Greg et de Jim, son chien, sont échangés. Ce phénomène, comique aux yeux du spectateur, est une source de panique pour Greg. Alors que le héros de In a Heartbeat courait après son propre cœur, Greg égare son corps. Réduit à une apparence canine, il constate, non sans effroi, que sa mère est susceptible de découvrir une photo de son couple. Les deux courts-métrages deviennent des courses-poursuites effrénées afin de récupérer d’une part, un cœur, et de l’autre, un cadre photo. Un sentiment et un souvenir heureux deviennent subitement une source d’angoisse et de honte, à cause du fameux « qu’en dira-t-on ? ».

Le comique de geste et les métaphores

Je parle de courses-poursuites car le jeune garçon et Greg subissent une véritable pression. Ils sont terrorisés à l’idée que la vérité éclate. C’est grâce à l’humour des situations que la perception du spectateur est différente. C’est une manière comme une autre de dévoiler que, parfois, une peur n’a pas vraiment lieu d’être.

La course-poursuite de In a Heartbeat est tantôt drôle, tantôt romantique. Pour cause, le cœur personnifié est on ne peut plus attendrissant. Il va tout faire pour réunir les deux âmes sœurs qui s’ignorent, au point d’entraîner un véritable comique de geste. Cet étrange ballet entraîne les garçons dans des postures qui n’ont rien à envier à un couple. Cette danse et le cœur volant sont de vraies métaphores. Après tout, ledit cœur atterrit d’abord dans la main du garçon aimé, qui joue avec, avant de le briser par mégarde. Mais il sera aussi le seul à même de le réparer.

© 2017, « In a Heartbeat », Beth David et Esteban Bravo

Out a une dimension plus fantastique dans la mesure où, dès l’introduction, un chien rose et un chat mauve descendent d’un arc-en-ciel afin de lancer un sort bienfaisant à Greg. Lorsqu’il se transforme, le jeune homme traverse un univers mystique rythmé par les pulsations de la musique d’une boîte de nuit. Cette taquinerie à l’égard du monde gay fonctionne à merveille. Le court-métrage est très drôle car le comique de geste est assuré autant par le corps de Greg, qui se conduit comme un animal, que par la course-poursuite elle-même. En prime, le jouet de Jim, le chien, est à l’effigie du pingouin Siffli (Toy Story). Les métaphores sont tout aussi présentes : Greg espère désespérément que la photo reste dissimulée dans le tiroir. La raison en est simple : il refuse lui-même de sortir du placard.

L’ode à la communication

© 2020, « Out », Pixar

In a Heartbeat et Out sortent du lot car ils ne considèrent pas l’intolérance comme une fatalité. Sans pour autant rendre les craintes des héros moins légitimes, les deux courts-métrages tentent de montrer que le silence cause parfois plus de mal que de bien. C’est une véritable prouesse de la part de In a Heartbeat, dans la mesure où il s’agit d’un court-métrage non verbal. C’est d’ailleurs cela qui le rend si universel.

Out, inspiré d’une histoire vraie, touche un large public car il parle avant tout de famille. Le papa de Greg est silencieux. Le héros lui-même, transformé en chien, ne peut plus dire un mot. Sa mère se retrouve seule avec sa tristesse. Greg a préféré lui mordre le bras plutôt que de la laisser trouver la photo. Celle-ci est tombée sur le sol et le cadre s’est brisé. Non seulement le silence enferme Greg dans la solitude et l’angoisse, mais il cause aussi beaucoup de mal à ses proches. Sa maman en vient à se demander si elle est une mauvaise mère. Pourtant, elle sait que son fils est gay. Lorsqu’elle se croit seule avec le chien, elle l’admet à demi-mot. Greg réalise qu’il n’avait aucune raison d’avoir peur et il finit par faire son coming out. Son père demeure silencieux, cependant qu’il esquisse le geste le plus essentiel du court-métrage. Il enlace Manuel, le petit-ami de son fils, lorsqu’ils sont enfin réunis.

Entendons-nous bien. Ni les courts-métrages, ni cet article n’ont pour vocation de faire culpabiliser les personnes LGBT+ n’ayant pas encore fait leur coming out. Cette une décision qui n’appartient qu’à soi-même, lorsque l’on se sent prêts. Nous sommes en 2020, mais personne n’est à l’abri de l’ignorance et de l’intolérance. In a Hearbeat et Out rappellent toutefois que l’on peut être agréablement surpris par son entourage. Ils sont une véritable invitation à nous montrer optimistes et cela met sincèrement du baume au cœur.

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