Persona 5 Strikers est un JRPG développé par Omega Force et P-Studio. Édité par Atlus et Koei Tecmo, le jeu est disponible sur PC, Nintendo Switch et PlayStation 4, à partir du 23 février 2021.

Cette suite de Persona 5 (et non de Persona 5 Royal) nous a gracieusement été envoyée par Koch Media.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, je n’avais jamais approché la licence Persona, avant de m’engager dans la nouvelle aventure de Joker. Le premier opus Revelations : Persona parut sur PlayStation en 1996. Il s’agissait ni plus ni moins du spin-off du jeu Megami Tensei. Aujourd’hui, Persona est composé d’une dizaine de titres principaux ou secondaires, dont Persona 5, arrivé en avril 2017, en Europe. Il permet de suivre les aventures d’un lycéen qui endosse le masque de Joker, dans le Métavers (un monde parallèle). Les événements narrés dans Persona 5 Strikers se situent six mois après l’histoire du premier jeu. Ce nouveau road-trip est tout à fait à la portée des joueurs n’ayant pas fait Persona 5.

Partons en voyage scolaire

© 2020, Atlus et Koei Tecmo

Persona 5 Strikers débute pendant les vacances d’été, certes, mais le road-trip est ponctué par un calendrier et des étapes de voyage très formatrices et dépaysantes. S’il fut plaisant de découvrir l’architecture d’Osaka ou de Kyoto, le voyage fit la part belle à l’initiation gastronomique. Persona 5 Strikers donne faim ! Et c’est heureux, car le groupe d’anciens lycéens aura fort besoin d’énergie. Entre deux visites culturelles, ou devrais-je dire culinaires, Joker et ses amis sont amenés à arpenter le Métavers, peuplé de Prisons menaçantes. Leur but ? Venir à bout des ombres, afin de récupérer les Désirs qu’elles ont dérobés aux cœurs meurtris.

Si le jeu est dépaysant, c’est moins grâce à des graphismes plutôt datés qu’à une direction artistique très agréable. L’ergonomie des écrans et menus donne la sensation de tourner les pages de quelque manga, lorsque les cinématiques n’épousent pas le format d’un animé. La bande originale, tantôt pop, tantôt lyrique, donne les pulsations à une mise en scène dynamique, du moins pendant les phases de combat.

En débutant l’aventure, vous vous sentirez pareil à un nouvel étudiant qui découvre une université définitivement trop grande. Si le jeu est dans l’ensemble linéaire, la première partie de Persona 5 Strikers est assez dirigiste, apostrophant régulièrement le joueur avec des didacticiels ou des fenêtres de dialogue intempestives, et ce même lorsqu’on est en train de combattre. De manière générale, il faut s’attendre à un titre très verbeux, dans lequel les choix de dialogue sont plus présents pour maintenir l’attention éveillée que pour proposer la moindre conséquence. Fort heureusement, les nombreuses conversations permettent d’étoffer à la fois l’univers et les personnages, avec une richesse ponctuée de naïveté parfois touchante. Les protagonistes ont beau être des Voleurs Fantômes, ils n’en restent pas moins des jeunes adultes, ayant encore tout à découvrir du monde ou même du genre opposé.

Mais retirons notre casquette d’étudiant, pour endosser le masque de Voleur Fantôme. Joker et ses amis demeurent dans le monde réel afin de cuisiner quelques ramens, quand ils n’enquêtent pas sur les personnes susceptibles de diriger des Prisons, dans le Métavers. La réalité offre la possibilité d’acheter de nouveaux objets et accessoires, mais aussi et surtout de renforcer les liens. Il est essentiel – que dis-je ? crucial – pour les Voleurs Fantômes de consolider leur amitié, avant de partir affronter l’adversité. Des liens relationnels plus étroits permettent de débloquer des points et de nouvelles compétences. Et c’est tout naturel, venant d’un jeu explorant les aléas du cœur humain. Une fois qu’ils sont prêts, Joker et son équipe plongent dans le Métavers, où le gameplay est tout aussi différent que les costumes qu’ils portent.

 

Le nouveau combat des Voleurs Fantômes

© 2020, Atlus et Koei Tecmo

En tant que Voleur Fantôme, vous aurez la possibilité d’arpenter plusieurs Prisons : les différents donjons du jeu. Ces cages spirituelles sont de vrais dédales peuplés d’ombres, où il vous faudra enchaîner les allers et retours, afin de trouver une issue. Si l’exploration alterne entre des phases d’infiltration (et d’embuscades), de plates-formes et de combats, force est de constater que la structure des donjons est répétitive. Rarement un voleur aura été aussi bien guidé. Il s’agira d’aller d’un point A à un point B, pour récolter des objets ou pirater un ordinateur, avant de franchir les portails fraîchement ouverts. Malheureusement, le rare contenu annexe ne rend pas les Prisons plus attrayantes, dans la mesure où il s’agit de Requêtes très dispensables voire rébarbatives, comme livrer tel objet ou affronter un boss déjà vaincu.

Nonobstant, les Prisons se distinguent les unes des autres grâce à leur environnement. Elles possèdent toutes une identité visuelle propre, grâce à la ville dont elles s’inspirent, et surtout la personnalité du Monarque dont elles sont le reflet. Par exemple, la première prison du jeu rend hommage au conte Alice au Pays des Merveilles.

Mais la force de Persona 5 Strikers réside dans la nouveauté de son système de combat. Les Voleurs Fantômes n’attendent plus sagement leur tour pour combattre leurs ennemis. Les confrontations sont en temps réel et, il faut le dire, très dynamiques. Vous aurez la possibilité d’incarner n’importe quel membre de l’équipe afin de donner l’assaut, au sein de combats virevoltants et épiques, compte tenu du nombre très impressionnant d’ennemis. Alternant entre les attaques à distance et le combat rapproché, les Voleurs Fantômes ont la possibilité d’interagir avec l’environnement, ou entre eux, afin de mener des attaques spéciales contre leurs assaillants. Vous pourrez par ailleurs invoquer des Personae, lesquelles disposent de compétences offensives ou défensives. Vous aurez tout le loisir d’améliorer voire de fusionner vos Personae, afin de pimenter les stratégies.

D’aucuns trouveront les combats parfois confus, voire exigeants, mais Persona 5 Strikers dispose de plusieurs modes de difficulté qui devraient contenter les joueurs chevronnés, comme les non-initiés. Dans tous les cas, les combats restent en mémoire grâce à leur dimension psychologique. Les Voleurs Fantômes ne peuvent pas affronter un boss avant d’avoir découvert le traumatisme qui l’a perverti. De simples étudiants, à Voleurs Fantômes, nos héros deviennent aussi de fins psychologues et humanistes.

L’intrigue de Persona 5 Strikers met du temps à décoller et les donjons ne sont pas toujours passionnants. Cela n’empêche pas le scénario et les Prisons de se complexifier, au point d’avoir un véritable intérêt narratif. Oui, l’histoire a du suspense et peut se montrer riche en rebondissements. Mais au-delà de l’amitié attachante entre les jeunes adultes et du périple costaud des Voleurs Fantômes, le jeu charme par la force des thématiques abordées.

 

L’humaniste en chacun de nous

© 2020, Atlus et Koei Tecmo

Persona 5 Strikers possède un univers très riche grâce à la multiplicité de ses genres. L’intrigue oscille entre le road-trip initiatique, l’enquête policière, les combats acharnés et la dimension psychique, avec une fluidité déconcertante. Le Métavers est un monde parallèle qui reflète, de manière métaphorique, de sinistres réalités. Ainsi, les ombres menaçant nos héros ne représentent que la partie confinée du subconscient. La Prison de chaque Monarque est l’incarnation d’esprits tortionnaires, mais aussi torturés. Corrompus par les sept péchés capitaux, les différents boss du jeu échappent cependant à toute forme de manichéisme. Comme mentionné plus haut, les Voleurs Fantômes cherchent à découvrir le traumatisme de chaque cœur meurtri, avant de l’affronter. Ni juges, ni bourreaux, ces braqueurs de cœurs s’avèrent indulgents et clament une véritable ode à la rédemption. Des malfaiteurs bienfaisants. Ce n’est pas un hasard si l’une des Personae du jeu est nommée Valjean. Plus que des voleurs, Joker et ses amis sont des reconstructeurs de cœurs. Cela passe par l’opportunité d’une seconde chance, ou l’apprentissage de l’humanité (auprès d’un personnage inédit et très important, dans cet opus).

Le développement des personnages est particulièrement soigné dans ce road-trip virevoltant entre les liens amicaux, familiaux et rivaux. La déchéance d’un boss s’accompagne généralement du développement parallèle d’un des membres de l’équipe. Bien souvent, les Voleurs Fantômes réalisent qu’ils ne sont pas si différents de leurs adversaires, et qu’il ne tient qu’à eux de ne pas basculer. A cela s’ajoutent des sujets de société et des thématiques assez matures, lesquels trouvent leur apogée dans une véritable critique de l’addiction technologique qui, loin de resserrer les liens sociaux, clive les gens. Mais il est difficile d’en dire davantage sans spoiler des éléments cruciaux de l’intrigue.

Une chose est certaine, en dépit de son caractère répétitif, Persona 5 Strikers maintient l’attention en jalonnant son intrigue de surprises, jusqu’à un dénouement significatif, et en faisant appel à l’humaniste qui réside en chacun de nous.

© 2020, Atlus et Koei Tecmo

Épilogue

Si vous vous sentez l’âme d’un lycéen, sans pour autant avoir envie de reprendre les cours, lancez-vous dans le road-trip proposé par Persona 5 Strikers. Au cours de votre exploration des différentes villes du Japon, vous serez amenés à déguster une multitude de saveurs culinaires, pour mieux renforcer vos liens et vous armer contre le Métavers. Il ne vous restera plus qu’à endosser votre masque de Voleur Fantôme afin d’affronter une quantité gargantuesque d’ennemis dans des combats en temps réel ultra dynamiques. Une ombre subsiste au tableau, et pas des moindres : plusieurs donjons du jeu s’avèrent répétitifs, sans parler de quêtes annexes anecdotiques et franchement dispensables. Tantôt très verbeux, tantôt très nerveux, Persona 5 Strikers mettra tout le monde d’accord grâce à la richesse de son écriture et des thématiques abordées. Les différentes palettes du cœur ont rarement été aussi bien explorées.

 

  • Persona 5 Strikers sort le 23 février 2021, sur PC, Nintendo Switch et PlayStation 4.
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Chill Chat, c’est l’émission de Pod’ Culture où l’on se pose et on cause avec une personne qui navigue dans les eaux de la Pop Culture ; que cette personne soit un créateur ou une créatrice, artiste, ou encore prescripteur ou prescriptrice.

Pour ce premier épisode, nous partons à la rencontre de Cissy Jones, actrice américaine de doublage voix qui officie principalement dans le jeu vidéo (Firewatch, Life is Strange, Darksiders III, The Walking Dead ou encore Call of the Sea, dont vous pouvez trouver la critique sur le site) mais aussi dans l’animation (notamment Luz à Osville).

Avec elle, nous avons longuement parlé de Firewatch, chef d’œuvre indé signé Campo Santo qui fête ce mois-ci ses cinq ans. Que ce soit de la façon dont elle a été engagée sur le jeu, son alchimie avec Rich Sommer (acteur vu dans Mad Men ou encore Glow) qui jouait le rôle de Henry, sa perception de l’histoire et des thématiques du titre et, bien sûr, de Delilah.

Un rôle inoubliable qui lui a valu le BAFTA de la meilleure performance dans un jeu vidéo en 2016 et qui, de son propre aveu, a changé sa vie.

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Qu’il est compliqué cet univers Marvel. Il est parfois décrié pour ses multiples reboots qui permettent de réimaginer les origines de personnages qu’on a fait tuer dans une histoire précédente. Il est d’autres fois jugé comme difficilement accessible à des personnes qui souhaitent découvrir les comics et se retrouvent submergées par une histoire sans fin. Mais comment pourrait-il en être autrement, lui qui existe depuis plus de quatre-vingt ans, qui a vu naître des centaines de “héros” et autant de “vilains”, avec leurs histoires si particulières. Certaines ont bouleversé l’univers Marvel dans son entièreté, d’autres n’ont laissé que des traces anecdotiques, mais toutes ont cherché à réécrire le destin de ses personnages. Mais que se serait-il passé si Marvel avait conservé une certaine continuité, faisant vieillir ses personnages avec leur époque, jusqu’à leurs vieux jours ? C’est une question qui semble intriguer Chip Zdarsky, puisqu’il l’a abordée à sa manière en imaginant le destin de l’un des héros les plus populaires, comme s’il avait traversé les époques et vieilli comme tout le monde. C’est ainsi qu’est né Spider-man : L’histoire d’une vie, paru en 2019 et sorti en France aux éditions Panini Comics en février 2020.

Héros à travers les âges

© Panini Comics 2020

Multi-récompensé aux Eisner, Chip Zdarsky est un auteur à succès dont le travail manie l’ironie avec talent. Quand il bosse pour Marvel, on pense immédiatement à son excellent Howard le Canard qui aborde l’univers des super-héros avec un sarcasme à toute épreuve. Alors difficile d’être surpris en se retrouvant face à cette nouvelle lubie de l’auteur, cette envie de réimaginer Marvel comme si le temps avait un impact sur ses héros. Et le choix de Spider-Man comme objet de son expérience n’est pas plus étonnant, puisque Zdarsky a déjà écrit sur le héros (dans les comics Peter Parker: The Spectacular Spider-Man autour de 2017), mais aussi parce que c’est un personnage dont l’histoire est extrêmement populaire. Inutile d’être un·e grand·e amateur·ice de comics pour connaître quelques éléments de son univers. Le cinéma a joué un grand rôle dans son exposition à un public plus large avec trois séries de films, mais il y aussi la série animée des années 1990 qui a connu un beau succès. À tel point que la popularité du personnage dépasse aujourd’hui allègrement le papier, la bande-dessinée, devenant un porte-étendard de l’univers Marvel

Alors l’auteur canadien retrace, avec son piquant et sa vision, les moments clés et les grands combats de Spider-Man. Il y a eu la mort tragique de Gwen Stacy, événement fondateur du héros, il y a son amour compliqué avec Mary Jane Watson, sa relation conflictuelle avec Harry et Norman Osborn (le Bouffon Vert), sa rivalité de toujours avec Docteur Octopus, tantôt mentor, tantôt super-vilain. Mais aussi les guerres secrètes, Civil War, autant d’événements des comics Marvel qui ont bouleversé à leur manière l’histoire du personnage. Plutôt que d’énumérer tous ces événements et de les raconter à sa manière, Zdarsky les utilise pour montrer le réel impact que pourraient avoir de telles choses sur un personnage plus proche des lecteur·ices, qui leur ressemble un peu plus. Car son Peter Parker/Spider-Man, ce n’est pas cet héros invincible et hors du temps auquel on est habitués, c’est un homme parmi d’autres qui vieillit, qui est touché par ce qui se passe autour de lui, et qui réagit face au monde qui l’entoure. Un monde très identifiable, avec des marqueurs communs sur lesquels je reviendrai un peu plus bas dans cet article.

Alors tout cela ressemble vite à une déclaration d’amour au personnage et à ses fans. En rendant Peter Parker plus faible, plus faillible, il le rend plus humain. C’est un super-héros, avec ses super-pouvoirs, mais le temps défile, les rides apparaissent et la force physique commencera un jour à diminuer. Cette version plus humaine du personnage rend le récit encore plus touchant. Très dense, l’histoire imaginée par Zdarsky, qui parvient à raconter en un tome unique quelques uns des événements les plus marquants du personnage, est en effet bourrée d’émotion. Pas seulement pour les quelques scènes tragiques qu’il raconte, mais parce que l’on voit vite à quel point ce temps qui passe peut avoir un impact sur un personnage qui espérait ne jamais vieillir. Et c’est d’autant plus touchant et plein d’amour pour les fans de Spider-Man que l’auteur distille quelques références, quelques événements qu’il suggère au détour d’une phrase, comme si l’on écoutait un ami et qu’on savait immédiatement, en un regard, ce qu’il veut nous dire. Tant de choses sublimées par Mark Bagley, le dessinateur avec lequel Zdarsky a collaboré, qui s’amuse à vieillir les traits des personnages à chaque nouveau chapitre, symbolisant à chaque fois le passage à une nouvelle décennie d’histoires, d’émotions et parfois d’erreurs avec lesquelles le personnage devra apprendre à vivre. Il est dommage toutefois que Mark Bagley ne prenne jamais trop de risque, avec un style visuel qui n’évolue jamais au fil des chapitres. Il aurait été intéressant en effet d’essayer de s’inspirer du style de dessin des comics de chaque époque qu’il traverse, d’autant plus que chaque décennie est très facilement identifiable dans l’histoire des comics Marvel.

La question des responsabilités

© Panini Comics 2020

Car les erreurs sont nombreuses. On sait que le personnage de Peter Parker/Spider-Man s’est longtemps considéré comme responsable des morts de son oncle et de Gwen Stacy, et que cela a pleinement nourri la psychologie d’un personnage qui a toujours oscillé entre les remords et une certaine naïveté. Les remords d’erreurs passées, et la naïveté d’une croyance selon laquelle il pourrait à lui seul faire la différence dans la vie de sa ville. On peut regretter toutefois que Zdarsky ne s’interroge pas plus sur la mort de Gwen Stacy,  événement emblématique de la continuité Spider-Man mais symbole aussi d’un trope usé jusqu’à la corde, comme l’expliquait très bien Gail Simone.

Heureusement, l’auteur pose d’autres questions qui ne sont pas moins intéressantes, et cela concerne la figure héroïque. Inévitablement, en couvrant toutes les décennies depuis les années 1960, le comics en arrive à la guerre du Vietnam. Période traumatisante de l’histoire, elle a donné lieu à l’époque à de nombreux questionnements philosophiques et artistiques (pour ceux qui ont eu tout le loisir de se questionner : les combats et les morts étaient loin de l’Amérique), que l’on retrouve ici. Il y a les mouvements pacifistes menés par des étudiant·es, le patriotisme exacerbé par d’autres, et au milieu de tout cela l’opportunité d’un positionnement moral pour Spider-Man. Car c’est un conflit sur lequel il faut avoir un avis, encore plus pour un héros qui se veut si proche du peuple et qui n’a pas le privilège d’être neutre. C’est alors que Chip Zdarsky met un coup qui mêle sarcasme et dénonciation, remettant en cause les figures de héros avec Iron Man et Captain America qui s’opposent sur le sujet.  Le premier, Tony Stark, vend ses armes et ses bombes, tandis que l’autre tente de se faire passer pour un sauveur en courant à gauche et à droite sur le champ de bataille pour aider les deux camps. Spider-Man en est spectateur, il se demande s’il doit y aller et participer à cette guerre, une guerre où le nombre de victimes innocentes fait froid dans le dos.

C’est un véritable questionnement sur le rôle du super-héros à l’américaine, figure impérialiste et incarnation du “bien” au mépris des autres. Sont-ils vraiment des héros, ou ne sont-ils que des armes pour l’Amérique ? Que Iron Man/Tony Stark y envoie ses armes et que Captain America tente d’y apparaître en sauveur est très évocateur. Non seulement parce que les deux se sont opposés dans Civil War, mais aussi parce qu’ils incarnent les deux critiques régulières faites à l’Amérique : celle qui bombarde, qui est responsable de crimes de guerre, mais qui endosse le plus souvent le rôle de protecteur et sauveur du monde. Ce n’est pas une critique gratuite que fait Chip Zdarsky, car tout cela a un but : raconter la responsabilité envers les générations futures, puisque quand il vieillit, Spider-Man réalise peu à peu que son unique rôle dans sa vie était de laisser un monde meilleur aux plus jeunes.

Un exercice de style fascinant

© Panini Comics 2020

Marvel est souvent accusé de trop souvent “rebooter” ses personnages, leur recréer des origines, relancer ses séries pour capter un lectorat plus jeune sans le perdre dans une infinité de chapitres. Une manière de faire qui se justifie à bien des égards, mais qui peine parfois à convaincre les fans invétérés. Mais quand on voit l’état des ventes de comics Marvel à la fin des années 90, au moment où la firme se sauvait en revendant ses licences à gauche et à droite pour le cinéma (donnant lieu à d’innombrables mauvais films) ou des produits dérivés, on peut comprendre cette volonté de toujours étendre son lectorat. Et cette manière qu’a Zdarsky de casser les codes s’y intègre parfaitement : son histoire ne s’insère dans aucune continuité et n’aura certainement jamais de suite, néanmoins elle apporte une pierre importante à un édifice devenu monumental.

Car c’est tout un pan de l’imaginaire des comics qui est remis en cause. Les héros ne vieillissent pas, ou peu. Depuis 1962 où il était adolescent, Peter Parker n’a fait qu’atteindre ces dernières années le milieu de la vingtaine, devenu un scientifique et chef d’entreprise de renom. Cela permet aux auteurs de réinventer sans cesse des histoires, sans tenir compte du temps qui passe. Et cela a bien profité à certains, Dan Slott par exemple a connu un joli succès avec son run sur Spider-Man il y a quelques années, même s’il a subi beaucoup de critiques. Et de manière générale, cela permet de faire renaître, de réactualiser des personnages que l’on pensait hors du temps. À l’image des Gardiens de la Galaxie, qui n’intéressaient plus beaucoup de monde avant que les films Marvel et les comics viennent réinventer ses personnages. Mais remettre en cause cet état de fait, celui de la jeunesse éternelle des super-héros, revient à renier le côté intemporel de ces héros. Cela change complètement la dynamique de leurs histoires et c’est bien ce qui fascine dans le travail de Zdarsky.

Pour autant, sa manière de montrer que Peter Parker, en tant que Spider-Man, ne cesse jamais de porter les valeurs qui fondent son identité, est incroyablement touchante. “Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités” comme dirait l’oncle de Peter, une sorte de mantra qui ne change jamais. Si ce Peter Parker vieillit comme tout le monde, il incarne jusqu’au bout ces responsabilités envers ses proches, la ville et le monde qu’il aime. Tant de choses que ce comics célèbre, où l’ironie des situations ne sert qu’à raconter le formidable amour que porte son auteur au personnage.

  • Spider-Man : L’histoire d’une vie est un comics en un seul tome disponible en librairie.
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Que l’on soit un éternel romantique ou non, une chose est sûre, l’amour, avec un grand A nous touche tous de bien des manières. Tout le monde est amené, à un moment de sa vie, à extérioriser ses sentiments, que ce soit autour d’un café avec des amis, en pleurant en écoutant une chanson, ou en créant des œuvres.

C’est pour cette raison, et pour fêter la Saint Valentin comme il se doit, que toute l’équipe de Pod’Culture a décidé de vous présenter des œuvres dont le thème principal est l’amour.


© Amazon Prime Video

Modern Love | Une série anthologique qui a du corps… et du cœur !

Recommandé par Aymeric Aulen

Disponible sur Amazon Prime Video, Modern Love n’a guère fait grand bruit dans nos contrées lors de sa mise en ligne survenue au beau milieu du mois d’octobre de 2019. Une distribution étincelante, pouvant notamment compter sur la présence d’Anne Hathaway, Dev Patel, Andrew Scott, Olivia Cooke et Sofia Boutella, se charge pourtant de peupler cette anthologie romantique adaptée d’une chronique éponyme publiée dans le New York Times depuis plus de 15 ans.

Basée sur de véritables témoignages recueillis par le célèbre journal américain, chaque épisode, d’apparence indépendant des uns des autres, s’intéresse à une histoire amoureuse singulière avec tendresse et malice.
Du souhait d’adoption d’un couple gay, au fait d’apprendre à aimer à nouveau après un deuil ou de construire une vie de couple quand on est atteint d’un handicap, les sujets de société majeurs abordés à chaque chapitre sont nombreux et se voient traités avec pudeur et bienveillance par cette véritable série doudou qui fait toujours de son mieux pour ne jamais plonger dans les clichés sirupeux.

Une exploration de l’amour sous ses formes les plus multiples et universelles qui réussit le pari de maintenir une certaine régularité qualitative pour la mise en scène de chacune des tranches de vie partagée tout en prenant également soin de nous rappeler, par bien des aspects, quelques-uns des plus grands classiques du genre, Love Actually en tête.
Si elle ne parvient pas toujours à franchir le cap de sa tonalité un brin conventionnelle, Modern Love n’en reste pas moins l’une de ses productions qui fait du bien, souvent drôle, parfois touchante, voire déchirante, mais toujours profondément sincère tout au long des huit récits, d’une trentaine de minutes chacun, qui la composent.
Un menu copieux et savoureux, qui disposera très prochainement d’une saison 2, idéal à déguster, seul(e) ou accompagné(e), en cette période de Saint-Valentin.

  • Modern Love est disponible sur Amazon Prime Video.

Rédigé par Aymeric Aulen


© Couverture d’Elsa Charretier et Jordie Bellaire, Bliss Comics, 2017

Love is Love | Danser, espérer, aimer et vivre

Recommandé par Hauntya

Parfois, un événement noir et terrible peut faire naître quelque chose de beau et empli d’espoir. Le 12 juin 2016 a eu lieu la terrible fusillade au Pulse, une boîte de nuit LGBT à Orlando, peu après une marche des fiertés. Ce sont 49 personnes qui sont assassinées en raison de leur identité sexuelle et de leur identité de genre, parce qu’ils sont gays, bisexuels, trans, queer… Marc Andreyko, auteur de comics, lance alors un appel à la communauté des scénaristes et dessinateurs pour faire quelque chose face à cette tragédie humaine. Il en ressort Love is Love, un recueil où chaque artiste propose sa vision, son hommage, sur une page ou deux. La version française a d’ailleurs été enrichie de plusieurs histoires inédites, écrites et dessinées par des artistes français tels que Julie Maroh, Marguerite Sauvage, Vincent Dedienne, Richard Isanove, etc.

Love is Love fait se côtoyer les gens comme vous et moi au gré des pages, des gens ordinaires, mais aussi des super-héros qui contemplent la bêtise et l’horreur humaine, parfois impuissants, parfois déterminés à ce que de tels actes n’arrivent plus. Bien sûr, le comics aborde de nombreuses thématiques, parle de tolérance, suggère de retrouver la curiosité enfantine que l’on a face à l’autre et non la haine adulte, montre ces parents qui ont peur pour leurs enfants « différents » mais qui veulent qu’ils soient des adultes libres et sereins. Il donne à voir ces soubresauts de solidarité qui ont eu lieu après Orlando, les messages de paix, il prône l’ouverture d’esprit et surtout, l’amour sous sa forme la plus pure, la plus universelle.

Car peu importe le style graphique de chaque page, que l’intrigue soit un simple message de paix, une rencontre entre deux personnes queer, un coming-out, le besoin de se sentir en sûreté malgré sa différence, Love is Love parle avant tout d’amour. D’amours qui encore aujourd’hui, sont en proie aux préjugés, à la haine, au mépris et à l’incompréhension. Au fil des pages, ce qui frappe à chaque dessin, chaque dialogue, c’est la force d’un amour toujours plus puissant, parce qu’il se confronte plus qu’il ne devrait au jugement et à la haine des autres. Il est difficile de ne pas avoir un serrement au cœur en lisant Love is Love, qui parvient à esquisser toute l’universalité des moments amoureux : une danse, un baiser, une déclaration, un mariage, deux mains qui se serrent, le sentiment d’être avec quelqu’un qui nous comprend en étant pleinement soi, la sensation d’allégresse parce qu’on aime et qu’on est aimé.

Au-delà de son hommage et de ses multiples messages, ce que Love is Love cherche à nous rappeler, c’est que l’amour doit continuer à battre et à vivre, peu importe qui on est, et qui on aime. Avec fierté si on peut le vivre librement, et avec autant de force, de soutien et d’encouragement à ceux et celles qui ne le peuvent pas encore. Que malgré la haine, l’amour est plus puissant ; qu’être soi-même est la seule manière de vivre et aimer pleinement, de pouvoir être heureux. Un espoir qui parcourt chaque page avec une émotion vibrante, qui pousse à un monde meilleur où l’amour est juste l’amour, sous sa forme la plus essentielle.

  • Love is Love est édité par Bliss Comics et disponible en librairie.

Rédigé par Hauntya


5cm per Second © 2020 Pika Édition

5cm per Second | « One more time, One more chance »

Recommandé par Aleksseli

L’amour peut-il traverser l’espace et le temps ?

Cette question les jeunes Akari et Takaki ne se la posent pas au moment où ils se rencontrent, au détour des rayonnages de la bibliothèque de l’école. À dix ans on ne se pose pas ce genre de question de toute façon. Les deux enfants nouent une profonde relation et ne s‘embarrassent pas d’étiquettes pour définir exactement ce qu’elle est. Ils vivent des moments ensemble et c’est là l’essentiel.
Jusqu’au jour où Akari doit suivre sa famille dans une autre région du Japon, étudier dans un autre collège. Jusqu’au jour où Takaki lui-même doit emménager à l’autre bout du pays. Ce sentiment profond qui les unit peut-il résister à cette séparation ? Les promesses que l’on fait, jeunes adolescents, sont-elles imperméables au passage du temps ?

5cm par seconde aborde ces différentes questions avec une suprême délicatesse. À l’origine film d’animation réalisé en 2007 par Makoto Shinkai, ce recueil d’instantanés de vie et de sentiments amoureux où l’intime dialogue avec l’universel a été adapté quelques années plus tard en manga (il existe aussi un light novel). L’occasion pour Shinkai de collaborer avec la mangaka Yukiko Seike dont le style de dessin, à la fois précis et épuré, épouse parfaitement l’écriture de l’auteur-réalisateur. L’occasion également de développer plus en profondeur certaines parties du film, essentiellement son troisième acte, pour donner voix à un personnage qui n’était alors qu’esquissé et ainsi aborder d’autres versants des relations sentimentales et en déployer un peu plus l’éventail.

L’amour peut-il traverser l’espace et le temps ? L’amour le doit-il ? S’accrocher aux promesses de jadis ne nous empêcherait-t-il pas d’avancer ? Les yeux rivés sur une ligne d’horizon qui s’est confondue avec le passé, combien de choses loupe-t-on, combien de gens ? Qui sont tous ces trains que l’on manque, qui nous passent sous le nez parce qu’on attend celui qu’on pense être l’unique pour embarquer ? Des trains et des trains d’occasions manquées. Des wagons et des wagons de questions qui glissent sur la voie ferrée.

5cm par seconde aborde ces différentes questions avec une suprême délicatesse. Et si le film est empreint d’une profonde mélancolie, et le conseil que l’on pourrait modestement donner serait de le regarder avant de lire le manga, son adaptation d’encre et de papier propose un épilogue inédit, bouffée d’air frais et de lumière, qui ravira probablement les âmes romantiques éternellement optimistes.

  • 5cm per Second (film) est disponible en DVD et Blu-Ray.
  • 5cm per Second (manga) est édité par Pika et disponible en librairie.

Rédigé par Aleksseli


© Damien Chazelle – © Summit Entertainment

La La Land | L’amour est une tragicomédie musicale

Recommandé par Reblys

Plus besoin a priori de présenter La La Land. Deuxième film de Damien Chazelle et, accessoirement petit chef-d’œuvre couronné de six oscars. S’il fait la part belle à la musique et au jazz, La La Land est avant tout une histoire d’amour. Celle d’une actrice et d’un musicien qui crèvent d’envie de vivre de leur art. Leur tempérament passionné va les rapprocher, leur vision du monde comme une œuvre d’art va les souder, les élever même. Les poussant à tout donner pour rencontrer un jour le succès. Mais bien vite la réalité les rattrape : Alors que l’un touche du doigt le succès, l’autre enchaîne les galères. Leur couple est mis à l’épreuve de leurs ambitions, et leur amour est déchiré par les attentes que chacun a placé en l’autre.

Au delà de son air festif de comédie romantique, La La Land est une véritable leçon de vie. À travers l’histoire de Mia et Sebastian, on apprend que l’amour est un puits sans fond d’espoir et de soutien, dans lequel on peut puiser l’énergie nécessaire pour accomplir tout ce qu’on entreprend. Mais le film montre également ce que ne peut pas être l’amour : Une manière de projeter ses espérances sur quelqu’un d’autre pour les vivre par procuration ou, à l’inverse, une renonciation au chemin qu’on s’est tracé pour que l’autre puisse profiter du sien.

Si on ressort bouleversé de La La Land, c’est parce que son amertume est d’une immense justesse. Parce qu’il veut à la fois croire en l’amour pur et parfait et en l’accomplissement sans faille de ses rêves, un peu comme nous tous. Mais il nous ramène finalement à la réalité, en nous faisant comprendre que la vie n’est qu’une succession de chemins qui s’entrecroisent, et que parfois, pour que le meilleur arrive, il faut l’avoir accepté.

  • La La Land est disponible en DVD et Blu-Ray.

Rédigé par Reblys


A Man and a Woman © 2016 Showbox Corp

A Man and a Woman | La passion d’un amour impossible

Recommandé par Anthony F.

Le réalisateur Coréen Lee Yoon-ki a toujours eu un attrait particulier pour les drames du quotidien, ces petits événements qui bouleversent l’existence des uns et des autres. On remarque surtout chez lui une véritable volonté de mettre en avant des personnages tout ce qu’il y a de plus normaux, tiraillés par des situations compliquées et inattendues. C’est sur ces thèmes qu’il proposait en 2016 le film A Man and a Woman, dont le titre sonne comme un clin d’œil à Un homme et une femme de Claude Lelouch, un film auquel il emprunte parfois.

Il y raconte un amour impossible, celui de deux inconnus qui se rencontrent en Finlande alors qu’ils viennent de déposer leurs enfants qui partent en colonie de vacances. Les deux ont des vies bien rangées, mais pourtant ils ressentent une forte attirance l’un pour l’autre, à tel point que cette attirance physique se transforme en liaison, et plus tard en véritable questionnement sur leurs vies respectives. Si l’on pourrait qualifier leurs mariages de réussites, il y a pourtant un manque, une flamme qui n’est plus et qui les pousse à se réfugier dans le travail et les rêves.

L’immaturité passagère de cette relation révèle leur besoin de s’échapper, et c’est une idée qui est fondamentale dans le cinéma de Lee Yoon-ki. Encore plus du point de vue de Jeon Do-yeon, l’actrice principale du film, tant le réalisateur s’évertue à célébrer dans son cinéma les femmes qui brisent les chaînes du patriarcat. Celle-ci est indépendante, cheffe d’une société qui se porte parfaitement bien, mais enfermée dans son mariage avec un homme qui ne la considère pas à sa valeur. L’actrice est ici captivante et porte très largement le film, et ce n’est pas un hasard tant elle a multiplié les grands rôles au cours de sa carrière : Untold Scandal (remake des Liaisons dangereuses), Secret Sunshine, The Housemaid… A ses côtés, Gong Yoo, est un visage probablement encore plus connu dans nos contrées après le succès de Dernier train pour Busan, et s’avère être capable de se mettre à la hauteur de sa partenaire, sans que cela ne soit une surprise pour un acteur qui a toujours su séduire le public.

Tous ces ingrédients donnent à A Man and a Woman une saveur particulière, celle d’un amour intense et fusionnel, certainement passager et peut-être interdit, mais doté d’une passion qu’on ne peut pas ignorer. Sa manière de parler de relation amoureuse, de ses conséquences et de ses risques en font une très belle œuvre, un film marquant et bouleversant.

  • A Man and a Woman est uniquement disponible à l’import en DVD et Blu-ray (sous-titres Anglais).

Rédigé par Anthony F. 


L’âge de Pierre | « J’aime le début des histoires »

Recommandé par Mystic Falco

Parmi tout un tas d’œuvres traitant d’amour, mon choix aurait pu se porter sur tout plein d’histoires très romantique, et qui finissent bien. Mais je trouve qu’il est plus intéressant de s’intéresser aux œuvres « vraies ». Celles qui te rappellent que la vie n’est pas juste faites de belles histoires d’amour. Vous m’avez déjà entendu parler de Davy Mourier dans l’épisode 6 du podcast de Pod’Culture, avec beaucoup de termes élogieux et je n’ai clairement pas fini d’en faire ! L’Âge de Pierre est une bande-dessinée écrit par Davy Mourier et dessiné par Héloïse Solt. Il existe également un court métrage et tous deux sont sorti en 2019. L’aspect cross média est intéressant pour cette œuvre car le début de la BD correspond au court-métrage, et nous invite vivement à découvrir le reste de l’histoire.

Pierre a plus de 30 ans, quand il part vivre en direction de Paris. C’est en prenant le train, qu’il fait la rencontre de Manon, avec qui il va débuter une histoire d’amour. Évidemment, le début de leur histoire se passe parfaitement bien, car… c’est le début, ces moments ou on ne se pose pas de questions, on profite simplement. Mais évidemment la peur que l’on peut avoir au sujet de l’engagement fait vite surface, et ça c’est sans compter un évènement tragique qui va chambouler toute la vie de Pierre.

Avec des sujets aussi fort que l’amour, la mort ou la peur de lâcher prise, L’Âge de Pierre met en avant les réalités simples de la vie, et notamment de la vie de couple. C’est une œuvre complète, il suffit de voir que le personnage principal est un geek, dessinateur de bande dessinée pour très vite comprendre que Davy Mourier raconte plus qu’une histoire, il raconte son histoire. Alors bien-sûr certains aspects sont romancés, mais en aucun cas il n’y a de facilité scénaristique. L’Âge de Pierre est une histoire d’amour, une histoire de vie, une magnifique histoire, qui même si je la connais, continuera à me faire verser quelques larmes tant par son réalisme et sa beauté.

  • L’Âge de Pierre est disponible sur Youtube, et la bande dessinée est édité par les Éditions Delcourt et disponible en librairie.

Rédigé par Mystic Falco


© Piccolo Studio S.L.

Arise : A simple Story | Le lyrisme et l’éternité transposés dans un jeu vidéo

Recommandé par F-de-Lo

De tout temps, l’amour est célébré à travers l’art. Tantôt naissant, tantôt lyrique, tantôt mélancolique, il est une source inépuisable d’inspiration pour des œuvres bien souvent poétiques. C’est le cas dans Arise : A simple story, un jeu vidéo développé par le studio Piccolo et disponible sur la plupart des plates-formes, depuis 2019.

Rarement un nom aura été aussi approprié : Arise raconte une histoire simple, avec un gameplay très accessible, qui ne rend le titre que plus universel. Ce sont les thématiques abordées et surtout la manière dont elles sont illustrées qui le rendent exceptionnel. Arise est ni plus ni moins un recueil de poésie dilué et transposé dans le média du jeu vidéo.

Dans ce titre taciturne, les rimes sont assurées par la douceur mélancolique de la bande originale, et les strophes par la puissance métaphorique de chaque tableau du jeu. Avec Arise, ne vous attendez pas à célébrer un amour heureux. Le personnage principal, un vieil homme esseulé, meurt dès le début du jeu. Il entreprend alors une odyssée qui lui permettra de revivre les moments les plus importants de sa vie. Forcément, tous, ou presque, sont reliés à Elle.

L’amie d’enfance. L’amour de sa vie.

Ce puzzle-game jouable en solo ou à deux, permet de contrôler le temps et les éléments afin de progresser à travers les étapes de l’aventure. Le premier chapitre consiste à orienter les rayons du soleil afin qu’ils fassent monter ou descendre le niveau des eaux. Quoi de plus naturel, puisque la jeune fille a toujours été solaire, au point d’égayer les journées du petit garçon timide ? Chaque tableau est le reflet d’un souvenir et surtout d’un sentiment, grâce à un gameplay aussi métaphorique qu’ingénieux. Aucun niveau ne se répète : la séparation forcée du couple, quand ils sont de jeunes adultes, déclenche le tremblement furieux des falaises. La solitude du protagoniste entraîne l’apparition d’ombres menaçantes. Les différentes images du jeu, transcendées par une direction artistique à tomber, font basculer les joueurs d’une émotion à une autre, avec une efficacité bouleversante.

Si certains passages sont difficiles et émouvants, Arise : A simple story reste focalisé sur une note sous-estimée mais essentielle : l’espoir. Malgré les incertitudes et les tempêtes, l’amour du vieil homme est ce qui lui a donné la force de vivre, puis de trouver la paix, dans l’éternité.

  • Arise est disponible sur toutes PS4/Xbox One/Nintendo Switch et PC.

Rédigé par F-de-Lo.

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L’équipe de Pod’Culture.fr compte en son sein deux amateurs assumés de jeu de rôle japonais, ou JRPG pour les intimes. Notre cher Anthony F. vous l’a déjà montré, au travers de ses écrits sur Dragon Quest, Yakuza : Like a Dragon  ou encore Atelier Ryza 2. J’ai aujourd’hui le plaisir de me présenter à mon tour sous ma plus belle casquette de weeb, pour vous parler de Ys IX – Monstrum Nox, dernier épisode en date d’une franchise à laquelle je n’avais jamais touché, suivant la geste de l’aventurier Adol Christin, et dont le premier épisode date tout de même de 1987.

Cette critique a été rédigée à partir d’une copie PS4 de Ys IX : Monstrum Nox fournie par Koch Media, le distributeur du jeu en France.

© Nihon Falcom, Nis America

Adol Christin n’a vraiment pas de chance : A peine arrive-t-il dans la cité fortifiée de Balduq pour y prendre un peu de repos, que le voici emprisonné dans les geôles de sa forteresse. Parvenant à s’évader, il croise le chemin d’une mystérieuse femme qui lui fait don de pouvoirs d’origine inconnue. Transformé en Monstrum, il ne peut plus quitter la ville, et doit au surplus, avec ses confrères et consœurs, défendre la cité de Balduc contre les Larvas, entités démoniaques qui déchainent leur furie lors des nuits de Grimwald, moments suspendus dans le temps durant lesquels la lune brille d’un rouge de sang.

Qui est cette mystérieuse femme ? Qu’est-ce qu’un Monstrum ? Quelle est l’origine de la Nuit de Grimwald ? Pourquoi la prison-forteresse de Balduc est elle aussi suspecte ? Autant de questions qui vous occuperont durant la trentaine d’heures qui composent la quête principale du jeu, mais qui n’ont pas donné réponse à l’interrogation qui me taraude encore maintenant, même après avoir bouclé cette aventure :  Est-ce que c’était bien Ys IX ?

Sans développer je serais obligé de vous faire la pire réponse de normand : C’est bien…et c’est pas bien. Dans l’intérêt commun, je m’en vais donc développer.

Au crépuscule d’une époque

Difficile d’ouvrir cette critique sans parler du choc des deux premières heures de jeu. Ayant pas mal vadrouillé entre les diverses sagas les plus connues du jeu de rôle japonais, je suis habitué au fait que ces licences, à part les porte-étendards que sont la saga Final Fantasy, ou plus récemment Persona 5 ou Yakuza, traînent derrière elles un retard technique, au mieux gentiment anachronique, au pire carrément problématique. La saga Ys n’a apparemment jamais brillé de ce côté là, mais il est important de savoir que pour son neuvième épisode canonique, l’esthétique évoque carrément le début de la génération PS3 voire la fin de la génération PS2 si elle avait été en haute définition. Au niveau de l’atmosphère et de la rigidité des contrôles, le jeu m’a beaucoup fait penser à Dark Chronicle. Un excellent RPG, mais sorti en 2003 sur Playstation 2… Une proposition clairement anachronique donc. Mais est-elle pour autant problématique ? À dire vrai pas franchement.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, comme s’il était conscient de son retard, le jeu nous propose très vite un panel d’options de mouvements intéressantes, qui rendent les déplacements beaucoup plus dynamiques que dans la majorité des JRPG, qui plus est en nous permettant de profiter d’une verticalité certaine dans le level design, élément là aussi très rare dans ce genre de jeux. Un certain rythme commence ainsi à se développer, et finalement, les seuls moments ou la technique impacte clairement l’expérience de jeu seront ceux ou l’exploration des niveaux passe par des séquences de plate-forme. Mais j’y reviendrai.

Car si le début d’YS IX fait un peu peur, il intrigue également beaucoup. On nous présente un univers a priori en huis clos, où la seule cité de Balduq constituera le théâtre de nos aventures, comme on nous montre tous les personnages jouables dès la première heure de jeu, allant à l’encontre d’un des poncifs les plus courants du déroulement d’un JRPG. Tant est si bien qu’on ne sait plus bien si le jeu est bloqué dans le passé, ou au contraire bien conscient de son héritage et essaye de le dépasser. Et ce sentiment qui m’a saisi dès le départ ne m’a plus jamais quitté.

L’efficacité avant tout

© Nihon Falcom, Nis America

Le chapitre introductif terminé laisse la place aux prémisses de la boucle de gameplay du jeu : Il nous faut récupérer de l’énergie de Nox, qui nous permettra d’accéder à d’autres zones de la ville, pour cela il faut réaliser des quêtes annexes. Le quota nécessaire d’énergie Nox atteint, on affronte une nuit de Grimwald, dont l’issue est l’ouverture d’un des murs qui restreignaient nos mouvements. Une fois la nouvelle zone accessible, l’histoire prend le pas et nous pousse à explorer cette dernière, tout en découvrant l’histoire d’un des autres héros de l’équipe. Ces investigations nous amènent jusqu’à un donjon, dont l’exploration nous conduira à un gros boss. Conclusion, fin du chapitre, répétez huit fois, et c’est la fin. Merci d’avoir joué.

En lisant ce paragraphe, vous avez peut-être (légitimement) pensé que je reproche au jeu sa structure répétitive. Mais curieusement il n’en est rien. Car cette structure est certes réutilisée selon le même schéma pendant tout le jeu, mais elle l’est avant tout parce qu’elle est diablement efficace. Elle nous permet d’aborder les événements de manière fluide, en renouvelant régulièrement les objectifs. Permettant d’apprécier un scénario qui, même s’il n’a rien de transcendant, fait le travail, gérant avec attention le mystère jusqu’aux révélations finales. Qui plus est la régularité quasi mécanique avec laquelle ce cycle revient hypnotise et nous place dans une zone de confort qui, à défaut de rendre le jeu révolutionnaire, crée un cocon agréable dans lequel il est doux d’évoluer.

Un cocon au demeurant peuplé de personnages très attachants, bien qu’un brin archétypaux, tant du côté des membres de l’équipe que des personnages secondaires, dont le niveau d’amitié influencera l’importance de leur soutien lors des nuits de Grimwald. Personne n’est laissé de côté : chaque héros voit son caractère évoluer et son histoire être développée avec soin, tandis que chaque compagnon secondaire est rendu assez vivant pour qu’on ait plaisir à le retrouver entre chaque chapitre, et c’est probablement l’un des plus grands points forts du jeu. En effet ce n’est pas la cité de Balduq qui va nous faire voyager, avec ses murs de pierre grise omniprésents, qui viennent nous saper le moral à chaque retour dans la prison, qui est, vous l’aurez compris, l’un des éléments centraux du scenario.

Le nerf de la guerre

Heureusement le système de combat vient à son tour en renfort pour ajouter du piment à ce tableau monochrome. Sur ce plan Ys IX joue pleinement la carte de l’Action-RPG et propose un système de combat nerveux et dont le rythme repose sur l’observation et les réflexes. Le joueur contrôle une équipe allant jusqu’à trois personnages, et peut changer celui qu’il contrôle à la volée, à la simple pression d’une touche de la manette. Un système  ultra-permissif qui permet non seulement d’adapter le personnage joué à la situation (Par exemple privilégier un personnage spécialisé dans les attaques à large portée lorsque le terrain est rempli de monstres), mais aussi de jouer sur les trois types d’attaques que propose le jeu : Tranchant, Perforant et Contondant. Chacune efficace ou inefficace contre un certain type d’ennemi. Ce qui peut pousser a privilégier une composition équilibrée histoire de ne pas se retrouver démuni, ou a l’inverse de volontairement retirer un type d’attaquant de son équipe pour bénéficier d’un bonus de dégâts attribué en échange de ce sacrifice.

© Nihon Falcom, Nis America

Chaque personnage possède divers coups spéciaux, chacun avec ses propriétés. À la manière de ce que proposerait un épisode de la série Tales Of, on sélectionne quatre coups spéciaux parmi ceux qui siéront le plus à notre style de jeu, et l’on apprend à jouer avec et autour de ces capacités, en gardant à l’esprit que plus on les utilise, plus celles-ci gagneront de l’expérience et monteront de niveau.

Enfin le noyau de ce système de combat repose à mon avis sur les mécaniques d’esquive et de « just guard » qui nous octroient un bullet time ou des bonus offensifs si le joueur presse la touche d’esquive ou de garde juste avant d’être touché. Sur un champ de bataille surchargé de monstres, réussir une esquive parfaite donne de l’air et permet de reprendre son souffle au cœur du combat, tandis qu’une perfect guard assure un boost de dégâts considérable, de nature à faire pencher la balance en faveur du joueur en l’espace d’un instant.

Grace à ces différentes composantes, on obtient un système de combat particulièrement instinctif, presque viscéral. Aux antipodes de la dimension stratégique d’un RPG au tour par tour. D’un côté cela permet d’entretenir une certaine frénésie durant les combats. De l’autre cela implique un certain manque de profondeur de par le faible nombre de paramètres entrant en ligne de compte. Il est en tout cas certain qu’il s’en dégage une efficacité et une fluidité diaboliques, qui nous absorbent sans problème dans le flow du jeu, combat après combat. Ceci d’autant que le système de progression et d’équipement des personnages est assez simplifié. Limitant le nombre d’équipement à quatre (une arme, une armure et deux accessoires), et l’évolution des personnage à leur niveau principal et à celui de leurs capacités. Un choix qui permet de se mettre à niveau et à suivre l’histoire sans forcément se prendre la tête, même si j’imagine que les niveaux de difficultés les plus élevés (on en compte tout de même six !) permettront aux joueurs les plus hardcore de bénéficier d’un challenge à la hauteur de leurs ambitions.

Une nuit douce, mais sans étoiles

Ainsi armés, on est prêts à arpenter tous les recoins de la cité de Balduq, dont la vie vient surtout de son architecture et de ses thèmes musicaux, qui viennent apporter une ambiance différente à chacun de ses quartiers. Néanmoins c’est lorsque le déroulement des évènements nous invite à pénétrer dans un donjon que le jeu révèle son second point fort à mes yeux. Je reviens sur la verticalité du level design dont je parlais plus haut, car c’est en grande partie ce qui rend ces séquences mémorables. Les différentes options de mouvement à notre disposition, ainsi que l’agencement de ces repaires à monstres rendent le tout très agréable à parcourir. Le tout également magnifié par les compositions musicales, percutantes et héroïques de la Falcom Sound Team jdk, qui n’ont par moments rien à envier au travail d’un Motoi Sakuraba en grande forme. Il n’est pas superflu de s’arrêter un moment sur les combats de boss en eux-mêmes. Souvent titanesques, les ennemis venant annoncer la fin d’un chapitre permettent, à défaut d’être vraiment marquants au niveau de leur design, de goûter régulièrement à l’exaltation de se sentir comme David triomphant de Goliath.

(c) Nihon Falcom, Nis America

Seul point venant ternir le tableau (si l’on met de côté l’atmosphère des différents donjons, que j’ai trouvée terriblement oubliable) : les quelques séquences de plate-formes que le jeu essaye de distiller dans le but d’aller récupérer un coffre ou de découvrir un chemin caché. Celles-ci mettent cruellement en lumière l’imprécision des contrôles et surtout de la gestion des sauts, qui m’ont fait maintes fois passer à côté de plates-formes qui étaient pourtant en face de moi. Ce n’est certes pas ce qu’on attend en premier lieu d’un JRPG, mais il est vraiment étonnant de remarquer d’un côté des choix clairement faits en faveur de la fluidité des déplacements, et de l’autre de constater des échecs dans le gameplay qui, bien qu’anecdotiques, handicapent significativement quelques instants de jeu.

Et c’est bien là toute la contradiction face à laquelle me met Ys IX. À une exception près, tout est agréable, tout coule de source. Mais en même temps rien n’est vraiment neuf, ni particulièrement marquant. On connait la chanson, et rien ne vient surprendre un habitué des JRPG, alors qu’il faut justement avoir roulé sa bosse dans quantité de titres du genre pour se rendre compte du niveau de perfectionnement acquis au fil des années par le studio Nihon Falcom, pour proposer un produit fini qui se tient à ce point de A à Z. Ceci sans doute au détriment d’une véritable prise de risques qui aurait peut-être pu faire sortir le jeu de son confortable statut de jeu de niche.

Et alors que l’aube se lève, je suis entre deux chaises comme rarement je l’ai été. J’ai indéniablement aimé YS IX, saluant pendant trois dizaines d’heures son efficacité et la maîtrise de sa formule, qui font du jeu une expérience agréable à parcourir.  Mais je l’ai aimé comme on aime un produit auquel on est habitué, et auquel on revient plus par habitude que par véritable intérêt : L’aspect n’a pas changé depuis plus d’une décennie, le goût non plus, du coup on ne peut pas vraiment se tromper, mais pas s’émerveiller non plus.

Est-ce que c’est mal ? Je ne crois pas. Est-ce que c’est dommage d’avoir manqué d’ambition ? Je le pense. Mais, ce n’est que mon avis, et je n’ai pas ressenti que la démarche de Nihon Falcom ait été de révolutionner quoi que ce soit. Ainsi, du moment que l’on sait pour quoi on signe, on pourra toujours profiter d’Ys IX pour savourer une garniture très classique sur une pâte qui retient minutieusement chaque ingrédient à sa place.

  • Ys IX : Monstrum Nox est sorti le 5 février 2021 sur PlayStation 4 et est prévu sur Nintendo Switch et PC pour l’été 2021
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La passion, voilà un terme que l’on a tendance à tourner en dérision à l’air d’internet. Le tout à cause de personnes se cachant derrière une fausse passion, dont les raisons sont généralement pécuniaires. Malgré tout, il ne faut pas oublier dans tout cela qu’il y a de véritables passionnés. C’est d’ailleurs l’une des raisons de la conception de Pod’Culture, le partage de ce que l’on aime. Cela a beau être un véritable plaisir de vous parler de tout un tas de sujets, il ne faut pas oublier que nos passions premières viennent des œuvres que l’on analyse ou que l’on critique. Donc, de l’Art en général et bien-sûr j’utilise le terme Art, avec un A majuscule, pour souligner toutes les formes d’arts.

Pour ma part, il est vrai que ce sont plus les arts picturaux qui me touchent particulièrement. J’ai besoin d’avoir un attrait visuel, d’avoir ce petit quelque chose qui me flatte la rétine. J’ai toujours été passionné par l’image, par ce qu’elle peut dégager, et surtout ce qu’elle peut faire ressentir de différents en fonction des sensibilités de chacun. L’art est une passion qui m’habite depuis des années, au point ou j’ai décidé de tourner ma vie personnelle et professionnelle autour de celle-ci. Alors forcément, quand il s’agit d’œuvre qui utilise le média de l’art pour en parler, cela attise ma curiosité.

N’est pas Picasso qui veut

Blue Period est un manga écrit et dessinée par Tsubasa Yamaguchi, il est édité en France chez Pika Edition. Il nous raconte le périple scolaire de Yatora se découvrant un attrait tout particulier pour l’art. Cet attrait ne vient pas de nullepart, car c’est en tombant nez à nez sur un tableau de l’une de ses camarades qu’il va être totalement subjugué par ce dernier. Évidemment il ne connait rien à l’art et se contente des préjugés qu’il a toujours eu en tête vis à vis des arts-plastiques ; le jugement envers ceux qui ne font « que » dessiner, pas d’avenirs dans ce métier etc… Pourtant, c’est bien grâce à ce qu’il a ressenti en dessinant réellement pour la première fois, qu’il se sent « vivant ».

© Yamaguchi Tsubasa / © Kodansha Ltd. / © Pika Edition

Inutile d’en divulgâcher plus sur l’histoire, cela correspond au premier chapitre de ce manga et rien qu’avec ce dernier, il m’a complètement séduit. Comme je vous le disais en introduction, j’ai fais mes études dans l’art, car très tôt j’ai su que je voulais vivre de ce qui me faisait vibrer. Tout cela même sans pour autant savoir dessiner, sans avoir de talent particulier comme peuvent l’avoir certains génies. Pourtant, je me suis lancé à corps perdu dans cette voie. Ça serait vous mentir que de dire que tout s’est très bien passé. L’apprentissage fut rude, notamment avec le fait de se comparer aux autres qui eux, avaient déjà des années de dessins derrière eux. Forcément, la lecture de ce premier tome a réveillé en moi beaucoup de souvenirs de mes études, et surtout a su aussi me rappeler combien j’aimais l’art. Tout cela grâce, déjà, à l’histoire évidemment, mais surtout grâce à ses planches sublimes qui mettent en valeur les différentes œuvres des élèves. Par ailleurs il y a un parallèle très intéressant qui se crée entre Blue Period et son lecteur. Il est question d’apprendre à Yatora que l’art n’est pas seulement pictural, mais aussi sensitif. L’art permet de communiquer et de faire ressentir des émotions. Ainsi, le manga transcende son média. Toutes les sensations que j’ai pu ressentir lors de la lecture de ce premier tome étaient pour le moins incroyables. Je me suis senti flotter dans une bulle où il n’est plus question de temps, ni d’espace. C’est d’ailleurs ce qui arrive au personnage principal quand celui-ci se laisse porter par la beauté de ce qui l’entoure.

« Je vois la vie en Rose… »

Car c’est exactement ça, à mes yeux, la beauté de la vie, la beauté de l’art, la beauté de la passion (quelles que soient vos passions). Savoir se laisser transporter, et surtout ressentir ce que votre passion a à vous apporter. Blue Period peut devenir une œuvre majeure dans l’édition du manga seinen. Non pas par sa popularité, mais pour ce qu’il se dégage de cette histoire que nous raconte Tsubasa Yamaguchi. En plus d’être émotionnellement forte, cette histoire est aussi didactique et pourra vous apprendre certaines bases du dessin ou dans tous les cas, vous faire comprendre comment cela fonctionne.

Je me rends compte une nouvelle fois que je suis beaucoup plus dans le ressenti que l’analyse pure. Mais je trouve que c’est aussi grâce à cette pluralité qu’il est intéressant de donner son avis. L’art est émotionnellement une chose incroyable, et le fait de le ressentir ainsi grâce à un manga, dont il est le sujet principal, finit par boucler la boucle. Tout comme je pouvais vous en parler dans mon article sur Soul, ressentez les choses à votre manière. Blue Period est une expérience à part entière, par son propos et de la manière dont il le traite. Une véritable expérience métempirique.

© Yamaguchi Tsubasa / © Kodansha Ltd. / © Pika Edition

  • Blue Period est disponible aux éditions Pika, la série compte actuellement 9 tomes au Japon, le 2e est prévu pour Mars 2021 en France. 
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Shady Part of Me est un jeu de plates-formes développé par Douze Dixièmes et édité par Focus Home Interactive. Il est disponible sur PlayStation 4, X-Box One, Nintendo Switch et PC depuis le 10 décembre 2020.

Comme nombre de ses confrères de la scène indépendante, (Douze Dixièmes est un studio français créé en 2017 et composé de sept personnes), ce puzzle game nous pousse à bousculer nos habitudes de joueurs et surtout notre vision confortable de la vie. J’ai pris un tel plaisir à le découvrir, à l’aveugle, que je vais tâcher de le présenter, sans divulguer des éléments majeurs de l’intrigue ou même du gameplay. Shady Part of Me nous permet d’incarner une fillette dissimulée derrière un rideau de cheveux noirs, à la manière de quelque Yūrei japonais (aperçu dans The Ring ou The Grudge), bien que le jeu n’ait aucune dimension horrifique. Nous sommes également amenés à contrôler l’ombre de cette petite fille.

Des ombres réconfortantes

© 2020 Douze Dixièmes. All Rights Reserved.

Shady Part of Me commet un premier tour de force en utilisant la pénombre à contre-emploi. Il n’est pas question de fuir les ténèbres afin de se réfugier dans la lumière, mais de s’y abriter car elles nous protègent de l’exposition et du jugement. Pour une raison implicite, la fillette a peur du regard des autres. Or, son ombre, ou devrait-on dire sa seule amie, ne peut pas subsister dans les ténèbres. C’est pourquoi les deux entités devront progresser de concert, à travers des paysages contrastés et flexueux.

Tout porte à croire que la silhouette est davantage que l’ombre de la jeune fille. Bien que les deux personnages aient la même voix (Hannah Murray, apparue dans Game of Thrones, en VO), elles n’utilisent ni le même vocabulaire, ni la même intonation. L’ombre est, à plus d’un titre, infiniment plus mature que la fillette à qui elle est reliée. Elle fera d’ailleurs son possible pour l’encourager à poursuivre son parcours.

Un gameplay inventif

Une chute dans le terrier du lapin ? © 2020 Douze Dixièmes. All Rights Reserved.

Des indices verbeux ou textuels sont déposés ici et là, de manière éparse, mais c’est par le gameplay que progresse la narration. Si l’utilisation de la lumière et des ombres est métaphorique, elle permet aussi de jouer avec de multiples perspectives au sein de niveaux comportant une partie en 3D (pour la petite fille) et en 2D (pour l’ombre). Non seulement cela rend le level-design très intéressant, mais c’est cohérent avec la vision de la fillette, qui a une perception distordue du monde. Les effets de contraste ont un intérêt à la fois visuel, narratif et ludique. En ce sens, l’harmonie ludo-narrative est parfaitement maîtrisée.

On pourrait penser que Shady Part of Me est faisable à deux, mais ce n’est pas le cas. Chacun des personnages est contrôlé, en alternance, par le même joueur. La petite fille devra faire preuve d’ingéniosité pour déplacer des obstacles, afin que l’ombre qu’ils projettent bâtisse de nouvelles plates-formes pour son alter ego. La silhouette pourra tout autant impacter l’environnement, afin de permettre à la fillette d’avancer en sûreté. Si les énigmes semblent présenter peu de défi, au début du jeu, (d’autant que le joueur a la possibilité de rembobiner) ; elles se complexifient et finissent par opposer une certaine résistance nullement punitive.

En terme de gameplay, Shady Part of Me pourrait être considéré comme le petit-frère, (sans mauvais jeu de mots) de Brothers : A Tale of Two Sons. Niveau ambiance, l’aventure se rapproche davantage de Little Nightmares, peut-être grâce à une bande originale saisissante, dont les premiers morceaux sont accompagnés de fredonnements enfantins. Au risque d’insister, je ne peux que vous conseiller d’écouter la bande originale, composée par Nicolas Gueguen.

Une narration ouverte à l’interprétation

La crainte glaçante du regard des autres. © 2020 Douze Dixièmes. All Rights Reserved.

Comme de nombreux jeux indépendants, Shady Part of Me est pudique et assez avare en terme d’explication. La structure du jeu et les noms donnés aux différents chapitres apportent des indices, ici et là. Il en va de même pour le symbolisme des lieux choisis au cours des différents niveaux. Au détour d’une bibliothèque et d’une salle de jeux, la fillette essaie vraisemblablement d’échapper à un monde terrifiant. Mais là, est-ce une chambre à coucher ou une cellule capitonnée ? Les décors sont de plus en plus déconstruits, comme si la petite fille désincarnée entreprenait une profonde introspection, et ce, dans le but de se reconstruire. D’ailleurs, la voix de ces oiseaux en Origami ne ressemble-t-elle pas à celle d’un psychologue, ou du moins d’une personne de bon conseil ? La fillette tente, bon gré mal gré, de remonter à la surface, malgré des souvenirs douloureux. Combien de fois a-t-elle eu l’impression d’être exposée dans un cirque ? Le rideau du cirque tombe sur des coulisses, qui deviennent elles-mêmes une scène de théâtre.

«  La vie est pièce de théâtre : ce qui compte, ce n’est pas qu’elle dure longtemps, mais qu’elle soit bien jouée ».

Ces mots empruntés à Sénèque correspondent à Shady Part of Me. J’ignore si la petite fille est décédée, ne serait-ce que symboliquement, mais il lui faut étouffer ses démons intérieurs pour renaître et devenir elle-même. Le jeu est ouvert à plusieurs interprétations. S’agit-il d’une tentative de reconstruction après une dépression provoquée par la solitude et le harcèlement, ou du cheminement que nous devons tous réaliser, afin d’apprendre à vivre avec le regard des autres ? Afin d’apprendre à ne plus jouer le rôle qu’ils souhaitent, mais celui qui nous convient ? Il n’est pas anodin que la fillette et l’ombre soient deux entités distinctes, comme si l’image que l’enfant projetait était différente de ce qu’elle ressentait au fond d’elle. En allant encore plus loin, on pourrait même voir Shady Part of Me comme une métaphore du combat contre la dysphorie de genre.

Si vous souhaitez bousculer vos habitudes, Shady Part of Me est le jeu adéquat. Il vous plongera dans une expérience d’entraide et de collaboration, à un joueur, et emplie de dualité, car la lumière peut aussi bien être vos ennemie que votre alliée. Cette pépite vidéoludique devrait vous combler pendant six heures, et sans doute davantage si vous avez l’âme d’un(e) complétiste ou si vous cherchez à identifier les différentes interprétations possibles. Dans tous les cas, Shady Part of Me propose une expérience à la fois ludique et introspective à ne pas manquer.

  • Shady part of Me est sorti le 10 décembre 2020 et est disponible sur PlayStation 4, Xbox One, Nintendo Switch et PC.
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In my restless dreams, I see that town. Silent Hill. You promised me you’d take me there again someday. But because of me, you were never able to. Well, I’m alone there now… In our “special place.”
Waiting for you…

Un jour de juillet 2016, un après-midi ensoleillé, je termine enfin le jeu Silent Hill 2. La lumière et la chaleur dehors contrastent avec les brumes de la ville vidéoludique et pourtant, c’est la fin Leave que j’obtiens. Celle qui se termine elle aussi par un jour de soleil. Mon voyage aux côtés de James Sunderland, le héros de cet épisode, s’achève. Je ne me rends pas encore compte qu’il va marquer le début de beaucoup de choses.

On remonte le temps. Cette année-là, je ne sais plus quand, avec F-de-Lo, je découvre dans un bar à jeux vidéos la démo P.T. du Silent Hills qui ne sera jamais achevé. Puis je vois pour la première fois le film Silent Hill de Christopher Gans, à l’ambiance aussi oppressante qu’éthérée. Comme d’habitude face à un film d’horreur à l’époque, le moindre jumpscare, le moindre détail d’ambiance me tend et me terrorise. Pourtant, il y a une fascination qui reste. Qu’est-ce qui se cache derrière les brumes de Silent Hill ? Derrière ses monstres, derrière son culte bizarre, derrière Alessa ? Il y a des mystères dans ce film qui continuent à m’intriguer. À la fois pour cela et aussi pour m’aider à vaincre ma peur des films d’horreur, F-de-Lo m’offre le jeu Silent Hill 2, trouvé sur un stand.

C’est sur sa Playstation 2 et en sa compagnie que j’arpente pour la première fois la ville de Silent Hill. Mais j’avance très lentement. Je n’ai pas joué à un jeu vidéo depuis des années, d’ailleurs je ne pensais plus y rejouer du tout. Il me faut déjà un temps considérable pour simplement faire traverser à James la forêt qui mène à Silent Hill, me crispant et m’arrêtant au moindre craquement et bruit de monstre étrange, au loin. Rien n’apparaît encore pourtant. La quête est sobre. James a reçu une lettre de sa femme, Mary, lui demandant de la retrouver à l’hôtel du lac Toluca, où ils ont passé des vacances ensemble autrefois. Mais Mary est morte depuis trois ans. C’est impossible et pourtant, James est déterminé à la retrouver, à voir si elle serait encore là, de manière inexplicable.

Silent Hill 2 - Bienvenue à Silent Hill

© Silent Hill 2, Konami, 2001

Le temps passe et l’été arrive. Je récupère une Playstation 2 d’occasion pour continuer le jeu. Je reprends l’aventure là où je l’ai laissée. Ma trouille de toutes les atmosphères d’horreur me fait peiner à avancer. Je multiplie les sauvegardes, je soigne James à la moindre baisse de santé, j’évite les combats tout en me perdant dans la ville.

Silent Hill m’effraye et me fascine à la fois. J’ai un sursaut dès qu’un monstre me bondit dessus. Je mets parfois plusieurs minutes à juste avancer, intimidée par la radio grésillante annonçant un ennemi. Pourtant, je ne peux pas m’empêcher de regarder ici et là, les inscriptions sur un mur, les pages déchirées d’un journal. Je capte des mots, des notes au hasard, qui ne font aucun sens, qui semblent tellement détachés de l’aventure de James. Je croise des personnages – Angela, Eddie, Laura – qui m’ont l’air de naviguer dans un véritable brouillard. Leurs paroles sont toujours lentes, presque comme un écho plutôt que comme une vraie conversation. Ils ne répondent jamais directement aux paroles de James. Il y a dans l’intonation des dialogues un côté éthéré, lent, qui rend toute rencontre évanescente, décalée, irréelle. Je croise Maria qui séduit autant qu’elle intrigue, suivant James pendant une partie du jeu. Elle aussi n’est pas très claire. Personne n’a l’air lucide.

Je ne sais pas quoi penser de l’intrigue. Plus j’avance, plus la brume s’épaissit, tant dans ces ruelles abandonnées et labyrinthiques, que dans l’histoire. Les cinématiques s’enchaînent, des petites scènes, et pourtant, rien ne s’éclaire. La quête de James me paraît de plus en plus étrange, désespérée. Je m’accroche à des bribes pour comprendre ce qui se passe, j’essaye de percer cette atmosphère brumeuse rendue lourde par les sons mécaniques et lancinants de la musique.

Je ne suis pas sûre d’apprécier James Sunderland au début. Son but est touchant, oui. Mais à ses commentaires ici et là, il est vague, pessimiste, mélancolique. Parfois je me dis qu’il a un côté presque dépressif. Ses remarques sur les objets du décor ne sonnent jamais justes. Comme les autres personnages, il est dépassé par ce qui se passe dans cette ville. Et puis j’erre dans le jeu. Je le fais parcourir des rues, des immeubles aux portes verrouillées où errent les monstres, j’échappe à Pyramid Head avec lui, je vis les éprouvants et énigmatiques passages avec Maria à ses côtés. Je le protège des ennemis, je le soigne, je continue sa quête. Peu à peu, le lien se fait. Comme moi, il peine à saisir les méandres et la signification de l’intrigue. Il est irrité par Maria mais la protège. Quand il échoue à la sauver, je ressens un véritable abattement, autant que lui qui s’effondre à l’écran. Comme moi, il doit affronter ces rues où l’inconnu attend à chaque tournant, derrière chaque brouillard, où parfois le silence est plus effrayant et empli d’émotions que la musique. Je partage sa terreur, je m’oblige à aller de l’avant pour qu’il obtienne les réponses souhaitées.

L’empathie prend forme avec lui au fil de ces longues heures. Quand Silent Hill bascule dans sa réalité cauchemardesque, le jeu fait encore plus froid dans le dos. Les lieux s’imprègnent de rouille, de sang et de cadavres. Les murs délabrés et rouges paraissent respirer. Les mécanismes qui apparaissent rendent ce monde encore plus effrayant. Je passe d’une ville déserte à l’ordinaire inquiétant, à un monde organique, en décomposition, peuplé de monstres. L’obscurité percée par la lampe-torche de James semble dévorante, les angles de vue imposés par la caméra fixe font monter la pression et m’enserrent. Je me prends à apprécier ce côté macabre détaillé qui résonne avec une certaine beauté, presque une poésie sombre de chair et de sang. L’immersion dans le jeu est encore plus viscérale, troublée de bruits sinistres.

Silent Hill 2 - La chambe d'hôtel

© Silent Hill 2, Konami, 2001

Quand j’arrive au grand tournant de l’histoire, la grande révélation dans l’hôtel de Toluca Lake – mais pas encore la fin – comme James dans son fauteuil à l’écran, je suis assommée sur mon siège, je peine à affronter ce qu’il vient d’apprendre. Tout d’un coup, après l’avoir tant protégé durant des heures de jeu, je lui en veux profondément, je suis même en colère contre lui, je lui en veux d’avoir menti sur sa quête dans cette ville. Je lui en veux pour ses actes, pour cette confiance entre moi, la joueuse, et lui, le héros dont je devais prendre l’identité, comme s’il avait rompu le pacte qui nous unit dans cette ville malsaine. Je me sens trahie. D’ailleurs, dans mon inventaire, la lettre de Mary est devenue blanche, sans aucune inscription, comme si elle n’avait jamais existé. Malgré, tout, je continue. Parce que je veux savoir le fin mot de l’histoire.

Les événements de l’intrigue s’enchaînent. L’oppression promise par Silent Hill continue. Je vois James commencer à chercher une sorte de rédemption. Surtout, je le vois prendre un chemin avec bien plus de détermination qu’avant, alors que le purgatoire autour de lui devient palpable. Je descends un escalier ensanglanté et rouillé qui paraît sans fin, je saute d’abysse en abysse, comme pour rejoindre les derniers cercles de l’enfer. Je retrouve Maria, je retrouve Pyramid Head, je découvre le boss de fin qui a de multiples apparences selon la manière dont on joue au jeu.

« I was weak… That’s why I needed you… Needed someone to punish me for my sins… But that’s all over now. I know the truth. Now it’s time to end this. »

J’en ai voulu à James pendant un temps, mais quand la résolution arrive, je retrouve l’empathie et l’affection que j’avais pour lui, car il commence à accepter ses actes, à saisir que cette ville autour de lui est un reflet de ses démons intérieurs, où le moindre mot pourtant décalé avait une importance. Quand avec lui, j’écoute dans ce long couloir la dernière conversation qu’il a eue avec Mary, mon cœur se serre face à ce qu’il a dû endurer, en voyant sa femme dépérir jour après jour, suite à une maladie. Qu’aurais-je fait à sa place ?

Et quand la dernière scène arrive, alors que James quitte Silent Hill sous un jour ensoleillé, j’écoute la lettre de Mary à James, cette version complète de la lettre qu’elle a écrite, dont on n’a qu’un extrait au début du jeu. Cette lettre qu’il portait tout du long sur lui, mais dont la vérité nous était cachée. Cette lettre sur laquelle, je l’apprendrai plus tard durant mes recherches sur la licence Silent Hill, la doubleuse a pleuré après l’avoir lue. Sans surprise, c’est là que je verse des larmes, enfin. La lettre est tellement empreinte d’émotion qu’il est difficile de faire autrement, aussi douloureuse que porteuse d’amour envers James. Je vois sur l’écran James quitter la ville sans se retourner. Malgré la façon dont le jeu m’a brutalement fait reconsidérer le personnage, je suis soulagée de le voir quitter cet enfer poisseux. En vie, prêt à prendre un nouveau départ. Débarrassé de ses démons et du passé.

Et moi, je viens de prendre l’une de mes plus grandes claques de ma vie par une œuvre de fiction.

Silent Hill 2 - Descente en enfer

© Silent Hill 2, Konami, 2001

Dans l’univers de Silent Hill, j’ai trouvé une poésie macabre qui me hantera longtemps. Une volonté de refléter l’inconscient et les démons des personnages, en leur donnant corps sous la forme d’une ville monstrueuse. Un purgatoire où chaque lettre, chaque ennemi, chaque suggestion, clame par un biais détourné ce que le personnage veut se cacher à lui-même. Silent Hill, aussi oppressante que soignée dans ses moindres détails, ce purgatoire symbolique, c’est un coup de cœur qui me poussera à faire chaque épisode de la licence dans les années qui suivront.

Encore maintenant, James est l’un des mes personnages préférés du monde vidéoludique. Pour tout ce qu’il m’a fait ressentir au long de sa quête, pour la peur de l’horreur qu’il m’a forcée à combattre, pour les émotions contradictoires par lesquelles il m’a fait passer, pour le portrait qu’il offre d’un homme en proie à ses démons. Il m’a fait comprendre que l’univers horrifique le plus effrayant est celui qui reflète nos hantises humaines. Il m’a fait renouer avec le jeu vidéo et toute sa richesse, un loisir que j’avais abandonné depuis des années, faisant de l’horreur un de mes genres de prédilection. Il m’a inspirée dans mon écriture, il m’a fait affronter mes peurs, il m’a donné envie de retrouver dans d’autres œuvres cette étrangeté macabre qui tient autant du frisson que de la psychologie.

Il me faudra encore bien des recherches pour comprendre tous les mystères de Silent Hill 2. Je saisis tout ce qui n’était que suggéré grâce à cela. La dépression de James et sa quête me touchent alors encore plus. Je comprends que ce n’est que parce que je l’ai autant protégé dans le jeu, que j’ai obtenu cette fin en particulier, pleine d’espoir, une aube après les ténèbres. Je me rends compte de toute la noirceur des thématiques qui sont abordées par les personnages, de l’abus incestueux au harcèlement, de la culpabilité à l’acceptation, de la difficulté du deuil d’un être aimé. Et dans le même temps, je garde en mémoire cette impression de vague constant, cette sensation d’avancer dans le brouillard d’une intrigue où chacun fait sa propre interprétation, jusqu’à ce que les pièces du puzzle s’assemblent, jusqu’à cette scène dans la chambre d’hôtel.

Le générique défile. Le jeu retourne sur le menu. Après quelques instants, la cinématique « teaser » du jeu se relance. Je me rends alors compte de certains détails visibles grâce à ma partie terminée, qui étaient jusque-là dissimulés. Les scènes et mots prennent une toute autre signification. La musique « Theme of Laura » qui résonne, entre accords à la guitare et violons, expriment une profonde mélancolie dont je comprends maintenant le sens.

Une mélodie qui, encore maintenant, me serre le cœur quand je l’écoute. Elle a le don de me ramener à ce moment de révélation marquant du jeu, à James, aux longues heures dans l’horreur atmosphérique de Silent Hill. Et son énergie, au milieu de la tristesse des notes, m’incite aussi à aller de l’avant – à plonger dans la brume pour trouver un chemin jusqu’à l’aurore.

2 Twitter

Il y a un plus pour d’un an sortait Atelier Ryza, nouvelle itération d’une série de J-RPG au concept et au ton bien à elle. Évidemment développé par le studio Gust qui a créé la série des Atelier à la fin des années 1990, Atelier Ryza 2 : Les Légendes Oubliées et le Secret de la Fée débarque ce 29 janvier pour raconter la nouvelle aventure des personnages bien aimés du précédent épisode.

Cette critique a été écrite grâce à un code envoyé par l’éditeur. Joué sur PlayStation 5 dans sa version PlayStation 4, pendant une quarantaine d’heures de jeu.

La saga des Atelier, née en 1997, est une série de J-RPG au concept tout à fait unique, étoffé au fil de la vingtaine d’épisodes sortis depuis. On y incarne toujours une alchimiste dont le rôle est prépondérant dans la ville ou la région à laquelle elle appartient. Centre de l’attention, elle se retrouve le plus souvent au service de ses pairs, en concoctant toutes sortes de recettes (potions, objets, armes) pour développer ses propres compétences, pour aider la ville ou pour se lancer dans des aventures hors du commun. Les héroïnes changent à chaque épisode, sauf quand il y a une petite continuité comme c’est le cas avec ce Atelier Ryza 2. On y retrouve en effet Reisalin Stout, surnommée Ryza, accompagnée de quelques uns de ses amis qui ont vécu une grande aventure avec elle dans le premier épisode. Le concept unique en son genre des Atelier donne une place prépondérante à la création d’objets, via la grande marmite que l’on trouve justement dans l’atelier de l’héroïne, pour progresser dans l’histoire.

Cela s’accompagne évidemment d’un certain attrait pour la cueillette de plantes, la récupération de métaux et la recherche d’objets plus ou moins rares sur les monstres qui entourent notre ville de résidence. De quoi apporter un twist presque ironique au petit univers des J-RPG : si l’on se plaint parfois en jouant à ce type de jeu quand on se retrouve face à des quêtes « fedex » (du nom de la célèbre société de transport et livraison) qui consistent à rechercher, récupérer et livrer des objets sans intérêt, cela devient l’élément central du gameplay des Atelier. La saga a su rendre plus ou moins intéressante la manœuvre en récompensant systématiquement les joueurs et les joueuses, puisque partir en quête d’objets quelconques nous permet le plus souvent de pouvoir ensuite réaliser des recettes qui facilitent grandement l’avancée du jeu. Les Atelier peuvent même se révéler plutôt punitif pour les personnes qui, en oubliant le concept, pourraient être tentées de progresser trop vite dans les donjons sans avoir la curiosité de tout ramasser sur le chemin en anticipant un futur besoin pour une recette encore inconnue.  Tout cela donne une place à part aux Atelier dans le monde des J-RPG, qui sont aussi malins que parfois répétitifs, mais qui fédèrent une communauté fidèle, toujours curieuse de découvrir de nouveaux personnages et retrouver des recettes déjà connues.

Ryza et les aventuriers des ruines perdues

© 2020 – 2021 KOEI TECMO GAMES CO., LTD. Tous droits réservés

Trois ans après les événements de l’île de Kurken où Ryza se révélait dans son rôle d’alchimiste, elle quitte son île et débarque à la capitale. Cela n’est pas sans but, puisqu’elle y va pour enquêter sur des ruines qui pourraient avoir un lien avec l’alchimie. Une excuse pour se lancer dans une nouvelle aventure et parfaire ses talents d’alchimistes, et surtout pour découvrir ce qui semble être les restes d’une civilisation inconnue. Sur place, elle retrouve quelques amis qui l’accompagnaient déjà dans le premier jeu, tous ayant grandi depuis leur aventure adolescente sur l’île de Kurken.  Il y a un côté tout à fait sympathique à cette histoire, qui est à rechercher du côté de l’expédition et de l’aventure, puisque Ryza et ses compagnons se mettent soudain dans la peau d’explorateurs en quête de réponses. Ils sont en effet plein d’interrogations face à une civilisation qui pourrait être liée à une petite créature dont on fait la rencontre dans les premières heures de jeu. Si cet aspect de l’exploration est sympathique et intimement lié au concept même des Atelier, puisque cela nous pousse à sortir de la capitale et nous confronter à de nouveaux objets à récupérer, c’est aussi l’une des rares bonnes choses que l’on peut dire sur la narration. Celle-ci peine en effet à accrocher, la faute aussi à une histoire qui malgré son aspect tranche de vie tombe souvent à plat. Si Ryza est particulièrement attachante, les personnages secondaires manquent globalement d’intérêt, tandis que l’histoire de cette vieille civilisation sur laquelle on enquête a bien du mal à fasciner autant qu’elle le devrait. Le récit déroule les lieux communs et on ne se sent jamais vraiment concernés, malgré un nombre de dialogues impressionnant : les Atelier sont des jeux très verbeux, et Atelier Ryza 2 n’y échappe pas. Ça parle beaucoup, tout le temps.

Mais plus que leur histoire, les Atelier cherchent avant tout à réunir leur communauté autour de personnages qui deviennent parfois emblématiques. Et le jeu réussit plutôt bien son coup puisque Ryza, qui en est à son deuxième jeu, est un personnage très réussi. On apprécie de découvrir ses pensées et ses difficultés alors qu’elle se retrouve envoyée dans une région dont elle ne connaît rien, loin de tout et de tout le monde, ce qui donne parfois des interrogations intéressantes sur sa solitude. D’autant plus qu’avec les trois années qui séparent les deux jeux, elle a gagné en âge et en maturité, même si ce n’est pas encore le cas de développeurs qui peinent à mettre de côté des plans de caméra douteux, et un design de personnages féminins qui suggèrent la misogynie latente de la saga. Au moins, on évite cette fois-ci une héroïne extrêmement jeune au physique enfantin, ce qui permet de mettre quelques gênes de côté. Qui plus est pour un jeu qui gagne à se concentrer sur sa dimension exploratrice et aventureuse, l’héroïne ne cessant de chercher à comprendre le monde qui l’entoure. Le récit a toutefois tendance à abuser des deus ex machina, ce qui tend à annihiler les enjeux, puisque Ryza sort toujours de sa poche la bonne recette au bon moment, pile poil quand le petit groupe semble bloqué. Cela devient d’ailleurs presque un running gag qui atteint son apogée dans les dernières heures du jeu quand Ryza réalise l’impensable et sans difficulté pour surmonter un obstacle décrit comme infranchissable. Mais l’innocence du récit fonctionne malgré tout, il y a quelque chose de particulièrement agréable dans cette naïveté ambiante où un terrible danger venu des ruines peut bien attendre le temps qu’on s’occupe des histoires de cœur de nos amis. C’est mignon, voilà tout.

L’ancien confronté au présent

On part peut-être à la recherche de ruines, mais la meilleure illustration de la vieille civilisation sur laquelle le petit groupe enquête reste le système de jeu. Atelier Ryza 2 n’évolue en effet pas beaucoup par rapport à son aîné, qui restait lui-même plus proche de l’antiquité que d’une quelconque forme de modernité. Très classique dans la forme et même parfois poussiéreux, le jeu nous pousse à explorer les ruines un peu vides d’une civilisation oubliée, servant de donjons, qui ne sont peuplées que de monstres répétés à l’infini. Amateur du palette swap, cette « technique » de développement qui consiste à proposer plusieurs fois le même ennemi en changeant simplement la palette de couleurs, le jeu déçoit beaucoup du côté du bestiaire. Les combats ne sont certes pas le centre du jeu, mais ils restent omniprésents dans l’exploration des donjons, alors il aurait été appréciable de ne pas avoir le sentiment de toujours affronter les mêmes montres. Cela dit il y a quelque chose de véritablement plaisant dans l’exploration, puisqu’une fois atteint des ruines on se met alors en recherche d’indices, de fragments pour savoir ce qu’il s’est passé quelques centaines, ou milliers d’années plus tôt. On se prend soudain pour des explorateurs, et il y a même quelques bonnes idées quand on découvre les histoires du passé au travers de quelques dialogues succincts, des mémoires de « fantômes » que l’on trouve ici et là. Une fois récupéré tous les indices d’un donjon, on peut ensuite opérer un travail de déduction dans les menus pour révéler des documents et des bouts d’histoire. Il y a malgré tout une certaine fascination à découvrir ce qu’il s’est passé, même si on comprend bien vite les intentions du jeu et que l’écriture reste très inégale.

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La faute aussi à des combats qui ont évolué dans le mauvais sens. S’ils restent très dynamiques grâce à leur système au tour par tour qui rappelle beaucoup l’ATB de Final Fantasy, où les attaques des personnages dépendent de la vitesse à laquelle ils peuvent remplir leur barre d’action, les combats souffrent d’un grave problème de lisibilité. Plutôt qu’une caméra en vue d’ensemble comme son aîné, Atelier Ryza 2 propose une caméra en vue de dos, très rapprochée, du personnage sélectionné. Sachant que les ennemis et que nos héros (jusqu’à trois simultanément) s’éparpillent sur l’arène, il n’est pas rare d’avoir un ennemi dans le dos et d’avoir du mal à anticiper une de ses attaques, ce qui pose problème dans la mesure où le jeu propose d’appuyer sur une touche au bon moment pour bloquer l’attaque ennemie afin d’en réduire les dégâts et de gagner des points d’action. Les choses se corsent encore plus lorsque l’on utilise des compétences spéciales et que les effets se multiplient à l’écran. C’est simple : on y voit plus grand chose. Et c’est encore plus dommage que le jeu propose de vraies bonnes idées du côté des combats, notamment sur le rythme avec la gestion des points d’action que l’on récupère en frappant les ennemis, jusqu’à ce que l’on en ait assez pour déclencher les compétences spéciales par vague. En un tour, on peut en effet utiliser plusieurs attaques spéciales, tant que l’on a acquis suffisamment de points d’action. Il y a même un côté stratégique puisque les objets dépendent eux aussi d’un autre type de points d’action, appelés « CC » (ou core charge), obtenus lorsque l’on utilise des attaques spéciales. Il n’est donc pas possible d’utiliser des objets à tout instant, obligeant parfois à attaquer pour pouvoir utiliser un objet de soin.

Le système d’alchimie, élément central du jeu, reste quant à lui un de ses plus grandes forces. On prend un malin plaisir à faire de nouvelles recettes immédiatement après les avoir acquises, en cherchant les ingrédients de la meilleure qualité possible pour pouvoir créer un objet ou une potion déterminante pour une prochaine quête. Pour cela, il faut surtout prendre le temps de développer autant que possible les outils qui permettent les récoltes en tout genre : sceptre, hache, filet, canne à pêche et faucille sont autant de moyens de pouvoir remplir le sac d’ingrédients. Plus leur qualité est élevée, plus ils pourront récupérer d’objets, certains n’étant accessibles qu’avec des outils d’excellente qualité. Quant à l’assemblage des ingrédients, il y a au départ certaines confusions, mais avec la pratique le jeu se révèle assez clair et il propose même d’ajouter les ingrédients à notre place si on le souhaite. Chaque ingrédient dispose de propriétés qui peuvent ensuite être transférées à l’objet final, la marmite servant à fusionner leurs effets et leur qualité. Plus les ingrédients sont de qualité, plus l’objet « cuisiné » sera réussi. Attention toutefois : la curiosité est extrêmement importante dans le jeu puisque sur sa fin, il perd parfois de son côté dirigiste. Il y a des ingrédients importants à récupérer ici et là, en améliorant les outils, et quand on ne sait pas où les trouver le jeu ne donne aucun indice, ce qui peut être décourageant si l’on n’a pas eu la chance de tomber dessus par hasard. Ce manque de clarté est d’ailleurs symptomatique de l’interface du jeu. Elle qui n’a pratiquement pas changé depuis le précédent épisode l’année dernière. Si toutes les informations sont accessibles facilement, il y a tout de même un manque d’ergonomie pour un jeu qui demande un certain investissement pour être maîtrisé. Atelier Ryza 2 explique beaucoup de concepts, de systèmes de jeu et de fonctionnalités dans un temps relativement restreint, le tout dans des diaporamas aux explications abstraites et pas évidentes à assimiler immédiatement. On peut certes toujours revenir sur ces explications dans les menus, mais cela est parfois fastidieux.

Enchanteur mais pas très beau

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Identique à son prédécesseur, le moteur de jeu n’évolue pas et il serait bien compliqué de pouvoir distinguer les deux jeux mis côte à côte. Les deux jeux partagent ainsi les mêmes défauts et qualités : des couleurs chatoyantes qui ont un vrai cachet, qui offrent un univers enchanteur où il n’est pas bien difficile de se plaire à se balader pour cueillir quelques fleurs. Mais en dehors de cela, on s’aperçoit sans mal des limites techniques et la drôle d’impression que les Atelier ont toujours une grosse dizaine d’années de retard sur le plan technique. Ce n’est pas très fin visuellement, plutôt archaïque et rigide en mouvement, et les développeurs abusent même d’un bloom infernal, ce flou lumineux qui sert de cache-misère à des environnements qu’on devrait laisser reposer en paix pour enfin entrer dans une nouvelle ère. Mais cela tient aussi au mode de production de Gust qui, depuis son coup de génie avec la création de la série des Atelier, s’est enfermé dans une certaine hyper-productivité avec la sortie de jeux pratiquement tous les ans sans avoir le temps de se renouveler. Les mécaniques évoluent lentement, bien que ce ne soit que trop peu le cas entre les deux Atelier Ryza, mais le confort de jeu reste coincé à un autre temps. A l’heure où Atelier va débarquer sur une nouvelle génération de console, ce serait pas inintéressant de revoir certaines choses pour que la série puisse perdurer et s’ouvrir à un public plus large.

Il y a toutefois une amélioration et non des moindres : la réussite de la première aventure de Ryza, plus grand succès commercial pour la série, a permis de voir les choses en grand du côté de la distribution. Ce deuxième épisode dispose en effet d’une version Française (sous-titres uniquement), ce qui est une très belle surprise. Jeux de niche, les Atelier ne sont habituellement disponibles qu’en Anglais, ce qui se comprenait aisément compte tenu du nombre affolant de textes à traduire et le coût que cela implique pour un jeu qui ne fera pas de chiffres de ventes fabuleux dans les pays francophones. Néanmoins l’éditeur tente cette fois-ci le pari, et on les salue pour cela tant l’accessibilité, dans tous les sens du terme, est importante pour permettre aux jeux de s’ouvrir à des personnes qui n’y auraient pas accès autrement. De la même manière et toujours sur l’accessibilité, le jeu propose plusieurs niveaux de difficulté selon les désirs et besoins de chacun. Malheureusement on ne peut pas se prononcer sur la version Française, puisque celle-ci ne sera ajoutée au jeu que dans une mise à jour le 29 janvier, le jour de la sortie officielle. Il en est de même pour la version PS5 du jeu qui, bien qu’intégrée au code que nous a confié l’éditeur, n’est pas jouable avant la sortie officielle.

Il y a du bon et du moins bon dans ce Atelier Ryza 2. Un charme indéniable avec ses intentions exploratrices, son héroïne attachante et son système d’alchimie qui fonctionne toujours aussi bien. Mais aussi une certaine lassitude à voir une série qui n’évolue que trop lentement et qui rate même le coche dans ses évolutions sur le système de combat. Il y a une volonté indéniable de s’ouvrir à plus de monde, tant avec la traduction Française que ses personnages peut-être un peu moins caricaturaux ou même dérangeants que dans d’autres jeux de la licence, mais il reste encore du travail pour que la série des Atelier puisse toucher au-delà de ses fans. Souvent répétitif, même si cela fait partie de son concept, le jeu tient difficilement sur la durée à cause des écueils qu’il ne parvient pas à surmonter et de son histoire qui ne captive pas, bien qu’il reste une porte d’entrée intéressante pour les gens qui souhaitent découvrir la saga.

  • Atelier Ryza 2 : Les Légendes Oubliées et le Secret de la Fée sort le 29 janvier 2021 sur PlayStation 4, PlayStation 5, Nintendo Switch et PC.
  • Contrairement à son prédécesseur, Atelier Ryza 2 profite de sous-titres en Français.
  • L’édition PlayStation 5 du jeu ne dispose pas de version boîte, néanmoins acheter la version PlayStation 4 en boîte permet de réaliser une mise à niveau gratuite vers l’édition PlayStation 5.
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Jeune femme aussi étrange qu’avant-gardiste, Emily Dickinson naquit en 1830 au sein de la petite ville américaine d’Amherst, située dans le Massachusetts. À sa mort, survenue 55 ans plus tard, près de 2.000 poèmes furent découverts dans sa chambre. Disposant depuis d’une renommée internationale, ses écrits uniques en leurs genres se retrouvent à nouveau au centre de toutes les attentions grâce à la diffusion d’une série étonnante et pleinement dédiée à cette artiste à part qui les a imaginés il y a de cela près de 200 années. Un biopic original (et volontairement anachronique à bien des égards) qui se révèle tout aussi atypique que son héroïne titre. Bonne nouvelle, la diffusion de sa deuxième saison vient tout juste de débuter du côté de la plateforme d’un géant à la pomme croquée.

À de nombreuses reprises dans la série, La Mort en personne (Wiz Khalifa, plus élégant que jamais) presse Emily de la rejoindre pour quelques virées nocturnes… inspirantes. ©Apple (2019)

Le 1er novembre 2019, un nouveau venu rejoignait de plein fouet la grande bataille opposant les déjà nombreux géants du streaming : Apple TV+.
Terrain de jeu inédit pour l’entreprise californienne, cette plateforme premium débarquait alors avec une promesse en tête : l’unique présence en son sein de contenus originaux venant garnir un catalogue dans lequel tout était alors à construire.

Une prise de position pour le moins risquée qui s’accompagna de ce fait d’un lancement pour le moins famélique. Un catalogue restreint, mais relativement qualitatif, pouvant toutefois compter sur quelques têtes d’affiches de haute volée, notamment pour les castings de The Morning Show, See ou encore For All Mankind. Au milieu de ces mastodontes aux budgets conséquents, un tout autre projet, d’allure plus modeste, tira cependant son épingle du jeu en devenant un profond succès auprès d’un public inattendu.

Dickinson, c’est son nom, s’intéresse aux jeunes années de la poétesse Emily Dickinson, femme de lettre ingénieuse et farouche ayant vécu la quasi-entièreté de sa vie aux côtés de sa famille dans une demeure d’Amherst dans le Massachusetts. Au contraire des trois autres productions précédemment citées, la série, imaginée par Alena Smith, autrice et productrice ayant œuvrée sur The Affair, fit notamment le choix d’une diffusion en un seul tenant, publiant ses 10 épisodes en simultané donc de l’arrivée d’Apple TV+ sur le marché.

Quand le passé se conjugue au présent

À l’opposé de l’héroïne, Lavinia (Anna Baryshnikov), sa sœur, et Emily (Jane Krakowski), sa mère, se plient sans ménagement aux exigences de la société du XIXe. Les deux personnages sont également en première ligne de quelques-unes des séquences les plus drôles du show. ©Apple (2019)

Initiatrice d’un genre qui n’en n’était alors qu’à ses balbutiements (avant d’être repris entre autres par Netflix dans le succès maison « La Chronique des Bridgerton« , produit par Shonda Rhimes, et la plus confidentielle « Self Made : D’après la vie de Madame C.J. Walker« , portée par Octavia Spencer), Dickinson s’ose à mêler récits historiques, costumes soignés et thématiques sociétales d’époque avec une ébouriffante sélection de tubes hip-hop, de références à la pop culture moderne et autres apparitions étranges venant hanter le quotidien de son héroïne rebelle et habitée. Dépoussiérant l’histoire de la poésie (et de la Nouvelle-Angleterre), le projet ne cache pas sa volonté de séduire un public nouveau afin de lui faire découvrir une partie de la destinée de l’une des artistes les plus étonnantes de son ère. À cet effet, cela n’est pas un hasard si la jeune poétesse prend ici les traits d’Hailee Steinfeld, star montante du cinéma et de la musique pop, apparue aussi bien dans le True Grit des Frères Cohen, le teen-movie touchant et sarcastique The Edge of Seventeen, la saga musicale Pitch Perfect ou encore le blockbuster Bumblebee, déjà suivie par des dizaines de millions d’internautes sur les réseaux sociaux. La comédienne aux multiples facettes (et talents) délivre ici une fabuleuse prestation touchante, énergique et souvent drôle, ayant fini d’assoir la position d’Emily Dickinson au rang de possible modèle pour toute une génération de jeunes rêveuses et rêveurs un brin timides.

Près de deux siècles ont passé depuis sa venue au monde et pourtant Emily Dickinson nous fascine toujours autant grâce à ses innombrables écrits, tous uniques pour leur époque, mais aussi via le récit, minutieusement reconstitué par de multiples biographes, de sa destinée pour le moins contrastée.
Une vie en grande partie menée recluse quelques années après avoir suivi des études à l’académie d’Amherst et rejoint le séminaire féminin du Mont Holyoke. Un séjour, imaginé comme mouvementé, qu’elle finira par quitter au bout d’un court laps de temps pour retourner séjourner au sein de la maison familiale.

Une vie teintée de rencontres aussi, et de tragédies surtout, ayant fini de pousser une femme brillante à garder le silence durant toute son existence. Se retirant au fil des années du monde extérieur, voilà qu’elle se retrouve à ne sortir qu’à de rares occasions, le tout souvent vêtue exclusivement de blanc. Un rythme de vie et une allure qui n’auront fait qu’exacerber son image de personnalité étrange et marginale auprès du voisinage.

En vers et contre tous…

Une bande de jeunes qui organise des fêtes, parle féminisme, danse sur un tube de Lizzo et remet en question les thématiques du genre, cela n’a rien d’étonnant de nos jours, alors Dickinson a décidé de l’appliquer à la société conservatrice des années 1840. Comme espéré, le résultat est décapant. ©Apple (2019)

Marginale justement, la Emily Dickinson dépeinte par la série l’est tout autant. Défiant l’autorité autant que les conventions d’un XIXe siècle bien peu enclin à voir des femmes réussir par leurs propres moyens, elle entretient également deux relations des plus particulières. L’une amoureuse, avec Sue Gilbert (élégamment interprétée par la révélation Ella Hunt), future épouse orpheline de son grand frère, Austin Dickinson. L’autre, plus métaphorique et spirituelle, avec La Mort, la seule et l’unique. Une personnification spectrale de la faucheuse qui prend vie avec chic (et choc) sous les traits du rappeur Wiz Khalifa et apporte à la série une touche de fantastique bienvenue tout autant que d’innombrables réflexions macabres et décalées, déjà omniprésentes dans les nombreux écrits de la poétesse.

Transformée en icône queer, féministe et gothique à la psyché insoumise et décalée, la Emily Dickinson de notre époque se joue des clichés et des attentes d’une société conservatrice, désire la gloire tout autant qu’elle la rejette et s’exprime dans un argot contemporain à mille lieues de ce à quoi nous a habitués jusqu’alors l’art de la fiction historique. Dickinson est une série d’époque. De notre époque.
Pour autant, ses anachronismes aussi permanents que risqués ne font jamais preuve de superficialité et ne sont là que pour servir les besoins d’un récit engagé, mordant et impertinent qui se nourrit des poèmes de la jeune femme pour leur attribuer avec malice un tout nouveau sens de lecture.

Brillant et addictif, il fait également preuve d’une sincérité profonde à l’idée de réhabiliter aux yeux du plus grand nombre l’image d’un génie littéraire au féminin bien trop souvent évincé de l’histoire. Un pari somme toute réussi, tant son œuvre semble résonner aujourd’hui et plus que jamais auprès d’une communauté de fans renouvelée.
Désormais diffusée au rythme d’un épisode par semaine des suites du lancement de sa deuxième saison, la brillante et cathartique Dickinson est déjà assurée de revenir dans quelques mois pour une troisième fournée d’épisodes. Ceux-ci ont même été commandés à l’automne dernier, soit plusieurs mois avant la diffusion de la seconde partie de la série.

  • La saison 1 de Dickinson est disponible dans son intégralité depuis le 1er novembre 2019 sur Apple TV+.
  • La saison 2 est en cours de diffusion, au rythme d’un épisode par semaine, depuis le 08 janvier 2021, toujours sur Apple TV+.
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