Chill Chat, c’est l’émission de Pod’ Culture où l’on se pose et on cause avec une personne qui navigue dans les eaux de la Pop Culture ; que cette personne soit un créateur ou une créatrice, artiste, ou encore prescripteur ou prescriptrice.

Pour ce deuxième épisode, nous partons à la rencontre de Victoire, co-créatrice et co-animatrice d’Adapte-moi si tu peux, un podcast qui compare des livres à leurs adaptations en films ou en séries.

L’occasion donc de discuter avec elle de la genèse et du fonctionnement de son podcast, de l’art de ne pas se laisser déborder par sa pile à lire ; notamment quand comme Victoire on travaille dans le monde de l’édition et qu’en plus des lectures loisir on doit gérer les lectures boulot.

Et puis, l’occasion de discuter adaptations littéraires sur petits et grands écrans. Évidemment.

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Quand Disney a mis un point final à toute une ère de sa saga Marvel au cinéma avec Avengers Endgame, il était important pour le géant américain de se réinventer. Cela passait, selon eux, par une diversification des supports en allant jeter un œil du côté du petit écran, à un moment où ils devaient trouver des arguments pour vendre des abonnements à leur service de streaming Disney+. Et nous y voilà enfin, faisant table rase du passé de Marvel à la télévision (et c’est probablement pour le mieux), la firme aux grandes oreilles a diffusé du 15 janvier au 5 mars, au rythme d’un épisode par semaine, la série WandaVision. Premier titre d’une nouvelle ère.

Quelques semaines après les événements de Avengers Endgame et la mort de Vision (Paul Bettany), Wanda Maximoff (incarnée par Elizabeth Olsen) est en deuil. C’est alors qu’apparaît une étrange série télévisée où Wanda et Vision en sont les principaux personnages, mis en scène dans ce qui ressemble au quotidien de la famille idéale…

La deuil de l’après-Endgame

Photo courtesy of Marvel Studios. © Marvel Studios 2020. All Rights Reserved.

L’après Endgame interrogeait beaucoup, au-delà des qualités intrinsèques du film, c’est toute une saga qui doit se remettre en cause. Avec ses trois « phases », Marvel Studios a su populariser auprès du grand public des licences qui avaient perdu de leur superbe au fil d’adaptations cinématographiques douteuses et d’une certaine impopularité des comics. Ce qui avait d’ailleurs conduit Marvel à vendre ses droits d’adaptation aux plus offrants au début des années 2000, sans trop être regardant sur la qualité et les motivations de chaque acheteurs. Mais aujourd’hui la tendance est complètement inverse, puisque les héros et héroïnes Marvel font déplacer des millions de personnes au cinéma (du moins à l’époque où nous avions encore la possibilité d’y aller) et leurs histoires en passionne plus d’un·e. Les attentes sont donc aujourd’hui plus importantes, le Marvel Cinematic Universe devant se réinventer pour capter l’attention d’un public qui a déjà vu beaucoup de choses sur cet univers, et qui pourrait même finir par ressentir une lassitude un jour ou l’autre. C’est dans ces conditions que le medium change : exit le cinéma pendant un temps, en attendant les prochains films, et place au petit écran avec une succession de séries prévues sur le service Disney+. La première d’entre elles, WandaVision, a la lourde tâche de donner une nouvelle orientation à la saga en racontant l’après Endgame, et qui de mieux que Wanda Maximoff pour le faire ? Elle qui a tout perdu au fil des années : son frère, son pays, et maintenant l’amour de sa vie. La mort de la Vision est une des principales conséquences du dernier film de la saga, et c’est aussi le meilleur moyen d’aborder des thèmes qu’aurait dû traiter le film Avengers Endgame.

Ces thèmes, c’est ceux du deuil, de l’importance des souvenirs des êtres aimés et la violence des émotions ressenties lorsque la moitié de l’humanité a disparue, avant de revenir. Autant de sujets que le dernier film avait tendance à survoler, dans un récit qui faisait la part belle à l’action au détriment du traumatisme qu’aurait dû causer son histoire. Pour ce faire, WandaVision raconte essentiellement une phase où Wanda nie la perte de celui qu’elle aimait, reconstituant à sa manière une vie de couple parfaite qui passe par le format télévisuel. Mais on s’aperçoit aussi que le récit peut servir de découverte d’un personnage qui n’a, finalement, jamais trop eu l’occasion de se révéler au cinéma. Wanda Maximoff a souvent été décrite comme une héroïne très puissante, mais rarement les films ont su lui rendre honneur. Chose plus ou moins réparée avec WandaVision, une série dense et généreuse, qui aborde autant l’après que l’avant : presque comme une origin story, la série réinvente son personnage. Mais la série ne fait pas que ça, à l’image de l’introduction de Monica Rambeau (interprétée par Tayonah Parris) qui, lors d’une scène très juste, fait en quelques minutes bien mieux que Avengers Endgame sur ce qu’a provoqué la disparition puis le retour de la moitié du monde à cause de Thanos. Tout cela tient pour beaucoup à Elizabeth Olsen, qui -sans surprise- rayonne dans un rôle qu’elle affectionne, et auquel elle peut offrir enfin un peu plus de subtilité. Des pastiches des premiers épisodes jusqu’à une conclusion enflammée qui, en l’espace de quelques instants apparaît comme une meilleure origin story que la plupart des films Marvel qui se sont prêtés à l’exercice, l’actrice amène son personnage un peu plus loin qu’espéré. Et ce grâce à un talent certain dans un rôle qui se renouvelle sans cesse, puisque le format de la série la pousse à aller chercher dans un registre comique comme dramatique, avec des séquences qui mêlent les genres avec réussite.

On peut regretter tout de même ces deux derniers épisodes, où la série a tendance à mettre de côté ses bonnes idées avec cette insupportable volonté de tout expliquer. Car les spectateur·ice·s sont peut-être considéré·e·s par Disney comme trop bêtes, alors la série s’embarque dans un tunnel d’explications parfois pénible où les auteur·ice·s insistent encore et encore des éléments qui auraient pu se limiter à des suggestions que tout le monde aurait compris sans trop de difficulté. Cela donne deux derniers épisodes qui retombent dans un carcan déjà défini par le Marvel Cinematic Universe depuis plus de dix ans, où la magie de WandaVision s’envole pour revenir sur quelque chose de très classique. Dommage, d’autant plus que la série réalise d’excellentes choses en matière de mise en scène, mais pèche dès qu’il y a cette volonté de revenir vers un format classique et une narration qui se rattrape aux branches d’une saga qui avait pourtant bien besoin d’évoluer. Alors tout n’est pas à jeter dans ces derniers instants qui contiennent même quelques uns des meilleurs moments de la série, mais avec l’arrivée en force de cinéastes venu·e·s du cinéma indépendant à la tête des prochains films Marvel, espérons que la saga gagne enfin en subtilité.

Une idée du pastiche télévisuel

Photo courtesy of Marvel Studios. © Marvel Studios 2021. All Rights Reserved.

Les premières images de WandaVision avant sa diffusion intriguaient pour une raison : son univers visuel. De Ma sorcière bien-aimée à Modern Family en passant par Malcolm, la série instille une dose d’humour dans un gigantesque pastiche qui référence plusieurs décennies de télévision américaine. S’il y a esthétiquement un parti pris très facile en mimant les univers visuels des séries référencées, il faut toutefois noter le soin apporté à ces scènes qui s’approprient tous les codes des différentes époques. Qu’il s’agisse de décors, du jeu de Elizabeth Olsen et de Paul Bettany, du rythme ou de la mise en scène des dites séquences, tout fleure bon une maîtrise qui permet à la série de s’approprier le médium télévisuel. Difficile évidemment d’expliquer pourquoi ces séquences sont fondamentales pour la série sans verser dans un spoil malvenu, mais on s’aperçoit bien vite que ce pastiche a beaucoup de choses à dire.

Aborder le deuil à la télévision, c’est un exercice difficile, d’autant plus pour les séries familiales qui recherchent une légèreté communicative. En utilisant le médium télévisuel et en exploitant ses codes au travers du pastiche, WandaVision raconte beaucoup de choses : c’est d’abord l’évolution de l’Amérique et du « rêve américain », passant de la famille modèle des années 1960 au chaos à la Malcolm des années 2000. Ensuite, on remarque tout particulièrement un certain cynisme qui se dégage du pastiche, l’exercice ayant comme fonction de mettre en scène le deuil de Wanda dans une sorte de vie rêvée, sur plusieurs décennies, avec Vision. Une vie qu’elle n’a pas pu obtenir, et des souvenirs qui restaient encore à se créer. Le ton léger de la série s’oppose à la violence des événements vécus par Wanda, et à sa peine qui ne semble pas pouvoir s’atténuer. Il y a là une vraie bonne idée, une approche qui permet à la série de s’échapper parfois du carcan imposé par Marvel et de s’inventer un univers extrêmement dense.

L’autre manière de raconter Marvel

C’est une autre manière de faire, une volonté d’échapper aux codes de Marvel (tout en adaptant ceux d’autres œuvres, paradoxalement) comme Wanda tente d’échapper à sa peine. Il y a quelque chose de surprenant qui donne à WandaVision cette petite chose en plus, comme si Marvel Studios avait enfin compris qu’ils ont la main sur des centaines de héros et d’héroïnes aux univers différents, qu’ils peuvent raconter sans toujours se reposer sur un format similaire. Et c’est quelque chose que le studio serait bien inspiré de garder en tête pour l’avenir. Car si la série a beaucoup de choses à se reprocher, notamment toutes ses séquences dans un monde Marvel plus classique et moins intéressant, elle brille tout particulièrement quand elle met en place son propre univers. A cette volonté de faire autrement, on ajoute le choix de la diffusion hebdomadaire. Si cela relève plutôt de la plateforme Disney+ qui a tout intérêt à étaler ses séries exclusives dans le temps faute de contenu plus régulier, le mode de diffusion sied tout particulièrement bien à une série qui clame sa volonté de prendre le temps et d’observer l’évolution de ses personnages au fil des semaines. On a vu passer ici et là des critiques sur ce type de diffusion, alors que chacun est désormais habitué à « binger » des saisons intégrales qui sortent d’un coup, mais il est plaisant de pouvoir découvrir une telle série à un rythme beaucoup plus lent. Cela laisse le temps de se l’approprier, d’y réfléchir et surtout, de prendre du recul.

WandaVision n’est pas parfaite, la série se perd dans ses derniers épisodes et souffre de quelques tares propres à Marvel Studios. Mais on ne peut que saluer les risques pris par une œuvre qui pastiche cinquante ans de télévision Américaine pour y raconter, plutôt finement, le deuil et la renaissance d’un personnage qui gagne largement en profondeur après des interventions plus discrètes au cinéma. C’est probablement là que les séries Marvel ont un coup à jouer, en proposant des histoires qui diffèrent beaucoup de ce qu’il se passe au cinéma, sans la pression du box office et de sa recherche perpétuelle du record d’entrées. Elizabeth Olsen y brille tout particulièrement, incarnant avec le talent qu’on lui connaît une Wanda Maximoff qui, décidément, est probablement l’un des personnages les plus intéressants de ce petit monde de super-humains.

  • WandaVision est disponible intégralement sur Disney+
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Souvenez-vous, c’était en 2017 : Les Suédois de chez Tarsier Studios, alors habitués au rôle de soutien pour les besoins de diverses productions PlayStation, nous emmenaient à la découverte de l’univers lugubre de leur propre création, le bien nommé Little Nightmares. Confectionnée en collaboration avec Bandai Namco, cette (courte) aventure mêlant plateforme et réflexion prenait place dans les couloirs étouffants de l’Antre, une bien étrange embarcation peuplée d’une multitude d’antagonistes tous plus malsains et affamés les uns que les autres.
Quatre ans plus tard, forte d’un succès critique et commercial des plus mérités, la désormais franchise effectua un retour remarqué le temps d’un second volet apparu sur PS4, Xbox One, Nintendo Switch, PC et Google Stadia il y a quelques semaines de cela. Un épisode jouant sur sa propre temporalité dans le but de nous faire quitter cette bonne vieille mer agitée au profit des ruelles tout aussi détraquées de Pale City. À nouveau, le voyage fut horrible… et difficile pourtant de ne pas aimer ça.

Ce test a été réalisé sur PS5 à partir d’une version PS4 acquise par nos soins.

L’aventure de Little Nightmares II débute d’une bien étrange façon; Notre héros, Mono, se réveillant bien seul aux côtés de toutes ses télévisions. ©Bandai Namco (2021)

Si on aime les garder enfouies au plus profond de nous-même, il est souvent facile de se souvenir de nos peurs d’enfants. De ces créatures difformes qui peuplaient nos cauchemars. De ces couloirs sans fin dans lesquels on se perdait une fois les yeux fermés. De cette crainte sordide de voir la porte d’un placard s’entrouvrir au beau milieu de la nuit.
Ces quelques exemples communs qui pourraient suffire à rappeler de sombres terreurs nocturnes à nombre d’entre nous, les équipes de Tarsier Studios ont décidé de les compiler pour en faire un jeu vidéo. En 2017, Little Nightmares était ainsi né.

Paru sur PS4, Xbox One et PC avant de débarquer par la suite sur Nintendo Switch et Google Stadia, le titre nous plaçait dans la peau de Six, une mystérieuse petite fille vêtue d’un original ciré jaune se retrouvant propulsée dans les méandres de l’Antre, un étrange établissement dirigé d’une main de fer par la Dame, antagoniste principale de cette aventure qui n’hésita aucunement à nous mettre d’innombrables bâtons dans les roues pour empêcher notre fuite de ce lieu oppressant où seule la terreur régnait alors.
Avec sa direction artistique inspirée des productions animées de Tim Burton et du studio Laika, Little Nightmares fit immédiatement sensation. Difficile de rester insensible face au charme évident de cette épopée classique dans sa forme, mais au combien brillante dans son fond. Écoulé à plus de trois millions d’exemplaires, le petit jeu devient très vite franchise et se développe ensuite sur papier via une série de comics et sur mobiles grâce à un inédit puzzle-game, Very Little Nightmares, avant que les prémices d’un futur projet de série télévisée ne commence à faire irruption sur la toile.

Si ce dernier n’a depuis pourtant plus donné la moindre de ses nouvelles, les monstres humanoïdes aux membres déformés n’ont guère eux envie de rester confinés dans les recoins sombres d’un grenier. Les voilà de retour pour jouer de bien mauvais tours aux joueuses et joueurs du monde entier depuis le 11 février dernier dans le sobrement baptisé Little Nightmares II. La formule reste la même, mais l’exécution combine tout ce qu’il faut pour réussir le tour de force de nous séduire à nouveau.

Touche pas à mon pote !

Gigantesque, vif et doté d’un pouvoir hors-du-commun, l’Homme Filiforme constitue la menace la plus terrifiante de tout Little Nightmares II. ©Bandai Namco (2021)

Six n’est plus… enfin si… mais on ne la contrôle plus directement. Au contraire de ce que son titre laissait jusqu’alors supposer, Little Nightmares II fait en réalité office de préquel à son aventure passée.


Avant de se faire corrompre par la noirceur de l’Antre, la jeune enfant croisa sur son chemin un certain Mono, un petit garçon tout aussi énigmatique et affublé d’un sac en papier en guise de couvre-chef que l’on contrôlera désormais pour toute la durée de notre déroutant périple. Se réveillant dans une forêt où corbeaux et pièges à loup guident son tracé, il s’élance à la recherche d’un lieu sûr et, se faisant, rencontre alors notre ancienne apprentie héroïne dans une bien mauvaise posture. Évoluant rapidement en binôme, les deux petits personnages, hauts comme trois pommes, se retrouvent propulsés à Pale City, une métropole où pluie, grisaille et désolation semblent rythmer le quotidien d’habitants transformés en véritables zombies par une sombre transmission les obligeant à rester rivés devant leur poste de télévision. Quitte à y laisser la vie.

Si le premier Little Nightmares glissait en sous-texte un pamphlet profond autour des affres de la surconsommation, ce deuxième épisode s’interroge lui sur notre rapport aux écrans et personnifie cette menace sous les traits d’un homme en costume aux bras et jambes filiformes qui tirent les ficelles d’une population ne souhaitant que répondre à son malfaisant appel.
Bien avant de lui faire face, nos compagnons d’infortune auront toutefois bien le temps d’affronter moult-dangers des plus mortels. Maîtresse au long cou extensible, docteur fou, pantins reconstitués et autres enfants de porcelaine constituent une part du bestiaire saugrenu de ce Little Nightmares II… et aucun d’entre eux ne vous laissera respirer un seul instant.

Tout comme pour la précédente, l’odyssée ici proposée se révèle condensée. Comptez environ cinq heures pour en venir à bout et deux à trois de plus pour venir décrocher tous les divers trophées. Cela est court, mais amplement suffisant, tant cette durée de vie permet à l’expérience de ne jamais faire retomber son rythme, ni son efficacité redoutable.
Les épreuves s’enchaînent, les morts aussi, et il devient difficile de lâcher sa manette une fois pleinement lancée.

Prête pour le grand saut, Six ?

S’étendant à perte de vue, les grisâtres rues de Pale City nous offriront bien régulièrement quelques panoramas des plus saisissants. ©Bandai Namco (2021)

Surtout, ce format court empêche la frustration de prendre le dessus. Comme pour son prédécesseur, Little Nightmares II reprend les bases du concept des « Die and Retry » en démultipliant les pièges néfastes tout au long de notre parcours. Impossible de ne pas offrir un destin funeste au petit Mono à de (très) nombreuses reprises, tant certaines séquences reposent sur un apprentissage appuyé des mouvements du décor et des ennemis. Un sentiment de difficulté renforcé par ce qui constitue le principal défaut du projet : Son gameplay.

Toujours à l’image du premier volet, la production de Tarsier Studios conserve son principe de plan fixe incluant de la profondeur. Capricieuse de par ce choix, la caméra se chargera ainsi de bien souvent nous tromper, ne faisant qu’accentuer la consternation face à des séquences laborieuses qui nous feront enchaîner les sauts mal placés et autres coups portés de travers à l’ennemi.
Inhérent à ce genre de mises en scène pour le moins sournoises et rebutantes, ce point se montre toujours aussi regrettable à retrouver sur un jeu vidéo à notre époque.

Pour autant, si elle s’avère centrale dans la composition du projet, cette maladresse dans la jouabilité ne suffit aucunement pour venir gâcher l’entière expérience de ce Little Nightmares II.


Savamment torturée et poisseuse, cette ingénieuse fable horrifique ne sombre jamais dans la facilité pour nous faire frissonner grâce à son sens de l’esthétisme marqué, offrant des plans saisissants, couplés à sa maîtrise de l’éclairage et à une partition sonore minimaliste réunissant thèmes macabres et entêtants aux côtés d’une série de bruitages anxiogènes émanant des différents antagonistes qui ne nous veulent assurément que du mal.

Côté technique pure enfin, il est à noter que le jeu tourne en 4K sur PS4 Pro et Xbox One X tandis qu’une future mise à jour à destination des PS5 et Xbox Series X|S sera déployée gratuitement dans le courant de l’année 2021.

EN BREF : Little Nightmares II conserve ses acquis. Pour le meilleur et pour le pire. Ayant comme seule véritable nouveauté l’intégration d’énigmes se servant de la présence d’un deuxième personnage en guise d’accompagnateur, le titre doit ainsi composer avec les mêmes forces et faiblesses que son prédécesseur. Heureusement, cela intègre toujours cette ambiance redoutable à nulle autre pareil et ce récit sinistre aux mille interprétations possibles. Ces deux points à eux seuls suffisent à faire espérer la mise en développement d’une future suite. Un projet envisageable grâce au succès commercial de ce second épisode, déjà écoulé à plus d’un million d’exemplaires, mais qui, s’il obtient l’approbation de Bandai Namco, devra composer sans la présence de ses concepteurs initiaux de chez Tarsier Studios, désormais séparés de leur création star à la suite d’un rachat de l’entreprise par Embracer Group en décembre 2019. Quelle qu’en soit la manière, toutes les bonnes choses ont donc bien une fin…

  • Little Nightmares II est disponible depuis le 11 février 2021 sur PS4, Xbox One, Nintendo Switch, Google Stadia et PC et arrivera prochainement sur PS5 et Xbox Series X|S.
  • Retrouvez toute l’actualité de la licence Little Nightmares sur FacebookTwitter et Instagram.
  • Pour connaître les futurs projets de Tarsier Studios, rendez-vous également sur Facebook, Twitter et Instagram.
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Lara Croft. N’importe qui sur cette terre, à moins de vivre dans un tombeau enseveli depuis des millénaires, connaît ce nom. La licence Tomb Raider qui fête cette année son quart de siècle, a enfanté un personnage majeur du monde du Jeu vidéo, devenu une icône dépassant le média dans lequel il a vu le jour. Et pourtant, il aura fallu attendre 2013 pour que je me prenne d’affection pour Lara. Un crush à retardement. Explications.

Wallpaper © 2016-2021 RaidingTheGlobe.com

Premier couplet

1996. Le PSG a gagné la Coupe des Coupes en mai, la France a été éliminée aux tirs au but en demi-finale de l’Euro en juin, j’ai passé juillet à la plage, août à la montagne en colonie de vacances et vu septembre débouler avec la rentrée des classes dans son cartable. J’ai 13 ans et demi, je suis en 4eme, j’adore le foot, faire lea mariole en cours et parler à mes potes de la fille avec qui je suis sorti·e en colo (un bon gros mytho, soyez-en sûr). Deux heures par weekend, après avoir contrôlé mes devoirs, mes parents m’autorisent à jouer à la MegaDrive d’occasion qu’ils m’ont offerte au moment où la PlayStation sortait en France. C’est l’automne et les feuilles mortes se ramassent à la pelle en même temps que les avertissements sur mon carnet de correspondance.

La première fois que j’entends parler d’elle, nous sommes en décembre et des amis qui ont eu une avance sur leurs cadeaux de Noël n’ont que ça à la bouche : Tomb Raider. Un nouveau jeu qui « déchire », avec une « meuf qui est d’la bombe ». Voilà comment ils présentent la chose. Moi je suis privé·e de console depuis novembre et une rencontre parents / professeurs plutôt désagréable. Mes seuls réconforts vidéoludiques sont les parties en LAN de Duke Nukem 3D chez mon cousin et la lecture des Joystick qu’on fait tourner durant les heures de colle.

Tomb Raider, ce jeu devient une quête ; Lara Croft, ce nom devient une obsession. Je profite des vacances d’hiver pour enfin m’y plonger. Et là, déception. Les puzzles me gonflent rapidement, le système de sauts a vite raison de mes nerfs (mon skill défaillant surtout) et puis, franchement, je ne vois pas ce qu’on lui trouve à cette nana. Une espèce de bimbo pourvu d’un amas de pixel en guise de poitrine. Je passe totalement à côté de l’expérience.
Sans doute l’ai-je trop fantasmée avant d’y jouer pour pleinement en profiter. Toujours est-il qu’à cette époque je ne me fais pas ce genre de réflexion, préférant retourner dans les catacombes de Paris. Mon cousin a eu Les Chevaliers de Baphomet sous le sapin et je kiffe déjà ce fleuron du point & click d’aventure, le délicieux accent anglais de George Stobbart et les nez de « clawns ». Mes amis peuvent bien causer Lara Croft, Pamela Anderson voire Tabatha Cash, moi je suis tombé·e d’amour pour Sophie Marceau dans La Fille de d’Artagnan. Niveau jeu vidéo, mon crush c’est Nicole « Nico » Collard. À la sortie de Tomb Raider II, je n’ai plus aucune envie de goûter au nouvel opus de celle que je considère alors comme la Lolo Ferrari des chasseurs de trésors. Je me fais cependant graver le jeu pour écouter sa mythique ost signée Nathan McCree sur mon lecteur Cd (la belle époque ça, les bandes originales directement accessibles grâce aux pistes audio intégrées). Mais à aucun moment je ne lance le jeu (nous sommes en 1997, et pour la première fois de ma vie je possède un PC, passant mon temps libre sur Dark Forces II : Jedi Knight et Diablo).

Au fil des ans, les nouvelles aventures de Lara se font donc sans moi. Je reste spectateurice quand mes potes font tourner les jeux sur leurs consoles ; le seul petit truc qui attise un peu ma curiosité c’est d’apprendre qu’il y a un avatar de l’archéologue Jean-Yves Empereur dans Tomb Raider : La Révélation finale. Pas suffisant cependant pour que je touche au jeu. Il peut bien y avoir des Tomb Raider Legend, Anniversary ou Underworld, je n’en ai cure.

Lara et moi, ce n’est pas fait pour marcher.

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Deuxième couplet

2010. Le PSG a gagné la Coupe de France en mai, la France a été ridicule à la Coupe du Monde en juin et j’ai pu profiter de l’été sur la terrasse de mon nouvel appartement. J’ai 27 ans, une vie étudiante rangée dans des cartons à la cave, un boulot qui me plaît bien, un PC qui fait enfin tourner des jeux récents et les deux consoles de salon qui me permettent de jouer à la fois aux exclues Microsoft et Sony. Lorsque, en fin d’année, Square Enix annonce le développement d’un nouveau Tomb Raider, je suis aussi intéressé·e que s’il s’agissait du nouvel album de Frédéric François. Ils ont beau dire que ce sera un reboot de la saga, moi les news que j’attends le plus, ce sont celles sur Uncharted 3. Nathan Drake, voilà un aventurier que je kiffe. Du fun, des persos attachants, de l’action rollercoaster, quelques énigmes pas trop prises de tête, et des références à Indiana Jones et aux aventures old school qu’on trouvait autrefois dans les vieux pulp.

Six mois plus tard, E3 2011, premier trailer pour le fameux reboot. Et là, coup de savate en plein dans le museau. Il me suffit d’une séquence cinématique, d’une voix (qui préfigure la formidable performance de l’actrice Camilla Luddington), d’un minois tout nouveau tout frais et d’un thème musical entêtant, pour que je comprenne qu’il y a de fortes chances que cette fois-ci je sois branché·e. Je me mets donc à suivre assidûment le projet des devs de Crystal Dynamics et lorsque le jeu sort enfin, en 2013, il est day one dans le lecteur de ma PS3. Durant un weekend, je vais en baver avec Lara, l’aider à se forger, bataillant pour sa survie et son humanité, et triompher des hommes et des éléments à ses côtés. En un weekend, je vais faire ce que je n’avais pas fait en 17 ans : je vais craquer pour Lara. Ou comment, à 30 ans, se faire rattraper par le crush de mes potes d’adolescence.

Le jeu va cartonner et relancer une saga qui cherchait un nouveau souffle. Il y a évidemment des fans de la saga qui déplorent un trop plein d’action, pas assez d’énigmes ou de lieux différents et tombeaux à explorer, d’autres qui jugent que cela ressemble à du Uncharted et puis d’autres pour qui, de toute façon, c’était mieux avant. Chacun son avis. Pour moi, malgré certains défauts (notamment des personnages secondaires aussi charismatiques que des paresseux empaillés), ce jeu est une putain d’expérience. Une aventure mixant du LostThe Descent et Délivrance. Jouissif et en même temps bien nerveux et tendu (voire carrément glauque par moments).

La réécriture du personnage de Lara Croft est plutôt osée car elle s’attache à lui retirer son statut « d’icône » pour le remplacer par celui de « personne ». Cela paraît tout bête dit ainsi, mais c’est ce qui fait, pour moi, tout le charme de la nouvelle Croft.

À la fin de cette première épreuve, Lara est prête pour de nouvelles aventures ; dans sa nouvelle peau et, surtout, dans sa nouvelle incarnation. Le reboot est bien là.

Et moi, je suis conquis·e.

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Troisième couplet

2016. Le PSG est champion de Ligue 1 dès le mois de mars, depuis le début de l’année la menace d’attentats terroristes plane sur le bon déroulement de l’Euro de foot qui aura lieu l’été suivant en France, et un dégât des eaux m’a contraint·e à refaire entièrement mon salon. J’ai 33 ans, un appartement remastered, un ordinateur tout neuf qui m’a forcé·e à contracter un emprunt bancaire, une PS4 qui attend Uncharted 4 pour mai, et de bonnes résolutions de janvier qui se sont faites la malle dès février en même temps que mon ancien PC.

Rise of the Tomb Raider est sorti en novembre 2015, exclusivement sur Xbox One (console que je ne possède pas). Cette exclusivité a déchaîné les passions bien avant que le jeu ne débarque dans les bacs. Des cohortes de fans Microsoft se sont bouffées le nez avec des légions de Sonyboys, chacun prêchant pour sa paroisse, l’étendard dressé au vent, les armes trollesques affûtées. Personnellement, j’aurais préféré que le jeu voie le jour sur d’autres plateformes. Et connaissant la politique de Microsoft, je me doutais bien que tôt ou tard le nouveau bébé de Crystal Dynamics sortirait sur PC. Ça n’a pas loupé. Qu’il sorte finalement à l’automne 2016 sur PS4 est une bonne chose mais cela ne me concerne plus.

Janvier 2016 voit donc l’arrivée sur PC des nouvelles aventures de Lara. Le hasard faisant parfois bien les choses, mon ordinateur tout neuf et sa carte graphique toute neuve sont livrés mi-février avec le jeu offert en cadeau. Je l’installe en suivant mais n’y joue pas. Comme si j’avais peur d’être déçu·e par ce nouveau rencard. Durant deux semaines je résiste à la tentation, puis une semaine de vacances arrive. Une semaine de pluie. Je tourne en rond le premier jour, hésite le deuxième, et le troisième part en Syrie puis Sibérie avec miss Croft. Cette fois encore, je vais kiffer l’aventure. Sans doute est-elle moins saisissante que la précédente, peut-être se repose-t-elle un peu trop sur son savoir-faire, mais le dépaysement est bien au rendez-vous, la direction artistique somptueuse, les tombeaux plus nombreux et variés, et la consistance du personnage toujours présente. La caractérisation des persos secondaires a également été légèrement améliorée. On est certes bien loin de ce qui peut se faire de mieux en la matière, mais il y a eu un effort, c’est à signaler.

Et je sais une nouvelle fois, au moment où je quitte cette vallée sibérienne dont j’ai découvert tous les secrets, que je serai partant·e pour la prochaine aventure de Lara.

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Quatrième couplet

2020. Le PSG est un champion de Ligue 1 par défaut après l’arrêt prématuré du championnat. L’Euro de Foot a été reporté tout comme les JO. La flamme olympique brûle-t-elle toujours ? Comment la passer de mains en mains avec les gestes barrières ? Le mot COVID est sur toutes les bouches masquées. J’ai 37 ans, un appartement qui commence en à avoir marre de devoir me supporter 24h/24 durant le confinement, un robot-aspirateur défunt dont la dépouille prend la poussière dans un coin de mon salon et une PS4 qui ne me sert qu’à regarder des blu-rays.

Shadow of The Tomb Raider est sorti en septembre 2018. Période de rentrée scolaire pour certains, début d’arrêt maladie pour moi. Un nouvel arrêt maladie. J’avais besoin d’une respiration et le jeu signé cette fois-ci Eidos Montréal tombait à point nommé. Une nouvelle fois j’y ai joué day one, ou presque. Et c’était un plaisir de partir dans la forêt amazonienne avec Lara, découvrir la mythique Paititi, s’aventurer de tombeaux en tombeaux au moment même où ma santé s’en allait lambeaux par lambeaux. Faire peau neuve, malgré la difficulté. Suivre le chemin dans lequel on pense trouver son salut. Lara comme moi, nous étions en quête de nous-mêmes, quitte à nous perdre parfois. Mais que ce soit avec un piolet ou des mains écorchées, l’essentiel est de s’accrocher. Et avancer. Encore et toujours.

Lorsque le rideau tombait sur cette « trilogie reboot », la jeune femme avait enfin achevé la mue commencée en 2013. Deux années plus tard, en plein confinement, alors que je relance le jeu pour en revivre son aventure, je ne sais toujours pas quand finira la mienne.

Mars 2020 donc. Enfin, je crois. Peut-être est-on déjà en avril. Les journées se mangent les unes les autres et il est impossible de savoir avec exactitude. À l’heure où une grande partie des gens découvrent le télétravail, je me contente d’envoyer à mon employeur mes prolongations d’arrêt maladie. Oui, un nouvel arrêt maladie. Il m’apparaît alors que je suis confiné·e depuis bien longtemps déjà. Pas une super pensée ça, besoin d’une respiration.

Dans Shadow of The Tomb Raider, Lara essaie d’empêcher l’apocalypse tout en se retrouvant avec une relique capable de refaire le monde comme on le souhaite. Alors que je me balade de nouveau à ses côtés, je me demande vaguement ce que je choisirais si j’en avais l’occasion, si déjà je choisirais quoi que ce soit. Mais je ne suis pas un personnage de jeu vidéo, il n’y a pas de sauvegardes à recharger si les choses ne vont pas dans le sens que je voudrais. Heureusement, Lara choisit pour moi. Alors je me laisse emporter par l’aventure, encore une fois. Je profite de nouveau du voyage sans m’arrêter sur les maladresses qui pointent ici ou là.

Pas besoin de perfection, juste d’une respiration. Et d’évasion.

Fan Art © pedro-croft.deviantart.com

Éternel refrain ?

Lorsque la dernière séquence du jeu s’efface de l’écran, j’ai envie de prendre ma DeLorean et rouler vers un futur, proche je l’espère, où la COVID n’est plus sur toutes les lèvres, où les lèvres ne sont plus sous des masques et où on peut les voir articuler ces mots : « le nouveau Tomb Raider est là. » Le moment alors de vérifier si je suis toujours sous le charme ou si la recette ne sent pas trop le réchauffé, si je ne vais pas me lasser de Lara et, avec elle, d’une certaine façon de jouer et d’aborder ses aventures.

Cette vérification faite, peut-être prendrai-je de nouveau ma DeLorean, filant cette fois-ci dans le passé, près de vingt-cinq ans plus tôt, me garant devant ce jour où pour la première fois je mis les mains sur un Tomb Raider. Chez qui trouverai-je alors le plus de changement ? Le modèle pixelisé en mini-short ou l’ado à appareil dentaire ? Autre temps, autre Lara, autre moi. Ce premier opus restera toujours le même, immuable dans son gameplay et son histoire, à la différence des souvenirs qui évoluent et se distordent selon les caprices de ma mémoire et des émotions qu’ils suscitent.

La Chanson de Lara est ainsi : une chanson dont certains couplets s’égarent en route, dont d’autres apparaissent miraculeusement sans crier gare, wagons d’expériences vidéoludiques diverses et variées dont le point d’orgue n’a pas encore résonné. Reste cette petite mélodie, envoûtante et entêtante, débutant inlassablement pour moi par ces mêmes notes :

1996. Le PSG a gagné la Coupe des Coupes en mai, la France a été éliminée aux tirs au but en demi-finale de l’Euro en juin, j’ai passé juillet à la plage, août à la montagne en colonie de vacances et vu septembre débouler avec la rentrée des classes dans son cartable. J’ai 13 ans et demi…

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Internet regorge de talents. Tout un tas d’auteurs et d’autrices qui ont pu créer, partager leur vision de la vie, et notamment de l’amour.

L’amour est un vaste sujet, qui plus est universel. Peu importe que l’on soit en couple ou non, nous nous sommes toutes et tous retrouvé·e·s au moins une fois touché·e·s par ce sentiment. Qu’il fut réciproque ou à sens unique, il est difficile de trouver une émotion aussi forte que ce dernier. Pour autant, même si l’amour peut faire souffrir, il est depuis très longtemps le sujet principal de beaucoup d’œuvres de fiction.

Nous vous parlions d’amour le mois dernier, avec un article spécial pour la Saint Valentin, avec ces œuvres qui nous ont touché·e·s. Aujourd’hui, je souhaite vous partager une de mes visions de l’amour, afin de pouvoir coucher sur un papier tout un tas de sentiments aussi beaux qu’ils peuvent être destructeurs.

Bien évidemment je vous invite à regarder les courts-métrage avant de lire les paragraphes qui en découlent, afin d’éviter les différents spoilers, et surtout pour comprendre où je veux en venir. Les courts ne faisant que quelques minutes chacun, cela vous permettra en plus de rendre la lecture plus interactive.


Un sentiment inconnu refait surface

Les Parasites est un collectif proposant plusieurs genres de court métrage. Le plus généralement, ils se basent sur le monde réel, souvent dystopique, en y mêlant une pointe de fantastique. Leur travail est souvent percutant, car leurs idées portent à réfléchir sur l’état du monde, et plus particulièrement l’humain. Les œuvres qu’ils réalisent peuvent être soit hilarantes avec « Papier Prout« , sociétales avec « Jeu de société«  ou bien touchantes avec leur court métrage dont il va être question ici : « Symptômes d’Amour ».

Dans un monde où l’amour n’existe plus, deux personnes apprennent qu’ils sont amoureux. Voila un postulat simple, et pour autant terriblement efficace.

Ce monde dystopique qui est dépeint ici a oublié la notion de l’amour. Cette notion, présente seulement dans les livres, est interdite dans ce monde. Mais pourquoi est-elle interdite ? Pourquoi avoir peur de mourir à cause de l’amour ? Même si rien n’est officiellement dit dans ce court métrage, l’interprétation que j’en tire est simple : les ravages que peut créer l’amour a poussé ce monde à l’interdire. Malgré tout le mal que peut faire ce sentiment, ces deux âmes qui se sont rencontrées vont balayer tous les dogmes de ce monde.

Dans un premier temps, les personnages veulent apprendre ce qu’il leur arrive. Et pour ce faire, ils font appel à quelqu’un que l’on peut considérer comme étant parmi les premiers à écrire sur l’amour : un littéraire poétique. Peu à peu il va les aider à trouver une solution pour palier à ce « problème ».

Il est clair que cette histoire me touche particulièrement pour sa beauté, sa simplicité. Pour autant, même si la fin du court métrage peut amener beaucoup d’interprétations différentes, j’en ai choisi une qui correspond à la personne que je suis. On pourrait penser, au vu de la crainte de la femme, qu’ils sont morts à cause de leur amour, à cause de ce sentiment plus fort que leur raison. L’éternel romantique que je suis y voit totalement autre chose. Au contraire, je dirais simplement qu’ils se sont élevés plus haut que ce monde dans lequel ils vivent. Ce sont deux âmes qui ont réussi à se trouver, qui ont réussi à partager quelque chose de si fort, si puissant, que même l’auteur qui « comprend » ce sentiment, en retrouve l’inspiration.

Quand quelque chose est écrit, il doit se passer. C’est plus fort que la raison elle-même, plus fort qu’un monde qui dicte comment nous devons vivre. Et c’est d’ailleurs tout le sujet du second court métrage.


Il n’y a pas de hasard

En reprenant des bases fantastiques, « Couple Éternel » de Franck Cromer nous propose une vision plus fantasmée de l’amour. Comme un sentiment qui peut être contrôlé, au point de faire appel à une personne ayant un « don » nous permettant de devenir un couple éternel.

Seulement, les choses ne fonctionnent pas comme ça, en tout cas, pas comme on voudrait qu’elles se passent. C’est aussi un sentiment qui doit être partagé et non pas contrôlé. C’est bien tout ce que va apprendre le personnage principal de cette histoire, se résigner à perdre l’amour qu’il croit être celui de sa vie, pour éviter « un amour fabriqué ».

Alors qu’il aurait pu céder, comme beaucoup, à la facilité, il va choisir de perdre celle qu’il aime, afin de pouvoir avancer et surtout permettre à la personne pour qui il a des sentiments de vivre sa vie naturellement. Pour autant la fin de ce court métrage nous montre qu’il n’y a pas de hasard. Si les choses doivent se produire, elles se produiront, peut-être pas aujourd’hui, mais elles arriveront.

Vous pouvez vous en douter, avec un tel message, je me retrouve clairement plongé dans des pensées utopistes. Un ressenti qui peut s’avérer être « dangereux » tant il faut réussir à prendre du recul face à un tel happy end. Quoi de mieux pour ça qu’une histoire bien plus terre à terre ?


La fin

Je vous ai déjà parlé de Davy Mourier, et comme les choses sont bien faites, c’était déjà dans un article traitant de l’amour. Beaucoup de personnes connaissent Davy pour son rôle de Regis Robert dans Nerdz, ou encore pour sa BD La Petite Mort, ou bien plus simplement pour ses blagues à tendance scatologiques et sexuelles. Mais en dehors de toutes ces plaisanteries, dès qu’il parle d’amour, je me retrouve complètement aspiré par ses œuvres. Je vous en reparlerai plus longuement dans un article qui lui sera dédié, mais pour une histoire d’amour plus terre à terre, autant parler de la fin d’une histoire.

Alors que les deux autres histoires d’amour dont je vous parlais précédemment nous montrent des histoires idylliques, Davy Mourier nous montre lui, une histoire bien plus terre à terre, bien plus réaliste. Avec ce qui peut arriver du jour au lendemain. Sous couvert d’une certaine plaisanterie, il démontre le fait de que ne plus aimer une personne peut arriver à tout moment. Comme ne plus aimer le café, ou autres…

C’est bien d’ailleurs là ou je le trouve le plus fort. Réussir à écrire ce genre d’histoires, car tout n’est pas toujours tout beau ou merveilleux. Car l’amour, ce sont aussi des bas.

Si j’ai décidé de vous parler de ces trois œuvres aujourd’hui, c’est avant tout de manière thérapeutique. J’ai souvent eu tendance à idéaliser l’amour, à mettre ce sentiment sur un piédestal, pour la simple est bonne raison que j’ai été totalement influencé par les œuvres de fictions. Celles qui nous promettent l’amour véritable, l’amour qui dure toujours. Mais tout ceci ne sont que des histoires.

L’amour existe, cela ne fait aucun doute, et chacun des auteurs dont j’ai pu partager les œuvres dans cet article en sont bien conscients. C’est sans doute pour cette raison qu’ils ont écrit ces histoires et c’est pour cette raison que j’écris cet article. Je crois en l’amour, je crois en ce qui peut arriver entre deux personnes, seulement chacun a son histoire qui lui est propre, et la vie n’est pas faite que d’une histoire.

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Bonjour à toutes et à tous, et bienvenue dans ce nouvel épisode de Reflecto !

Le manga Blue Giant, de Shinichi Ichizuka, est sans doute le manga le plus important du moment sur la musique, et sur le Jazz en particulier. Il réussit le tour de force de nous embarquer dans la quête d’un musicien débutant vers les sommets du jazz et de nous en faire ressentir la musique rien qu’avec ses dessins.

Cela n’allait tellement pas de soi, que ce phénomène m’a donné envie de décortiquer les techniques utilisées par le mangaka pour réussir à nous transmettre du son, simplement avec du papier et un crayon.

J’espère que cet épisode vous plaira, et vous souhaite un bon visionnage !

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S’adressant autant aux grands adolescents qu’aux adultes, Le Château des Animaux est une bande dessinée dont deux tomes sur quatre sont actuellement parus. Au fil d’une histoire animalière attachante, Félix Delep et Xavier Dorison ré-imaginent une suite à un grand classique dystopique d’Orwell en lui offrant une rébellion dont les héros, cette fois, sortiraient vainqueurs.

Un hommage à La Ferme des Animaux de George Orwell

© Casterman, Le Château des Animaux, Delep et Dorison, 2019

Dans sa préface, Xavier Morison parle tout de suite de La Ferme des Animaux d’Orwell, citant cette fable animalière comme un livre majeur du XXe siècle. Dans ce roman publié en 1945, les animaux d’une ferme chassent les humains et instaurent une société animale, où chacun contribue au bon fonctionnement de la ferme par un dur labeur et une récompense équitable. Malheureusement, il arrive bien vite un moment où certains animaux, les cochons, prennent peu à peu le pouvoir, « certains animaux devenant plus égaux que d’autres », jusqu’à redevenir similaires aux humains oppresseurs d’autrefois. La fable animalière n’avait d’autre but que de représenter et dénoncer le régime autoritaire de Staline, mais aussi toutes les autres dictatures de l’époque.

Dans la série scénarisée par Xavier Morison et illustrée par Félix Delep, « la Ferme » est ici un château. On apprend au cours du tome 2 que les cochons auraient été expulsés par un taureau gigantesque, Silvio. Mais les conditions de vie n’en sont pas meilleures pour autant. Les animaux les plus faibles – moutons, chats, lapins, poules, etc – sont mis au travail par Silvio et sa milice armée de chiens, avec une autorité oppressante, punissant le moindre écart de conduite par la mort sous morsures canines. C’est encore une fois les plus faibles et pauvres qui pâtissent de cette société soi-disant égalitaire, et dont les fruits de labeur reviennent aux plus puissants prétendant les protéger des loups et du monde extérieur.

L’histoire se présente comme une fable ou un conte, avec une introduction évoquant un temps bien lointain : une manière de rendre son propos universel. Il ne faut que quelques pages pour mettre en place tout un univers, avec la mise à mort injuste d’une poule pour avoir gardé son œuf : un spectacle auquel les animaux assistent tête baissée pour la plupart, exceptée une oie, Marguerite, par qui soufflera le premier vent de rébellion. A ses côtés, on suit alors le point de vue d’une femelle chat, Miss Bengalore, seule pour élever ses deux chatons et pour travailler au chantier depuis la mort de son mari. C’est par la vision de ce personnage, d’abord soumis et naïf, qu’on verra peu à peu la révolution se faire et les mentalités changer.

Le courage d’une révolution non-violente

© Casterman, Le Château des Animaux, Delep et Dorison, 2019

Car là où le roman de George Orwell se terminait sur une note pessimiste, Le Château des Animaux choisit un tout autre chemin. Quand César, le lapin gigolo voisin de Miss Bengalore, l’emmène au spectacle clandestin d’un rat de passage, tout change. Car ce que le rat Azélar met en scène, c’est la vision d’un peuple tout aussi opprimé, mais pour qui une figure salutaire parvient à s’opposer à un empereur tyrannique, par la parole et la vérité plutôt que les armes. Si l’on reconnaît en tant que lecteur la figure de Ghandi, pour les animaux du Château, la critique envers le Président Silvio est évidente.

C’est à partir de cet événement que Miss Bengalore, inspirée par le rat de théâtre, parvient à convaincre César de commencer une révolution. Tout au long de l’album, on voit la progression de cette héroïne timide, son caractère se faisant plus déterminé et idéaliste, passant des croyances naïves de soumission au souhait d’un monde meilleur. Pas à pas, par l’humour, par des manifestations pacifistes mais répétées, puis par la désobéissance au travail et à des sittings non-violents, Miss Bengalore fédère avec elle les autres animaux, les incitant à se rebeller. D’abord faire rire pour ne plus subir, trouver une solidarité, rendre ridicule la milice canine… Un chemin long, pavé de larmes et de sang, où elle refuse de tuer qui que ce soit pour changer le Château, mais est prête à mourir pour donner l’espoir d’un changement.

Un tel message de non-violence, de changement pacifiste, est d’autant plus bienvenu dans une société où on a tendance à répondre œil pour œil, dent pour dent, face à ceux qui nous heurtent et qui nous blessent au quotidien. Bien sûr, le Château des Animaux a une lecture universelle et engagée, celle de la lutte contre tout régime autoritaire et dystopique. Il incite à la révolution mais sans une violence qui conduirait les faibles à devenir aussi pires que les oppresseurs qu’ils combattent. Mais en transposant les messages du Château des Animaux au quotidien, on pense aussi à toutes ces situations où on a tendance à répondre par l’énervement, l’agressivité, le rejet ou le refus d’empathie de l’autre – autant d’émotions qui empêchent toute construction de soi, qui empêchent d’avancer positivement et de créer de nouvelles choses.

Un univers sombre aux dessins plein d’émotions

© Casterman, Le Château des Animaux, Delep et Dorison, 2020

Pour toute bande dessinée, il serait impensable de ne pas évoquer la forme. Ce n’est pas pas parce que les héros du Château des Animaux sont justement… des animaux que les messages et l’histoire véhiculés par la bande dessinée ne sont pas noirs, voire violents. Quelques planches témoignent du côté sanglant de la dictature, tandis que les expressions de certains animaux, si elles sont souvent empreintes d’émotion, peuvent vite virer à la haine, l’autosuffisance, l’injustice et la cruauté gratuite chez les oppresseurs. Cependant, il n’y a pas pour autant de manichéisme, puisque nous aurons aussi droit à voir les coulisses et manipulations de la dictature, ou le revers d’un peuple qui pourrait enfin se venger. Les couleurs du premier tome sont généralement sombres et grises, parsemées d’un peu de lumière et d’humour par les personnages de Miss Bengalore ou de César. Le tome 2, avec son atmosphère hivernale, offre un vrai contraste de couleurs.

Ces touches plus optimistes font du bien dans un univers qui n’hésite pas à démontrer la violence avec une mise en scène marquante. Le soin apporté aux animaux les rend aussi souvent très touchants et attachants, un aspect nécessaire pour s’immerger dans l’histoire et espérer la victoire des animaux de la basse-cour. Xavier Delep fait un formidable travail de dessin pour retranscrire les émotions des personnages de façon aussi vivante, en une posture, un silence, un regard ou une parole, sans jamais exagérer ou sombrer dans le cartoonesque.

Une bande dessinée à découvrir, qu’on connaisse ou non le roman dont elle s’inspire, pour montrer que le meilleur – et le plus difficile – chemin pour sortir d’une dictature passe par la non-violence, si l’on veut espérer une société meilleure. Et qui fait aussi réfléchir à comment son message pacifiste peut s’appliquer dans notre quotidien.

  • Les tomes 1 et 2 du Château des Animaux sont disponibles aux éditions Casterman, en librairie.

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Les adaptations de jeux vidéo en mangas sont monnaie courante. On en a d’ailleurs eu un bel exemple il y a quelques temps sur Pod’Culture avec le très intéressant Siren ReBIRTH. Le même éditeur, Mana Books, propose à partir de ce mois-ci l’adaptation du jeu Persona 4, un titre sorti à l’origine en 2008 et dont l’adaptation en manga a été publiée dans la foulée au Japon. Plus de dix ans après, le manga écrit par Shuji Sogabe (déjà à l’œuvre sur le manga Persona 3) arrive enfin dans nos contrées avec un tome 1 publié ce 4 mars 2021. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on n’est pas insensible à l’idée de se replonger dans l’histoire de Persona 4

Cette critique a été rédigée grâce à un exemplaire envoyé par l’éditeur. 

On suit l’aventure de Soji Seta, un lycéen qui déménage à la campagne, dans le patelin d’Inaba, en cours d’année scolaire. Arrivé dans une nouvelle classe, il apprend via ses nouveaux amis qu’une rumeur se propage parmi les jeunes : si l’on regarde son propre reflet sur l’écran de la télévision à minuit un soir de pluie, notre âme sœur y apparaît. Lui et ses camarades s’y tentent et finissent plus tard par être aspirés par une télévision, les plongeant dans un monde parallèle. Dans le même temps, la panique se répand dans la petite ville alors qu’un meurtre vient d’y être commis.

Persona 4, un jeu culte

©ATLUS ©SEGA All rights reserved. ©Shuji Sogabe 2009 First published in Japan in 2009 by KADOKAWA CORPORATION, Tokyo.

Dire que le jeu Persona 4 a été un succès serait un doux euphémisme. Célébré par le public et les critiques pour ses nombreuses qualités, le titre est d’abord sorti sur une PlayStation 2 en fin de vie, la PlayStation 3 étant déjà sortie depuis deux ans à ce moment-là, en 2008. Mais c’est avec une nouvelle version, sortie sur PS Vita en 2012 et intitulée Persona 4 Golden que le phénomène s’est propagé, encore un peu plus parmi les amateurs et amatrices de jeux de rôle.  À tel point que son éditeur, Atlus, en a profité pour tirer sur la corde au fil des années en utilisant son titre dans des spin-off inattendus (un jeu de combat, un jeu de danse…), des dessins animés et enfin, un manga.  Le succès critique du titre n’est toutefois pas une surprise, les Persona ayant toujours eu une bonne côte auprès du public des J-RPG, quand bien même la série ne soit à la base elle-même qu’un spin-off de la saga des Megami Tensei. On l’a d’ailleurs vu plus récemment avec le beau succès de Persona 5, dont on a également parlé sur Pod’Culture avec son excellente suite Persona 5 Strikers. Si les Persona ont une telle côte, c’est parce qu’ils parviennent souvent à aborder des thèmes matures, difficiles, qui parlent sans mal aux joueur·euse·s. Des thèmes qu’ils racontent dans des univers séduisants, avec des personnages hauts en couleur qui traversent des problèmes auxquels chacun·e peut s’identifier. Dans le cas plus spécifique de Persona 4, c’est un titre qui s’intéresse à la difficile question de l’acceptation de soi, de ses propres caractéristiques, de sa propre histoire et de son identité. Une réflexion qui se fait au travers de l’histoire, mais également du gameplay du jeu, puisque comme le reste de la saga les personnages combattent au moyen de leurs « Persona ». Ces entités mystérieuses qui leur permet d’affronter des monstres portent le nom d’un concept de psychologie analytique qui vise le « rôle » prédéfini de chacun·e, un personnage dans lequel les individus se fondent pour tenir leur place dans la société.  

La narration est ainsi le point fort du jeu, en utilisant pleinement les moyens propres au jeu vidéo pour raconter ses idées, qui portent sur de nombreux concepts propres à la psychologie. On y parle par exemple, outre la persona, d’inconscient collectif ou encore d’introspection, en mettant ses personnages face à leurs propres décisions et face à l’influence de leur entourage sur leur comportement. Cela donnait à l’histoire de Persona 4 quelque chose de très fort, faisant du jeu une sorte de voyage introspectif qui se révélait particulièrement bien écrit, fort de sa capacité à nous immerger dans le quotidien de ses personnages. Car la notion de quotidien est essentielle, le jeu nous mettant dans la peau de lycéens et lycéennes qui font face à des problèmes divers (pression sociale, difficultés au lycée…) et qui doivent, entre deux expéditions dans des donjons pleins de monstres, réviser et travailler pour réussir leur année. Alors c’est un titre qui mélange les genres mais qui le fait avec beaucoup de talent, parfois assimilé à un visual novel, parfois à un jeu de rôle plus classique, mais toujours acclamé pour ses qualités d’écriture. Et c’est un titre qui est paradoxalement difficile à adapter en manga : Persona 4 est un titre très dense et généreux, qui a énormément de choses à dire. L’auteur avait la lourde tâche de raconter l’histoire d’un jeu qui se terminait en 70 à 80 heures, qui était très verbeux, et qui allait au plus profond des choses. Une tâche qu’il réussit plutôt bien avec ce premier tome, ce qui laisse espérer le meilleur pour les douze autres qui suivront (tous ont déjà été publiés au Japon). Cela passe d’abord par une certaine fidélité au jeu, d’ailleurs le mangaka explique dans les premières pages qu’il a été jusqu’à demander l’avis du studio de développement pour décider du nom du héros, sachant que dans le jeu il n’en dispose pas (c’est aux joueur·euse·s de le choisir). Mais aussi par une faculté à condenser le récit sans pour autant le dénaturer, et on s’aperçoit que ce premier tome part sur d’excellentes bases.

Des questions sans réponse

©ATLUS ©SEGA All rights reserved. ©Shuji Sogabe 2009 First published in Japan in 2009 by KADOKAWA CORPORATION, Tokyo.

Si ce premier tome est une réussite, c’est parce qu’il ne suit pas mot pour mot le jeu. Il y a un réel travail d’adaptation qui, sans renier ce qui fait la qualité de l’écriture originale du titre, bénéficie de la même force émotionnelle que les premières heures du jeu. On sent aussi bien l’amour de l’auteur pour Persona 4 que sa volonté de mettre en valeur à sa manière des personnages qui ont tant à offrir. Ce premier tome se concentre essentiellement sur Yosuke, un des premiers amis que se fait le protagoniste, qui occupe un rôle central dans la découverte du monde parallèle. Un monde sous forme de donjons inspirés du monde de la télé, et qui reproduisent de manière plutôt inquiétante l’environnement quotidien des personnages. C’est à l’intérieur de celui-ci que les personnages apprennent à se connaître eux-mêmes, mais également leurs proches, et le manga réussit très bien à raconter ces moments de doutes, de révélations et d’introspection. Les personnages y grandissent, y réalisent leurs valeurs et leur capacité à changer les choses. Il y a quelque chose d’extrêmement touchant que l’auteur Shuji Sogabe manie avec douceur, lors d’une longue phase d’exposition des personnages qui fonctionne particulièrement bien. On y découvre des personnages aux caractères affirmés, mais qui se retrouvent vite confrontés à leurs propres doutes, non pas pour les abattre, mais plutôt pour leur permettre de s’émanciper. Le manga profite en outre d’un style visuel fidèle à l’esprit du jeu, avec des dessins qui traduisent son dynamisme et son fort potentiel de séduction, avec un univers accrocheur. Il faudra évidemment voir ce qui arrivera par la suite puisqu’il ne s’agit encore que du début du manga, mais il y a déjà de quoi être optimiste. D’autant plus que le manga est parfaitement accessible aux personnes qui n’ont jamais joué au jeu : il ne présume jamais des connaissances des lecteur·ice·s et se lance tranquillement en posant très justement son univers.

Adapter Persona 4 n’est pas chose aisée, mais le manga de Shuji Sogabe le fait très bien. Alors on n’en est qu’à ses débuts, mais ce premier tome a le mérite d’installer déjà les thématiques complexes qui font tout le sel de l’œuvre, en s’appuyant sur l’esprit et l’ambiance caractéristique des Persona grâce à ses superbes dessins qui sont très proches de ceux du jeu. Ce n’est pas qu’une histoire de lycéen·ne·s confronté·e·s à un mystère ou une simple tranche de vie, ce tome 1 ne fait pas que poser les bases, il aborde déjà une question intéressante au travers de l’un de ses personnages. Finalement, le seul problème de ce premier tome c’est qu’il donne une irrépressible envie de relancer une partie du jeu, alors qu’il y a déjà bien trop de jeux à découvrir et que le temps n’est malheureusement pas encore extensible.

  • Le tome 1 de Persona 4 est paru ce 4 mars 2021 aux éditions Mana Books. Série en 13 tomes.
  • Le jeu Persona 4 est sorti sur PS2 et PS Vita, et a été porté l’année dernière sur PC (Steam).
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Il y a une dizaine d’années le mangaka Takahiro a fait forte impression avec Red Eyes Sword (Akame ga kill!), un seinen en quinze tomes qui faisait la part belle à l’action dans un monde fait de créatures dangereuses. Couronné de son succès (qui s’est prolongé avec la suite Blue Eyes Sword) et épaulé par Yōhei Takemura aux dessins, il revient enfin avec une nouvelle série, Demon Slave, avec toujours ce même penchant pour les mondes fantastiques et les créatures venues d’ailleurs.

Cette critique a été écrite grâce à un exemplaire du manga envoyé par l’éditeur.

Demon Slave est un shōnen, avec tout ce que cela implique : un héros en devenir, des combats mais aussi et surtout, et c’est là qu’il se distingue des précédentes œuvres de Takahiro, un humour omniprésent. Et il en faut de la dérision, puisqu’il raconte un curieux monde démoniaque où un escadron mené par une jeune femme a pour mission de protéger la Terre d’invasions de monstres, au moyen… d’un lycéen devenu son esclave.

Un monde renversant

MATO SEIHEI NO SLAVE © 2019 by Takahiro, Yohei Takemura / SHUEISHA Inc.

Derrière son postulat légèrement provocant, Demon Slave présente pourtant un monde qui attise la curiosité. Renversant le patriarcat, l’auteur nous raconte l’apparition de « Mato », une cité venue d’une dimension démoniaque où il existe un fruit, la Pêche, capable de donner des super-pouvoirs aux personnes qui y goûtent. Le twist, c’est que seules les femmes obtiennent ces pouvoirs, tandis que la Pêche n’a aucun effet sur les hommes. Cela place immédiatement les femmes à la tête de la société : elles occupent la majorité des hautes sphères et elles forment les escadrons capables d’éloigner les démons de Mato. Considérés comme inutiles à la société, les hommes ne sont là que pour les soutenir et leur rendre service. Si la subtilité n’est pas toujours le fort de l’auteur, il y a évidemment quelque chose de très savoureux à voir cette inversion de la dynamique de nos sociétés actuelles. Les hommes sont mis à l’écart, ils ne peuvent plus vraiment accéder à de bons postes, ils n’existent que pour permettre aux femmes de briller. Et c’est dans ces conditions que le jeune lycéen Yuki Wakura, déprimé par un avenir qui lui semble bien morne, se retrouve par hasard plongé dans la dimension de Mato, le fameux monde démoniaque auquel on accède avec des « portes » qui apparaissent ici et là de temps en temps. Pourchassé par une horde de monstres contre lesquels il ne peut pas se défendre, il est sauvé par Kyōka Uzen, la commandante d’un escadron chargé de protéger une porte qui mène à la Terre. 

Ce sauvetage a toutefois un coût : ils s’aperçoivent bien vite que sous le contrôle de la commandante, le lycéen peut se transformer lui-même en monstre et terrasser les démons qui se dressent sur leur passage. Ils passent alors un pacte et Yuki devient l’esclave de Kyōka. Alors l’auteur et son dessinateur s’amusent beaucoup à se servir de cette dynamique pour y insuffler une imagerie et un sous-texte directement tiré du monde des dominatrices, le jeune homme devenant soudainement un esclave, soumis à une femme qui incarne la force et la domination. Cette dynamique sert essentiellement l’humour du manga, mais elle permet aussi d’appuyer un peu plus sur le renversement amorcé avec la fin du patriarcat : le duo laisse le pouvoir à la femme, même si comme je l’expliquerai un peu plus tard, l’auteur ne va pas toujours au bout de son idée. Mais cela fonctionne globalement plutôt bien, le monde démoniaque est fascinant et le style visuel de Yōhei Takemura, très moderne, est tout à fait approprié pour l’histoire imaginée par Takahiro. On note d’ailleurs un découpage des cases qui met en valeur les scènes d’action et leur rythme, on sent une véritable maîtrise en la matière, même si certaines planches auraient gagné à être moins chargées afin de gagner en lisibilité. Là où le manga fait fort, c’est aussi et surtout dans toutes les scènes du monde réel. Des excursions dans le quotidien qui se révèlent passionnantes puisqu’on y découvre un monde proche du nôtre, mais pourtant si différent, où les personnages sont bien plus souvent mis à l’épreuve que face aux démons qui animent leurs journées. C’est aussi là que les liens se font, des moments de calme où l’on comprend un peu mieux les motivations des uns et des autres. Ces scènes sont toutefois assez rares dans ce premier tome, qui cherche essentiellement à installer la menace qui occupera certainement l’essentiel des prochains tomes.

Humour et non-dit, l’équilibre du shōnen

MATO SEIHEI NO SLAVE © 2019 by Takahiro, Yohei Takemura / SHUEISHA Inc.

Avec son univers qui penche vers la dark fantasy, le manga n’oublie pas pour autant son statut de shōnen. Genre destiné essentiellement aux adolescents, qui insiste sur des scènes d’action autour de récits souvent initiatiques, ne serait rien sans un sens de l’humour efficace. Et Demon Slave en est un bon représentant, avec des vannes et des situations pleines d’ironie qui fonctionnent souvent très bien, grâce à l’alchimie de personnages aux caractères opposés mais qui s’assemblent parfaitement. L’humour est dans l’ensemble bien dosé, en jouant sur l’improbable d’un bon nombre de situations et sur la position d’esclave -presque sexuel- du héros. On reste néanmoins face à quelque chose d’assez classique, au-delà de son contexte original, le titre emprunte beaucoup à ses prédécesseurs avec des personnages plutôt clichés que l’on a déjà vu dans d’autres œuvres. A commencer par les histoires type « harem » dont il s’inspire largement, avec un héros décrit comme un « loser » plongé malgré lui dans un environnement exclusivement féminin, et qui a en partie été popularisé il y a longtemps par Love Hina. Demon Slave en fait d’ailleurs presque le pastiche à certaines occasions avec des inspirations évidentes, même si le titre n’est que le résultat de nombreuses années de mangas qui ont repris et affiné le concept. Et cela lui porte parfois préjudice : si on apprécie les références et les situations qui s’en dégagent, il y a une certaine lourdeur qui met à mal son propos initial sur l’inversion des rôles, notamment dans la représentation des femmes dans les mangas. Il y a dans ce premier tome une dose importante de sexualisation des personnages féminins qui, s’il n’oublie pas la dynamique de domination de celles-ci sur le héros, les montre souvent comme l’objet de « fantasmes » que l’on pourrait voir dans d’autres titres qui reprennent ces idées de « harem ». Alors on sent que Demon Slave navigue en eaux troubles, et peine parfois à trouver le juste milieu, occasionnant même un raté avec un personnage féminin beaucoup trop jeune pour une scène de bain à l’ambiance douteuse. Malgré ces errements qui restent heureusement rares, ce premier tome est souvent drôle, et parvient sans mal à nous intéresser au destin de ses personnages, très attachants, et aux enjeux de leur monde.

Demon Slave joue les équilibristes : mystère d’un monde démoniaque, action, scènes plus sensuelles et quotidien de l’escadron, tout ne tient qu’à un fil et forme un ensemble convaincant, souvent drôle et très attachant. On attend de voir la suite car ce premier tome, très dense, multiplie les pistes et les idées, même s’il a parfois tendance à passer trop de temps dans des combats que le manga peine encore à mettre en scène de manière efficace. Le nouveau titre de Takahiro pose son univers d’une fort belle manière, avec des personnages aux caractères qui répondent à des archétypes bien connus mais qui font preuve d’une jolie alchimie. Aussi dingue cette histoire de simili-dominatrices peut être, elle suscite immédiatement empathie et attachement, et c’est bien là le principal.

  • Demon Slave (T.1) est édité par Kurokawa, disponible en librairie depuis le 11 février 2021, le T.2 sort le 8 avril. Pour le moment, six tomes sont parus au Japon.
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Peu connue, la série des Fallen Legion en est pourtant rendue à son troisième épisode. Créée par les développeurs indonésiens de Mintsphere et YummyYummyTummy, la série a fait ses débuts en 2017 sur PS4, avec l’épisode Sins of an Empire et sur PS Vita avec sa suite, Flames of Rebellion, deux jeux qui ont depuis profité d’une compilation sortie sur Switch et PC. Plutôt confidentielle, la série a toutefois conquis une petite base de fans qui lui permet aujourd’hui de se doter d’un troisième opus, cette fois-ci sur PlayStation 4 et Switch, passant entre nos mains pour voir ce que ce jeu qui s’inspire des jeux de rôle Japonais vaut réellement.

Cette critique a été rédigée à partir d’une clé PS4 envoyée par l’éditeur. Jeu testé sur PlayStation 5 en rétrocompatibilité PS4.

La Terre décimée par la peste, un miasme transforme le peuple en monstres et le château volant de Welkin est le dernier refuge de l’humanité. Mais ils font face à une pénurie des ressources, la famine n’est pas loin, et le château est mené par un tyran fou. On incarne ainsi Lucien, un politicien qui agit dans l’ombre du château avec l’espoir de renverser le tyran, et Rowena, le fantôme d’une femme qui part affronter des monstres sur les Terres désolées pour trouver un moyen de sauver son fils. 

Des choix osés pour un jeu atypique

© YummyYummyTummy, Inc. / NIS America

La sortie des deux premiers Fallen Legion constituait en 2017 de petits événements puisqu’il s’agissait des tous premiers jeux Indonésiens disponibles sur console. Si l’Indonésie a un certain intérêt pour le jeu PC et mobile, le développeur Kris Antoni Hadiputra, fondateur du studio indépendant Indonésien Toge Productions, expliquait dans un post de blog sur Gamasutra que les kits de développement qui permettent de porter des jeux sur consoles étaient très difficilement accessibles aux Indonésiens. Un obstacle au développement sur consoles que les développeurs de Fallen Legion ont pu surmonter, jusqu’à finir par obtenir le soutien de NIS America pour que le jeu puisse être disponible. Et il y a une curiosité qui l’entoure, car la promesse est intéressante : un univers de dark fantasy,  des influences venues J-RPG, et surtout la promesse d’une histoire où les choix comptent énormément. C’est d’ailleurs le centre de l’expérience pour ce troisième épisode, Fallen Legion Revenants, où l’histoire est assez largement modulée par les nombreux choix effectués au cours de l’aventure. À tel point que l’on peut même souffrir d’un « game over » au bout de quelques heures si une décision mène à la mort cruelle du héros, mettant de côté tout un pan de l’histoire qui n’est accessible qu’en survivant.

Très verbeux, Fallen Legion Revenants joue beaucoup avec les parallèles des situations. Quand on incarne Lucien, membre d’un conseil qui dirige le quotidien du château volant de Welkin, il s’agit de parler à tout le monde, créer des potions pour aider Rowena et nouer des amitiés. Quant à cette dernière, ses séquences se composent intégralement de combats au rythme plutôt hasardeux. Alors quand Rowena est en pleine mission, le jeu renvoie parfois vers Lucien pour raconter ce qu’il se passe au château, et c’est sur ce ressort que joue principalement la narration. Car l’arc narratif de Lucien est ce que le jeu a de plus intéressant à raconter : c’est une histoire politique, avec ses alliances et ses trahisons. Cette forte dimension politique pousse à faire des choix et trouver des soutiens, ou au contraire mener des manigances pour faire peser des soupçons sur des personnes qui peuvent constituer des obstacles à l’accomplissement d’une simili-révolution contre le tyran en place.

© YummyYummyTummy, Inc. / NIS America

Ces dialogues sont parfois convaincants, mais le jeu pousse à l’erreur autant que possible en installant régulièrement un temps limite pour trouver des solutions, convaincre et surtout, prendre une décision. Il faut par exemple parfois convaincre une ou deux personnes en trente secondes avant un vote du conseil, ou trouver le bon angle dialogue qui permet de s’attirer les faveurs d’une personne en une dizaine de secondes. Ce temps limité agit comme un moyen de pression, pour pousser à la faute, comme une manière de montrer que le héros est lui-même incertain de ses choix, loin d’être infaillible. C’est un procédé narratif intéressant, néanmoins il montre vite ses limites car il n’est pas rare de prendre une décision sans avoir pleinement compris ce qu’il se passe. Simplement parce que l’on a pris trois secondes plutôt qu’une avant d’aller parler à quelqu’un et qu’il manque donc ce petit temps en plus pour discuter avec le personnage suivant. Tout se joue à la seconde, rendant le tout très artificiel, et devenant même punitif quand on prend une « mauvaise » décision, que l’on n’aurait pas prise si nous avions pu activer le dialogue suivant pour en savoir plus. Il y a certainement un effort d’équilibrage à faire, car si le temps limité est intéressant en matière de narration, il rend inintelligible quelques bouts d’histoire.

Et c’est d’autant plus dommage que le jeu a de très belles ambitions en la matière. La partie politique du jeu est certainement ce qu’il y a de plus intéressant, avec quelques dialogues bien écrits et une approche plutôt mature propre à la dark fantasy. Les nombreux choix à faire ont une véritable influence sur l’histoire, tant sur ses multiples fins que le cheminement, le destin de certains personnages dépendant entièrement des choix effectués dans la hâte. Y compris pour le héros, Lucien, qui peut mourir bien vite, signifiant la fin prématurée du jeu. Tout cela passe aussi par des séquences d’infiltration pas bien passionnantes, mais qui ont le mérite d’apporter un peu de variété au gameplay au sein du château, où l’ont fait vite le tour de la poignée de personnages dont les dialogues n’évoluent réellement qu’à chaque grande étape franchie dans les chapitres. Tout cela aurait pu très bien fonctionner en y apportant un peu plus de soin, il y a de vraies bonnes idées dans cette machination politique dont la maturité est une bonne surprise. Mais la politique implique aussi parfois de réfléchir pour avoir un coup d’avance, une liberté que ne laisse que trop rarement un jeu qui tente d’aller plus vite que la musique.

Une difficulté inutilement punitive

© YummyYummyTummy, Inc. / NIS America

Fallen Legion Revenants n’est toutefois pas qu’une histoire politique, c’est aussi un jeu qui donne une place très large à l’action, dans toutes les séquences où l’on contrôle l’autre héroïne du jeu, Rowena. Celle-ci a des intentions différentes de Lucien, s’ils collaborent ensemble pour défaire le tyran Ivor, son seul objectif est de sauver son fils emprisonné par le pouvoir. Pour ce faire, elle glane des informations sur Terre, loin du château, en profitant de ses pouvoirs et de sa forme de fantôme pour affronter les hordes de monstres qui se dressent sur son passage. C’est ainsi qu’on découvre un système de combat atypique, avec un défilement vertical qui puise son inspiration du côté de Valkyrie Profile. Loin toutefois de la qualité de ce mastodonte du J-RPG, le jeu met en place un système de combat où chaque touche est attribuée indépendamment à chaque personnage contrôlé, qui peuvent agir librement selon le remplissage de leurs barres d’attaque. Un peu à la manière du système « ATB » (active time battle) d’un Final Fantasy 7, les personnages ne sont pas liés par un système de tours, mais ils disposent chacun d’une barre d’action qui se recharge plus ou moins vite selon les bonus dont ils disposent via l’équipement. Pour attaquer, rien de bien compliqué: il suffit d’appuyer sur la touche attribuée à l’un des quatre personnages (sur PS4, triangle pour Rowena, rond, carré et croix pour les autres) ou de faire une combinaison de touche pour déclencher une attaque spéciale. Mais tout n’est pas une question d’attaque, puisqu’il faut aussi apprendre à gérer le contre et l’esquive avec un autre bouton, qui, déclenché au bon moment, permet d’annihiler complètement l’attaque adverse et même de renvoyer des projectiles. Le jeu est plutôt avare en explications sur l’importance de cette mécanique, mais il suffit de se retrouver confronté à un boss ardu pour réaliser qu’il n’est pas possible de s’en sortir sans parfaitement maîtriser la mécanique.

Car il est là, ce caillou dans la chaussure dont Fallen Legion Revenants ne parvient jamais à se débarrasser. C’est cette mécanique du contre, à la fois si simple sur le papier, mais si désagréable à utiliser en jeu. Une mécanique qui manque de précision, la faute à une certaine « inertie » dans les déplacements des personnages sur les cases qui rend parfois difficilement prévisible le moment où il faut contrer. Une imprécision à des années lumière de l’exigence d’un jeu qui se décide parfois, soudainement, à devenir une sorte d’apôtre de la difficulté. Votre humble serviteur sort d’une cinquantaine d’heures de Nioh 2 où il a pris un malin plaisir à découvrir et à maîtriser des mécaniques importantes pour survivre à un jeu qui fait de sa difficulté un élément fondamental, mourant des centaines de fois jusqu’à trouver les bonnes solutions. Mais votre humble serviteur a été outragé, parfois brisé, souvent martyrisé, et jamais libéré par le gameplay de Fallen Legion Revenants. Le jeu s’amuse en effet à balancer d’immenses murs de difficulté sur certains boss, qui obligent soudainement à maîtriser sur le bout des doigts les mécaniques de contre, ne laissant aucune chance si l’on commet la moindre erreur. Stupidement difficile, le jeu oblige ainsi à connaître par cœur les mouvements des boss avec, pour certains, de multiples transformations. Une totale contradiction avec les heures qui précèdent ces affrontements où Rowena combat essentiellement des monstres qui ne sont jamais dangereux. De nombreux combats plutôt longs, parfois pénibles, poussant même souvent à attaquer en boucle sans trop se poser de questions, jusqu’à ce que l’héroïne se retrouve face à un boss à la difficulté improbable. Injuste, Fallen Legion Revenants exige une précision que le jeu ne parvient pas lui-même à mettre en application avec son gameplay hasardeux qui fait pâle figure face d’autres jeux réputés difficiles, mais qui donnent eux de véritables clés pour s’en sortir et pour progresser.

© YummyYummyTummy, Inc. / NIS America

Car il ne faut pas compter sur un gain d’expérience pour surmonter ces passages : les trop nombreux combats qui sont, pour l’essentiel, bien peu passionnants ne rémunèrent en rien les efforts. À toute peine on récupère des objets qui permet d’obtenir des bonus passifs, dont l’influence sur les combats reste trop limitée, pour des personnages qui ne gagnent pas de niveaux ni d’expérience. On se contente de simplement débloquer de nouveaux « Exemplars », ces armes matérialisées en soldats, qui disposent à peu près tous de la même puissance et qui peuvent simplement s’enrichir de nouvelles compétences d’attaques en remplissant quelques défis. Les combats tentent bien d’instiller des notions tactiques avec le déplacement par case de notre équipe et des ennemis, mais on reste face à quelque chose de très basique et sans grand intérêt, avec pour seul objectif que celui d’être sur la bonne case pour pouvoir récupérer des points de vie les fois où on rate un contre ou une esquive. Tout cela est d’autant plus frustrant qu’on ne peut ni éviter les combats, car dans les « donjons » l’équipe avance toute seule de gauche à droite en réalisant un nombre de combats prédéfinis, ni choisir la difficulté du jeu. Il n’y a aucun mode prévu pour rendre l’expérience plus douce, il faut ainsi se contenter d’espérer que les boss bénéficieront de nouveaux patchs pour les équilibrer, comme cela a déjà été le cas pour deux d’entre eux. Ce défilement vertical sans contrôle met, en outre, de côté toute idée d’exploration, rendant les nombreuses séquences de combat très rébarbatives et sans surprise.

La faiblesse des débuts

Il aurait été possible de se laisser séduire par Fallen Legion Revenants, tant le jeu offre de belles idées sur son intrigue politique. Mais on reste face à un jeu qui peine à imprimer son idée et son style. Il s’agit certes de la production d’un studio indépendant indonésien, et à ce titre on était curieux de le découvrir et il est facile de pardonner quelques éléments, notamment un manque d’envergure évident malgré l’ambition des nombreux choix qui impactent l’histoire. Mais comme ce troisième épisode de la saga Fallen Legion a toutes les peines du monde à convaincre. La faute à une narration pas toujours très fine ni intéressante malgré son contexte politique qui intrigue dans une telle production, et la faute aussi à des personnages qui manquent globalement de consistance. Il y a pourtant quelques moments d’éclats quand le jeu se lance dans les manigances et les histoires de trahisons, d’autant plus qu’il s’appuie sur une direction artistique qui trouve de bonnes inspirations et un équilibre intéressant entre l’influence des productions Vanillaware (Odin Sphere, Dragon’s Crown, 13 Sentinels) et son propre style. On peut reprocher une bande-originale bien peu percutante et du voice acting rarement convaincant (le jeu est entièrement doublé en Anglais -notons d’ailleurs qu’il n’y a pas de traduction en Français et que l’Anglais utilisé est parfois exigeant), mais artistiquement, le jeu se tient et se révèle bien plus maîtrisé que ses deux prédécesseurs. Son univers de dark fantasy rappellerait même parfois du Castlevania, comme un gigantesque condensé de tout ce qui a inspiré les développeurs depuis des années. Parfois présenté comme un « J-RPG », les influences Japonaises de Fallen Legion Revenants sont pourtant plus à chercher du côté de ses choix visuels que de son système de jeu, avec un style qui ressemble parfois à une lettre d’amour à certains de ses illustres modèles.

Fallen Legion Revenants est bien loin d’être à la hauteur de ses ambitions. Il y a une prise de risque sur sa narration avec les nombreux choix à effectuer, mais le jeu est trop rapidement trahi par des systèmes de dialogues et de combats qui tombent tous deux à plat. En ajoutant à cela une difficulté parfois démesurée et décourageante, qui ne semble être là que pour rallonger un jeu plutôt court, sans que cette difficulté ne serve véritablement ce que le jeu tente de raconter. En effet, rien ne la justifie, ni son gameplay imprécis ni son histoire qui a certes de bons moments, mais qui souffre le plus souvent d’un rythme mis à mal par l’omniprésence de combats sans grand intérêt. Le challenge n’est pas forcément un mal, mais il faut que la carotte soit appétissante pour donner envie de le surmonter. Et en l’occurrence, le jeu ne parvient jamais à donner envie de se dépasser, pas même ses multiples fins qui se calent de manière parfois habile sur les choix effectués, et ce malgré quelques bonnes idées narratives qui demandent à être précisées et améliorées dans une éventuelle suite.

  • Fallen Legion Revenants est sorti le 19 février sur PS4 et Nintendo Switch, un jeu en Anglais uniquement.
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