Little Nightmares II | Petites frayeurs entre gamins !

par Aymeric Aulen

Souvenez-vous, c’était en 2017 : Les Suédois de chez Tarsier Studios, alors habitués au rôle de soutien pour les besoins de diverses productions PlayStation, nous emmenaient à la découverte de l’univers lugubre de leur propre création, le bien nommé Little Nightmares. Confectionnée en collaboration avec Bandai Namco, cette (courte) aventure mêlant plateforme et réflexion prenait place dans les couloirs étouffants de l’Antre, une bien étrange embarcation peuplée d’une multitude d’antagonistes tous plus malsains et affamés les uns que les autres.
Quatre ans plus tard, forte d’un succès critique et commercial des plus mérités, la désormais franchise effectua un retour remarqué le temps d’un second volet apparu sur PS4, Xbox One, Nintendo Switch, PC et Google Stadia il y a quelques semaines de cela. Un épisode jouant sur sa propre temporalité dans le but de nous faire quitter cette bonne vieille mer agitée au profit des ruelles tout aussi détraquées de Pale City. À nouveau, le voyage fut horrible… et difficile pourtant de ne pas aimer ça.

Ce test a été réalisé sur PS5 à partir d’une version PS4 acquise par nos soins.

L’aventure de Little Nightmares II débute d’une bien étrange façon; Notre héros, Mono, se réveillant bien seul aux côtés de toutes ses télévisions. ©Bandai Namco (2021)

Si on aime les garder enfouies au plus profond de nous-même, il est souvent facile de se souvenir de nos peurs d’enfants. De ces créatures difformes qui peuplaient nos cauchemars. De ces couloirs sans fin dans lesquels on se perdait une fois les yeux fermés. De cette crainte sordide de voir la porte d’un placard s’entrouvrir au beau milieu de la nuit.
Ces quelques exemples communs qui pourraient suffire à rappeler de sombres terreurs nocturnes à nombre d’entre nous, les équipes de Tarsier Studios ont décidé de les compiler pour en faire un jeu vidéo. En 2017, Little Nightmares était ainsi né.

Paru sur PS4, Xbox One et PC avant de débarquer par la suite sur Nintendo Switch et Google Stadia, le titre nous plaçait dans la peau de Six, une mystérieuse petite fille vêtue d’un original ciré jaune se retrouvant propulsée dans les méandres de l’Antre, un étrange établissement dirigé d’une main de fer par la Dame, antagoniste principale de cette aventure qui n’hésita aucunement à nous mettre d’innombrables bâtons dans les roues pour empêcher notre fuite de ce lieu oppressant où seule la terreur régnait alors.
Avec sa direction artistique inspirée des productions animées de Tim Burton et du studio Laika, Little Nightmares fit immédiatement sensation. Difficile de rester insensible face au charme évident de cette épopée classique dans sa forme, mais au combien brillante dans son fond. Écoulé à plus de trois millions d’exemplaires, le petit jeu devient très vite franchise et se développe ensuite sur papier via une série de comics et sur mobiles grâce à un inédit puzzle-game, Very Little Nightmares, avant que les prémices d’un futur projet de série télévisée ne commence à faire irruption sur la toile.

Si ce dernier n’a depuis pourtant plus donné la moindre de ses nouvelles, les monstres humanoïdes aux membres déformés n’ont guère eux envie de rester confinés dans les recoins sombres d’un grenier. Les voilà de retour pour jouer de bien mauvais tours aux joueuses et joueurs du monde entier depuis le 11 février dernier dans le sobrement baptisé Little Nightmares II. La formule reste la même, mais l’exécution combine tout ce qu’il faut pour réussir le tour de force de nous séduire à nouveau.

Touche pas à mon pote !

Gigantesque, vif et doté d’un pouvoir hors-du-commun, l’Homme Filiforme constitue la menace la plus terrifiante de tout Little Nightmares II. ©Bandai Namco (2021)

Six n’est plus… enfin si… mais on ne la contrôle plus directement. Au contraire de ce que son titre laissait jusqu’alors supposer, Little Nightmares II fait en réalité office de préquel à son aventure passée.


Avant de se faire corrompre par la noirceur de l’Antre, la jeune enfant croisa sur son chemin un certain Mono, un petit garçon tout aussi énigmatique et affublé d’un sac en papier en guise de couvre-chef que l’on contrôlera désormais pour toute la durée de notre déroutant périple. Se réveillant dans une forêt où corbeaux et pièges à loup guident son tracé, il s’élance à la recherche d’un lieu sûr et, se faisant, rencontre alors notre ancienne apprentie héroïne dans une bien mauvaise posture. Évoluant rapidement en binôme, les deux petits personnages, hauts comme trois pommes, se retrouvent propulsés à Pale City, une métropole où pluie, grisaille et désolation semblent rythmer le quotidien d’habitants transformés en véritables zombies par une sombre transmission les obligeant à rester rivés devant leur poste de télévision. Quitte à y laisser la vie.

Si le premier Little Nightmares glissait en sous-texte un pamphlet profond autour des affres de la surconsommation, ce deuxième épisode s’interroge lui sur notre rapport aux écrans et personnifie cette menace sous les traits d’un homme en costume aux bras et jambes filiformes qui tirent les ficelles d’une population ne souhaitant que répondre à son malfaisant appel.
Bien avant de lui faire face, nos compagnons d’infortune auront toutefois bien le temps d’affronter moult-dangers des plus mortels. Maîtresse au long cou extensible, docteur fou, pantins reconstitués et autres enfants de porcelaine constituent une part du bestiaire saugrenu de ce Little Nightmares II… et aucun d’entre eux ne vous laissera respirer un seul instant.

Tout comme pour la précédente, l’odyssée ici proposée se révèle condensée. Comptez environ cinq heures pour en venir à bout et deux à trois de plus pour venir décrocher tous les divers trophées. Cela est court, mais amplement suffisant, tant cette durée de vie permet à l’expérience de ne jamais faire retomber son rythme, ni son efficacité redoutable.
Les épreuves s’enchaînent, les morts aussi, et il devient difficile de lâcher sa manette une fois pleinement lancée.

Prête pour le grand saut, Six ?

S’étendant à perte de vue, les grisâtres rues de Pale City nous offriront bien régulièrement quelques panoramas des plus saisissants. ©Bandai Namco (2021)

Surtout, ce format court empêche la frustration de prendre le dessus. Comme pour son prédécesseur, Little Nightmares II reprend les bases du concept des « Die and Retry » en démultipliant les pièges néfastes tout au long de notre parcours. Impossible de ne pas offrir un destin funeste au petit Mono à de (très) nombreuses reprises, tant certaines séquences reposent sur un apprentissage appuyé des mouvements du décor et des ennemis. Un sentiment de difficulté renforcé par ce qui constitue le principal défaut du projet : Son gameplay.

Toujours à l’image du premier volet, la production de Tarsier Studios conserve son principe de plan fixe incluant de la profondeur. Capricieuse de par ce choix, la caméra se chargera ainsi de bien souvent nous tromper, ne faisant qu’accentuer la consternation face à des séquences laborieuses qui nous feront enchaîner les sauts mal placés et autres coups portés de travers à l’ennemi.
Inhérent à ce genre de mises en scène pour le moins sournoises et rebutantes, ce point se montre toujours aussi regrettable à retrouver sur un jeu vidéo à notre époque.

Pour autant, si elle s’avère centrale dans la composition du projet, cette maladresse dans la jouabilité ne suffit aucunement pour venir gâcher l’entière expérience de ce Little Nightmares II.


Savamment torturée et poisseuse, cette ingénieuse fable horrifique ne sombre jamais dans la facilité pour nous faire frissonner grâce à son sens de l’esthétisme marqué, offrant des plans saisissants, couplés à sa maîtrise de l’éclairage et à une partition sonore minimaliste réunissant thèmes macabres et entêtants aux côtés d’une série de bruitages anxiogènes émanant des différents antagonistes qui ne nous veulent assurément que du mal.

Côté technique pure enfin, il est à noter que le jeu tourne en 4K sur PS4 Pro et Xbox One X tandis qu’une future mise à jour à destination des PS5 et Xbox Series X|S sera déployée gratuitement dans le courant de l’année 2021.

EN BREF : Little Nightmares II conserve ses acquis. Pour le meilleur et pour le pire. Ayant comme seule véritable nouveauté l’intégration d’énigmes se servant de la présence d’un deuxième personnage en guise d’accompagnateur, le titre doit ainsi composer avec les mêmes forces et faiblesses que son prédécesseur. Heureusement, cela intègre toujours cette ambiance redoutable à nulle autre pareil et ce récit sinistre aux mille interprétations possibles. Ces deux points à eux seuls suffisent à faire espérer la mise en développement d’une future suite. Un projet envisageable grâce au succès commercial de ce second épisode, déjà écoulé à plus d’un million d’exemplaires, mais qui, s’il obtient l’approbation de Bandai Namco, devra composer sans la présence de ses concepteurs initiaux de chez Tarsier Studios, désormais séparés de leur création star à la suite d’un rachat de l’entreprise par Embracer Group en décembre 2019. Quelle qu’en soit la manière, toutes les bonnes choses ont donc bien une fin…

  • Little Nightmares II est disponible depuis le 11 février 2021 sur PS4, Xbox One, Nintendo Switch, Google Stadia et PC et arrivera prochainement sur PS5 et Xbox Series X|S.
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