On ne peut pas parler d’histoire des J-RPG sans aborder Final Fantasy. Saga fondatrice d’un genre à part entière aux côtés des Dragon Quest, la licence de Square Enix a traversé les époques jusqu’à devenir culte pour plusieurs générations de joueurs et de joueuses. Si certaines de ses composantes sont aujourd’hui parfaitement reconnaissables et sont inévitablement présentes d’un jeu à l’autre (comme ses chocobos, ses monstres ou encore les classes des personnages), leur création ne s’est pas faite du jour au lendemain. Et c’est là l’intérêt de se replonger à ses prémices grâce à Final Fantasy Pixel Remaster, une compilation des six premiers épisodes, qui est sortie récemment sur Switch et PlayStation 4 après un premier passage sur PC et mobile l’année dernière. Un portage qui vient avec son lot de nouveautés, notamment du côté de l’accessibilité.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un exemplaire numérique par l’éditeur. La compilation a été parcourue sur PlayStation 4 en plusieurs dizaines d’heures (les trois premiers jeux terminés, les autres effleurés). 

Ils ne font pas leur âge

© 2023 SQUARE ENIX LTD. Tous droits réservés.

Les premiers Final Fantasy, qui ont façonné les composantes essentielles et récurrentes de la saga, n’ont jamais vraiment quitté l’actualité. Les remakes et remasters en tout genre sont nombreux, et certains ont même amélioré l’expérience originelle, comme Final Fantasy I & II Dawn of Souls sorti à l’époque sur Game Boy Advance (ça ne nous rajeunit pas ces bêtises). Mais une chose n’avait pas encore été faite par Square Enix, c’est une volonté de proposer des expériences au plus près des jeux originaux, alors que l’histoire des remakes a toujours été de tenter de faire mieux et plus moderne. C’est pourtant la proposition de Final Fantasy Pixel Remaster, où l’éditeur et développeur japonais met de côté les ajouts des remakes successifs (cinématiques, réinventions visuelles, contenu secondaire étoffé…) pour, au contraire, revenir aux racines de la saga. En abordant ces six premiers titres via cette compilation, on se retrouve en effet face à quelque chose de très proche des expériences vécues par les joueurs et joueuses qui ont découvert les débuts de cette saga romanesque sur NES à la fin des années 1980. Une expérience un peu brut que la nouvelle compilation adoucit légèrement avec une refonte visuelle, mais à l’aspect pixel art pour ne pas trahir le style originel, une bande-son orchestrales (et la possibilité de choisir les musiques d’origine), ainsi que quelques paramètres d’accessibilité. Mais sur le fond l’aventure est identique, avec les mêmes monstres qu’à l’époque, la narration étriquée des premiers épisodes et l’impression, en passant d’un jeu à l’autre, de voir être posées une à une les pierres qui constitueront plus tard les fondations d’une série culte du jeu vidéo.

Cette volonté de coller à l’expérience d’origine n’empêche toutefois pas ce Pixel Remaster de rendre cette expérience plus douce. Bien maline sera la personne qui aurait l’idée, aujourd’hui, de découvrir les premiers épisodes NES et SNES dans les conditions d’origine. Si un Final Fantasy VI, également disponible sur cette compilation, n’a pas vraiment perdu de sa superbe au fil des années tant à sa sortie sur PS1 le jeu constituait l’aboutissement des épisodes précédents, les cinq premiers quant à eux ont pris un certain âge. Pas forcément sur leur narration, même si celle des trois premiers épisodes est loin des standards imposés plus tard par la saga, mais surtout sur leurs mécaniques qui nécessitaient d’y passer un temps important pour survivre aux donjons les plus difficiles en fin de jeu. Surtout pour des titres où les aller-retour sont nombreux, et les combats extrêmement présents. Alors le Pixel Remaster, à l’occasion de sa sortie sur PS4 et Switch, et contrairement à sa version sortie l’année dernière sur PC, profite de paramètres d’accessibilité qui permettent notamment d’augmenter, via un multiplicateur, les gils (l’argent des FF) obtenus, mais aussi l’expérience obtenue. De quoi rapidement se trouver surpuissant·e pour les combats et pouvoir parcourir les jeux plus sereinement, en profitant essentiellement de ce qu’ils ont à offrir en matière de narration, d’aventure mais aussi comme témoins de leur époque et de l’histoire de la naissance des J-RPG. À cela s’ajoute un style visuel qui fait mouche, et une police d’écriture pixelisée qui corrige l’un des principaux griefs émis contre la version sortie l’année dernière. D’autres petits éléments, comme la possibilité de désactiver les combats aléatoires (une option parfois salvatrice sur Final Fantasy II !), la possibilité d’automatiser les combats ou d’accélérer la vitesse de déplacement, rendent la compilation particulièrement agréable à parcourir.

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Et c’est très certainement le meilleur moyen de redécouvrir ces jeux, à l’exception peut-être de Final Fantasy I et II qui étaient supers dans leur version GBA (mais qui est impossible à trouver à prix décent aujourd’hui). C’est une invitation à l’aventure, au voyage, avec six jeux d’une grande qualité. On ne peut pas tous les aimer car les propositions sont très différentes, FF se découvrant petit à petit et essayant plein de choses différentes, mais tous les épisodes ont une vraie valeur historique et tous montrent quelques petits bouts de ce qui permettra plus tard de former la colonne vertébrale de l’intégralité des FF sortis par la suite. Il y a un vrai plaisir à voir apparaître ces bouts de mécaniques, de lore, de systèmes, qui vont ensuite poursuivre la saga et lui donner la stature qu’on lui connaît aujourd’hui. Et c’est d’autant plus important que cela prouve que la série a toujours conservé certains de ses éléments clés d’un épisode à l’autre, alors qu’elle a la réputation de constamment se renouveler, tant pour ses systèmes de combat (toujours différents et renouvelés) que ses modes de narration.

Un goût d’aventure indémodable

Je ne reviendrai évidemment pas individuellement sur chaque jeu, chacun d’entre eux mériterait de toute manière une critique entière et individuelle. Mais il y a quand même quelques éléments qui ont attiré mon attention, notamment du côté des deux premiers Final Fantasy, auxquels je n’avais jamais joué avant et que ce remaster m’a permis de découvrir. Sur Final Fantasy I, la curiosité était de mise car le hasard a fait que je le découvre juste après avoir terminé Stranger of Paradise, sa préquelle boiteuse sortie l’année dernière. Un jeu un peu improbable (et bourré de défauts) pour lequel je me suis pris d’une affection infinie, alors cela a inévitablement renforcé l’émotion face à Final Fantasy I, dont les enjeux sont sublimés. Savoir qui est Chaos, le grand méchant du jeu, son histoire et son rôle dans cette histoire qui parle de cycles du temps, apporte une douceur non négligeable au jeu. Un titre qui a pris de l’âge et qui montre très vite ses limites narratives, avec des dialogues limités à une poignée de mots et des héros et héroïnes qui ne parlent pas, mais qui se révèle très présent à parcourir. Notamment pour le sentiment de participer à une vraie et grande aventure, un voyage hors du commun, un sentiment que je trouve habituellement du côté des Dragon Quest, rappelant les origines presque communes à des séries qui se sont inspirées l’une de l’autre pour créer leurs propres légendes. Ensuite, c’est Final Fantasy II qui a attiré mon attention. D’abord parce qu’il s’agit du premier épisode qui tente d’étoffer considérablement sa narration avec un système de dialogue où l’on peut interroger les personnages avec des mots-clés appris au fil de l’aventure, mais aussi pour son système de progression atypique. Plutôt raté mais intéressant pour sa proposition, ce système de levelling dépend des actions des joueurs et des joueuses pour faire évoluer les personnages : subir des dégâts renforce les points de vie, utiliser de la magie augmente la force magique et les points de mana disponibles, utiliser l’épée renforce la force… Initialement pensé comme un système visant à ce que les personnages « ressemblent » à la manière de jouer de la personne qui tient la manette, celui-ci s’avère plus complexe que nécessaire, et manque d’un petit quelque chose pour faire pleinement sens. D’ailleurs, la saga l’a vite abandonné, les suites privilégiant d’autres manières d’aborder la progression des personnages. Mais c’était un essai intéressant, d’autant plus qu’à côté l’histoire montre de belles choses en parlant de rébellion, de résistance face à l’oppression, de peuples opprimés, malgré un raté sur son dernier tiers avec un grand méchant qui sort un peu de nulle part et qui est mal raconté. La dimension politique du jeu reste ensuite centrale pour les Final Fantasy suivant, qui retiendront souvent cette composante dans leur manière de raconter leurs mondes, avec des guerres de pouvoirs, des politiques corrompus et des peuples souffrants face à des oppresseurs politiques.

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À partir de Final Fantasy III, puis consolidé par les trois FF suivants jusqu’à l’apogée de Final Fantasy VI, la saga commence à trouver sa formule, entre l’aventure d’une bande d’élus, une narration plus soutenue (avec des dialogues plus nombreux, plus étoffés, mieux écrits), un système de jobs qui permet de créer une équipe telle qu’elle nous plaît et surtout, un monde gigantesque à explorer, avec son lot de petites histoires, ses peuples différents et ses musiques mémorables. Peu d’années séparaient à chaque fois ces épisodes tant les temps de développement étaient courts à l’époque, par rapport à aujourd’hui où un Final Fantasy XVI nécessite de nombreuses années de développement. Pourtant, en quelques mois les équipes de cette époque étaient capables à chaque fois de réinventer leurs systèmes en essayant de nombreuses choses. Et c’est là que cette compilation passionne, pour ce sentiment de voir l’histoire se créer sous nos yeux, avec le plaisir d’aborder la créativité folle de l’époque et ce goût de l’aventure qui caractérisait celles et ceux qui imaginaient les mondes des Final Fantasy, tentant à chaque fois d’aller encore plus loin et de faire plus fort.

Remakes, remasters, compilations et portages en tout genre, notre époque et cette génération de jeux vidéo en connaît beaucoup, parfois trop. Mais certaines de ces réinventions de titres d’antan apparaissent comme indispensables, et Final Fantasy Pixel Remaster fait partie de celles-ci. On ne parle pourtant pas de jeux sinistrés ou oubliés, les six premiers Final Fantasy ayant connu leur lot de portages sur différentes plateformes à travers les générations, sur les consoles portables de Nintendo et Sony, ou plus récemment sur Steam. Mais Square Enix y tentait toujours une sorte de réinvention, parfois heureuse (comme les épisodes GBA de Final Fantasy I et II), parfois plus malheureuse (comme les nombreux portages douteux sur Steam), sans jamais pleinement embrasser les origines de ses jeux. Et c’est ce que vient gommer ce Pixel Remaster, avec six éditions qui sont au plus proches de l’expérience originale. La refonte visuelle est simple pour être plus agréable à l’œil tout en restant dans l’esprit pixel art de l’époque, tandis que la structuré et la narration d’époque est quasiment inchangée, mis à part pour une poignée de petites améliorations visant à rendre l’expérience de jeu plus agréable. La proposition est intéressante et permet de revivre cette époque, de (re)découvrir les origines de la saga, et c’est un plaisir monumental.

  • Final Fantasy Pixel Remaster est disponible depuis le 19 avril 2023 sur PlayStation 4 et Nintendo Switch. La compilation est précédemment sortie sur PC et mobile.
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Alors que le jeu, Horizon Forbidden West a su me plaire de A à Z (vous pouvez d’ailleurs retrouver mon article à son sujet juste ici), voila qu’un peu plus d’un an plus tard sort son DLC « Burning Shores« . Cette extension est la suite directe du jeu original et offre de nouvelles zones à explorer, de nouveaux ennemis redoutables à combattre et des défis palpitants à relever. Pour autant, au vu de la fin du titre initial, était il intéressant de nous proposer ce DLC ? Spoiler alert : Complètement !

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un exemplaire par l’éditeur. Le DLC a été parcouru sur PlayStation 5.

La fin que l’on attendait ?

©2023 Guerrilla. « Horizon Forbidden West – Burning Shores », « Guerrilla » are trademarks or registered trademarks of Sony Interactive Entertainment Europe. All Rights Reserved.

Une fois n’est pas coutume, Aloy est prête à replonger dans une histoire qui la dépasse complètement. Sylens, ce personnage aussi mystérieux qu’il est difficile à pleinement cerner, nous embarque une nouvelle fois dans des recherches à propos d’un membre survivant de l’organisation Zenith ; Walter Londra. Afin de pouvoir mettre la main dessus, Aloy devra s’engouffrer plus profondément dans l’ouest américain et plus précisément aux abords d’Hollywood.

Durant son nouveau périple, elle fera la rencontre d’un groupe de Quens survivants, une tribu étatique n’ayant aucun moyen de retrouver les leurs sur le continent. Notre héroïne voulant à tout prix sauver les humains, profitera de sa nouvelle mission afin de leur prodiguer son aide et tout particulièrement à un nouveau personnage à savoir Seyka. Cette membre des Quens est à la recherche de sa sœur disparue lors d’une mission de repérage. Nous découvrons très vite que les Quens disparues vouent un culte à par Londra, qui est prêt à tout pour lever une armée, au point de devenir une sorte de « dieu » pour ce pauvre peuple perdu. Sans pour autant réussir à trouver la sœur de Seyka.

Bien que le scénario de Burning Shores semble être assez convenu, les nouveaux personnages sont vraiment intéressants, et ajoutent une nouvelle dynamique à l’histoire. En plus d’être bien écrit, ils ajoutent un point non négligeable à l’immersion dans l’univers du jeu. Au point de trouver l’antagoniste bien plus intéressant que ceux du jeu de base, et proposant en plus une fin absolument incroyable, avec un combat des plus dantesques, que l’on aurait été en droit d’attendre à la conclusion de Forbidden West. Le ressenti de ce DLC est tel, que l’on pourrait croire qu’il a été pensé comme étant la véritable fin de ce second opus. Toujours est-il, qu’il conclut parfaitement cette histoire.

Toujours plus grand, toujours plus fort

©2023 Guerrilla. « Horizon Forbidden West – Burning Shores », « Guerrilla » are trademarks or registered trademarks of Sony Interactive Entertainment Europe. All Rights Reserved.

Comme tout bon DLC qui se respecte pour la saga Horizon, il est évident que nous allons rencontrer de nouvelles machines, toujours plus puissantes et plus impressionnantes que les précédentes. Cependant, il est intéressant de noter qu’ils ne sont pas le seul ajout en terme de gameplay. En effet, très rapidement Aloy récupèrera une nouvelle arme, provenant de l’organisation Zenith, qui poussera le joueur à un tout nouveau style de jeu, et à faire des choix intéressants quant à l’arme à utiliser contre les machines. Je ne pensais que le gameplay se renouvellerait à ce point et je dois bien l’avouer, j’ai été plus que séduit par cette nouvelle arme.

Évidemment les défis font leurs retours, proposant eux aussi leurs lots de nouveautés et profitant des nouvelles montures pour pousser le joueur à toujours plus d’explorations et de découvertes. Par ailleurs, je me permets un nouveau petit point concernant les trophées, comme je l’avais fait lors de mon avis sur Forbidden West, ils sont ici aussi très abordables et agréables à faire. Les missions de recherches d’artefacts ou encore les nouveaux points de vues à trouver utilisent intelligemment toutes les nouveautés de gameplay, sans que cela soit trop forcé.

On comprend très vite pourquoi ce DLC, est une exclusivité Playstation 5. L’équipe de Guerrilla Games s’est complètement surpassée en terme de direction artistique. Tous les nouveaux paysages sont d’une beauté sans pareil et ça sans compter les animations et les personnages. Il est vrai que plusieurs jeux de l’écurie Sony peuvent se targuer d’être beaux, mais Burning Shores propose un nouveau cap à franchir, qui n’a pas laissé indifférent mes mirettes.

En somme, le DLC Burning Shores est une véritable réussite pour Horizon Forbidden West. Avec son histoire captivante, ses personnages attachants et son gameplay toujours aussi bien soigné, il offre une expérience de jeu inoubliable. Bien que son prix puisse sembler élevé pour certains joueurs, il offre une quantité de contenu considérable qui justifie largement son coût. Si vous êtes fan de Horizon Forbidden West, ce DLC est un incontournable qui vous procurera des heures de plaisir et d’aventure au côté d’un personnage que l’on aime aussi bien pour son franc-parler, que pour la mission dont elle est en charge.

  • Horizon Forbidden West Burning Shores est sorti le 19 avril 2023 sur PS5 au prix de 19,99€.
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Cela commence à faire plusieurs années que les plateformes américaines de SVOD ont compris qu’il y avait un marché à conquérir du côté des séries coréennes. Si Netflix reste très en avance sur le sujet (et c’est l’une des rares qualités que je leur reconnais sans mal), d’autres comme Prime Video et Disney+ ont mises un peu plus de temps à s’intéresser au phénomène. Mais malgré son retard, Disney+ a livré ces derniers mois sa première très grosse production sur la péninsule coréenne : Big Bet (ou Faites vos jeux), et c’est une réussite pour cette série en deux saisons.

Un exil forcé par l’argent

© Disney+

La principale curiosité de la série est évidemment sa tête d’affiche, Choi Min-sik. Argument considérable pour cette production inattendue, l’acteur est pratiquement une légende vivante du cinéma coréen, avec des rôles marquants dans des films qui ont traversé les frontières. Je pense évidemment au gigantesque Old Boy, à Sympathy for Lady Vengeance, le mémorable J’ai rencontré le diable ou encore à New World. Mais le retrouver dans une série est plus surprenant, lui qui n’a fait que peu de télévision dans sa carrière, et qui n’y était pas apparu depuis un drama local en 1997. Et pourtant il n’a pas l’air paumé dans une production qui, il est vrai, n’est pas si éloignée des standards du cinéma. L’intrigue rappelle quelques uns des meilleurs films de gangsters coréens : Choi Min-sik y incarne un personnage nommé Cha Moo-sik, un gamin défavorisé en Corée du Sud, aspiré malgré lui dans des petites combines par un père à la morale toute relative, et également violent puis, à l’époque des études, lancé dans la révolte pro-démocratie face à un pouvoir autoritaire. Une rébellion à laquelle il croit finalement assez peu, mais qui lui permet tout de même de se faire un nom dans son coin. Un élément indispensable pour un gamin qui veut réussir sa vie, s’en sortir et s’émanciper d’un milieu qu’il abhorre, où on lui dénie la possibilité d’étudier dans le supérieur alors que ses résultats scolaires sont exceptionnels. C’est dans une quête de réussite sociale et financière qu’il finit par devenir une petite frappe, tentant de se faire de l’argent dans des petites magouilles, jusqu’à se lancer dans les jeux d’argent alors qu’ils sont interdits en Corée. Poursuivi plus tard par la police et recherché pour diverses escroqueries, il s’exile aux Philippines, où il parvient à lancer un business si juteux qu’il parvient enfin à s’enrichir. Et c’est là que l’essentiel de l’action prend place.

Big Bet est une histoire de gangsters, où chacun tente de se faire une place au soleil alors que les casinos sont en plein essor aux Philippines, avec des responsables locaux bien heureux de se faire graisser la patte pour détourner les yeux des différentes combines pour blanchir de l’argent sale. Aussi en laissant les différents gangs, qui ont des intérêts dans les casinos du coin, faire leurs petites affaires, avec des guerres de pouvoirs et des terres à conquérir pendant que la police, épaulée par un agent d’Interpol venu de Corée, fait ce qu’elle peut avec une hiérarchie qui lui dit d’oublier les crimes dont elle est témoin. Et ce petit cocktail, qui évoque bon nombre de films de gangsters coréens, fonctionne sacrément bien. Le personnage principal est aussi détestable qu’attachant, tant régit par une sorte d’honneur qui le pousse à risquer sa vie pour sauver celle de l’un de ses employés les plus loyaux, que par des choix impitoyables qui le poussent à commettre des crimes innommables. Un personnage difficile à cerner, interprété avec un talent évident, dont l’ascension est aussi rapide que sa chute est brutale, une chute annoncée dès le premier épisode avant que la série s’attache à en expliquer les causes tout au long de ses deux saisons. C’est une vie à rebondissements, jusqu’à une conclusion magistrale qui met un point final absolument parfait à une série qui n’a de cesse au cours de ses deux saisons de captiver, d’abord pour la qualité de son interprétation et de sa mise en scène, mais aussi pour une écriture qui sait capter l’émotion et l’humanité derrière des personnages qui évoluent dans un milieu foncièrement inhumain.

Voyage à Capiz

© Disney+

En prenant place aux Philippines, l’action de Big Bet se permet quelques excentricités qui changent de ce que l’on peut voir dans ce type de série au contexte habituellement très coréen. D’abord, c’est un monde du crime différent, avec un fort impact du pouvoir politique local mais aussi national, la série se racontant dans le passé, sur plusieurs décennies, avec ce que cela implique de changements au niveau du pouvoir au fil du temps. Tantôt chassés, tantôt tolérés, ces malfrats venus de Corée mène à la baguette une diaspora qui voit dans les Philippines un moyen de réussir après avoir échoué dans leur propre pays. Des gens parfois sans foi ni loi, et des autorités locales qui font ce qu’elles peuvent pour s’en accommoder sans froisser l’ambassade de Corée. C’est aussi un environnement différent, avec un tourisme assez fort et une population très diverse, chose assez rare au niveau des séries coréennes. Il y a aussi un mélange des langues, et des acteur·ices phillipin·es qui occupent quelques rôles clés. Heureusement la série ne compte pas que sur son « dépaysement » puisqu’elle bénéficie surtout d’une super mise en scène, avec une réalisation très intense qui fait la part belle au mystère et à l’enquête qui entoure les actes de Moo-sik, mais aussi un certain goût pour l’ambiance poisseuse habituelle du cinéma de gangsters coréens, avec une chaleur ambiante qui se ressent à l’écran et un milieu duquel il semble impossible de s’échapper. Le tout ajouté au plaisir incommensurable de retrouver Choi Min-sik qui n’a rien perdu de sa superbe en revenant à la télévision le temps de cette série. Également à ses côtés on trouve un excellent casting, entre Son Suk-ku, qui joue le policier d’Interpol qui apprend doucement comment fonctionnent les choses et finit par être désabusé face à un gangster tout-puissant, Lee Dong-hwi en petite frappe qui multiplie les mauvais coups, ou encore l’acteur philippin Nico Antonio qui est plutôt intéressant dans le rôle d’un flic local qui tente de faire son job sous la pression d’un pouvoir politique corrompu.

Du haut de sa grande carrière au cinéma où il n’a plus rien à prouver, Choi Min-sik s’est embarqué dans un projet de série qui est décidément à la hauteur de son talent. Big Bet ne rate rien et parvient à raconter une histoire captivante en deux saisons, où l’auteur Kang Yoon-sung, qui n’avait pas beaucoup de choses avant ça mais qui tient son œuvre référence. Avec son ton acerbe, la série n’épargne personne sur la corruption politicienne, tandis qu’elle explique avec brio ce qui peut provoquer la chute d’un homme qui détenait tout le pouvoir entre ses mains. Son seul tort est peut-être de ne laisser que peu de place à ses personnages secondaires, l’intrigue se concentrant essentiellement sur deux ou trois personnages, mais il faut avouer que son anti-héros est d’un tel charisme qu’il est difficile de mettre la lumière ailleurs que sur lui. On se rend vite compte que toutes les personnes autour de lui ne sont que des accessoires pour lui faciliter son ascension.

  • Les deux saisons de Big Bet – Faites vos jeux est disponible sur Disney+.
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L’histoire de l’ère Infinite de DC se passe au niveau cosmique ce mois-ci. D’abord avec le quatrième tome de Superman Infinite de Phillip Kennedy Johnson où le célèbre héros continue sa quête de liberté pour le peuple du Warworld, puis avec le deuxième tome de Dark Crisis on Infinite Earths chapeauté par Joshua Williamson où le Multivers se trouve toujours menacé par les Grandes Ténèbres. Probablement pas le meilleur mois pour se lancer dans l’aventure, puisqu’on se trouve au milieu d’histoires plutôt chargées et complexes, mais des tomes forcément nécessaires pour dénouer les nœuds des précédents tomes de ces deux séries.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’exemplaires par l’éditeur.

Superman Infinite – Tome 4, un guerre sans fin

© 2023 DC Comics / Urban Comics

Superman sombre dans la violence du Warworld, dans cettee dernière partie de la grande confrontation contre Mongul qui a occupé Superman très loin de la Terre. Une excuse, à l’époque, pour donner plus de place à son fils Jon Kent qui a repris le rôle de Superman sur Terre, mais aussi un moyen de confronter Superman à ses propres valeurs et à celles auxquelles il est prêt de déroger pour mener sa mission à bien. Une mission sur les traces des Phaelosiens, une colonie scientifique de Krypton qui a été bannie quelques millénaires plus tôt, mais qui constituent aujourd’hui les rares héritier·e·s de la planète natale de Superman. Des témoins d’une ère passée que Superman cherche à sauver, et force est de constater que malgré ses prémices plutôt intéressants, cette guerre s’éternise. On fait face à un récit qui semble ne pas trop savoir comment se conclure, jusqu’à ce qu’il tombe finalement sur un dénouement où le fameux « tout ça pour ça ? » m’est resté en tête comme un vilain arrière-goût. Moins réussi que ses précédents tomes qui, déjà, n’étaient pas entièrement convaincants, ce quatrième tome a pour principal mérite de tirer un trait sur cette histoire en attendant de voir ce qui arrivera ensuite, avec l’espoir que Superman revienne sur Terre.

Néanmoins il était quand même pertinent de raconter Superman dans cette position : loin de tout, seul, isolé, alors que sa force de caractère et le symbole d’espoir qu’il incarnait autrefois n’évoque que peu de chose auprès de celles et ceux qu’il veut sauver. S’il parvient peu à peu à réinstituer un peu d’espoir dans les têtes d’enfants qui n’ont connu que le malheur sur le Warworld, il n’en reste pas moins défié sur le terrain de ses propres valeurs. Un combat presque spirituel que Riccardo Federici, pour le coup, met plutôt bien en scène grâce à une certaine douceur dans son trait, avec des dessins qui opposent une certaine élégance à la violence d’un récit sans pitié. Peut-être moins inspiré sur la toute fin du tome, il reste un atout considérable pour donner plus de vie et de beauté à l’histoire écrite par Phillip Kennedy Johnson.

Dark Crisis on Infinite Earths – Tome 2, la guerre des mondes

© 2023 DC Comics / Urban Comics

Cette nouvelle grande crise de l’univers DC trouve déjà sa conclusion. Compilée en deux tomes avec quelques tie-in (les récits annexes publiés en complément de la série principale), Dark Crisis on Infinite Earths a eu le bon goût, contrairement à l’histoire de Superman au-dessus, d’aller au bout des choses sans trop se perdre. Cette grande crise causée par Paria, avec une Justice League disparue et des jeunes héros et héroïnes qui prennent la relève a eu ses bons moments, que ce deuxième tome vient conclure en offrant un dénouement aux limites de l’épique. Pas irréprochable, la faute notamment à une inconséquence assez marquée pour une histoire qui manque d’impact, Dark Crisis on Infinite Earths a néanmoins le mérite dans ce deuxième tome de donner une certaine prestance au fils de Superman, Jon Kent, assumant enfin d’être l’égal de son père, mais aussi à Nightwing qui s’offre une scène assez touchante auprès de Batman, assumant lui aussi de ne plus être qu’un simple sidekick.

Pour ce qui est de l’histoire elle-même, les considérations autour des Grandes Ténèbres sont vite oubliées pour revenir à l’espoir déchu de Paria, personnage torturé depuis toujours dans l’univers DC. Cette conclusion s’intéresse surtout à des univers alternatifs où étaient emprisonnés des membres de la Justice League, finalement pas mort·e·s (incroyable !) et bien décidé·e·s à revenir sauver le multivers. Ces univers alternatifs sont d’ailleurs racontés en introduction de ce deuxième tome avec trois épisodes de la mini-série Dark Crisis : Worlds Without a Justice League, centrés sur Batman, Wonder Woman et Green Arrow, où on n’apprend finalement pas grand chose et qui manquent globalement d’ambition. Une ambition qu’on retrouve heureusement dans les chapitres principaux de Dark Crisis on Infinite Earths où Joshua Williamson abat toutes ses cartes avec un côté très hollywoodien dans une action effrénée, avec ses rebondissements sur le fil, son méchant un peu victime de lui-même et des super-héros et héroïnes qui reviennent pile poil au bon moment. Et c’est d’autant plus plaisant à lire que ces chapitres principaux font le boulot pour raconter cette histoire d’action qui, bien qu’elle ne restera pas dans les mémoires tant il lui manque encore de grands moments vraiment marquant, a le mérite de se lire avec plaisir grâce à son rythme soutenu. Un récit qui évite avec brio l’une des erreurs récurrentes des grands évènements DC de ces dernières années (comme l’insupportable Metal), qui est celui des murs de textes bardés d’explications alambiquées et pénibles. Dark Crisis on Infinite Earths est peut-être parfois un peu bas du front, mais c’est rigolo.

  • Superman Infinite T.4 et Dark Crisis on Infinite Earths T.2 sont tous les deux disponibles en librairie aux éditions Urban Comics.
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Depuis maintenant quelques années, les films d’animation japonais ont tellement la cote en France que l’on a la chance d’avoir des sorties cinéma. Plusieurs réalisateurs sont maintenant vraiment connus à tel point que chaque sortie est un petit évènement en soi. Il y aurait déjà long à dire sur Mamoru Hosoda, avec des œuvres telles que Ame & Yuki les enfants loups, Summer Wars ou encore Belle que l’on vous a déjà présenté au travers d’une causerie. Bien évidemment, il en est de même pour les films du studio Ghibli. Mais la dernière sortie en date vient d’un tout autre réalisateur, à savoir Makoto Shinkai.

Le nouveau Miyazaki ?

©Makoto Shinkai 2016

Pourquoi un tel surnom ? Makoto Shinkai serait-il réellement le nouveau Miyazaki (du studio Ghibli) ? Je ne serais pas aussi sûr d’une telle affirmation. Je pense surtout que chaque réalisateur a quelque chose à proposer de différent, et que ce surnom, bien qu’il ne soit pas péjoratif envers Shinkai, n’est qu’un raccourci pour parler de films d’animations japonais. Les messages présents dans les six films du réalisateur sont assez similaires de ce que l’on peut trouver ailleurs. Ne serait-ce que la destinée et l’amour. Beaucoup de ses personnages sont destinés a réaliser de grandes choses. Que ce soit pour sauver des gens, ou plus précisément sauver l’amour de leur vie, ou encore accomplir des miracles pour aider la nature. Ce sont bien là deux thèmes qui sont chers au réalisateur. Mais ce dernier arrive à mettre en scène ses films d’une façon assez originale, ce qui fait qu’ils sont vraiment « à part ».

Que ce soit par le biais de catastrophes naturelles, ou de créatures surnaturelles, nous pouvons lire au travers de ces cataclysmes un réel traumatisme du cinéaste sur les différentes atrocités qu’a pu vivre son pays. Entre les bombes lâchées sur le Japon durant la seconde guerre, ou encore les séismes et autres tsunamis, le trauma est réel et bien présent. Cependant, il n’en fait pas le sujet principal de ses films, mais plutôt la péripétie principale. Dans Your Name par exemple, la météorite qui menace une partie du Japon n’est pas le sujet principal, elle est la cause du récit poussant les personnages à se rencontrer et à faire le nécessaire pour sauver un village, et surtout développer une relation entre eux. C’est d’ailleurs via ce film que j’ai découvert le réalisateur, et que je suis tombé éperdument amoureux de son style de narration. Shinkai propose, certes des messages simples et universels, mais il le fait avec une telle maestria que rares sont les personnes à ne pas être touchées par ses films.

Les étapes du deuil

©Makoto Shinkai 2022

Suzume est le nouveau long métrage de Makoto Shinkai. Sorti en France le 12 avril 2023, il ne fait que prouver une fois de plus que le réalisateur a beaucoup de choses à dire, et surtout que ce dernier arrive encore à se renouveler et proposer de nouveaux thèmes. Mais avant tout quel est l’histoire de ce nouveau film ?

Suzume, une jeune femme de 17 ans, rencontre un jeune homme, Sôta, cherchant une « porte ». Les deux personnages vont s’entraider et enfin la trouver. Celle-ci s’ouvre sur un monde parallèle, provoquant des catastrophes dans le monde réel. Ils réussiront à la fermer évitant ainsi le pire. C’est ainsi que le récit propulse les deux adolescents dans un voyage initiatique au travers de tout le Japon, afin de fermer toutes ces portes. Bien évidemment, afin de pouvoir parler plus en détail du film, et de son message qui m’a particulièrement touché, je ne vais avoir d’autre choix que de spoiler la conclusion du film, donc vous voila prévenu.

Encore une fois Shinkai se sert des péripéties de son long métrage, pour promouvoir un message bien plus fort et plus profond. Entre l’émancipation, le gain de maturité et l’affranchissement de son passé, Suzume va devoir traverser divers étapes durant son voyage. C’est notamment au travers du deuil qu’elle gagnera en sagesse, et qu’elle acceptera son lourd passé. Selon ce que l’on en dit, le deuil se découpe généralement en cinq étapes ; le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation. Cinq étapes que l’héroïne croisera au travers de son voyage, cinq étapes qui lui permettront d’enfin accepter le décès de sa mère, et de faire la paix avec elle-même. Un message, en soit, des plus universels, mais c’est grâce à sa mise en scène que le réalisateur brille. Chaque scène pendant laquelle l’héroïne va réussir à sauver les différentes villes en proie à des cataclysmes, lui sert à apprendre et à accepter les différents maux qui font partie d’elle. C’est notamment au travers des personnages de Sôta et Daijin, que quatre des cinq étapes du deuil se feront. La dernière étape étant à réaliser soi-même. La meilleure façon d’arriver à avancer, c’est de vouloir avancer. Ce que je veux dire par là, c’est que malgré toute l’aide du monde que l’on peut avoir autour de nous, nous sommes notre propre déclic. C’est ce que va apprendre littéralement Suzume au travers d’un climax rempli d’émotion en aidant la petite fille qu’elle était au moment de la perte de sa mère.

Les étapes du deuil ont un réel impact sur moi. Pour des raisons qui sont les miennes, mais à plusieurs reprises dans ma vie, j’ai dû les affronter et en ressortir grandi. Il ne fait aucun doute que Shinkai aussi, a vécu ces difficultés et c’est pour cela que le film m’a parlé à ce point et pourra parler au plus grand nombre si on prend la peine de s’y arrêter un instant et d’y réfléchir. On peut choisir de vivre notre vie, les difficultés et les facilités telles qu’elles viennent. Mais on peut également s’arrêter un instant, prendre du recul et apprendre de tout ça. Afin de devenir une autre personne, prête à affronter de nouvelles difficultés et ce sans trébucher, ou être dans le déni et enfouir nos problèmes sous le tapis. C’est exactement ce à quoi aspire Suzume à la fin de ce long métrage. Après un voyage, presque initiatique, elle s’ouvre à un nouveau monde, et surtout a réussi à faire la paix avec elle-même.

Makoto Shinkai a su exploiter son média pour parler d’un tel sujet et nous prouve encore une fois qu’il est un grand réalisateur. Proposant ainsi divers messages et émotions dans le but de nous faire réfléchir au monde qui nous entoure et surtout ce que l’on peut nous-même nous apporter en étant bienveillant avec notre propre personne.

  • Suzume est au cinéma depuis le 12 avril 2023.
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Des mères célibataires aux tendances assassines, en voilà une proposition inattendue. Eiji Karasuyama (Lesson of the Evil) imagine en effet un quotidien où une petite bande de mères vivent une double vie, entre leur quotidien entre travail et enfants, et des missions opérées pour une étrange organisation afin de se débarrasser de quelques malfrats. Un seinen en trois volumes, dont le premier vient de sortir ce 1er mars 2023 en VF chez Mangetsu. Attention, c’est un manga pour public averti, doté d’images très violentes.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un exemplaire par l’éditeur.

Double identité

© EIJI KARASUYAMA (NIHONBUNGEISHA)

Le quotidien que raconte l’auteur pour ces mères célibataires est difficile. A l’image d’une société japonaise qui a encore du mal à accepter qu’une femme puisse élever seule son enfant, le manga raconte leurs déboires et les obstacles qui se dressent face à elles pour pouvoir subvenir aux besoins de leur petite famille. Qu’il s’agisse de boulots mal payés ou d’un entourage peu compréhensif, tout sert de contraste avec leur double identité : la nuit, elles traquent des gangsters et trafiquants en tout genre. Indiqué sur son quatrième de couverture comme « pour public averti », le manga ne prend pas de pincettes quand il nous emmène dans l’horreur d’une pègre japonaise traquée par ces quelques femmes. Les gangsters pourchassés par ces mighty mothers sont de la pire espèce, versant dans le trafic d’être humains, le trafic d’organes, le manga montrant des images très crues, entre des personnes réduites à l’état d’esclaves ou encore un viol. C’est une tournure assez surprenant que prend le récit à ce moment-là, alors que les premières pages suggèrent quelque chose de presque comique, au moment où l’on découvre le quotidien des héroïnes.

Néanmoins au-delà de la violence, c’est des scènes d’actions prenantes que Mighty Mothers parvient à offrir, où ses héroïnes changent du tout au tout pour « punir » les malfrats responsables des pires horreurs. L’une d’entre elles revêt une apparence d’une sorte de kunoichi avec sa tenue noire et près du corps, l’autre attaque ses ennemis au sabre, revêtue d’un yukata arrangé à sa sauce et d’un masque hannya, ou encore une autre experte dans l’art du déguisement pour tromper ses proies. À ce moment, l’auteur fait comprendre que l’on a affaire à une équipe d’élite, surentraînée, dont le quotidien n’est pour certains qu’une couverture. Pourtant, il y a quelque chose de sensible et de bien amené autour de leur vie civile, jouant à fond sur l’invisibilisation des mères célibataires, dont personne ne pourrait se douter et imaginer qu’elles soient capables de telles choses une fois la nuit tombée. Sorte de super-héroïnes modernes, elles incarnent la force de femmes qui ont tout à perdre : leur vie, mais aussi l’avenir de leur enfant.

Double propos

© EIJI KARASUYAMA (NIHONBUNGEISHA)

Et c’est ce point qui donne une belle force au manga. Raconter une histoire d’assassines n’a rien de bien original, mais y ajouter ce détail en plus, faisant de ce groupe d’assassines des mères célibataires, ajoute une portée émotionnelle intéressante. Car au-delà de la violence et de l’action plutôt réussie, le manga possède aussi un propos pertinent sur les difficultés quotidiennes de mères célibataires, les défis qui se posent à elles avec les difficultés financières, la nécessité de faire garder leurs enfants, être présentes pour leur éducation malgré le temps passé à gagner des sous, le regard des autres et la pression de la société qui les entourent. Sans aller très profondément sur ces sujets, le simple fait de les amener dans son récit donne au manga de Eiji Karasuyama un petit truc inattendu. D’autant plus qu’il trouve un vrai bon équilibre entre le quotidien, celui de mères célibataires et de leurs enfants, entre garderie à gérer et leurs job la journée, réunions entre elles et relations avec leurs collègues, et puis les soirées passées à traquer des criminels, et à les tuer froidement en incarnant d’autres personnes.

Sortie inattendue, Mighty Mothers apporte une proposition intéressante qui devrait aisément tenir en haleine pour ses trois tomes. Le premier arrive déjà à placer un contexte intéressant, même si la narration est au début un peu confuse avec des personnages à la caractérisation hasardeuse. Néanmoins, tout son propos sur les mères célibataires, leur double vie et leurs impératifs est plutôt bien senti, cela offre une lecture assez sympathique bien qu’assez peu légère, à cause de thématiques extrêmement dramatiques et une dose de violence surprenante. Ce ne sera probablement pas le manga de l’année, mais c’est une lecture qui vaut quand même le détour, rien que pour l’originalité de sa proposition et la sympathie qu’attirent ses héroïnes.

  • Le premier tome de Mighty Mothers est disponible en librairie aux éditions Mangetsu depuis le 1er mars 2023.
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En février 2014, alors que la PlayStation 4 n’avait que quelques mois, le Ryu ga Gotoku Studios sortait un spin-off à sa saga des Yakuza (désormais renommée Like a Dragon dans nos contrées) sous-titré « Ishin! » à la fois sur la nouvelle console de Sony, mais également sur une PlayStation 3 en fin de vie. Un jeu qui reprenait la formule de la saga principale, c’est-à-dire une aventure très scénarisée associée à un monde ouvert où fourmillent les activités et histoires secondaires, afin de renforcer l’immersion dans son univers. Jamais sorti en dehors des frontières du Japon, il a fallu attendre le regain de popularité de la saga en occident ces dernières années pour que SEGA et le Ryu ga Gotoku Studios reviennent sur ce jeu, en nous proposant, neuf longues années plus tard, un remaster qui est sorti ce 21 février 2023 sur PC, Xbox One, Xbox Series X|S, PlayStation 4 et PlayStation 5. À noter : le jeu bénéficie de sous-titres en Français.

Le jeu a été parcouru sur PlayStation 5 pendant 34 heures, avec une quête principale terminée et 91% des histoires secondaires effectuées.

Réinvention d’une icône

©SEGA. All rights reserved.

La particularité des spin-off de la série Like a Dragon vient de leur manière de traiter l’histoire. En reprenant des figures historiques mais en leur collant, physiquement, les personnages principaux et secondaires de la saga et leurs voice actors, le Ryu ga Gotoku Studios fait les choses à sa sauce avec un tantinet d’ironie. En effet, celui que l’on connaît habituellement sous le nom de Kazuma Kiryu, héros de la série principale, se fait là connaître sous le nom de Ryoma Sakamoto, le nom de l’un des samouraïs les plus connus de l’histoire japonaise. Sorte de héros de son temps (selon les récits qui en sont fait), il apparaît là sous un caractère semblable à celui de Kazuma Kiryu, avec ses forces et faiblesses habituelles, tout en jouant son rôle pendant la période du Bakumatsu. Une époque tendue, faite de guerres intestines avec un shogunat à l’aube de sa disparition, avec une politique isolationniste largement remise en cause pour commercer avec l’étranger (des étrangers, principalement britanniques et américains, sacrément malmenés dans le jeu). Et de fait, le shogunat s’attire les foudres d’autres factions idéologiques dites « patriotes » ou « nationalistes » comme les Ishin Shishi, tandis que certains membres historiques du Shinsen gumi voient là une occasion de gagner du pouvoir. Le jeu nous fait vite intégrer le Shinsen gumi, où le héros, Ryoma Sakamoto pouvoir y trouver l’assassin de son père qui lui a échappé un an plus tôt. C’est alors que l’on découvre, sous les traits des personnages récurrents des Like a Dragon, toute la bande de membres du Shinsen gumi qui ont été déjà racontés par de nombreuses oeuvres au cinéma, à la télé ou en mangas : Toshizo Hijikata, Isami Kondo, Okita Soji, Nagakura Shinpachi… Des noms connus pour les personnes qui aiment ce pan d’histoire, à tel point qu’il y a quelque chose de transcendant à vivre leur destin, quand bien même celui-ci est adapté très librement.

Le Shinsen gumi est dépeint comme un groupe au leadership variable, fait de membres aux caractères affirmés prêts à dégoupiller à chaque instant pour grignoter du pouvoir. Des opportunistes pour la plupart qui échappent au récit hagiographique auquel certaines oeuvres nous habituent parfois sur leur compte. Inévitablement, ils sont plutôt racontés comme une bande de yakuzas : des gens qui se cachent derrière un code d’honneur tout en fomentant des luttes intestines qui n’a que peu d’égards pour la population. Pour les gens qui aiment les oeuvres qui racontent cette période, c’est donc un vrai plaisir, avec une interprétation de personnages comme Toshizo Hijikata ou encore Soji Okita parfois surprenante. Alors que j’étais en pleine lecture des derniers tomes en date de Chiruran au même moment, c’était intéressant d’opposer les visions des deux oeuvres sur ces personnages. L’histoire met toutefois beaucoup de temps à se lancer et les retournements de situation qui viennent se greffer sur d’autres retournements virent parfois au comique : c’est certes une habitude avec Yakuza, mais là ça va encore un peu plus loin. C’est pas déplaisant à suivre, avec un fort côté série télévisée, mais j’ai pris plus de plaisir à suivre les quêtes secondaires. Pourtant l’histoire principale a ses bons moments. Le fait d’intégrer le Shinsen gumi exerce son petit effet de fascination, il y a aussi un côté très romantique à la quête de Ryoma Sakamoto, en quête d’honneur et de paix, avec une pointe d’amour qu’il trouve auprès d’une femme rencontrée pendant le jeu. Évoluer au sein d’un Kyoto d’antan apporte son lot de déambulations charmantes dans de vieilles rues, avec une ville à laquelle on s’attache vite grâce à la profusion « d’amis » que l’on peut se faire parmi la population (notamment les commerçants). Un système d’amitié qui se développe à mesure des visites, jusqu’à déclencher des quêtes ou évènements particuliers. Si la ville n’est pas excessivement grande, elle n’en reste pas moins pleine de vie, foisonnant de marchés, de restaurants, de bars, de commerces divers ou encore de salons de thé et autres joyeusetés du côté du quartier des plaisirs. Et on va pas se leurrer on part vite en quête des mini-jeu un peu bêtes ici et là pour voir dans quelles situations loufoques on peut mettre notre héros, samouraï ténébreux et pas très rigolo.

Rigidité d’une autre époque

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Si son histoire est séduisante, malgré ses rebondissements qui n’en finissent plus, c’est sur son système de jeu, et particulièrement de combat, que Like a Dragon : Ishin! accuse son âge. Pour bien comprendre, il faut se remémorer l’historique de la série : c’est en 2016 que la saga a connu un véritablement bon en avant avec Yakuza 6, qui proposait un nouveau moteur de jeu. Baptisé « Dragon Engine« , celui-ci a permis de considérablement fluidifier l’action. Et ce grâce à plusieurs artifices, comme des personnages un peu plus libres de leurs mouvements et moins figés, des animations largement revues et des temps de chargements réduits au maximum (notamment dans les nombreux combats de rue). Mais Ishin! est antérieur à cela, pensé et développé sur l’ancien moteur. Si le Ryu ga Gotoku Studios a réalisé le portage sur un nouveau moteur, l’Unreal Engine 4, il a très largement conservé sa structure d’origine avec les limitations de l’époque. Le jeu souffre ainsi de chargements trop fréquents, à chaque début et fin de combat de rue, mais aussi des combats moins palpitants avec un personnage rigide comme à l’époque. Pourtant Ishin! avait une particularité, celle de reposer essentiellement sur l’utilisation d’armes. Bien que l’un des styles de combats permet d’utiliser les poings, ceux-ci font très peu de dégâts et ne servent vite plus à rien, alors on jette plutôt un œil du côté des trois autres styles de combat. D’abord le style « bretteur » pour attaquer au sabre dans ce qui ressemble le plus à l’idée de ce qu’on se fait d’un samouraï, « danseur endiablé » qui permet de mélanger sabre et revolver, et enfin un dernier style qui n’utilise que le revolver. La diversité d’approche s’apprécie, mais l’ensemble est bien trop mal équilibré, notamment face aux boss où seul le style « bretteur » est véritablement viable, en se focalisant sur une poignée de techniques qui fonctionnent mieux que les autres. C’est là aussi un problème propre aux jeux Yakuza/Like a Dragon d’antan : il y a un manque criant d’équilibrage qui provoque des combats assez peu intéressants face à des boss qui s’affrontent toujours de la même manière, en usant des rares techniques qui fonctionnent, tandis qu’eux sont démesurément puissants.

Côté progression, on trouve quelque chose d’assez classique avec une évolution du personnage par niveau général, et ensuite par le déblocage d’orbes spécifiques à chaque style en les utilisant, afin d’attribuer ces orbes à des aptitudes spécifiques à chaque style. Cela a le mérite de récompenser l’utilisation de certaines techniques, puisqu’en jouant bretteur on débloque assez vite des orbes spécifiques à cette manière de combattre, mais c’est à double tranchant : face à l’inutilité globale du combat à poings nus, voire uniquement au revolver, ces deux styles de combat sont particulièrement pénibles à faire progresser. Ce n’est évidemment pas nécessaire pour aller au bout du jeu, mais ça ne facilite pas les choses des personnes qui voudraient compléter le jeu à 100% de son contenu. Heureusement, ce contenu encore une fois pléthorique ne nécessite globalement pas d’utiliser ces styles de combat, en proposant plutôt des activités secondaires plus ou moins farfelues, plus ou moins émouvantes, mais qui permettent toujours de raconter le quotidien des habitants de la ville. Ces quêtes secondaires apportent un vrai plus, j’ai passé énormément de temps dessus en délaissant parfois l’histoire principale, même s’il faut finir par avancer l’histoire principale pour débloquer de nouvelles quêtes secondaires. Cette immersion dans le quotidien des habitants pour, souvent, des futilités, permet de donner beaucoup de cœur et de vie à cette petite ville où l’on évolue, la rendant rapidement attachante. Et c’est un vrai bon point, car on sait que l’affect joue beaucoup dans les Yakuza, avec un quartier habituel que l’on retrouve à chaque épisode. En délocalisant son action dans une ville du passé, il était important que l’on trouve vite de nouvelles marques et une nouvelle tendresse pour ce lieu que l’on ne connaît pas. Enfin, on peut noter un autre mode quasi-secondaire : au bout d’un moment il est possible via une quête secondaire de débloquer notre propre maison, où l’on rencontre une jeune femme qui reprend les traits de Haruka (les fans de la série la reconnaîtront de suite). Cette maison permet de réaliser un mini-jeu de potager et de cuisine afin de pouvoir revendre nos cultures et nous enrichir plus ou moins rapidement. Pas parfait, cet à-côté se place totalement dans la mouvance de ces dix dernières années où les jeux de ferme ont connu un regain d’intérêt, et il permet d’apporter un peu de douceur de temps en temps.

Il ne rend pas honneur à sa direction artistique

©SEGA. All rights reserved.

Visuellement daté malgré un passage sur Unreal Engine 4, il n’y a pas de miracle pour ce Like a Dragon: Ishin! rapport à l’original. La faute à des textures qui s’affichent tardivement (un des grands maux éternels de l’Unreal Engine), des animations d’un autre âge et une mise en scène parfois assez risible. Pas sur les scènes cinématiques, mais plutôt sur les petites cutscenes de dialogues qui sont trop statiques, datées de l’époque où les discussions avec les PNJ des Yakuza se faisaient avec des bulles de dialogue et des personnages qui se regardent dans le blanc des yeux sans bouger ni bénéficier de voix. C’est sûrement un peu fainéant, et ça fait tache pour les personnes qui auraient découvert la série plus récemment avec des épisodes comme Yakuza : Like a Dragon ou les Judgment, mais le jeu a au moins le mérite d’offrir des scènes cinématiques assez sublimes lors des missions principales. Mais aussi des visages toujours aussi convaincants, qu’il s’agisse de personnages créés pour la série ou des visages d’acteurs et actrices qui ont prêté leurs traits. Et les limites techniques de ce remaster sont d’autant plus dommageables qu’elles ne rendent pas service à un jeu qui avait beaucoup à offrir grâce à sa direction artistique. Celle-ci offre une vraie identité à chaque quartier de Kyo, qu’il s’agisse du quartier général du Shinsen gumi, de l’allée marchande près d’un petit port, de l’avenue principale, de ruelles sombres et pleines de criminels ou du quartier rouge où se font concurrence les maisons closes. On se sent vite sous le charme d’un univers qui évoque beaucoup d’autres œuvres, mais qui se fait pourtant rare, sous cette forme d’action-aventure, en jeu vidéo.

Témoin d’une autre époque où les jeux Like a Dragon étaient différents, ce remaster de l’épisode Ishin! manque l’occasion de faire entrer le titre dans la nouvelle ère que l’on a connu d’abord avec Yakuza 6, puis avec Yakuza: Like a Dragon. Le jeu est daté visuellement mais aussi sur ses mécaniques, pourtant on se laisse prendre au jeu, car ce remaster est inespéré. Sorti il y a déjà trop longtemps au Japon, on avait du mal à encore croire à l’arrivée du titre dans nos contrées, alors le fait pouvoir y jouer cette année en version française suffit assez largement me combler de bonheur. D’autant plus que son histoire reste tout à fait agréable à suivre, et son contenu secondaire m’a complètement happé, à tel point que je suis parvenu à lui pardonner ses errements techniques, même s’il y a une forme de regret pour un titre qui méritait probablement un peu mieux pour l’occasion. Maintenant, il ne reste plus qu’à espérer que SEGA continue d’explorer ses titres jamais sortis en occident et songe à amener chez nous l’autre spin-off de la saga, un certain Yakuza Kenzan!.

  • Like a Dragon: Ishin! est disponible depuis le 21 février 2023 sur PC, Xbox One, Xbox Series X|S, PlayStation 4 et PlayStation 5.
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Plus d’un an après la sortie de Tomie dont je faisais la critique sur Pod’culture, voilà l’opportunité de découvrir L’amour et la mort de JunjiI Ito. Les éditions Mangetsu continuent à publier l’œuvre de cet auteur dont l’horreur et plus spécialement le body horror sont la marque de fabrique. Et si j’avais apprécié Tomie sans pour autant être totalement enthousiasmée, avec L’amour et la mort, Junji Ito part cette fois sur des thématiques et des intrigues qui me plaisent beaucoup plus.

Cette critique a été rédigée après l’envoi d’un exemplaire presse par les éditions Mangetsu.

Cette fois, c’est sous forme de récits indépendants que se présente le manga, loin de l’anthologie d’histoires courtes avec Tomie et ses quelques personnages en fil conducteur. Quatre histoires, liées par le fantastique, les légendes urbaines, la douleur ou l’absurde. Et bien sûr, la mort et l’amour.

L’amour & la mort

© L’amour et la mort, Junji Ito, éditions Mangetsu, 2023

Débute bien entendu la plus longue histoire, sous forme de quatre chapitres et un épilogue, qui donne son titre au recueil. Ryûsuke, jeune lycéen, revient dans la ville de son enfance : Nazumi, perpétuellement plongée dans la brume. Le quotidien y serait terriblement banal, si depuis quelques temps ne se répandait pas la folie de l’oracle. Il s’agit d’une superstition qui consiste à se tenir caché au carrefour d’une rue et à demander à un passant de prédire son avenir – généralement amoureux.

Mais la superstition se transforme en légende urbaine terrifiante. De plus en plus de jeunes filles se faisant prédire l’avenir, commencent à apercevoir à ces carrefours un « beau jeune homme à la croisée des chemins », pâle et fantomatique, qui leur prédit fatalement des mauvais présages. De désespoir, celles qui ont le malheur de le croiser se tranchent la gorge et deviennent des fantômes errant dans le brouillard de Nazumi.

L’intrigue de L’amour et la mort mêle la superstition à un monde moderne. Une modernité où la rationalité n’est pourtant pas suffisante pour faire se rendre compte du danger de l’oracle et surtout, du « beau jeune homme », pour les innombrables lycéennes et autres personnes qui se retrouveront prises au piège. Les interrogations sur un amour futur deviennent funestes, transforment cette quête d’être désiré(e) en une obsession morbide. Être aimé(e), être adoré(e), voilà ce que réclament les victimes des prédictions du « beau jeune homme à la croisée du chemin ». Un souhait qui les mène à la mort et à l’autodestruction, dans une spirale infernale. Elles deviennent une masse grouillante et décharnée de fantômes réclamant l’amour. Parfois, c’est cette recherche constante de l’oracle qui mène à la mort, comme si la prédiction permettait de ne plus avoir à prendre ses propres décisions, à l’instar de la jeune femme du chapitre 2 de l’intrigue. Le désir de mort des personnages, prenant le pas sur le désir d’amour, se teinte de manipulation déterminée par les présages, finissant en autodestruction.

Comme une certaine ville de Silent Hill, Nazumi devient le théâtre des névroses et des amours tourmentées. Le héros, Ryûsuke, y voit ainsi le fantôme d’une erreur de son passé, d’un secret à expier. Une malédiction qui le pousse à essayer de combattre les funestes présages de l’être fantomatique et désespérément beau qui hante les rues. Ryûsuke devient alors une sorte de double de l’antagoniste de l’intrigue, cette fois bénéfique, offrant des conseils heureux aux passants venus se faire prédire l’avenir. Mais peut-être que son ennemi, étrangement similaire à lui, est depuis le début son Doppelgänger, en un affrontement entre lumière et ténèbres, entre mort et vie. Junji Ito insuffle une double interprétation à son récit au gré de multiples indices, lui permettant de gagner une nuance supplémentaire entre malédiction due aux erreurs du héros et volonté de rédemption.

L’amour et la mort propose ainsi aussi bien un récit sur la culpabilité, que sur la folie de l’amour qui peut mener à l’autodestruction, tout en revêtant le manteau de la légende urbaine. Un contraste entre fantastique et réel qui renforce le côté tragique et humain de cette histoire, et en rend les images délicieusement glaçantes. Car l’horreur, elle est bien dans le dessin de ces vies tranchées en pure perte, dans ces fantômes décharnés qui se décomposent, en quête d’une réponse ou d’un désir qui ne sera jamais assouvi.

L’étrange fratrie Hikizuri

© L’étrange fratrie Hikizuri, Junji Ito, éditions Mangetsu, 2023

Deuxième récit du recueil, il est sans doute celui qui m’a le moins intéressée, peut-être qu’il frôle le plus l’absurde et détonne après le charme effrayant de L’amour et la mort. Voyez la fratrie Hikizuri comme une sorte de famille Addams à la japonaise : vous obtiendrez une histoire grotesque et affreuse, doté d’un humour répugnant.

Aucun membre ou presque de la fratrie Hikizuri n’est à sauver, tant tous et toutes se révèlent plus affreux les uns que les autres par cruauté et plaisir d’une manipulation gratuite. Que ce soit en séduisant un lycéen, en faisant semblant d’invoquer des fantômes de la famille, ces frères et sœurs tourment et persécutent sans âme, de façon déjantée par moments, mais surtout avec un profond sens du vice. Il est bien difficile d’éprouver un quelconque attachement pour eux dans cette histoire absurde et grotesque.

La maison des douleurs fantômes

Autre récit glaçant dans la lignée du premier de ce recueil, La maison des douleurs fantômes s’attarde sur l’étrange demeure où vivent deux parents et leur fils. Ce dernier souffre de douleurs poignantes, qui, peu à peu, se sont étendues à différents endroits de la maison, immatérielles. Les parents engagent alors plusieurs hommes, dont le narrateur, pour soigner ces douleurs d’un couloir et d’une pièce à l’autre. Une histoire complètement fantastique par excellence et au concept original.

Évidemment, cela devientvite en cauchemar quand l’histoire se transforme en huis-clos et que chacun dans la demeure commence à négliger ses propres blessures, par rapport au mal ambiant subi par le fils du maître de maison. Un enfermement qui ne peut que mal tourner, faisant de l’histoire une métaphore de la présence de la douleur fantôme de chacun. comme une hypersensibilité à la souffrance des autres, qui prendrait soudainement vie… Une histoire là encore glaçante et qui donne le vertige à la lecture.

Les côtes

Encore dans la lignée de l’histoire précédente, Les côtes part d’une interrogation : jusqu’à quel point aller pour s’assurer la beauté, à ses yeux et aux yeux des autres ? Ici, l’héroïne, Yuki, est tellement obsédée par son tour de taille et par le fait de devenir la miss d’un concours de beauté, qu’elle est prête à se faire enlever une côte pour obtenir une silhouette parfaite. Mais cette action n’est pas sans conséquence, et la miss avant elle aurait pu lui dire… Alors, l’opération chirurgicale devient le jeu d’un spectre malsain, mais dont je ne dirais pas plus pour garder l’horreur de la chute.

Là encore, l’aspect effrayant avec la présence du fantôme est en contraste avec la modernité du récit, le rendant encore plus saisissant. La critique de la quête obsessionnelle de la beauté se mêle de surnaturel et d’horreur à corps littéralement ouvert, comme sait si bien le faire Junji Ito.

Conclusion

Que ce soit par la quête de la beauté (Les côtes), de l’amour (L’amour et la mort) ou d’un désir de guérison (La maison des douleurs fantômes), Junji Ito possède un véritable talent pour mettre en exergue un désir qui contamine et envahit ses personnages, au point de les mener à l’obsession et l’autodestruction. Il s’en sert évidemment pour dénoncer certains travers de société, mais surtout pour en faire des histoires glaçantes, où la légende urbaine et les spectres continuent à effrayer, y compris dans une société rationnelle. Ses intrigues laissent une large place au body horror, à la décomposition et aux effets gore. Mais dans la noirceur de ses récits il y a aussi parfois un humour absurde (L’étrange fratrie Hikizuri) ou encore une certaine lueur d’espoir, comme dans le récit homonyme du recueil. A l’instar d’un excellent recueil de nouvelles glaçantes, les récits de L’amour et la mort laissent une impression durable, bien après la lecture !

  • L’amour & la Mort est disponible en librairie depuis le 1er février aux éditions Mangetsu.
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Deep 3 était, avec ses deux premiers tomes sortis en fin d’année dernière, une des plus belles surprises du côté des mangas de sport. La finesse de l’écriture de Mitsuhiro Mizuno, la beauté des dessins de Ryosuke Tobimatsu et l’originalité de son univers lui permettaient de se distinguer très clairement d’autres piliers du genre. Les attentes sont donc très élevées au moment de lire la suite, une fois la surprise passée, à un moment où Deep 3 doit prouver qu’il peut assumer ses ambitions.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un exemplaire du tome 3 par l’éditeur.

Rêves déchus

DEEP 3 © 2021 Mitsuhiro MIZUNO, Ryosuke TOBIMATSU/ SHOGAKUKAN

Dans les deux premiers tomes, Deep 3 tirait son épingle du jeu pour tout le contexte propre au basket qu’il racontait, loin d’autres mangas du genre. D’abord parce qu’il s’intéresse au basket américain plutôt que japonais, mais aussi parce que son héros, Damian, est moitié afro-américain, moitié japonais. Cela le mettait dans une situation malheureusement attendue, entre l’attente qu’il suscite et le racisme qu’il subissait. Et maintenant qu’il est arrivé et bien installé aux Etats-Unis dans ces tomes 3 et 4, il est confronté à une nouvelle réalité qui ne lui fait pas plus de cadeaux. Le manga s’intéresse en effet à la violence du basket universitaire, un passage obligé et décisif pour la plupart des futurs joueurs de NBA, où de nombreux jeunes sont déterminés à paraître comme étant les meilleurs (en soignant leurs statistiques personnelles), car c’est leur seule chance de se faire remarquer par une équipe de NBA. Une fois remarqués, et en signant un contrat, c’est leur avenir qui change du tout au tout.

Ces deux tomes s’intéressent donc à cette hyper-concurrence, où Damian se retrouve en bas de l’échelle et malgré son talent, le management rechigne à le propulser dans le cinq majeur (les cinq titulaires qui commencent les matchs) pour une raison extra-sportive : le racisme ambiant. Son coach lui dit clairement qu’il ne peut pas justifier vis-à-vis des autres jeunes joueurs de faire débuter un match l’asiatique qui sort de nulle part, et passerait devant tout le monde alors qu’il n’est pas entièrement américain. Et cela renforce un peu plus le discours de l’auteur, déjà initié dans les deux premiers tomes, sur l’entourage qui a un impact conséquent sur les carrières naissantes de ces gamins. Déjà victime de racisme quand il était au Japon car « pas assez » japonais, Damian en souffre à nouveau aux Etats-Unis car « trop » japonais. Mais Deep 3 n’est pas que ça. C’est aussi un récit passionnant sur la détermination d’un jeune à se faire une place au sein d’un sport qui le fait rêver depuis qu’il est gosse, avec de vrais bons moments d’opposition et de rivalités qui se forment. Également, le dessin est d’une beauté saisissante, capable de montrer le mouvement avec précision, insistant sur l’aspect finalement très artistique, voire acrobatique, du basket américain, où le « style » et l’attitude font partie intégrante de la personnalité de chaque joueur sur le parquet.

Au bout du monde

DEEP 3 © 2021 Mitsuhiro MIZUNO, Ryosuke TOBIMATSU/ SHOGAKUKAN

Deep 3 joue également sur un registre intéressant, qui emprunte à ce que d’autres mangas ont pu faire par le passé avec la détermination comme moteur d’un personnage qui a tout à prouver, mais aussi des choses novatrices avec le rapport du personnage à ses origines afro-américaines, son immersion dans un pays et un milieu qu’il fantasme mais qui le considère encore comme un étranger. C’est aussi un récit qui aborde le basket comme émancipateur social, un échappatoire pour des gosses de quartiers pauvres, comme c’est raconté au travers du personnage de Delonte dans un chapitre consacré à ses origines, son quartier et les difficultés auxquelles il fait face. Il faut bien comprendre que le basket, aux États-Unis, est intimement lié aux questions sociales, à l’engagement communautaire et représente pour beaucoup de gamins un des rares moyens pour se faire une place dans la société. Et Mitsuhiro Mizuno maîtrise plutôt bien cet élément en s’inspirant de la réalité, comme il le dit en clamant son amour et son lien avec le basket dans quelques pages à la fin de chaque tome, et en l’intégrant au quotidien de ses protagonistes.

Toujours aussi bon, Deep 3 a parfaitement saisi le contexte social du basket américain sans pour autant mettre de côté ce que l’on recherche habituellement dans un manga de sport (la détermination, les obstacles, les confrontations, les rivalités). C’est un manga écrit par un passionné qui s’intéresse autant au sport de haut niveau qu’aux sacrifices que celui-ci exige. Mais aussi à ce qu’il se passe autour, aux familles et proches qui gravitent autour des athlètes, à leurs conditions sociales et à leur impact au sein de leurs communautés. Le personnage de Delonte, qui raconte qu’il avait le choix entre le basket et les gangs, est peut-être un peu caricatural dans son écriture, mais il incarne une certaine réalité d’aujourd’hui aux États-Unis.

  • Les tomes 3 et 4 de Deep 3 sont disponibles en librairie aux éditions Mangetsu.
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C’est actuellement une période prolifique pour le cinéma, dont nous avons pu profiter, notamment grâce au Printemps du Cinéma. C’est l’occasion de vous conseiller (ou pas) quelques films, fraîchement sortis.

The Fabelmans

Gabriel LaBelle dans The Fabelmans © S. Spielberg, 2023

On commence avec The Fabelmans, réalisé par Steven Spielberg, et sorti le 22 février 2023. C’est aussi le lauréat du Golden Globe du Meilleur film dramatique. L’histoire, se situant après la Seconde Guerre Mondiale, suit le quotidien de Sammy Fabelman (Gabriel LaBelle), dont la passion est de réaliser des films amateurs, depuis sa plus tendre enfance. Sa vie bascule le jour où il exécute le montage d’un petit film familial. En effet, à travers d’infimes détails, il découvre que sa mère entretient une liaison avec le meilleur ami de son père. Ce n’est un secret pour personne : The Fabelmans s’inspire très largement de l’enfance et de la jeunesse de Steven Spielberg. Alors qu’on aurait pu s’attendre à ce que le long-métrage parle frontalement de cinéma et s’attarde sur les premiers succès du réalisateur, il n’en est rien. The Fabelmans se focalise sur ses premiers films amateurs et sur son histoire familiale, ce qui peut se révéler aussi frustrant que longuet. Pourtant, quand on sait que l’histoire de Spielberg est à peine revisitée, et combien le metteur en scène était ému sur le tournage, on ne peut que saluer la sincérité et le courage de la démarche. Le metteur en scène capture un quotidien intime et parfois difficile. On sent combien le film est cathartique et de quelle façon l’histoire personnelle de Spielberg a influencé sa vision de l’art. La fuite vers l’imaginaire, afin de sauver une enfance ou une innocence en péril, est après tout une thématique essentielle dans son œuvre. Il a dû être particulièrement délicat pour lui de dresser un portrait sincère et non manichéen des personnages qui représentent ses parents (incarnés par Michelle Williams et Paul Dano) ou celui qu’il a considéré comme un oncle pendant plusieurs années (Seth Rogen). Il en résulte des scènes très touchantes. The Fabelmans est un film sincère, mais beaucoup trop intime pour s’avérer incontournable.

The Son

Hugh Jackman et Zen McGrath dans The Son © F. Zeller, 2023

The Son est un film réalisé par Florian Zeller et sorti le 01 mars. Peter (Hugh Jackman) est un homme d’affaires accompli qui vit avec sa nouvelle compagne Beth (Vanessa Kirby) et leur bébé. Un jour, son ex-femme Kate (Laura Dern) lui apprend que leur fils Nicholas (Zen McGrath) ne va pas au lycée depuis un mois. Peter va accueillir Nicholas sous son toit pendant quelques temps, avant de se rendre compte qu’il souffre d’une dépression sévère. Que dire ? Pour beaucoup, la dépression est encore une maladie imaginaire, apparentée au coup de blues. The Son rappelle qu’il s’agit bel et bien d’une maladie mentale, qui peut engendrer des séquelles physiques et de réels troubles du comportement. C’est avec justesse et délicatesse que le long-métrage montre l’évolution de Nicholas, mais aussi les réactions de son entourage qui, même en voulant l’aider, peut parfois se montrer rude ou incompréhensif. Il est perceptible que la dépression de Nicholas affecte toute la famille, tout en évitant l’écueil de la culpabilisation du malade. Cela se traduit par des silences, des regards et un acting impeccable de la part des différents comédiens et comédiennes. Comme on s’en doute, The Son est un film à la fois mélancolique et émouvant. Malheureusement, comme beaucoup d’œuvres du genre, certains dialogues manquent de naturel et se veulent trop pédagogues. Par-dessus tout, la mise en scène est des plus classiques et le script extrêmement présumable. On retiendra The Son pour ses bonnes intentions et la qualité du jeu de son casting, mais aussi pour sa référence à The Father, un précédent long-métrage de Florian Zeller.

Scream VI

Le tueur ! dans Scream VI © T. Gillett et M. Bettinelli-Olpin, 2023

Scream VI, réalisé par Tyler Gillett et Matt Bettinelli-Olpin, est sorti le 8 mars. En dépit du retour d’anciens personnages de la saga, il s’agit de la suite directe de l’opus précédent, dans lequel les sœurs Carpenter (Melissa Barrera et Jenna Ortega) échappaient à une énième manifestation de Ghostface. A mon sens, le premier film de la franchise, réalisé par Wes Craven, est certes un slasher plus fun que terrifiant ; mais il n’a pas marqué l’histoire du cinéma pour rien, tant il décrypte avec justesse les codes du genre horrifique. L’aspect méta y est particulièrement savoureux. Malheureusement, la saga n’est plus que l’ombre d’elle-même. Le scénario a autant de finesse qu’une tartine sur laquelle on aurait étalé du beurre de cacahuète et de la gelée. Un dessert purement américain, auquel on va goûter, en sachant pertinemment que ce n’est pas bien. Ce n’est pas parce qu’un personnage secondaire donne des leçons primaires de cinéma, en soupçonnant tout le monde, que c’est un film méta. Quant à l’intrigue principale, elle est écrite avec la même finesse et la même vraisemblance. On ne retiendra de Scream VI que des scènes d’action inventives et probablement plus gores que celles des films précédents.

The Whale

Brendan Fraser dans The Whale © D. Aronofsky, 2023

Inspiré de la pièce de théâtre éponyme, The Whale est un film réalisé par Darren Aronofsky et sorti le 8 mars. Vous en avez probablement entendu parler puisqu’il s’agit du grand retour de Brendan Fraser, sur le devant de la scène. Celui-ci a d’ailleurs remporté l’Oscar du Meilleur acteur pour sa performance. The Whale est tout simplement un huis-clos relatant la dernière semaine d’un homme dépressif, suite à la perte de son compagnon. Par ailleurs, Charlie pèse 272 kilos, ce qui l’incite à rester cloîtré dans son appartement. Un film d’autant plus suffoquant, qu’il est tourné en 4:3, pour montrer combien le protagoniste est prisonnier à la fois de son corps et de sa dépression. Heureusement, il s’évade à travers son travail, qui consiste à donner des cours en ligne et à corriger des rédactions. Il nourrit aussi l’espoir secret de renouer avec sa fille Ellie (Sadie Sink), perdue de vue depuis des années. Plusieurs personnages secondaires sont assez insupportables avec lui, ou de manière générale, à commencer par Ellie, qui – sous couvert de crise d’adolescence et de rancœur – le met plus bas que terre ; ou Thomas (Ty Simpkins) qui s’incruste chez lui pour prêcher la bonne parole et « sauver son âme ». The Whale est un film émouvant, où on ne peut que saluer la justesse de la prestation de Brendan Fraser. Au reste, il est difficile d’en percevoir les intentions et certaines scènes peuvent sans doute heurter la sensibilité des personnes ayant déjà souffert de dépression ou de troubles alimentaires.

Crazy Bear

L’ours ! dans Crazy Bear © E. Banks, 2023

On termine dans l’humour, avec Crazy Bear, un film réalisé par Elizabeth Banks, et sorti le 15 mars dernier. Inspiré d’un fait divers, le film conte tout simplement les pérégrinations d’un ours dans un bois de Géorgie. Seul hic, l’ours en question a consommé de la cocaïne. Il va entrer dans une rage meurtrière, à laquelle devront échapper les habitants locaux, les touristes, ainsi que les malfrats liés à la perte de la cargaison de drogue. On retrouve d’ailleurs un casting plutôt sympa, à commencer par Keri Russell ou Ray Liotta, donc il s’agit malheureusement du dernier film tourné. Comme ses effets numériques en témoignent, Crazy Bear est ni plus ni moins un nanar assumé. Si je m’attendais à un scénario un peu plus déjanté, force est de constater que plusieurs scènes marquent, tant par leur absurdité que par leur côté gore. Crazy Bear est une comédie noire aussi peu avare en cocaïne qu’en démonstration d’hémoglobine ou d’entrailles. Il n’est pas mémorable et n’est même pas le meilleur film du genre. Au reste, il s’agit d’un plaisir coupable que l’on peut consommer, contrairement à la cocaïne, sans modération.

Jusqu’à présent, l’année 2023 propose des films hétéroclites et plutôt intéressants. Sans être une œuvre incontournable de Steven Spielberg, The Fabelmans est un film sincère qui touchera forcément les fans du cinéaste, ou les passionné(e)s de cinéma en général. The Son et The Whale ont finalement beaucoup de points communs. Les deux long-métrages sont tirés d’une pièce de théâtre et présentent chacun une vision de la dépression. Ils évoquent aussi la relation d’un père qui tente de renouer avec son enfant adolescent. Des films émouvants, certes, mais parfois maladroits, et surtout extrêmement suffocants. J’ai presque envie de mettre Scream VI et Crazy Bear dans la même catégorie. Tous deux sont gores, mais plus comiques que terrifiants. Malheureusement, s’il s’agit d’une volonté de Crazy Bear, Scream VI n’a pas fait exprès. C’est sur ces bonnes paroles que se terminent mes conseils en l’honneur du Printemps du Cinéma. Un bon visionnage à toutes et à tous !

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