Alors que la publication de « l’Extreme edition » de Hokuto no Ken se poursuit, les spin-offs de la série sont également réédités dans au même format. Idéal pour disposer d’une collection uniformisée pour les fans de cet univers, mais surtout pour découvrir ces histoires parallèles qui semblent se concentrer sur les personnages principaux autres que Kenshiro. Rei, Julia, Toki sont au programme, mais le premier à voir sa légende être republiée, c’est Raoh, l’aîné des quatres apprentis du Maître Ryuken. Pour être tout à fait honnête, j’abordais ce premier volume dans des conditions très défavorables. Je sortais d’une certaine déception à la lecture des derniers tomes de l’histoire principale en ma possession, je n’avais pas spécialement l’intention de me plonger dans les histoires parallèles de l’univers d’Hokuto no Ken, mais Crunchyroll nous a aimablement envoyé ce premier tome, alors autant y prêter toute mon attention), et surtout ce que j’ai découvert du personnage de Raoh dans les volumes 5 et 6 du récit principal ne me donnait pas du tout, mais alors pas du tout envie de consacrer du temps à la découverte de son histoire. Lors de son introduction, Raoh m’est apparu profondément antipathique, pour ne pas dire détestable. Égocentrique, voire carrément mégalomane, sans scrupules ni la moindre once d’empathie, il me donnait encore moins envie de m’intéresser à lui. Et pourtant, j’ai apprécié la lecture de ce premier volume. Quand bien même elle n’a pas été révolutionnaire pour deux sous, elle a tout de même eu le mérite de me surprendre.

Cette chronique a été écrite à partir d’un exemplaire envoyé par l’éditeur, Crunchyroll

Autre trait, autre vision

Premier élément marquant de cette légende de Raoh : elle n’est pas dessinée par Tetsuo Hara. Celle-ci date de 2006, soit presque 20 ans après la fin de la saga originale, et comme les autres spin-offs qui l’accompagnent, cette histoire parallèle est dessinée par un.e autre mangaka. Ici c’est Yûkô Osada qui s’y colle, un mangaka connu chez nous par exemple pour les séries courtes Run Day Burst et Kid I Luck, publiées chez Ki-oon. Celui-ci nous propose un style de dessin qui n’a absolument rien à voir avec celui de Tetsuo Hara, et en un sens c’est peut-être un point positif. En effet ce trait beaucoup plus fin, épuré et moderne amène une autre dynamique au récit. Disons que cela retire autant qu’il en apporte. Les planches sont très loin d’être aussi détaillées que celles de Hara-sensei, mais elles gagnent de ce fait en clarté et en lisibilité. L’intensité, et le poids du mouvement sont moindres que dans la série principale, mais les impacts en deviennent plus percutants. Reste à se demander si la patte de Yûkô Osada n’en serait pas tout simplement plus « classique » que celle de Tetsuo Hara, reconnaissable entre mille, et participant au premier plan à l’identité de ce qu’est Hokuto no Ken. Et si, de ce fait, les spin-offs ne perdraient pas un peu de ce qui fait le sel de la licence.

Car au fil des pages, s’est installée une ambiance assez différente de celle que je connaissais. Non seulement concernant l’univers de la saga, mais aussi autour du personnage même de Raoh. L’ambiance générale n’est plus aussi désolée et désespérée que dans la série principale. Le graphisme plus « propre » gomme une bonne partie de la rugosité, voire de la cruauté du monde qui nous est dépeint. D’un côté cela rend la lecture très fluide, mais de l’autre celui lui donne un ton plus proche de celui d’un shônen manga plus classique. On perd également des détails dans les expressions du visage, mais pour un personnage mono-expressif comme Raoh qui semble toujours être animé par la colère et la rage d’écraser tout ce qui l’entoure, est-ce vraiment une perte ? J’aurais tendance à dire que non, car ce premier tome de « La Légende de Raoh » permet de nous présenter le personnage de manière un peu plus nuancée qu’à travers ce que je connais pour l’instant de lui, c’est à dire son premier face à face avec Kenshiro. L’histoire de ce spin-off commence en effet après la séparation des quatre frères du Hokuto, après la catastrophe qui a plongé le monde dans le chaos. Raoh, uniquement animé par sa volonté de conquérir ce monde en décadence, se met en quête de puissance. Mais cela ne se fera pas en un jour…

Le charisme du surhomme

Raoh débute sa quête seul au milieu du désert. Enfin, pas entièrement seul non plus, car deux personnages interviennent dès le début du tome. Il s’agit de Sôga et Reina. Deux personnages qui semblent être amis de longue date de Raoh, envers lesquels il exprime même…de la sympathie ! Première nouvelle, j’ignorais que ce monstre assoiffé de conquête pouvait ressentir de l’amitié envers qui que ce soit. D’autant que ces deux amis semblent loin d’atteindre la puissance de Raoh, alors que dans mon esprit, seuls les êtres d’une force comparable à la sienne pouvaient gagner son respect. Les péripéties de Raoh vont l’amener avant tout à monter une armée, élément vital pour les conquêtes qu’il entend mener. C’est l’occasion de le découvrir en tant que meneur d’hommes, certes sanguinaire et sans pitié, mais également tout à fait charismatique. Peu importe qu’il ait volé sa première armée à un truand local, son aura d’empereur met tout le monde d’accord. Peu importe qu’une meute de chevaux sauvages bloque l’accès au prochain pays à conquérir, Raoh va trouver son chef, l’étalon alpha, et s’en va le dompter pour en faire sa monture ! Lire La légende de Raoh, c’est aussi prendre un plaisir non dissimulé à voir un personnage complètement pété faire des choses qui transpirent le style. Et encore, Raoh n’est pas présenté comme seulement surpuissant. Il est aussi capable… de calcul.

Car comme dans l’œuvre principale, lorsque deux maîtres d’arts martiaux du Hokuto shinken et du Nanto seiken se rencontrent, ça crée  des étincelles. Sans pour autant révéler le contenu de l’intrigue, il est tout à fait intéressant de remarquer que Raoh ne perd jamais son objectif de vue, et est prêt à faire certaines concessions dans le but de poursuivre sa quête. Quitte à surprendre même ses ennemis. La confiance de Raoh en lui même est aussi impressionnante que contagieuse, et sa légende s’écrira à l’aune de son assurance. Assurance qui lui permettra d’obtenir la loyauté de ceux qui l’entourent. Dernier élément qui a éveillé ma curiosité à la lecture de ce premier tome : l’intrigue de cette légende de Raoh fait apparaître des personnages déjà connus de l’univers de Hokuto no Ken, ce qui permet également de les redécouvrir sous le trait de Yûkô Osada, tout en les mettant dans un nouveau contexte et face à Raoh, un opposant bien différent que celui que sera Kenshiro dans l’histoire principale.

Alors que je referme ce premier tome, j’ai incontestablement passé un moment agréable, mais je m’interroge sur le positionnement de ce spin-off. Il semble d’un côté clairement s’adresser aux fans de Hokuto no Ken souhaitant poursuivre l’expérience avec d’autres histoires et d’autres perspectives. Mais de l’autre, le fait d’avoir confié la réalisation du manga à un autre artiste (même si on est toujours sur un scenario de Buronson et Tetsuo Hara néanmoins) change profondément la perception que l’on peut avoir de l’œuvre et de son univers, quitte à ne pas retrouver ce qui a pu plaire aux fans de la première heure. Une expérience un peu hybride en somme. Pas vraiment Hokuto no Ken, mais quand même un peu. Sans doute pas aussi mémorable que l’œuvre culte dont elle est issue, mais pas inintéressante pour autant.

  • La série complète en 3 tomes de Hokuto no Ken – La Légende de Raoh est disponible en librairie
0 Twitter

Akira Amano, l’autrice du manga Reborn!, puis character designer sur l’anime Psycho-Pass, est revenue en 2020 avec Ron Kamonohashi : Deranged Detective qui bénéficie enfin cette année d’une traduction française aux éditions Mangetsu. Les deux premiers tomes sont sortis fin avril 2023, alors qu’une adaptation en anime devrait débarquer avant la fin de l’année et qu’au Japon le manga compte déjà dix tomes.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi des deux premiers tomes par l’éditeur.

Une question d’hommage

Inscrit dans la plus pure tradition des mangas de détective, le manga raconte le destin tortueux de Ron Kamonohashi, un ancien détective star qui s’est vu retirer sa licence et interdire purement et simplement l’exercice de sa profession. La raison est morbide : un mal terrible et inexpliqué le pousse à… inciter les coupables à se suicider après avoir résolu ses affaires. Lui qui était promis à une grande carrière finit par se renfermer, dégoûté par une vie où on lui refuse la seule chose qui le motive. Mais les choses changent évidemment quand se présente face à lui Totomaru Isshiki, un homme qui, au contraire, n’a rien d’un génie. Inspecteur un peu raté dans un commissariat de police local, celui que Ron va rapidement surnommer « Toto » est néanmoins un personnage attachant : s’il n’a rien d’un génie, il est plein de bonne volonté, et s’entiche de l’idée d’aider Ron à dépasser son mal et à retrouver le goût de la vie au travers d’affaires sur lesquels il l’embarque, au mépris de l’interdiction d’exercer qui le frappe. Le duo est efficace, avec un génie détestable d’un côté et un idiot joyeux de l’autre, ce qui permet au récit d’attirer une certaine forme de sympathie malgré son côté très classique et attendu.

Car le manga évoque rapidement les autres œuvres d’enquête sorties avant, à commencer par Detective Conan dont Akira Amano semble s’inspirer assez largement, rendant même hommage au manga de Gosho Aoyama à certaines occasions avec des enquêtes « impossibles » réglées en deux temps, trois mouvements, un côté loufoque omniprésent et des grands discours de celui qui résout l’affaire, Ron, faisant croire que Toto est celui qui a tout trouvé. Un peu comme quand Conan fait croire que Kogoro Mouri a résolu l’affaire, car personne ne croirait décemment un gamin. Sauf que là le but est surtout de faire croire à tout le monde que Ron n’a pas enquêté, lui qui en a la formelle interdiction. D’ailleurs dès le tome 2 on est pleinement dans Detective Conan : c’est les mêmes artifices qui mènent le duo d’enquêteurs dans des situations improbables, c’est des histoires de meurtres en huis-clos ou en direct à la télévision (cette enquête étant très clairement un hommage à Conan), c’est des personnages accusés les uns après les autres jusqu’à ce que le coupable soit révélé… Gosho Aoyama n’a pas inventé le concept, mais en manga il en est le pionnier, et Akira Amano peine très souvent à s’émanciper de cet héritage. Ainsi Ron Kamonohashi : Deranged Detective peine à trouver son identité et à affirmer ses idées.

The Dynamic Duo

Pourtant le duo est plutôt rigolo et dynamique, et on sent rapidement l’affection de l’un pour l’autre. On a d’un côté Ron, qui est super intelligent et à l’esprit de déduction sans faille, qui doit utiliser des artifices pour mettre Totomaru sur la bonne piste, tandis que ce dernier est un personnage agréable et sympathique avec tout le monde mais qui peine à assumer son rôle d’enquêteur. Cette dynamique fonctionne super bien, et la mise en scène reste très efficace, à tel point que les pages défilent et sans voir le temps passer. Il y a une vraie bonne ambiance, malgré quelques enquêtes franchement sordides, qui sort du manga, et qui donne très envie d’aller plus loin. Mais dans une industrie aussi surchargée que le manga, il est aussi difficile de laisser passer la facilité à laquelle s’adonne l’autrice, qui compte énormément sur ses inspirations diverses sans encore trouver de véritable identité à son œuvre. Cela ne condamne pas Deranged Detective, au contraire, car il y a une bonne trouvaille sur la dynamique du duo, mais il faut espérer que l’œuvre a bien plus que cela à offrir pour tenir sur la durée.

Ron Kamonohashi : Deranged Detective a tout du manga séduisant, grâce à son duo de héros qui n’inspirent rapidement que la sympathie pour l’un, la compassion pour l’autre. Plus encore, mon côté fan de Detective Conan y voit là un hommage agréable qui m’offre une nouvelle dose d’enquêtes parfois loufoques, d’autres fois impossibles, mais toujours résolues grâce au génie de son héros. Toutefois, cette proximité avec le manga de Gosho Aoyama pourrait jouer des tours à Akira Amano, qui va devoir trouver son propre style et s’émanciper pour que sa référence ne reste qu’un hommage, et pas une copie. Et il y a matière à offrir quelque chose à la personnalité plus affirmée, grâce à ses deux enquêteurs hauts en couleur mais aussi quelques personnages secondaires bien sentis, comme la supérieure de Totomaru, Amamiya. Ces deux premiers tomes sont accrocheurs, mais j’en espère bien plus pour la suite.

  • Les tomes 1 et 2 de Ron Kamonohashi : Deranged Detective sont disponibles en librairie depuis le 26 avril 2023 aux éditions Mangetsu.
0 Twitter

Mes premiers pas avec la mythique série Hokuto no Ken ont été ceux d’un enfant émerveillé. Impressionné par l’intensité d’un récit dont les fondations laissaient entrevoir le meilleur, je poursuivais ma lecture, et deux tomes plus tard, constatais déjà que la série aurait bien du mal à maintenir un tel niveau sur le long terme si elle continuait de se reposer sur les mêmes ficelles. Il m’a fallu parcourir trois nouveaux volumes de cette « Extreme Edition » pour avoir de quoi écrire un troisième article sur cette histoire, et j’ai déjà peur de me répéter. En effet ces volumes permettent d’introduire de nouveaux personnages, centraux pour la suite de l’intrigue, mais celle-ci ne va faire qu’évoluer sur des bases déjà posées, qu’itérer sur des dynamiques déjà plusieurs fois réutilisées. Au point où, tranchant avec mon enthousiasme débordant après le premier tome, je me demande maintenant comment la série va pouvoir encore durer sans perdre petit à petit mon intérêt.

Quatre frères ennemis

© 1983 BURONSON and TETSUO HARA / COAMIX, ©2022 Crunchyroll

Le nouvel arc du manga commence pourtant sous les meilleurs auspices, alors que l’on découvre que celui qui se fait passer pour l’héritier du Hokuto Shinken n’est autre que Jagi, l’un des trois condisciples de Ken, apprentis du Maître Ryuken, et pratiquant du Hokuto Shinken. Indiscutablement malfaisant, on comprend très vite pourquoi Jagi n’a pas été choisi par son maître en tant qu’héritier du Hokuto Shinken, mais tout l’intérêt de l’introduction de ce personnage réside dans l’ouverture qu’elle permet sur le Hokuto Shinken lui même, ses règles et son fonctionnement. En effet si c’est Kenshiro qui a été choisi en tant qu’héritier, alors ses condisciples doivent jurer solenellement de ne plus recourir à cet art martial, ou alors ils périront de la main de leur maître. Le fait que Jagi soit toujours là, tout en indiquant à Ken que ses deux autres comparses, Toki et Raoh sont toujours de ce monde, laisse à penser que les choses ne se sont pas passées comme prévu. Cet arc amènera Kenshiro à retrouver ses frère disparus, et surtout, pour la première fois, à mener un combat qu’il ne peut pas gagner…L’arrivée de ces nouveaux personnages vient épaissir un peu l’univers de l’oeuvre, en recentrant le focus autour de l’art martial d’assassin qu’est le Hokuto Shinken. Mais le rythme et les affrontements du manga restent globalement très similaires à ce que l’on a connu jusqu’à présent. Le problème que je rencontre dans cette construction est donc le suivant : jusqu’où ce concept va-t’il être étiré ?

Car quand bien même ce n’est peut-être pas le cas, la narration de Hokuto no Ken donne maintenant la désagréable sensation d’être pensée au fur et à mesure sans véritable plan d’ensemble. Ce n’est pas la dynamique de l’univers dans lequel l’histoire prend place ou les actes des personnages qui viennent définir ce qui se passera par la suite. Il s’agit surtout d’antagonistes apparaissant les uns après les autres, et que Kenshiro va devoir affronter, car…ils sont méchants. C’est tout. Le fait d’avoir présenté Ken comme un homme qui a tout perdu et se retrouve sans but et sans espoir se retourne contre l’oeuvre, qui en est réduite à inventer des enjeux au fur et à mesure pour justifier que les protagonistes se mettent en mouvement. L’introduction de Raoh, qui sera l’antagoniste majeur pour encore un moment, crée une dynamique où Kenshiro est mis en danger de par son statut. Raoh veut se débarasser de ses anciens condisciples, afin de devenir le dernier héritier du Hokuto Shinken, et conquérir le monde. Mais rien ne justifie que Kenshiro doive absolument l’affronter…à part le fait qu’il soit méchant. Les personnages ont beau nous expliquer que « c’est leur destinée de s’affronter dans un combat fratricide », j’ai bien du mal à me sentir investi dans la proposition. N’oublions toutefois pas que le manga a 40 ans. La complexité des enjeux scénaristiques n’était peut-être pas aussi importante que maintenant aux yeux du grand public. Mais je ne peux cacher ma déception lorsque je vois l’histoire répéter le même cycle encore et encore. Alors que cette structure marchait extraordinairement bien au départ pour dépeindre l’origin story de Kenshiro et y apporter la dimension dramatique qui en fait toute la saveur, elle donne après plusieurs itérations le sentiment d’avoir déjà été éculée. Après le combat entre Kenshiro et Raoh, climax de cet arc nous présentant ce qui reste des quatre maîtres du Hokuto Shinken, l’on retombe quasi-intentanément dans une situation bien connue : Une ville sous le joug d’une bande de pillards, menée par un leader bestial à la carrure démesurée, qui sera vaincu sans effort par Ken. Une routine qui sera complétée par l’introduction d’un nouveau maître d’arts martiaux,cette fois du côté du Nanto Seiken.

Mythologie répétitive

© 1983 BURONSON and TETSUO HARA / COAMIX, ©2022 Crunchyroll

Plus que jamais l’association de Kenshiro et de ses semblables à des figures divines se fait au grand jour. Les artistes martiaux du Hokuto Shinken et du Nanto Seiken sont comparables à des personnages mythologiques, héros à la destinée inscrite dans les étoiles. Ils sont plus que des Hommes, mais sont soumis à des épreuves dignes des plus grandes tragédies grecques. Et en dessous d’eux, le commun des mortels, quidams innocents ou bandes de voleurs sanguinaires, ne sont que des grains de sables, prêts à s’envoler au moindre souffle provoqué par les puissants mouvements de ces surhommes. Mais alors que ces personnages se succèdent et qu’on nous présente de nouvelles villes et de nouveaux lieux, on a le sentiment que tout se ressemble. Que tout n’est que métropole décrépie, ensevelie sous le sable ou grand édifice de pierre rappelant les Colisées antiques. Quasiment aucune place n’est consacrée au voyage de la troupe de Ken et au temps que ces personnages passent ensemble. La dynamique des personnages non-combattants est indissociable du rôle de spectateur impuissant, prisonnier du rôle vain de paraphraser ce qui s’est déjà passé une page plus tôt. Déjà lorsqu’un seul personnage se voit attribuer ce rôle le résultat est plutôt lourd, alors imaginez lorsqu’ils sont trois ou quatre…

J’espérais que, pour densifier un peu la narration et permettre un investissement un peu plus fort dans les différents personnages, le caractère de Kenshiro allait être étoffé, et que les enjeux relatifs à chaque personnage allaient permettre de s’y attacher. Mais non seulement Ken n’a toujours pas changé d’un iota, mais en plus les personnages secondaires (les combattants cette fois) semblent être condamnés à rester dans son ombre. Dépossédés dés le départ du simple espoir de pouvoir rattraper le niveau de Ken, ils sont relégués à devenir des faire-valoir du protagoniste, prenant part à des combats qu’ils n’ont aucune chance de remporter, simplement pour gagner du temps ou espérer être sauvés par l’héritier du Hokuto Shinken. Ce que semblent nous indiquer ces volumes 4 à 6 c’est que ce monde se divise en deux catégories : les maîtres (du Hokuto et du Nanto) et les autres. Le fait est que pour le moment, Buronson et Tetsuo Hara n’ont absolument pas l’air de vouloir s’intéresser aux autres, mais seulement à comment Kenshiro va pouvoir battre chaque nouvel adversaire qui se dressera sur sa route. Certes chaque nouvel ennemi possède sa propre personnalité et son background, mais cela ne me suffit pas pour me donner pleinement envie de m’investir, car pour l’heure, je sais que, sauf exception, seuls les combats de Kenshiro auront de l’importance, qu’il se battra sensiblement de la même façon, que d’habitude, et qu’il finira par l’emporter. L’affrontement contre Raoh constituait une opportunité de casser ce cycle. Mais il ne s’agit au final pas d’une défaite de Ken. Seulement d’un match nul, qui n’aura au demeurant aucune conséquence et qui ne laissera aucune séquelle à notre héros, toujours aussi monolithique. Une occasion manquée qui me fait sincèrement me poser la question : Hokuto no Ken va-t’il réussir à briser le moule dans lequel il s’est enfermé ? Cet enjeu suffit pour le moment à me donner envie de poursuivre l’aventure dans ce monde ravagé par le feu nucléaire. Mais pour combien de temps encore ?…

    • Les tomes de Hokuto no Ken – Extreme Edition sont disponibles en librairie
0 Twitter

L’héritage de Rocky était lourd à porter, mais dès le premier film Creed, Michael B. Jordan a prouvé qu’il était capable d’incarner un personnage différent, sans manquer d’un quelconque respect pour son aîné. Si Sylvester Stallone a pris ses distances depuis avec la licence, Michael B. Jordan lui se l’approprie plus que jamais avec ce troisième épisode, où il fait ses débuts en tant que réalisateur, insufflant au film un esprit nouveau.

Des inspirations venues d’ailleurs

© Photo credit: Eli Ade © 2022 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. All Rights Reserved CREED is a trademark of Metro-Goldwyn-Mayer

Le premier Creed en 2016 était une belle surprise. Un premier film étonnant pour les distances prises avec Rocky sans pour autant renier son héritage, un style et une intention particulièrement séduisante où le cinéaste Ryan Coogler montrait le potentiel d’une telle suite, évitant l’écueil du vrai-faux remake aux intentions discutables comme Hollywood en a trop connu. Mais la licence a ensuite souffert d’un deuxième épisode plus brouillon, réalisé par Steven Caple Jr., ce qui posait question sur l’intérêt de la licence, représentant soudainement un vrai fardeau pour Michael B. Jordan qui, dans un espoir de ramener Creed sur quelque chose de plus intime et plus intéressant, prend la caméra pour ce troisième épisode. Et pour le coup, que le film nous plaise ou non, il est difficile d’ignorer la faculté du jeune cinéaste à marquer de son empreinte son tout premier film en tant que réalisateur. Très vite, on aperçoit sa volonté d’emmener le combat de boxe vers quelque chose de moins hollywoodien, et de plus proche des… anime japonais, avec une inspiration très claire et visible du côté de Hajime no Ippo pour le combat d’une vie de son héros et sa survie dans un monde qui lui pourrit la vie autant qu’il l’aime. Une inspiration que l’acteur-réalisateur a lui-même évoqué en interview, et qui ne manque pas de séduire dans un film qui, malgré des défauts sur lesquels je reviendrais plus loin, réussit son pari sur sa volonté de s’émanciper des deux premiers films en recherchant quelque chose de différent.

Il construit en effet son film sur un modèle similaire aux anime japonais de sa jeunesse, avec son héros qui affronte son lot de contrecoups, des difficultés qui trouvent souvent leur solution dans la force du groupe, avec le soutien émotionnel de ses proches. Creed se métamorphose soudainement en sorte de héros de shonen qui combat non plus pour sa gloire, mais pour sauver celles et ceux qui l’entourent, tandis que son ennemi du moment est incarné par un vieil ami devenu ennemi. Pas un ennemi à détruire, mais plutôt un ennemi à sauver, avec ce que cela implique de naïveté avec de grands discours sur l’amitié. Bien que cette proposition puisse clivante, il y a quelque chose de satisfaisant à voir Michael B. Jordan aller au bout de son idée, qui transparaît également sur la mise en scène : le combat final est superbement filmé, avec quelques plans où l’acteur-réalisateur se fait clairement plaisir pour, sur l’espace d’un plan, évoquer des plans d’anime, entre les coups dévastateurs et les gueules déformées, quitte à caricaturer la boxe. Cela peut toutefois être un désavantage pour le film puisque à vouloir singer les anime, Michael B. Jordan fait l’erreur de caricaturer l’antagoniste, comme certains shonen, en oubliant que nombreuses sont ces oeuvres qui ont surmonté les codes du shonen pour soigner leur antagoniste en évitant les poncifs du genre. En effet, le personnage qui attise la colère de Creed et qui le pousse à se dépasser est raté sur ce point, avec des motivations un peu faciles et qui tombent vite à l’eau. Enfin, on ne va pas plaindre son acteur Jonathan Majors, dont l’avenir devra plutôt s’écrire devant les tribunaux.

De la boxe classique mais efficace

© Photo credit: Eli Ade © 2022 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. All Rights Reserved CREED is a trademark of Metro-Goldwyn-Mayer

Sur l’histoire, on pourrait pourtant lui reprocher de ne pas faire grand-chose de bien original pour la licence. Depuis Rocky, il y a un vrai besoin de renouveler le propos et d’aller un peu plus loin. Mais en incarnant celui qui a raccroché les gants avant de revenir pour espérer sauver sa réputation et ses proches, Michael B. Jordan nous propose un peu sa propre interprétation de Rocky 4, la guerre froide en moins. Mais c’est fait avec justesse, Tessa Thompson est toujours super dans son rôle bien qu’un peu trop en retrait cette fois-ci, et le charisme de Michael B. Jordan éclabousse le film alors qu’il incarne plus que jamais cette figure quasi super-héroïque d’un boxeur prêt à tout pour l’honneur de sa famille et de ses proches. C’est un rôle sur-mesure qu’il incarne avec force et talent depuis le tout premier film, et dans lequel il atteint une forme de paroxysme avec ce troisième opus, sûr de ses forces mais aussi de ses faiblesses. Quant à sa mise en scène, elle manque peut-être parfois d’un peu plus de dynamisme, avec un film qui reste finalement assez sage sur ce point en dehors des quelques références stylistiques aux anime de son enfance, qui arrivent assez tard dans l’aventure.

C’est difficile d’évaluer Creed III tant l’affect joue un rôle prépondérant. Et c’est peut-être ça aussi que je cherche dans le cinéma, une œuvre qui est certes imparfaite, mais qui s’attache à aller au bout de son idée avec beaucoup de cœur. Le choix du cinéaste de référencer les anime de son enfance est surprenant alors que Creed s’appuie déjà sur un gigantesque héritage avec Rocky, mais ce choix est complètement validé par un combat final assez dantesque où Michael B. Jordan arrive enfin à se lâcher sur le style et la mise en scène. Il y a beaucoup de raisons de critiquer le film tant il est hasardeux sur bien des points, à commencer par la place des personnages secondaires et la mise en scène très académique et peu affirmée de plusieurs scènes (comme le « training shot », cette fameuse séquence où le boxeur s’entraîne, que le film rate complètement). Mais il a du cœur, et pour un blockbuster, c’est déjà bien.

  • Creed III est sorti en salles le 1er mars 2023 et sortira en vidéo en juillet. 
0 Twitter

Trinity Trigger n’est probablement pas le J-RPG le plus attendu l’année où un mastodonte du genre s’apprête à faire son retour, mais le jeu de FuRyu et Xseed Games tente tout de même de se faire une petite place dans le cœur des amateur·ices du genre en faisant appel à leurs souvenirs d’antan. En effet, le jeu en appelle à un héritage de la série des Mana, alors que ses concepteur·ices ont fait leurs armes dessus à l’époque. Mais est-ce que la nostalgie est suffisante pour faire un bon jeu ?

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un exemplaire PlayStation 5 par l’éditeur. Le jeu a été terminé en 12 heures, en version anglaise, le jeu ne disposant pas de traduction française.

Trio d’attaque

© FURYU Corporation. Licensed to and published by XSEED Games / Marvelous USA, Inc.

Véritable hommage à la série des Mana, Trinity Trigger montre dès ses premiers instants un attachement et un amour pour Secret of Mana, en particulier. D’abord pour son système de combat sur lequel je reviendrai un peu plus loin dans cette critique, mais aussi et surtout pour son univers. Coloré, fait de voyage et de découverte, celui-ci nous embarque sur le destin de Cyan, un pilleur qui tente de récupérer des trucs à revendre ici et là pour subvenir aux besoins de son foyer, composé de lui et de sa sœur, alors que leurs parents sont décédés. Une vie compliquée que le jeu nous présente quand même avec optimisme (monde coloré oblige), jusqu’à ce que le destin soit bouleversé : Cyan se retrouve pourchassé par de mystérieux assassins, et fait la rencontre de Elise, qui l’aide à s’en sortir. Comme tout J-RPG qui se respecte, on s’aperçoit vite que Cyan n’a pas été ciblé par hasard, et que du haut de sa petite vie tranquille il joue en réalité un rôle important dans le destin du monde. Rapidement, on est rejoints par un troisième personnage, Vantis, pour former un trio permettant de jouer en coopération locale, là encore un vestige de l’époque des Mana.

Derrière ce destin se cache une vague histoire d’ordre et de chaos, de monde en sursis et de destins croisés. Si dans l’ensemble on est face à quelque chose de très classique qui peine à surprendre, la narration a au moins le bon goût de se limiter à ce que sait et apprend le héros, sans que l’on soit omniscient sur cet univers, rajoutant une pointe de mystère jusqu’à ce que le héros finisse par comprendre ce qu’il se passe (bien aidé par ceux qui l’accompagnent, puisqu’il reste assez passif dans l’ensemble). Malheureusement, l’intrigue manque de moments vraiment épiques, et peine quand même à se lancer. Sur les douze heures qui m’ont été nécessaires pour en voir le bout, il en a bien fallu cinq ou six pour que l’histoire se lance réellement, alors qu’avant ça le jeu me donnait l’impression d’errer sans but entre quelques villages qui n’apportaient aucune réponse à des questions qui étaient de toute manière mal définies. Heureusement il y a le facteur « mignon » de l’ensemble avec les « triggers« , de sortes de petites créatures qui se transforment en armes le moment venu, créées par Atsuko Nishida à qui l’on doit déjà bon nombre de Pokémon historiques (comme Pikachu, Bulbizarre ou encore Salamèche). Mais aussi son univers coloré, dommage toutefois que le jeu ne développe aucun lore en dehors de sa quête principale. On traverse de nombreux villages aux ambiances bien différentes (les échoppes sont toutefois absolument toutes identiques visuellement), mais les PNJ rencontrés n’ont rien à nous dire, aucune histoire spécifique à ces lieux ne se développe et on ne sait pas quels sont ces mondes, ces peuples où la vie semble suivre son cours sans trop de considération pour la quête du héros. On a donc rapidement le sentiment d’être face à un monde vide de toute vie, et c’est vraiment dommage pour un jeu qui nous fait traverser tant de lieux différents.

Un système à la Mana

© FURYU Corporation. Licensed to and published by XSEED Games / Marvelous USA, Inc.

Trinity Trigger peut toutefois compter sur un gameplay assez sympathique, avec un système qui s’inspire là aussi de Secret of Mana. Cela se remarque d’abord par ses combats en temps réel où les coups sont uniquement limités par une barre d’endurance qui conditionne la puissance des coups (il est encore possible de frapper quand elle est vide, mais en faisant très peu de dégâts). Cette endurance se recharge évidemment de manière quasi-instantanée lorsque l’on reste immobile, c’est ainsi tout le concept de base des combats des Mana que le jeu reprend. Mais le titre développé par Three Rings s’en distingue d’une certaine manière en mettant de côté toute forme de magie, absente du jeu, pour plutôt se focaliser sur un système d’armes à utiliser différemment selon les ennemis. Chaque donjon exploré permet en effet de débloquer de nouvelles transformations pour les triggers, c’est-à-dire de nouvelles armes, auxquelles les ennemis peuvent être faibles ou résistants. Sans révolutionner le genre, cela pousse au moins à changer régulièrement les approches, avec des armes lentes (comme les haches ou les lances), des armes plus équilibrées (les épées) ou des armes à distance (pistolets, arcs) selon les ennemis affrontés. Pas forcément significatif contre les centaines de monstres croisés dans les donjons, ce système marche toutefois plutôt bien contre les boss qui ont le mérite de pousser à changer nos approches, à défaut d’être véritablement complexes ou originaux.

Cela ne permet toutefois pas de compenser le manque d’intérêt de la plupart des quêtes secondaires, qui certes permettent parfois de débloquer de nouvelles armes (en poussant à l’exploration de donjons secondaires), mais qui dans l’ensemble ne présentent aucun intérêt à cause d’une narration étriquée et souvent mal amenée. Ce qui est dommage également c’est que ces quêtes secondaires renvoient presque systématiquement (à l’exception des donjons secondaires) vers des zones passées, ainsi les quêtes secondaires n’arrivent jamais vraiment à se mêler à la fuite en avant qu’est la quête principale, contrairement à d’autres J-RPG qui savent mêler l’aventure principale à leur contenu annexe. Notons enfin qu’il y a un vrai dernier boss et une « vraie » fin à débloquer, néanmoins ce contenu post-game consiste essentiellement à affronter à nouveau les mêmes boss déjà affrontés dans les donjons, ce qui n’est pas très passionnant, surtout que l’apport narratif n’est pas énorme pour une histoire qui peine déjà à passionner sur l’ensemble de l’aventure. Et ce n’est pas la faute de la traduction anglaise, qui est de bonne facture, et qui s’autorise même quelques jeux de mots plutôt rigolos.

J’avais envie de l’aimer, car la promesse de retrouver un. J-RPG « à la Mana » titillait forcément mon cœur de fan. Mais Trinity Trigger manque de beaucoup trop de choses pour être à la hauteur d’un ancêtre auquel il veut rendre hommage. Son univers, sympathique quoique très attendu, n’arrive pas non plus à se satisfaire d’une direction artistique assez peu mémorable, à cause de personnages à l’identité assez peu marquée et d’une bande originale qui ne parvient pas à trouver de grands moments. Quant à sa narration, elle reste bien en deçà de ce que l’on peut décemment espérer, en cochant toutes les cases des clichés du J-RPG sans chercher à les sublimer, faisant du jeu un hommage assez facile qui n’a pas grand chose à offrir de plus. Et c’est dommage, car il y a un vrai bon filon à exploiter sur la notion de nostalgie et du retour aux sources pour le genre, mais il faut un peu plus que ce que propose Trinity Trigger pour convaincre.

  • Trinity Trigger est disponible sur Switch, PlayStation 4, PlayStation 5 et PC (Steam) depuis le 16 mai 2023.
0 Twitter

2007. J’ai quinze ans, je suis en première. Je joue énormément à Pokémon, je rêve de devenir journaliste et…j’achète des mangas principalement lorsque je trouve la couverture jolie. A l’époque ma culture manga s’arrête à Dragon Ball, Yu-gi-oh! et Shaman King…et un peu Naruto. Il n’y a plus ou moins que Glénat et Kana qui éditent des mangas connus du grand public en France,  mais l’aura dont jouit Kana en publiant la quasi-totalité du shônen jump (Glénat avait tout de même One Piece) est incomparable à mes yeux de jeune weebos, et chaque nouvelle sortie du label au petit rectangle jaune est scrutée avec avidité par mes petits yeux de futur passionné de manga. Arrive ainsi sur nos étals une série qui parle de samouraïs et d’extraterrestres, avec un héros aux cheveux argentés drapé de blanc, qui se bat avec un sabre en bois. Fidèle à mes lubies de l’époque, j’achète le premier tome parce que la couverture est marrante, avec ce bonhomme sautillant incrusté dans l’espace.  Seize ans plus tard, 2023, j’ai trente-et-un ans, et c’est avec un sentiment d’émotions mêlées que je vois dans le rayonnage de la dernière librairie de mon coin, qui s’approvisionne d’un unique tome à chaque sortie, le 77ème et dernier volume de Gintama. Une œuvre entrée dans le Weekly Shonen Jump sur un malentendu, qui y est restée sur un coup de chance, et qui s’y est installée pour de bon grâce à son génie. Et elle a fait exactement la même chose avec ma vie.

© HIDEAKI SORACHI / SHUEISHA

Gintama c’est la série que j’ai suivi pendant le plus longtemps. J’ai à ce jour des séries plus longues (genre JoJo et ses 130 tomes, à l’aide), mais aucune ne m’a accompagné pendant aussi longtemps. Aucune œuvre de fiction ne m’a suivi pendant seize années. C’est littéralement la moitié de ma vie à l’heure où j’écris ces lignes. C’est colossal. Et quand un univers t’accompagne pendant aussi longtemps, il a forcément une place à part dans ton cœur. Il a forcément eu un impact sur ta vie, il a forcément inscrit une part de son ADN en toi. Et Gintama…c’est forcément un morceau de mon existence, pour la série elle-même et tout ce qu’il y a autour. C’est une influence majeure de mon humour, et un compagnon, pas toujours fidèle, de mon évolution de lecteur, de l’évolution du marché du manga en France, et de tellement d’autres choses que ça me semble important, à l’heure où la publication de cette histoire est enfin arrivée à son terme chez nous, de revenir pendant un moment sur les aventures de Gintoki, de Shinpachi et de Kagura au sein de l’agence à tout faire. Parce que ces seize ans d’histoire, c’est aussi seize ans de vie pour un grand manga, qui a du, par la force des choses, se contenter d’un petit public en France.

Bienvenue dans le Neo-Kabukichô

Gintama commence en nous décrivant un contexte historique hybride, et déjà délicieusement anachronique. L’intrigue prend place à Edo,ancien nom de Tokyo durant l’ère elle-même nommée « Edo ». Ceci nous placerait dans une époque féodale, entre les années 1600 et 1800. Pourtant cette ère Edo n’est pas tout à fait celle que nous connaissons, car des extraterrestres sont déjà arrivés sur Terre. Toutes sortes d’extraterrestres, qui ont amené avec eux leur culture et leur technologie, faisant passer Edo dans une modernité qui la fait, au final, énormément ressembler à notre époque contemporaine. Dans ce contexte le Shogunat, dirigé par le shogun Shigeshige Tokugawa tente tant bien que mal de s’accommoder de la présence extraterrestre, désignée sous le nom générique « Amanto », et de gérer dans le même temps la criminalité ambiante et les organisation terroristes visant à renverser le régime en place, accusé d’avoir vendu Edo aux Amanto. L’occasion de faire connaissance avec le mouvement Joi, avec à sa tête le mystérieux Kotaro Katsura, et avec le Shinsengumi (mythique milice du shogunat), dont le fameux vice-capitaine Tôshiro Hijikata (Oui oui Tôshiro) fait trembler les criminels de tout Edo à la simple évocation de son nom.

© HIDEAKI SORACHI / SHUEISHA

Et dans tout ça arrive Gintoki Sakata (et non pas Kintoki Sakata, l’un des quatre rois célestes du Bouddhisme). Trentenaire désabusé et désinvolte, en apparence bon à rien, mais tellement doué à l’épée qu’il est capable de résoudre à peu près n’importe quelle situation. Ce qui l’a amené à ouvrir « l’agence à tout faire de Gin-chan » qui, comme son nom l’indique s’engage à résoudre tous les problèmes des habitants du Kabukicho, quartier iconique de Tokyo (et donc d’Edo), réputé, en un mot comme en cent, d’être le quartier de tous les vices, où criminalité et débauche font partie du quotidien. Gintoki va rapidement croiser la route de Shinpachi Shimura, fils d’un maître de kendo dont le décès prématuré met ses enfants dans une situation délicate concernant leur survie. O-Tae, la grande soeur, doit travailler dans un kyabakura pour subvenir aux besoins du foyer, tandis que Shinpachi, trop jeune et trop inexpérimenté pour reprendre le dojo de son père, se retrouve à errer lui aussi à la recherche d’un moyen de subsistance. Un concours de circonstances va l’amener à être recruté par Gintoki au sein de l’agence à tout faire, pour le meilleur et pour le pire…Kagura quant à elle, qui sera la dernière partie du trio de protagonistes, est une mystérieuse jeune fille à la force et à l’appétit démesuré. Elle appartient à l’ethnie Yato, la race considérée comme étant la plus forte de l’univers, que l’on dit éteinte depuis que leur planète a été détruite. Ça vous rappelle Dragon Ball ? C’est normal. Vous commencez à effleurer du doigt ce qui fait tout le sel de Gintama : La parodie.

Un Gloubi-boulga cosmique

© HIDEAKI SORACHI / SHUEISHA

En effet je vous parle de références historiques et de figures connues de l’histoire du Japon, mais je dois vous avouer que tout ce background n’existe quasiment que pour être détourné et moqué. La dimension parodique de Gintama est omniprésente, et va se servir d’absolument tout ce qu’elle peut trouver de culture japonaise pour créer des blagues dont le niveau de débilité crève souvent le plafond. Du détournement du nom de figures emblématiques du folklore ou de l’Histoire du Japon, à la multiplication de situations tournant en ridicule un volume considérable d’œuvres mythologiques ou contemporaines, en passant par nombre de vannes sur tout ce qui constitue le quotidien japonais, Gintama ne respecte rien, et va tout mettre en œuvre pour nous faire marrer comme des baleines au milieu de ce setup de shōnen d’action. Il s’agit bel et bien, dans sa première vie, d’un gag manga. Un genre constitutif du manga moderne, mais moins populaire chez nous. Sans doute car l’humour japonais reste bien différent de l’humour occidental, et nécessite souvent une bonne connaissance de la culture japonaise pour saisir le fondement de ses blagues. Car Gintama, du moins dans ses 54 premiers volumes, est une vaste blague. Chaque chapitre est l’occasion de mettre les protagonistes de l’histoire dans des situations toujours plus absurdes, dans lesquelles chacun va révéler son côté le plus débile, ou au contraire le plus sérieux, afin d’appuyer des contrastes qui se révèleront absolument hilarants, les uns après les autres.

Mais ce n’est même pas là que tout le génie de ce manga va s’exprimer. Si je devais aller chercher sa plus grande force, ce serait du côté de sa diversité et de sa densité. En un peu plus de 700 chapitres, ce sont autant d’occasions  de nous emmener partout dans le Kabukicho et même bien au delà. C’est ainsi que l’on fera la rencontre de dizaines et dizaines de personnages (dont plus de 70 d’entre eux figureront sur les dos des volumes reliés), non seulement sur Terre, mais également dans l’espace, dans ces délicieux moments où Gintama se pare d’un inoubliable côté space-opéra (encore une fois parodique). La variété des situations est monumentale, et va piocher dans toutes les inspirations possibles, même les plus improbables. Un pique-nique durant le fleurissement des cerisiers qui tourne mal; un pyromane qui sévit le jour de sortie des déchêts à brûler (une spécificité de la société japonaise); l’investigation d’une usine de « Justaway », incompréhensibles jouets qui font pourtant fureur; l’attaque des « testicrobes », nés de l’hygiène discutable des membres du Shinsengumi lorsqu’ils sortent des toilettes; l’infiltration et le démantèlement de la secte du grain de beauté poilu sur le front, dont l’influence du gourou grandit dangereusement; la rencontre avec Gengai Hiraga, l’inventeur le plus réputé d’Edo et ses créations les plus iconoclastes; les rencontres avec les Oniwaban, troupe secrète de ninjas dont les préoccupations vont…vous étonner; l’installation de Hedoro dans le quartier, fleuriste de son état, dont les plantes extraterrestres vont causer de gigantesques problèmes d’allergies…et ce n’est qu’un infime fragment des histoires à la con qui vont se succéder tout au long de cette épopée durant laquelle Hideaki Sorachi, génie de la connerie et mangaka en constante progression tout au long de la série, donnera tout pour survivre à chaque nouvelle semaine, devant affronter le rythme surhumain de la publication hebdomadaire et les nombreuses crises hémorroïdaires (souvent mises en scènes également dans le manga). Et rien n’était gravé dans le marbre, car Gintama a bien failli ne jamais connaître le destin d’une série fleuve.

Saisir sa chance

© HIDEAKI SORACHI / SHUEISHA

En 2003, après quelques semaines de parution, Gintama ne déchaînait pas vraiment les foules. Et il me faut ici être tout à fait honnête : malgré tout l’amour que je porte à cette série, je dois reconnaitre que les premiers volumes étaient tout à fait moyens. Disons très classiques dans leur construction de shōnen manga d’action, au milieu des bagarres de sabres, que seul son univers parvenait à faire sortir du lot. Le début de Gintama est, en comparaison de ce qui a suivi, extrêmement sage. A tel point qu’on se demandait s’il était prévu qu’il soit un gag manga dès le départ. Logiquement, les votes en faveur de Gintama n’étaient pas légion, mettant l’œuvre sur la sellette. Et soudain, le coup du sort. Arrive la fin d’un mastodonte, le roi des mangas de l’époque : Yu-Gi-Oh ! L’aventure du roi des jeux se conclut après 38 volumes, et laisse un grand vide dans le Shonen Jump. Un vide qui retarde d’autant l’annulation d’une autre série, pour laisser le temps à une nouveauté de faire ses armes. Ces quelques semaines de sursis seront déterminantes pour Gintama, qui va réussir à trouver ce qui lui manquait: sa folie. Les personnages se débrident, la bouffonnerie et le grotesque atteignent de nouveaux sommets, et c’est sans doute ce qui a permis à Hideaki Sorachi de maintenir la popularité de son œuvre aussi longtemps. A présent la machine était lancée : On allait revenir à Gintama pour rire. Pour découvrir dans quel pétrin l’équipe de l’agence à tout faire allait se mettre cette semaine encore, et surtout par quelle pirouette ils allaient retomber sur leurs pattes, à grands renforts de bêtise et de calembours claqués au sol. Cela a permis à la série de prendre racine dans le cœur de nombreux fans, et à se voir être déclinée en tous les produits dérivés imaginables. Un animé bien sur, puis des dramas, des films, live et d’animation, des CD audio, des pièces de théatre, jeux vidéos, light novels, des goodies de toutes les formes et de toutes les couleurs. Indubitablement, Gintama était devenu un phénomène, et plus de 55 millions de volumes reliés seront vendus tout au long de la vie du manga. Pourtant, alors que le cap des 50 volumes avait été franchi, on sentait un certain essoufflement des ficelles humoristiques tirées par l’auteur. Des arcs scénaristiques paraissaient un peu forcés, et assez éloignés de l’originalité à laquelle la série nous avait habitué.es (Tous les personnages changent de genre, puis tous les personnages échangent leur corps avec d’autres…) Qu’à cela ne tienne, Sorachi-sensei prend une décision : Après quelques incursions d’arc sans gags, développés avec parcimonie et de manière assez discrète, l’histoire va entrer dans sa dernière partie, et celle-ci sera sérieuse. Extrêmement sérieuse.

Et soudain, Gintama est devenu un manga d’action. Un manga d’action extrêmement travaillé, qui s’appuiera sur un univers et un réseau de personnages et d’intrigues en expansion depuis des années. Les héros, ainsi que l’ensemble de leurs ennemis d’hier, deviendront des alliés. D’abord à travers la mise en scène d’un coup d’état au shogunat qui va progressivement dériver vers l’avènement de la plus grande menace à laquelle l’équipe à tout faire devra faire face. Et il ne s’agira pas du chaos provoqué par le remplacement du héros et du titre du manga, passant de Gintama à Kintama (double jeu de mot jouant sur le fait que « Gin » signifie « Argent » et « Kin », « Or », mais surtout sur le fait que « Kintama » signifie « Testicule »), mais bel et bien d’une entité présente en filigrane depuis le début de l’œuvre, et qui se révèle après plus de dix ans de publication. L’occasion pour Hideaki Sorachi de mettre en place de véritables enjeux narratifs sérieux autour de ses personnages, ainsi qu’un découpage et une narration que 50 volumes de blagues et d’histoires foutraques ont porté à une qualité dans la densité que j’ai vu dans très peu de mangas. On est pas loin des 12 cases en moyenne par page (ce qui est énorme) et tout reste particulièrement lisible. Très dense, mais très lisible, comme une histoire qui aurait atteint son plein potentiel, sa pleine maturité. Une histoire qui a pris son temps pour gagner confiance en elle-même et en ce qu’elle veut raconter (et qui nous a bien fait marrer en passant), mais qui a réussi à sortir de l’auto-dérision systématique pour proposer sur ses 20 derniers volumes un space-opéra dantesque où chaque personnage ira au bout de lui-même pour protéger ce qui lui est cher. Ce shift dans le ton de l’œuvre est majeur dans ce qui constitue l’identité de Gintama. Il en fait une série dans laquelle transparait, à la fois dans la forme et dans le fond, cette idée que la liberté est l’une des choses les plus précieuses. Et qu’il faut la chérir, l’encourager, la faire croitre. Y compris si cela implique un retournement du flow des évènements. Enfin, pas entièrement non plus. Malgré la transition vers un scenario beaucoup plus sérieux, Gintama reste malgré tout Gintama, et ne manquera jamais une occasion, lorsqu’elle s’y prête, de caler une petite succession de gags pour nous rappeler que, oui, Hideaki Sorachi fait ce qu’il veut, et que c’est comme ça qu’il a mené sa barque pendant seize ans.

Et en France alors ?

© HIDEAKI SORACHI / SHUEISHA

Gintama a été, et restera un phénomène au Japon. Au point que l’auteur, ayant mal géré la longueur de ses derniers chapitres, a pu bénéficier d’un rarissime traitement de faveur, en obtenant l’autorisation de publier la fin de son manga dans le Jump Giga, magazine annexe de la Shueisha, publié 3 à 4 fois par an, puis directement sur internet dans une application dédiée au manga. Il y a fort à parier qu’en France, l’œuvre n’aurait pas connu le même succès, et aurait même sans doute été annulée. En effet tout au long de sa publication, Gintama n’aura mobilisé que quelques milliers de lecteurs et lectrices à son lancement, qui se sont ensuite dispersés pour ne rester que quelques centaines à suivre les aventures de Gintoki et de ses compagnons. C’est toujours plus que quelques séries particulièrement confidentielles de l’éditeur Kana (je pense par exemple à Zettai Karen Children, série également très longue dont la publication des derniers tomes réunit un tout petit nombre de lecteurs et lectrices), mais cela reste bien peu, au point que dans les librairies, les tomes sont devenus, la grande majorité du temps, grands absents des présentoirs dédiés aux nouveautés. Ainsi, après avoir suivi les 33 premiers tomes de la série, je me souviens très clairement d’une longue pause dans mon suivi de celle-ci, après avoir du commander les tomes directement sur le site de l’éditeur, voyant à quel point ils étaient introuvables. A ce moment là les sorties entre les tomes s’étaient douloureusement espacées, atteignant quatre, voire six à sept mois de délai. On est à l’époque en 2013, 2014. Le marché du manga est déjà en expansion, mais les sorties ne sont pas encore à ce point nombreuses que les éditeurs doivent espacer les sorties pour des raisons de planning, et nous sommes très loin de la crise du papier et des imprimeurs qui nous touche depuis 3 ans, amenant parfois les sorties à être repoussées. Non, ce qui est arrivé à Gintama, c’est sans doute que les ventes n’étaient plus bonnes, au point de reléguer la série au second plan derrière d’autres sorties plus rentables. Me faisant craindre, à l’époque, que la série soit tout simplement annulée, faute de résultats.

© HIDEAKI SORACHI / SHUEISHA

Il y a peut-être aussi en jeu le travail de traduction et d’adaptation, sans doute colossal, nécessaire à l’édition en français de cette série. On l’a dit il s’agit d’une série très dense, non seulement en termes de nombre de mots, mais aussi en termes de gags et de jeux de mots à adapter. Lorsqu’Hideaki Sorachi fait référence à une célébrité du petit écran, à un phénomène de société resté cantonné à l’archipel, ou à un drama médiatique qui a secoué les tabloïds japonais, il faut soit trouver un équivalent sociétal en France, respectant le contexte et la saveur impliquée par la blague, ou placer un encart explicatif permettant de comprendre la référence, sans pour autant rendre la lecture trop lourde ou rébarbative. La tâche devient encore plus ardue lorsqu’il faut expliquer un contexte historique du Japon féodal, lorsque celui-ci est tourné en ridicule à travers des échanges lunaires entre le shogun Shigeshige Tokugawa et d’autres personnages de l’œuvre. Et tout ce travail en devient d’autant plus ingrat lorsqu’il faut s’y coller pour à peine quelques centaines de lecteurs et lectrices. Les traducteurs et traductrices qui se sont succédé sur Gintama se sont peut-être consolé.es en se disant qu’il s’agissait certes d’un petit public, mais d’un un public tout aussi curieux de culture japonaise qu’intéressé par les blagues de Sorachi-sensei, en ce que son manga, en parodiant tout ce qui peut l’être, nous en apprend énormément sur le Japon, son humour, son histoire et ses travers. Big up donc à Frédéric Malet, Pascale Simon, Rodolphe Giquel et Joachim Roussel, qui se sont sans doute tantôt arraché les cheveux, tantôt beaucoup amusé.es à travailler sur cet énorme délire jusqu’à son dernier tome.

Tadaima, et Sayonara l’agence à tout faire

2019. Après plusieurs années de pause, à la faveur du hasard, je découvre une librairie indépendante dans laquelle trône fièrement un exemplaire du tome 55 de Gintama. Touché, je l’achète, et même le libraire semble surpris. L’échange qui a suivi était si savoureux que je ne résite pas au plaisir de vous le transcrire, alors que je tend le livre au libraire pour l’acheter:
« -Ouah Gintama » (d’ailleurs ce fameux libraire disait « Djintama »)
-Ouais c’est cool que vous ayez la série ici, c’est rare !
-Oh ben en vrai on en prend toujours un dans les nouvelles sorties mais je crois que personne l’achète
-Ben écoutez, si vous voulez bien continuer pour les prochains tomes, je viendrai vous les prendre
-Ah bah Ok« .

© HIDEAKI SORACHI / SHUEISHA

Ainsi, j’avais remis le pied à l’étrier. En quelques semaines, je comble mon retard accumulé, du tome 34 au tome 53, et je repars pour plusieurs années de suivi de cette série si spéciale à mes yeux. Les publications étaient revenues à un rythme d’un tome tous les deux mois. C’était rassurant, Kana avait visiblement décidé d’aller jusqu’au bout de cette série. De respecter les gens qui avaient envie de la suivre jusqu’à la fin. Je vais me hasarder à une petite divagation un brin politique, mais je trouve ces histoires de petites séries confidentielles que l’éditeur décide de publier jusqu’au bout hyper touchantes. Dans notre société où l’on ne jure plus que par la rentabilité, la croissance les ventes et le calcul, voir de longues séries que seul.es quelques passionné.es continuent de suivre perdurer et se conclure envers et contre tout, ça me donne le sentiment qu’on ne vit pas que pour le pognon ici bas. Qu’il reste quand même un peu de passion et d’envie de faire découvrir à autrui des choses qui sortent de l’ordinaire pour lutter contre la standardisation des produits, le profit et l’aversion aux pertes financières. Non vraiment ça m’a touché de tenir entre mes mains le 77ème et dernier tome de Gintama, et de voir que celui-ci a bénéficié d’une couverture métallisée pour son premier tirage, comme pour dire merci aux fans de la première heure. Pour fêter avec eux la fin d’une époque. La fin de seize ans de voyage ensemble.

Et si ce long texte ne suffit pas à le prouver, je vais le dire à nouveau, ces seize ans de voyage ont été formidablement mémorables. C’est rare et précieux d’avoir un lien comme ça avec une œuvre, surtout lorsqu’elle se termine. J’ai grandi avec elle, j’ai ri avec elle. J’ai vibré avec elle. Et maintenant qu’elle est derrière moi j’ai envie de continuer à avancer, à découvrir, à être curieux des trucs étranges qui ne marchent pas chez nous. Pour lesquels il faut consentir à un effort d’adaptation, de compréhension. Ce genre d’œuvre avec laquelle on peut avoir comme une relation de franche camaraderie, qu’on est content de retrouver, et qui, lorsque vient le moment de se quitter, ne laisse que des bons souvenirs, qui rendent plus fort au moment de continuer séparément. Alors merci. Merci Gintoki, Shinpachi, Kagura, Sadaharu, O-Tae, Katsura, Elizabeth, Kondo, Hijikata, Okita, Hasegawa, Sat-chan, Takasugi, Sakamoto, Mutsu, Hata, Kyûbei, Bimbokusai, Hattori, Matsudaira, Gengai, Hedoro, Bansai, Umibozû, O-Tsu, Ayumu, Catherine, Matako, Tsukuyo, Hinowa, Tama, Shigeshige, Yamazaki, Ane, Mone, Gedômaru, Isaburo, Nobume, Ikumatsu, Tetsuko, Kamui, Mokichi le légendaire charpentier, les quatre piliers du Kabuki-cho, l’ermite du lac Toya, les habitants de Kabukicho, de Yoshiwara le quartier des plaisirs, les hôtesses de kyabakura, les hosts, les chasseurs de démons, les dieux de la mort, les chats errants, les soldats du Shinsengumi, les Yato, Ana Ketsuno la présentatrice de la météo, et tous les autres…

Et puis merci Hideaki Sorachi. C’est par rien d’avoir créé un monde dans lequel on aurait aimé rester encore un peu, même si ça fait seize ans qu’on le côtoie. Dans une vie, c’est presque unique.

© HIDEAKI SORACHI / SHUEISHA

  • Gintama est un manga de Hideaki Sorachi, terminé en 77 tomes. Si vous êtes vraiment chaud.es, vous pouvez aller les commander chez votre libraire favori.
0 Twitter

Ces derniers mois le rythme de publication des séries DC Infinite chez Urban Comics s’est considérablement ralenti, à tel point que pour ce mois de mai 2023, une seule série du label se montre à nous : il s’agit du troisième tome de Flash, la série menée par Jeremy Adams depuis maintenant un bout de temps. Pour ce nouveau tome dans une série toujours très portée sur la famille de Wally West, l’auteur raconte les responsabilités familiales du héros, alors que sa femme Linda vient à peine de se découvrir des pouvoirs de speedster.

Flash Infinite – Tome 3, les tracas du quotidien

© 2023 DC Comics / Urban Comics

Pour ce troisième tome qui prend place juste avant les évènements de Dark Crisis on Infinite Earths T.2, Jeremy Adams continue de raconter Wally West, le Flash, sous l’angle familial. D’abord pour le distinguer des autres héros et héroïnes de l’univers DC, mais aussi parce que sa famille n’a rien d’ordinaire. Si les premiers tomes de la série Flash Infinite s’attachaient à montrer la découverte des pouvoirs de Irey et Jai, ses enfants, celui-ci est plutôt centré sur Linda, sa femme, qui a soudainement également acquis des pouvoirs de speedster. Chose qu’elle n’a pas encore dite à Wally (puisque cela n’arrive que pendant le deuxième tome de Dark Crisis on Infinite Earths), mais qui bouleverse rapidement leur quotidien. C’est d’ailleurs cette notion de quotidien qui est centrale pour Flash, notamment lors d’une escapade dans ce tome avec Wallace, le Kid Flash, à qui il enseigne un élément très important : ils incarnent des héros proches du quotidien, de la « normalité », en opposition avec des Superman, Batman ou Wonder Woman qui vont bien au-delà de simples patrouilles de quartier pour sauver les uns et les autres. Ancrer Flash dans ce quotidien est plutôt malin, même si Jeremy Adams ne manque pas d’en montrer la toute puissance avec des patrouilles dans le monde entier à la faveur d’une super vitesse qui lui permet de faire le tour du monde en quelques minutes.

Cela offre quelques numéros plutôt sympathiques, pas irréprochables à cause d’une écriture qui manque globalement de subtilité, mais l’auteur se fait plaisir avec des séquences assez fun, comme un numéro qui raconte une grande compétition de catch intergalactique qui arrive sur Terre et à laquelle Wally participe malgré lui pour placer ses meilleurs german suplex (et les fans de WWE apprécieront), une grande affaire d’évasion de la prison de Iron Heights ou encore un travail « civil » qui continue d’user Wally plus que ça ne l’enchante. Je reste toutefois assez déçu sur l’aspect visuel, Fernando Pasarin n’étant pas au top de sa forme sur ces quelques numéros. Le tome compte toutefois un épisode « annual » dessiné par Serg Acuña avec une belle couverture de Marguerite Sauvage, très coloré et au trait léger, qui donne une bonne bouffée d’air frais. De manière générale, c’est quand même un tome sympathique, dans la veine des deux précédents, qui continue d’alimenter l’imaginaire d’un Flash plus terre à terre, un peu plus plus de sa famille et déconnecté des considérations de l’omnivers, et ce n’est pas un mal.

  • Flash Infinite T.3 est disponible en librairie aux éditions Urban Comics.
0 Twitter

The Pixel Hunt studio, studio parisien fort de déjà quelques succès (Enterre-moi, mon amour ; Inua, a story in ice and time), revient cette année avec le jeu The Wreck (littéralement, l’accident, mais qui évoque aussi le naufrage). Ce titre se propose sous la forme d’un visual novel interactif, à la direction artistique prononcée dès ses premières images de promotion. Le moins qu’on puisse dire, c’est que The Wreck ne vole pas le qualificatif de petite perle, tant son histoire est émouvante et aborde de multiples thèmes !

Ce test du jeu a été écrit après avoir testé le jeu sur Xbox Series S, suite à la proposition d’une clef numérique du jeu par Mylène / Konala @_Konala_.

Ext. Jour. La route de l’accident. L’histoire vue de l’extérieur

Junon et Diane se tenant la main, signe de leur lien familial plus fort qu'auparavant

© The Wreck, The Pixel Hunt, 2023

L’écran-titre du jeu a l’originalité de se présenter sous la forme d’un écran d’ordinateur. Aux joueurs et aux joueuses de lancer l’histoire en ouvrant un nouveau document de texte, sur lequel s’inscriront tous les dialogues de l’aventure, à la manière d’un script de film ou de série. Car en effet, notre héroïne, Junon, écrit des textes pour de la publicité, des films, des séries. Elle a la trentaine et, on le comprend assez vite, pas mal de traumas et d’événements difficiles dans son passé. La vie ne se montre toujours pas tendre avec elle, puisqu’elle apprend que sa mère est aux urgences d’un hôpital. C’est à Junon que revient la responsabilité de choisir l’euthanasie ou l’acharnement thérapeutique pour celle qui lui a donné la vie.

Un choix difficile, quasiment impossible, qu’elle choisit de fuir, reprenant la voiture. Dès lors, le jeu va s’articuler autour de ce passage en voiture, qui finit en accident. Pendant la cavalcade, différents objets sortent des boîtes à gants et du sac de Junon, la faisant replonger dans des souvenirs qui amènent nouveaux dialogues et choix, la faisant rester un peu plus longtemps dans l’hôpital. Tout le jeu se construit autour de ce passage crucial, qui permettent ensuite de construire et de découvrir davantage notre héroïne au gré de sa mémoire et des instants importants qui lui reviennent.

Int. Jour. Hôpital. Les épreuves d’une vie. Du point de vue de Junon

The Wreck parle d’un accident de voiture, et du naufrage qu’est la vie de notre narratrice. Je n’en dirai pas trop pour vous laisser le plaisir de la découverte, car l’histoire est très émouvante et peut se targuer d’aborder de nombreux sujets, assez difficiles. Il faut simplement savoir que Junon et sa sœur Diane (portant toutes les deux des prénoms de déesses grecques, figures de force plutôt indépendantes des hommes) ont été élevées par une mère artiste assez distante, Marie. Une éducation sans père, sans hommes, où ceux-ci sont d’ailleurs plutôt des menaces. Il en a résulté pour ces deux sœurs une vie rigoureuse, une vie où on leur a dit de tout construire et vivre surtout pour elles-mêmes, mais sans forcément apprendre à s’aimer. Voilà de quoi entretenir quelques traumas familiaux. Et si ce n’était que cela !

Junon, seule dans l'hôpital

© The Wreck, The Pixel Hunt, 2023

The Wreck a d’autres nuances d’accident. Avec une écriture soignée au fil des flash-back, avec une mise en scène inventive, on traverse différents moments de la vie de Junon, des hauts comme des bas, qui pourront montrer la relation avec sa sœur, sa mère, son petit ami, son rapport à l’art, etc. Autant de moments-clés qui nous font en apprendre davantage sur les épreuves qu’elle a traversées et qui l’ont forgée, tant bien que mal. Une histoire « tranche de vie », presque, qui brasse au gré des dialogues la difficulté de s’ouvrir à l’autre, les rôles qu’on prend au sein d’une famille ou d’un couple, le ressenti face à la maternité, la capacité à aller de l’avant, la transmission d’un héritage à ses enfants. Et encore bien d’autres, très difficiles : la culpabilité du survivant, le deuil, les relations toxiques, les comportements autodestructeurs ou liées à nos personnalités, la dépression, le suicide.

Alors oui, le jeu n’est pas avare en thématiques lourdes et matures, avec une héroïne qui est passée par beaucoup de choses. Et c’est bien ce qui fait toute sa force. L’équipe derrière The Wreck parvient à aborder tous ces thèmes avec finesse et subtilité, en douceur, sans jamais plomber l’ambiance ni imposer ses réflexions en pleine face. Tout se fait par la qualité des dialogues, naturels à souhait, par des images, des symboliques. Évidemment, on en prend plein la gueule. Impossible de ne pas se reconnaître dans au moins une phrase, une situation, une scène. De ne pas repenser à une situation vécue ou un sentiment éprouvé. Le jeu met des mots limpides sur ces moments-là, parfois avec nuance, parfois au contraire avec des paroles crues et honnêtes, qui font résonance.

« Peut-être qu’il faudrait que t’arrêtes d’y penser. D’y penser comme ça, je veux dire. »
« Je veux pas. J’ai pas le droit. Si j’arrêtais d’y penser, ça serait comme si… Comme si je tuais encore. »

Ext. Jour. Le souvenir de la galerie d’art. Du point de vue des artistes

Il est déjà délicat de parler d’autant de sujets complexes et difficiles dans un jeu. On pourrait croire que The Wreck va lui aussi nous faire plonger dans la dépression. Mais c’est sans compter l’humour qui surgit toujours au bon moment, qui sait se montrer léger sans être intrusif ou déplacé. Junon vit des tas de choses difficiles, mais il lui arrive d’en rire, dans ses dialogues avec les autres. Et surtout, notre héroïne est aussi la voix-off qui nous sert de narratrice : la doubleuse Sharlit Deyzac fait là un travail d’orfèvre. Au début, sa voix choque, gêne, et je n’étais pas persuadée d’arriver à supporter son ironie ou sa manière de parler (comme une voix dans notre tête sans filtre) pendant les cinq heures du jeu. Puis, à chaque souvenir, chaque nouvelle entrée en voiture, on la retrouve, on s’attache à elle, à son rire, à ses comparaisons, à sa personnalité, à l’émotion dans sa voix. Très vite, elle devient proche de nous, et on décèle les craquements dans sa voix, les intonations qui nous font réaliser qu’elle a déjà pris une décision ou une autre, ou la manière dont elle se remet en cause. Un fabuleux travail qui donne tout son sel, toute son énergie, sa colère et son humour au jeu. Et les autres doubleurs et doubleuses ne sont pas en reste pour imposer leur personnage !

Galerie d'art représentant des souvenirs de Junon

© The Wreck, The Pixel Hunt, 2023

La direction artistique est essentielle également pour percevoir la beauté et la difficulté de The Wreck. La forme du visual novel animé permet des plans souvent lumineux et un peu hors du temps, chatoyants et vaporeux à la fois, nous plongeant dans une atmosphère bien particulière. Lors des flash-back, les scènes se « rembobinent » comme sur une cassette, pour nous laisser découvrir des détails, des mots reflétant les pensées de Junon. Ce sont ces mots qui débloquent ensuite de nouveaux dialogues que nous pouvons choisir de suivre, et qui permettent de faire progresser l’histoire. Parfois, ces flash-back se renouvellent en se mêlant de photographies, comme une galerie d’instantanés se succédant, ou par des emboîtements dans une maison de poupées miniatures. La mise en scène est inventive et sert toujours à dessein la narration, de manière exemplaire. Et les accidents de voiture deviennent, eux, de plus en plus violents et brusques.

Un mot enfin, sur la musique du jeu. Elle est composée par Adrien Larouzée et demeure extrêmement plaisante à écouter, même en-dehors de la partie en cours. On se rend compte à quel point ses morceaux bercent et accompagnent l’histoire, parfois avec des morceaux un peu électro, d’autres beaucoup plus doux et paisibles au piano, ou avec des sons de la nature. Il en ressort une ambiance douce-amère, paisible et presque chill, qui contraste avec les révélations du jeu.

Noir. Ou blanc. Le mot de la FIN

The Wreck dissimule derrière sa direction artistique poétique et lumineuse, des sujets très peu abordés, difficiles et matures, qui ne peuvent que nous parler et faire mouche. Qui n’a pas perdu un être cher, vécu une dépression, senti que sa vie lui échappait, ou s’est relevé après une période difficile ? Mais ces thèmes, loin d’être écrasants, sont montrés avec une subtilité et une écriture aussi vive que douce, parfois avec douceur et dérision, parfois avec une frontalité honnête et douloureuse. Et quel plaisir, pour une fois, de trouver un jeu où l’héroïne, trentenaire, aborde d’autres sujets que ceux qu’on trouve habituellement dans d’autres titres, proposant des réflexions nouvelles.

Pas d’édulcoration, pas de mensonge pour ce jeu qui raconte l’histoire d’une Junon qui a choisi d’être froide plutôt que d’être blessée à vif par une empathie trop poignante. Un personnage auquel on s’attache, alors qu’il nous guide dans sa propre histoire et celle de sa famille. The Wreck est un récit entier, aussi tragique que drôle, crédible et honnête, assez pour qu’on s’y reconnaisse, de manière heureuse ou douloureuse. Il se livre corps et âme pour mieux nous frapper en plein cœur.

  • The Wreck est disponible depuis le 14 mars 2023 sur PC, Xbox et Nintendo Switch.
0 Twitter

Bonjour à toutes et à tous ! Ici Reblys et bienvenue dans…un nouvel épisode de Reflecto ?!

Et oui, incroyable mais vrai ! Presque deux ans après le dernier épisode sorti, un jeu m’a décidé à ressortir ce format d’essai vidéo (que j’affectionne tant, mais qui prend tant de temps à produire !). Il s’agit de The Forgotten City, brillant objet vidéo-ludique, a mi-chemin entre le jeu d’enquête, le RPG et le walking simulator, réalisé avec maestria pour mieux nous emmener au cœur de son mystère. Le tout avec un rythme si parfaitement dosé qu’on ne se rend même pas compte de tout ce qui est déployé pour le mettre en place…

J’espère que la vidéo vous plaira. Bon visionnage !

0 Twitter

Ce n’est pas une grande fan du MCU qui vous écris. Mais s’il y a des personnages que j’affectionne particulièrement, ce sont les Gardiens de la Galaxie. Bien que le premier comic book date de la fin des années 60, les Gardiens, tels qu’ils apparaissent dans les films, proviennent d’une version ultérieure datant de 2008. En 2014, dans les salles obscures, James Gunn nous fait rencontrer une bande de prisonniers qui ne tardent pas à devenir les Gardiens de la Galaxie. Le deuxième long-métrage sort trois ans après, bien que l’équipe galactique fasse des apparitions dans d’autres films du MCU, et même dans un court-métrage de Noël, sorti en novembre dernier. Il a toutefois fallu attendre le 3 mai 2023 pour découvrir le dernier opus de la trilogie et – qui sait ? – peut-être faire nos adieux avec l’équipe, telle que nous la connaissons.

La quête familiale de Star-Lord

Gamora et Star-Lord © Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3, 2023

Ce n’est que mon avis, mais Les Gardiens de la Galaxie ont une place à part dans l’univers du MCU, tant par la forme que par le fond. D’une part, la trilogie – dont tous les opus ont été écrits et réalisés par James Gunn – explore la thématique de la famille de façon très personnelle et progressive. D’une autre part, la tonalité des films se distingue grâce à leur caractère gentiment irrévérencieux. Depuis 2014, bon nombre de long-métrages tentent d’intégrer une scène d’action chorégraphiée sur fond de musique des années 80 ; et pourtant, n’est pas Les Gardiens de la Galaxie qui veut. La trilogie doit tout à ses personnages, à commencer, bien naturellement, par le chef de l’équipe : Star-Lord.

Au-delà des films de science-fiction ou de super-héros, les trois épisodes des Gardiens de la Galaxie nous parlent de liens familiaux. L’introduction de chaque film constitue la clé de lecture de la trilogie. Ainsi, le premier opus s’ouvre sur l’enfance de Peter Quill (Star-Lord) qui, après avoir assisté à la mort de sa mère, se retrouve enlevé par des extra-terrestres. Le deuil de sa mère fera alors partie intégrante du cheminement de Star-Lord (Chris Pratt). L’introduction du deuxième épisode permet de faire la rencontre d’Ego, le père biologique de Peter. Le film se concentre d’ailleurs sur la relation entre les deux personnages, qui n’est pas telle que Star-Lord l’imaginait. En revanche, il sera surpris par l’estime que lui porte Yondu, le leader d’une faction exilée des Ravageurs ; mais aussi celui qui se rapproche le plus d’un vrai père, pour lui. Alors, le film ne fait que confirmer ce dont on se doutait depuis les débuts de la saga : Star-Lord a toujours eu pour vocation de se faire une famille avec ceux qui n’en ont pas. Il y a la famille de sang et celle que l’on choisit : cette thématique est aussi vieille que le cinéma, mais force est de constater que Les Gardiens de la Galaxie la traite efficacement… Mais qu’en est-il de l’introduction des Gardiens de la Galaxie Vol. 3 ? Comme les affiches et bande-annonces le présageaient, le film se concentre, dès le départ, sur Rocket, et c’est on ne peut plus révélateur.

Je s’appelle Groot

Drax et Mantis © Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3, 2023

Rocket (Bradley Cooper) est victime d’une tentative d’enlèvement réalisée par Adam Warlock (Will Poulter) et orchestrée par le Maître de l’évolution (Chukwudi Iwuji). Grièvement blessé, le raton laveur (ou pas) se retrouve entre la vie et la mort. Les autres Gardiens de la Galaxie vont tout faire pour trouver un moyen de le sauver ; l’aventure étant ponctuée par des flash-back racontant l’origin-story de Rocket. La dernière phase du MCU ne semblant pas avoir de ligne directive bien définie, le film se suffit à lui-même et c’est très appréciable. Ce volume 3 avait déjà bien assez à raconter pour clôturer la trilogie ainsi que l’arc de chacun de ses nombreux personnages. Il demeure une production Marvel et Disney, qui ne peut se soustraire à certains défauts, comme une direction artistique parfois indigeste ou un méchant décidément caricatural. Le Maître de l’évolution a beaucoup de potentiel ; on en dresse malgré tout un portrait dénué de nuance et presque hystérique. A mon sens, la qualité de l’écriture du méchant manque cruellement aux blockbusters actuels. La prestation de Chukwudi Iwuji n’est pour autant pas dérangeante ; et force est de constater que les défauts du film s’arrêtent là, tant il m’a emportée, amusée et même émue, au point de rester tapi dans un petit coin de mon esprit, plus d’une semaine après le visionnage.

Au-delà de la rencontre de ces nouveaux personnages, Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3 permet de retrouver des visages familiers, comme Drax (David Bautista) dont le potentiel comique me surprend toujours, Nébula (Karen Gillan), agissant comme la digne héritière de sa défunte sœur, Mantis (Pom Klementieff), qui – étonnament – contribue au ton irrévérencieux du film, ou encore Groot (Vin Diesel). L’arbre humanoïde a bien grandi et ne ressemble guère à la version du premier film. Comme James Gunn l’avait déclaré, nous avons donc confirmation qu’il ne s’agit pas d’une réincarnation de Groot mais bel et bien de son fils. Pas trop tristes ?

La quête identitaire de Rocket

La jeunesse de Rocket © Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3, 2023

Mais revenons-en à nos ratons laveurs. Si le long-métrage s’ouvre sur Rocket, c’est parce qu’il en est le cœur et l’âme. Maintenant qu’il a fait le deuil de ses parents, Star-Lord se concentre sur sa famille de cœur : Les Gardiens. On peut aussi imaginer cela comme un passage de flambeau. Maintenant que l’histoire de Peter a été racontée, il est temps de se focaliser sur son « meilleur ami ». Au-delà de sa colère et de sa rancœur, Rocket est un personnage particulièrement intéressant. Il a un passé si douloureux qu’il a beaucoup de mal à s’accepter, tel qu’il est, ou à accorder sa confiance aux autres. Tout ce qui avait été à peine effleuré par les précédents opus est exploité dans ce dernier épisode, qui ne parle plus seulement de famille mais aussi d’acceptation de soi, en tant qu’individu. Et je n’invente rien, puisqu’il s’agit d’une autre déclaration de James Gunn. Bien sûr, il est difficile d’en dire davantage sans faire de spoilers majeurs sur un film qui – avec son lot de rebondissements et surtout d’émotion – mérite d’être découvert. Tout ce que je peux dire, c’est qu’entre quelques rires et quelques larmes, Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3 propose plusieurs sous-textes, qui développent les personnages tout en les rendant encore plus attachants. Par l’intermédiaire de l’histoire de Rocket, le long-métrage émet une dénonciation assez magistrale et émouvante de l’expérimentation et de la maltraitance animales. Certaines scènes sont d’une telle douceur et d’une telle amertume à la fois qu’elles en deviennent extrêmement touchantes et marquantes. Enfin, au vu de la satire émise par le film, il est assez malin d’avoir donné un rôle un peu plus central à Cosmo, (le chien spationaute doté d’un accent russe).

Pour finir, ce Volume 3 est assez rusé car il évite certains écueils, notamment grâce à Gamora (Zoe Saldana). Celle qui aimait Peter est bel et bien décédée. Il s’agit donc d’une version alternative du personnage, en vie grâce aux événements survenus dans les Avengers. Cette autre version de Gamora apporte quelques nuances à la morale du film, en rappelant qu’il n’y a ni absolu, ni obligation envers personne, quels que soient les liens pré-existants.

Conclusion

J’ai beaucoup disserté mais rassurez-vous : vous retrouverez, dans Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3, tout ce que vous aimez chez un film d’action Marvel. Un sentiment d’évasion, des scènes d’action à gogo et une excellente bande-originale assurent le divertissement. Mais ce n’est, à mes yeux, pas l’essentiel. Les Gardiens de la Galaxie sort du lot grâce au développement des personnages et à l’humour décomplexé ; mais par-dessus tout, parce que le film – que dis-je ? – la trilogie a quelque chose à raconter. Ce troisième volume possède plusieurs degrés de lecture, ce qui saura émerveiller les petits, tout en faisant réfléchir les grands. Pour des raisons bien précises, certaines scènes m’ont touchée en plein cœur et me permettent d’affirmer, avec le recul, combien ce film m’a émue et clôture la trilogie, avec panache. Il ne vous reste plus qu’une mission à accomplir : vous précipiter dans la salle de cinéma, avant que le vaisseau ne quitte la station d’atterrissage. Mais si vous êtes en manque de Gardiens, vous pouvez toujours vous réfugier du côté des jeux vidéo. En effet, le jeu narratif développé par Telltale en 2017 et – par-dessus tout – celui édité par Square Enix en 2021 proposent des aventures très correctes.

  • Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3 est sorti au cinéma, le 3 mai 2023. 
0 Twitter