Ron Kamonohashi : Deranged Detective – Tomes 1 et 2 | Celui qui n’avait pas le droit d’enquêter

par Anthony F.

Akira Amano, l’autrice du manga Reborn!, puis character designer sur l’anime Psycho-Pass, est revenue en 2020 avec Ron Kamonohashi : Deranged Detective qui bénéficie enfin cette année d’une traduction française aux éditions Mangetsu. Les deux premiers tomes sont sortis fin avril 2023, alors qu’une adaptation en anime devrait débarquer avant la fin de l’année et qu’au Japon le manga compte déjà dix tomes.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi des deux premiers tomes par l’éditeur.

Une question d’hommage

Inscrit dans la plus pure tradition des mangas de détective, le manga raconte le destin tortueux de Ron Kamonohashi, un ancien détective star qui s’est vu retirer sa licence et interdire purement et simplement l’exercice de sa profession. La raison est morbide : un mal terrible et inexpliqué le pousse à… inciter les coupables à se suicider après avoir résolu ses affaires. Lui qui était promis à une grande carrière finit par se renfermer, dégoûté par une vie où on lui refuse la seule chose qui le motive. Mais les choses changent évidemment quand se présente face à lui Totomaru Isshiki, un homme qui, au contraire, n’a rien d’un génie. Inspecteur un peu raté dans un commissariat de police local, celui que Ron va rapidement surnommer « Toto » est néanmoins un personnage attachant : s’il n’a rien d’un génie, il est plein de bonne volonté, et s’entiche de l’idée d’aider Ron à dépasser son mal et à retrouver le goût de la vie au travers d’affaires sur lesquels il l’embarque, au mépris de l’interdiction d’exercer qui le frappe. Le duo est efficace, avec un génie détestable d’un côté et un idiot joyeux de l’autre, ce qui permet au récit d’attirer une certaine forme de sympathie malgré son côté très classique et attendu.

Car le manga évoque rapidement les autres œuvres d’enquête sorties avant, à commencer par Detective Conan dont Akira Amano semble s’inspirer assez largement, rendant même hommage au manga de Gosho Aoyama à certaines occasions avec des enquêtes « impossibles » réglées en deux temps, trois mouvements, un côté loufoque omniprésent et des grands discours de celui qui résout l’affaire, Ron, faisant croire que Toto est celui qui a tout trouvé. Un peu comme quand Conan fait croire que Kogoro Mouri a résolu l’affaire, car personne ne croirait décemment un gamin. Sauf que là le but est surtout de faire croire à tout le monde que Ron n’a pas enquêté, lui qui en a la formelle interdiction. D’ailleurs dès le tome 2 on est pleinement dans Detective Conan : c’est les mêmes artifices qui mènent le duo d’enquêteurs dans des situations improbables, c’est des histoires de meurtres en huis-clos ou en direct à la télévision (cette enquête étant très clairement un hommage à Conan), c’est des personnages accusés les uns après les autres jusqu’à ce que le coupable soit révélé… Gosho Aoyama n’a pas inventé le concept, mais en manga il en est le pionnier, et Akira Amano peine très souvent à s’émanciper de cet héritage. Ainsi Ron Kamonohashi : Deranged Detective peine à trouver son identité et à affirmer ses idées.

The Dynamic Duo

Pourtant le duo est plutôt rigolo et dynamique, et on sent rapidement l’affection de l’un pour l’autre. On a d’un côté Ron, qui est super intelligent et à l’esprit de déduction sans faille, qui doit utiliser des artifices pour mettre Totomaru sur la bonne piste, tandis que ce dernier est un personnage agréable et sympathique avec tout le monde mais qui peine à assumer son rôle d’enquêteur. Cette dynamique fonctionne super bien, et la mise en scène reste très efficace, à tel point que les pages défilent et sans voir le temps passer. Il y a une vraie bonne ambiance, malgré quelques enquêtes franchement sordides, qui sort du manga, et qui donne très envie d’aller plus loin. Mais dans une industrie aussi surchargée que le manga, il est aussi difficile de laisser passer la facilité à laquelle s’adonne l’autrice, qui compte énormément sur ses inspirations diverses sans encore trouver de véritable identité à son œuvre. Cela ne condamne pas Deranged Detective, au contraire, car il y a une bonne trouvaille sur la dynamique du duo, mais il faut espérer que l’œuvre a bien plus que cela à offrir pour tenir sur la durée.

Ron Kamonohashi : Deranged Detective a tout du manga séduisant, grâce à son duo de héros qui n’inspirent rapidement que la sympathie pour l’un, la compassion pour l’autre. Plus encore, mon côté fan de Detective Conan y voit là un hommage agréable qui m’offre une nouvelle dose d’enquêtes parfois loufoques, d’autres fois impossibles, mais toujours résolues grâce au génie de son héros. Toutefois, cette proximité avec le manga de Gosho Aoyama pourrait jouer des tours à Akira Amano, qui va devoir trouver son propre style et s’émanciper pour que sa référence ne reste qu’un hommage, et pas une copie. Et il y a matière à offrir quelque chose à la personnalité plus affirmée, grâce à ses deux enquêteurs hauts en couleur mais aussi quelques personnages secondaires bien sentis, comme la supérieure de Totomaru, Amamiya. Ces deux premiers tomes sont accrocheurs, mais j’en espère bien plus pour la suite.

  • Les tomes 1 et 2 de Ron Kamonohashi : Deranged Detective sont disponibles en librairie depuis le 26 avril 2023 aux éditions Mangetsu.

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