Creed III | Une dernière danse

par Anthony F.

L’héritage de Rocky était lourd à porter, mais dès le premier film Creed, Michael B. Jordan a prouvé qu’il était capable d’incarner un personnage différent, sans manquer d’un quelconque respect pour son aîné. Si Sylvester Stallone a pris ses distances depuis avec la licence, Michael B. Jordan lui se l’approprie plus que jamais avec ce troisième épisode, où il fait ses débuts en tant que réalisateur, insufflant au film un esprit nouveau.

Des inspirations venues d’ailleurs

© Photo credit: Eli Ade © 2022 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. All Rights Reserved CREED is a trademark of Metro-Goldwyn-Mayer

Le premier Creed en 2016 était une belle surprise. Un premier film étonnant pour les distances prises avec Rocky sans pour autant renier son héritage, un style et une intention particulièrement séduisante où le cinéaste Ryan Coogler montrait le potentiel d’une telle suite, évitant l’écueil du vrai-faux remake aux intentions discutables comme Hollywood en a trop connu. Mais la licence a ensuite souffert d’un deuxième épisode plus brouillon, réalisé par Steven Caple Jr., ce qui posait question sur l’intérêt de la licence, représentant soudainement un vrai fardeau pour Michael B. Jordan qui, dans un espoir de ramener Creed sur quelque chose de plus intime et plus intéressant, prend la caméra pour ce troisième épisode. Et pour le coup, que le film nous plaise ou non, il est difficile d’ignorer la faculté du jeune cinéaste à marquer de son empreinte son tout premier film en tant que réalisateur. Très vite, on aperçoit sa volonté d’emmener le combat de boxe vers quelque chose de moins hollywoodien, et de plus proche des… anime japonais, avec une inspiration très claire et visible du côté de Hajime no Ippo pour le combat d’une vie de son héros et sa survie dans un monde qui lui pourrit la vie autant qu’il l’aime. Une inspiration que l’acteur-réalisateur a lui-même évoqué en interview, et qui ne manque pas de séduire dans un film qui, malgré des défauts sur lesquels je reviendrais plus loin, réussit son pari sur sa volonté de s’émanciper des deux premiers films en recherchant quelque chose de différent.

Il construit en effet son film sur un modèle similaire aux anime japonais de sa jeunesse, avec son héros qui affronte son lot de contrecoups, des difficultés qui trouvent souvent leur solution dans la force du groupe, avec le soutien émotionnel de ses proches. Creed se métamorphose soudainement en sorte de héros de shonen qui combat non plus pour sa gloire, mais pour sauver celles et ceux qui l’entourent, tandis que son ennemi du moment est incarné par un vieil ami devenu ennemi. Pas un ennemi à détruire, mais plutôt un ennemi à sauver, avec ce que cela implique de naïveté avec de grands discours sur l’amitié. Bien que cette proposition puisse clivante, il y a quelque chose de satisfaisant à voir Michael B. Jordan aller au bout de son idée, qui transparaît également sur la mise en scène : le combat final est superbement filmé, avec quelques plans où l’acteur-réalisateur se fait clairement plaisir pour, sur l’espace d’un plan, évoquer des plans d’anime, entre les coups dévastateurs et les gueules déformées, quitte à caricaturer la boxe. Cela peut toutefois être un désavantage pour le film puisque à vouloir singer les anime, Michael B. Jordan fait l’erreur de caricaturer l’antagoniste, comme certains shonen, en oubliant que nombreuses sont ces oeuvres qui ont surmonté les codes du shonen pour soigner leur antagoniste en évitant les poncifs du genre. En effet, le personnage qui attise la colère de Creed et qui le pousse à se dépasser est raté sur ce point, avec des motivations un peu faciles et qui tombent vite à l’eau. Enfin, on ne va pas plaindre son acteur Jonathan Majors, dont l’avenir devra plutôt s’écrire devant les tribunaux.

De la boxe classique mais efficace

© Photo credit: Eli Ade © 2022 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. All Rights Reserved CREED is a trademark of Metro-Goldwyn-Mayer

Sur l’histoire, on pourrait pourtant lui reprocher de ne pas faire grand-chose de bien original pour la licence. Depuis Rocky, il y a un vrai besoin de renouveler le propos et d’aller un peu plus loin. Mais en incarnant celui qui a raccroché les gants avant de revenir pour espérer sauver sa réputation et ses proches, Michael B. Jordan nous propose un peu sa propre interprétation de Rocky 4, la guerre froide en moins. Mais c’est fait avec justesse, Tessa Thompson est toujours super dans son rôle bien qu’un peu trop en retrait cette fois-ci, et le charisme de Michael B. Jordan éclabousse le film alors qu’il incarne plus que jamais cette figure quasi super-héroïque d’un boxeur prêt à tout pour l’honneur de sa famille et de ses proches. C’est un rôle sur-mesure qu’il incarne avec force et talent depuis le tout premier film, et dans lequel il atteint une forme de paroxysme avec ce troisième opus, sûr de ses forces mais aussi de ses faiblesses. Quant à sa mise en scène, elle manque peut-être parfois d’un peu plus de dynamisme, avec un film qui reste finalement assez sage sur ce point en dehors des quelques références stylistiques aux anime de son enfance, qui arrivent assez tard dans l’aventure.

C’est difficile d’évaluer Creed III tant l’affect joue un rôle prépondérant. Et c’est peut-être ça aussi que je cherche dans le cinéma, une œuvre qui est certes imparfaite, mais qui s’attache à aller au bout de son idée avec beaucoup de cœur. Le choix du cinéaste de référencer les anime de son enfance est surprenant alors que Creed s’appuie déjà sur un gigantesque héritage avec Rocky, mais ce choix est complètement validé par un combat final assez dantesque où Michael B. Jordan arrive enfin à se lâcher sur le style et la mise en scène. Il y a beaucoup de raisons de critiquer le film tant il est hasardeux sur bien des points, à commencer par la place des personnages secondaires et la mise en scène très académique et peu affirmée de plusieurs scènes (comme le « training shot », cette fameuse séquence où le boxeur s’entraîne, que le film rate complètement). Mais il a du cœur, et pour un blockbuster, c’est déjà bien.

  • Creed III est sorti en salles le 1er mars 2023 et sortira en vidéo en juillet. 

Ces articles peuvent vous intéresser