C’est actuellement une période prolifique pour le cinéma, dont nous avons pu profiter, notamment grâce au Printemps du Cinéma. C’est l’occasion de vous conseiller (ou pas) quelques films, fraîchement sortis.
The Fabelmans
On commence avec The Fabelmans, réalisé par Steven Spielberg, et sorti le 22 février 2023. C’est aussi le lauréat du Golden Globe du Meilleur film dramatique. L’histoire, se situant après la Seconde Guerre Mondiale, suit le quotidien de Sammy Fabelman (Gabriel LaBelle), dont la passion est de réaliser des films amateurs, depuis sa plus tendre enfance. Sa vie bascule le jour où il exécute le montage d’un petit film familial. En effet, à travers d’infimes détails, il découvre que sa mère entretient une liaison avec le meilleur ami de son père. Ce n’est un secret pour personne : The Fabelmans s’inspire très largement de l’enfance et de la jeunesse de Steven Spielberg. Alors qu’on aurait pu s’attendre à ce que le long-métrage parle frontalement de cinéma et s’attarde sur les premiers succès du réalisateur, il n’en est rien. The Fabelmans se focalise sur ses premiers films amateurs et sur son histoire familiale, ce qui peut se révéler aussi frustrant que longuet. Pourtant, quand on sait que l’histoire de Spielberg est à peine revisitée, et combien le metteur en scène était ému sur le tournage, on ne peut que saluer la sincérité et le courage de la démarche. Le metteur en scène capture un quotidien intime et parfois difficile. On sent combien le film est cathartique et de quelle façon l’histoire personnelle de Spielberg a influencé sa vision de l’art. La fuite vers l’imaginaire, afin de sauver une enfance ou une innocence en péril, est après tout une thématique essentielle dans son œuvre. Il a dû être particulièrement délicat pour lui de dresser un portrait sincère et non manichéen des personnages qui représentent ses parents (incarnés par Michelle Williams et Paul Dano) ou celui qu’il a considéré comme un oncle pendant plusieurs années (Seth Rogen). Il en résulte des scènes très touchantes. The Fabelmans est un film sincère, mais beaucoup trop intime pour s’avérer incontournable.
The Son
The Son est un film réalisé par Florian Zeller et sorti le 01 mars. Peter (Hugh Jackman) est un homme d’affaires accompli qui vit avec sa nouvelle compagne Beth (Vanessa Kirby) et leur bébé. Un jour, son ex-femme Kate (Laura Dern) lui apprend que leur fils Nicholas (Zen McGrath) ne va pas au lycée depuis un mois. Peter va accueillir Nicholas sous son toit pendant quelques temps, avant de se rendre compte qu’il souffre d’une dépression sévère. Que dire ? Pour beaucoup, la dépression est encore une maladie imaginaire, apparentée au coup de blues. The Son rappelle qu’il s’agit bel et bien d’une maladie mentale, qui peut engendrer des séquelles physiques et de réels troubles du comportement. C’est avec justesse et délicatesse que le long-métrage montre l’évolution de Nicholas, mais aussi les réactions de son entourage qui, même en voulant l’aider, peut parfois se montrer rude ou incompréhensif. Il est perceptible que la dépression de Nicholas affecte toute la famille, tout en évitant l’écueil de la culpabilisation du malade. Cela se traduit par des silences, des regards et un acting impeccable de la part des différents comédiens et comédiennes. Comme on s’en doute, The Son est un film à la fois mélancolique et émouvant. Malheureusement, comme beaucoup d’œuvres du genre, certains dialogues manquent de naturel et se veulent trop pédagogues. Par-dessus tout, la mise en scène est des plus classiques et le script extrêmement présumable. On retiendra The Son pour ses bonnes intentions et la qualité du jeu de son casting, mais aussi pour sa référence à The Father, un précédent long-métrage de Florian Zeller.
Scream VI
Scream VI, réalisé par Tyler Gillett et Matt Bettinelli-Olpin, est sorti le 8 mars. En dépit du retour d’anciens personnages de la saga, il s’agit de la suite directe de l’opus précédent, dans lequel les sœurs Carpenter (Melissa Barrera et Jenna Ortega) échappaient à une énième manifestation de Ghostface. A mon sens, le premier film de la franchise, réalisé par Wes Craven, est certes un slasher plus fun que terrifiant ; mais il n’a pas marqué l’histoire du cinéma pour rien, tant il décrypte avec justesse les codes du genre horrifique. L’aspect méta y est particulièrement savoureux. Malheureusement, la saga n’est plus que l’ombre d’elle-même. Le scénario a autant de finesse qu’une tartine sur laquelle on aurait étalé du beurre de cacahuète et de la gelée. Un dessert purement américain, auquel on va goûter, en sachant pertinemment que ce n’est pas bien. Ce n’est pas parce qu’un personnage secondaire donne des leçons primaires de cinéma, en soupçonnant tout le monde, que c’est un film méta. Quant à l’intrigue principale, elle est écrite avec la même finesse et la même vraisemblance. On ne retiendra de Scream VI que des scènes d’action inventives et probablement plus gores que celles des films précédents.
The Whale
Inspiré de la pièce de théâtre éponyme, The Whale est un film réalisé par Darren Aronofsky et sorti le 8 mars. Vous en avez probablement entendu parler puisqu’il s’agit du grand retour de Brendan Fraser, sur le devant de la scène. Celui-ci a d’ailleurs remporté l’Oscar du Meilleur acteur pour sa performance. The Whale est tout simplement un huis-clos relatant la dernière semaine d’un homme dépressif, suite à la perte de son compagnon. Par ailleurs, Charlie pèse 272 kilos, ce qui l’incite à rester cloîtré dans son appartement. Un film d’autant plus suffoquant, qu’il est tourné en 4:3, pour montrer combien le protagoniste est prisonnier à la fois de son corps et de sa dépression. Heureusement, il s’évade à travers son travail, qui consiste à donner des cours en ligne et à corriger des rédactions. Il nourrit aussi l’espoir secret de renouer avec sa fille Ellie (Sadie Sink), perdue de vue depuis des années. Plusieurs personnages secondaires sont assez insupportables avec lui, ou de manière générale, à commencer par Ellie, qui – sous couvert de crise d’adolescence et de rancœur – le met plus bas que terre ; ou Thomas (Ty Simpkins) qui s’incruste chez lui pour prêcher la bonne parole et « sauver son âme ». The Whale est un film émouvant, où on ne peut que saluer la justesse de la prestation de Brendan Fraser. Au reste, il est difficile d’en percevoir les intentions et certaines scènes peuvent sans doute heurter la sensibilité des personnes ayant déjà souffert de dépression ou de troubles alimentaires.
Crazy Bear
On termine dans l’humour, avec Crazy Bear, un film réalisé par Elizabeth Banks, et sorti le 15 mars dernier. Inspiré d’un fait divers, le film conte tout simplement les pérégrinations d’un ours dans un bois de Géorgie. Seul hic, l’ours en question a consommé de la cocaïne. Il va entrer dans une rage meurtrière, à laquelle devront échapper les habitants locaux, les touristes, ainsi que les malfrats liés à la perte de la cargaison de drogue. On retrouve d’ailleurs un casting plutôt sympa, à commencer par Keri Russell ou Ray Liotta, donc il s’agit malheureusement du dernier film tourné. Comme ses effets numériques en témoignent, Crazy Bear est ni plus ni moins un nanar assumé. Si je m’attendais à un scénario un peu plus déjanté, force est de constater que plusieurs scènes marquent, tant par leur absurdité que par leur côté gore. Crazy Bear est une comédie noire aussi peu avare en cocaïne qu’en démonstration d’hémoglobine ou d’entrailles. Il n’est pas mémorable et n’est même pas le meilleur film du genre. Au reste, il s’agit d’un plaisir coupable que l’on peut consommer, contrairement à la cocaïne, sans modération.
Jusqu’à présent, l’année 2023 propose des films hétéroclites et plutôt intéressants. Sans être une œuvre incontournable de Steven Spielberg, The Fabelmans est un film sincère qui touchera forcément les fans du cinéaste, ou les passionné(e)s de cinéma en général. The Son et The Whale ont finalement beaucoup de points communs. Les deux long-métrages sont tirés d’une pièce de théâtre et présentent chacun une vision de la dépression. Ils évoquent aussi la relation d’un père qui tente de renouer avec son enfant adolescent. Des films émouvants, certes, mais parfois maladroits, et surtout extrêmement suffocants. J’ai presque envie de mettre Scream VI et Crazy Bear dans la même catégorie. Tous deux sont gores, mais plus comiques que terrifiants. Malheureusement, s’il s’agit d’une volonté de Crazy Bear, Scream VI n’a pas fait exprès. C’est sur ces bonnes paroles que se terminent mes conseils en l’honneur du Printemps du Cinéma. Un bon visionnage à toutes et à tous !