Bien qu’Apple pense déjà à un éventuel spin-off compte tenu du succès de la série Ted Lasso, menée par un Jason Sudeikis showrunner et acteur principal, celle-ci a pris fin cette année avec sa troisième saison. Pendant trois ans, la série a pris en excuse le milieu du football pour raconter autre chose, avec beaucoup de finesse et de bienveillance, un humour gentillet et un cœur énorme. Profondément touché par sa proposition et cette bande de joyeux lurons que la série raconte, j’ai eu envie d’en parler, comme pour remercier ce bout de bonheur que la série m’a procuré. Rassurez vous toutefois, cet article ne comportera pas de spoiler sur l’intrigue.
L’incompétence n’empêche pas le bonheur
Pour Ted Lasso, la série mais aussi le personnage, tout commence en 2020. Alors que la firme à la pomme tente de promouvoir son service Apple TV+, elle donne carte blanche à Bill Lawrence, Brendan Hunt, Joe Kelly et enfin Jason Sudeikis pour adapter en série un personnage que ce dernier a créé il y a neuf ans pour une vidéo promotionnelle pour la diffusion du championnat de foot anglais aux Etats-Unis. Un personnage de coach de foot américain qui se retrouve propulsé du jour au lendemain coach de football en Angleterre, un sport qui est donc complètement différent, auquel il ne comprend rien, mais qu’il exerce avec l’aplomb et la confiance en soi d’un bon américain. Afin de raccrocher les wagons d’une série et dépasser la simple vanne, Ted Lasso imagine un petit club londonien qui végète dans une division inférieure, un club devenu la proie d’un divorce qui se passe mal. Son propriétaire et sa femme s’écharpent en effet, et cette dernière, Rebecca, incarnée par Hannah Waddingham, récupère la pleine propriété du club. Son objectif : le couler par tous les moyens possibles afin d’emmerder son ex. Un fabuleux projet qui la pousse à aller chercher Ted Lasso, un coach de football américain universitaire qui a fait le buzz sur internet suite à des vidéos de vestiaire où il sort ses meilleurs pas de danse. Elle y voit là l’occasion d’une vie : un homme plutôt loufoque, facilement malléable, et complètement incompétent pour le poste. Mais dès son arrivée la série prend une tournure différente, au-delà d’un humour tout particulièrement réussi qui joue sur les différences entre américains et britanniques. Effectivement, Ted se révèle vite être un allié de poids pour Rebecca, qui se laisse séduire par la bienveillance d’un homme pas si bête que ça, et qui est prêt à tout pour filer un coup de main à la fois à sa patronne alors qu’elle traverse une période compliquée, mais aussi à ses joueurs. Parce que Ted n’envisage son boulot que sous un angle : celui de l’humain.
Et c’est ce qui fait de la série quelque chose d’absolument formidable. Le personnage de Ted, incarné avec un talent formidable par Jason Sudeikis qui appuie l’accent du midwest américain comme jamais, est l’incarnation même d’une bienveillance désintéressée. Pourtant lui-même victime de nombreux maux et d’une vie compliquée, il ne cherche qu’à aider un club où il décèle une humanité qui lui plaît. Certes, au départ, il ne comprend rien au football, mais rapidement, il comprend que la dimension humaine joue un rôle extrêmement important pour que ses joueurs puissent performer tous les week-ends. Et c’est probablement ce qu’il y a de plus vrai dans le sport de haut niveau, on le voit chaque année, avec des clubs aux moyens limités et des joueurs qui, normalement ne devraient pas atteindre un tel niveau, qui parviennent à accomplir des miracles grâce à un esprit de groupe et une émulation positive au sein de celui-ci. Sans pour autant tomber dans un optimisme béat, Ted Lasso fait un bien fou. C’est une série qui aborde pourtant des thématiques extrêmement difficiles, mais qui le fait avec une ouverture d’esprit nécessaire pour comprendre, écouter, et accompagner des personnes qui n’ont parfois besoin que d’une main tendue pour trouver une certaine paix intérieure.
Une main tendue
Ce désir de bien faire passe essentiellement par une écriture franchement maline, souvent très touchante, de nombreux personnages qui n’auraient pu être initialement que des caricatures. On rigole évidemment dès le départ de Jamie Tartt (joué par un Phil Dunster génial) joueur star qui est plus intéressé par ses coupes de cheveux que par le travail, on peut se moquer de Keeley Jones (interprétée par une non moins géniale Juno Temple), une modèle devenue communicatrice pour le club qui incarne le cliché de la « bimbo » qui sort avec un joueur de foot pas très cultivé. Et puis souvent, c’est Roy Kent, incarné par Brett Goldstein, qui fait marrer les fans de football en incarnant ce joueur taciturne qui rappelle Roy Keane, footballeur qui a terrorisé les terrains dans la réalité. Mais ces rires s’accompagnent d’une tendresse sans limite de la série pour ces quelques personnages. Et également pour tous les autres joueurs du club, pour sa patronne Rebecca, pour son coach Ted et son duo qui est parfois à mourir de rire avec son assistant coach Beard (Brendan Hunt, excellent). La série ne cesse jamais de porter un regard plein d’amour sur cette petite bande, qui évolue au fil des trois saisons pour toujours devenir de meilleures personnes, jusqu’à former un groupe très soudé qui parvient à passer outre des situations compliquées.
Car Ted Lasso c’est des thématiques lourdes, comme la dépression, le manque de confiance en soi, le racisme et l’homophobie qui gangrènent le football. Mais toutes ces thématiques trouvent sans cesse un soutien, une confiance que les personnages s’expriment les un·es envers les autres. Autant de moyens de surmonter les moments les plus difficiles, sans jamais prétendre trouver des solutions irréalistes. Par exemple très tôt la série montre que Ted est victime de crises d’angoisses, mais jamais son entourage vient prétendre avoir des solutions miracles. Au contraire, c’est plutôt un soutien plein de tendresse qui lui est apporté, comme un moyen de dire que l’on a conscience du mal, qu’il est là, mais qu’il ne sera pas seul pour le combattre. Et c’est une approche que j’ai trouvé terriblement touchante, c’est certainement le meilleur moyen d’aborder ce type de question sans tomber dans une naïveté malvenue. La série prend conscience de nombreux problèmes, en parle et les dénonce, mais préfère se concentrer sur le soutien que ces différents personnages s’apportent, et c’est ce qui leur permet de grandir et de dire que d’une certaine manière, même quand on n’a pas de solution, on peut toujours essayer de tendre la main. Et c’est d’autant plus marquant dans la saison 3, peut-être pas la meilleure, mais celle qui insiste le plus sur les émotions, les peurs, les craintes et la recherche du bonheur de ses personnages.
Il serait toutefois terriblement dommage de limiter Ted Lasso au football. Pire encore, de se dire que la série n’est pas pour nous car l’on n’a pas d’attrait pour ce sport. Car c’est d’abord une série qui parle de sport sous un angle qui peut toucher beaucoup de monde, mais c’est aussi une série qui ne se sert du football que comme d’une excuse pour raconter une bande de personnes que rien n’aurait dû rapprocher, mais qui finissent par se souder pour affronter les nombreux obstacles qui se dressent sur leur chemin. Plus que tout, c’est une série qui est véritablement bienveillante. Qui ne galvaude pas le terme et qui ne le prend pas avec légèreté. Le personnage imaginé et incarné par Jason Sudeikis est d’une gentillesse que l’on pense initialement un peu naïve, mais qui se révèle vite être au fondement d’un état d’esprit qui fait un bien fou. Et cela donne une série en trois saisons qui a énormément de choses à raconter, qui fait beaucoup de bien, et qui mérite qu’on lui accorde notre temps.
- Les trois saisons de Ted Lasso sont disponibles sur Apple TV+.