Superman | La résurrection de l’homme de fer

par Anthony F.

Autant aimée que critiquée, la figure de Superman n’a jamais manqué de fasciner les cinéastes. Des années 1950 à aujourd’hui, le personnage créé par Jerry Siegel et Joe Shuster a connu de nombreuses adaptations en films et séries, avec plus ou moins de succès. Plusieurs acteurs ont incarné l’homme de fer, certaines personnes ne jurant que par la version de Christopher Reeve, tandis que d’autres assimilent le personnage à la musculature de Henry Cavill. Mais après de nombreuses années dans la peau du héros, ce dernier a laissé la place à David Corenswet, alors que James Gunn, désormais à la tête de DC Studios, réalise un premier long métrage à la gloire de l’alien venu de Krypton dans un film sobrement intitulé Superman. 

L’humanité comme boussole

© 2025 Warner Bros. Entertainment. All Rights Reserved. TM & © DC

Difficile d’approcher le film de James Gunn sans succomber aux comparaisons avec ceux de Zack Snyder, qui ont alimenté l’imaginaire populaire sur Superman depuis Man of Steel en 2013. Si Snyder souhaitait voir en l’alien un homme bon mais susceptible de succomber à une part obscure qui sommeille en lui ; finalement, la vision qu’en a Batman dans certains comics. James Gunn quant à lui se raccroche plus littéralement à l’image qu’en ont la plupart des lecteur·ices de comics, c’est-à-dire un personnage toujours prêt à se sacrifier pour l’humanité, toujours en mesure de voir le bon en chacun·e. Le film symbolise ce positionnement en s’ouvrant sur un conflit où une puissance alliée de l’Amérique, armée de gros chars, tente d’envahir un de ses voisins pauvres, du sud et sans moyens de défense, et anéantir sa population (toute ressemblance avec un conflit actuel serait évidemment fortuite). Un conflit où Superman, déjà en activité depuis trois ans au début du film, prend position et s’oppose à la guerre, en bloquant lui-même l’avancée de cette puissance alliée. Le film commence là, avec ce positionnement politique en faveur du plus faible, face à un pouvoir américain qui perd son sang froid et qui va soudainement tenter de renverser l’avis populaire contre son héros en le désignant comme un alien, un immigré, qui doit se soumettre. Sous l’impulsion, évidemment, d’un excellent Lex Luthor campé par Nicholas Hoult. Le cinéaste n’est pas très subtil, mais c’est aussi ce que l’on attend de Superman, défenseur de la veuve et de l’orphelin, qui n’imaginerait jamais rester neutre face à la souffrance humaine, et qui ne sera jamais l’allié d’une invasion militaire. Un pur produit « humaniste » d’il y a quelques décennies, quand cette belle valeur n’était pas encore devenue un gros mot dans la bouche de trop de militants politiques. 

Et cela tranche complètement avec la vision plus noire que l’on avait de Superman au cinéma depuis dix ans, pour mieux recentrer le personnage sur son existence côté comics. Il y a une forme de naïveté dans cette approche, que le film balaie astucieusement dans une savoureuse scène où Lois Lane, journaliste, collègue et bien-aimée de Clark Kent, l’alter-ego civil de Superman, interview le super-héros et le force à répondre à des interrogations qui paraissent complètement stupides, mais qui sont de véritables arguments politiques (de droite et d’extrême droite) dans notre monde actuel. Des interrogations face auxquelles il s’énerve, en rappelant un fait très simple mais ignoré par le pouvoir qui ne pense qu’à ses alliances politiques en soutenant le pays belliqueux : des humains sont en train de mourir. Cette vision très idéaliste et humaine de Superman ne date pas d’hier, c’est l’essence même du personnage né dans les années 1930. Imaginé comme un symbole d’espoir, un besoin de promouvoir le bon face au mal, le personnage a fini par être caricaturé et dénigré comme un « boy scout » ces dernières décennies alors que les comics tendaient vers des récits plus sombres et que le public recherchait sûrement des personnages moins parfaits. Mais Superman a, à quelques exceptions près, toujours maintenu certaines valeurs, et revoir ça sur grand écran, ça fait du bien à mon petit coeur de fan de comics.

Le bal des évènements et un temps limité

© 2025 Warner Bros. Entertainment. All Rights Reserved. TM & © DC

Le film pourtant ne manque pas de petits soucis, comme son action effrénée qui n’arrive pas à se contenir, avec beaucoup de personnages, beaucoup d’évènements qui se déroulent et qui peinent à se faire une place. Même si cela donne une scène savoureuse où l’action se passe littéralement dans le dos d’un héros en plein questionnement, il manque un peu de caractère dans les personnages secondaires qui ont pour l’essentiel plutôt une fonction d’objet au récit. Lois Lane se fait une place, mais Jimmy Olsen est trop secondaire, tout comme les quelques héros et héroïnes qui apparaissent et qui n’ont que peu de substance. Même Lex Luthor, pourtant décisif à l’histoire, n’a pas vraiment le temps d’exister. Cela a néanmoins le mérite de donner une dynamique assez intense au film, laissant peu de temps pour s’ennuyer, et surtout, un vrai goût du sens comique, comme le réalisateur nous y a habitués dans une autre licence. Sa version du chien Krypto est géniale, et il donne à son acteur David Corenswet beaucoup de marge pour être plus que le super-héros parfait. Avec beaucoup de charme et d’humour, l’acteur s’approprie ce personnage iconique et en tire quelque chose de très positif. Il en fait un personnage proche de son entourage, des peuples qu’il prétend défendre, et qui tire sa force des personnes qui le soutiennent. Quitte à passer par une scène caricaturale où un habitant de Metropolis lui vient en aide, une scène que l’on a déjà vu dans des centaines de comics.

Les ficelles de la narration à la James Gunn sont néanmoins plutôt grosses, avec les mêmes archétypes des personnages qu’il reprend à l’infini, comme son Krypto à qui il ne manque que la parole pour être un simili-Rocket Raccoon. Mais il y a une chose qu’il maîtrise toujours, c’est le timing comique et émotionnel qui donne beaucoup d’humanité à ses personnages. Une humanité qu’il offre à un Superman dont la seule boussole morale est le bien commun ; une valeur traditionnelle du personnage qui s’était oubliée à cause de l’insupportable version de l’infâme Snyder. On pourrait lui reprocher sa naïveté, mais elle est inhérente à un héros qui veut voir le bien là où personne ne le voit, et ça donne à son film une force supplémentaire, plus encore dans notre monde occidental où les velléités guerrières reviennent de partout. Je n’étais pas complètement serein face à ce projet, mais bien joué. 

  • Superman de James Gunn est sorti au cinéma le 9 juillet 2025.

Ces articles peuvent vous intéresser