C’était peut-être une évidence. Plusieurs fois adapté en jeux vidéo, sortis sur des consoles portables et sur mobile depuis une quinzaine d’années, le manga et anime Fairy Tail a une filiation qui saute aux yeux avec les jeux vidéo : ses histoires de guildes et de mages qui prennent des quêtes aux quatre coins de leur univers ressemblent à bon nombre d’aventures vidéoludiques. Il manquait toutefois au catalogue des adaptations un véritable jeu de rôle, chose corrigée en 2020 avec la sortie d’un J-RPG sobrement intitulé Fairy Tail, développé par Gust (à qui l’on doit la série des Atelier) et édité par Koei Tecmo. Pas très bien reçu par la critique à l’époque, la faute à un titre qui n’adaptait qu’une partie de l’histoire, il a toutefois réussi à convaincre une partie des fans, qui attendaient de pied ferme le second épisode censé raconter le reste de l’aventure, jusqu’à la conclusion du manga. Ce deuxième épisode, Fairy Tail 2, toujours développé par Gust, est sorti le 13 décembre 2024.

Cette chronique a été écrite suite à l’envoi d’un code PlayStation 5 par l’éditeur.

Des airs de fin du monde

© 2024 KOEI TECMO GAMES CO., LTD.

Adapter un manga aussi long n’est pas chose aisé. Avec sa dose de chapitres ou épisodes qui allongent l’histoire plus que de raison et sa profusion de personnages, Fairy Tail est une licence qui présente un sacré défi à l’heure d’en résumer l’histoire en deux jeux. Pourtant Gust y arrive assez bien, avec une narration condensée et un casting resserré qui va à l’essentiel, quitte à titiller un peu des fans qui pourraient regretter que certains évènements ne soient pas abordés. Néanmoins, cela permet de rythmer l’aventure et offre à ce deuxième épisode un vrai sentiment de course contre la montre pour mettre fin à la menace de Zeref, les 12 de Spriggan et le dragon Acnologia. En effet, ce deuxième jeu raconte l’arc Arbaless, celui qui a conclu le manga, où le terrible Zeref lance une ultime guerre contre nos héros et héroïnes en vue de s’arroger les pouvoirs dans un monde nouveau. Si les enjeux peuvent être intimidants quand on n’a plus les évènements de l’œuvre originale ou du premier jeu en tête, Fairy Tail 2 a la bonne idée de surligner dans ses dialogues les noms, lieux et évènements importants pour lesquels on peut obtenir une description immédiate en appuyant sur la flèche du bas. Similaire à ce que faisait un Final Fantasy XVI par exemple, cela permet de ne pas perdre le fil, surtout dans un titre qui donne un sacré coup d’accélérateur aux évènements et qui va à l’essentiel. Ainsi, les scènes se succèdent à une vitesse parfois très intense, avec des cinématiques qui passent du coq à l’âne, parfois sans trop de liant.

La faute à une mise en scène minimaliste, laissant beaucoup de choses se dérouler en arrière-plan sans les montrer. On ne compte plus les transitions à l’image sur fond noir avec de simples textes qui racontent que tel ou tel évènement décisif s’est déroulé hors caméra. Un moyen d’économiser et de limiter le nombre de cinématiques, mais de toute manière, même les évènements montrés à l’écran restent très avares de mise en scène. Les cinématiques font le strict minimum avec uniquement des dialogues avec des personnages statiques, et contre les boss, des images de transition toutes blanches qui apparaissent à l’écran quand les personnages sont censés bouger et réaliser une attaque afin de compenser le fait que l’action ne soit pas rendue à l’image. Quitte à limiter au maximum les cinématiques pré-rendues, ça aurait été intéressant de les remplacer par des images de l’anime, mais il semble que cela n’ait pas non plus été possible pour le studio. Alors malgré toute sa bonne volonté et sa fidélité aux évènements de la série, Fairy Tail 2 ressemble un peu à la pire manière de suivre l’histoire de l’œuvre originale. Ne profitant ni des codes du jeu vidéo, puisque toute la narration se fait via des cinématiques fauchées, le récit n’exploitant pas le monde dans lequel on évolue ; ni de l’anime, en n’en reprenant aucune image. 

© 2024 KOEI TECMO GAMES CO., LTD.

On finit ainsi avec un jeu assez pauvre dans la forme, qui pourtant fait preuve de bonne volonté avec sa progression par quête, similaire à bon nombre de J-RPG, qui remanie le groupe à chaque scène afin de coller aux évènements du manga et de pousser à utiliser tous les personnages. Obligeant de fait à se familiariser avec tout le monde afin de mieux aborder les combats, et offrant également suffisamment de place aux différentes personnalités pour apporter leur petit plus à la narration. Si l’essentiel des scènes nous mettent malgré tout dans la peau de Natsu, le héros de Fairy Tail, il y a de nombreux moments où celui-ci est absent et où d’autres personnages prennent le relais. Un choix payant puisque cela permet d’éviter la routine et la lassitude dans un jeu pourtant assez répétitif, avec une structure de quête qui évolue peu et des zones à explorer qui se ressemblent toutes. L’ambition d’adapter une œuvre aussi longue s’est probablement heurtée à des considérations budgétaires qui ont poussé le studio à réutiliser beaucoup d’éléments, comme un bestiaire peu fourni et une poignée de boss qu’on affronte en boucle.

Dynamique mais rébarbatif

© 2024 KOEI TECMO GAMES CO., LTD.

C’est évidemment lié au manga, néanmoins les multiples combats contre les 12 de Spriggan font qu’on se lasse assez vite des combats. Les affrontements contre les ennemis classiques présentent assez peu d’intérêt et servent essentiellement à monter de niveau entre deux boss, néanmoins ils permettent aussi d’affiner les tactiques qui seront mises en place lors des combats plus difficiles. Car le jeu repose sur un système qui mélange le tour par tour à une jauge d’action, avec des faux airs de Final Fantasy XIII, où il faut apprendre à réaliser des combos selon un nombre de points d’action chargés avec des coups classiques, afin de libérer des coups spéciaux et insister sur les faiblesses des ennemis. Le but, c’est mettre l’adversaire dans une position de « stagger », c’est-à-dire défaire sa jauge d’armure pour le faire tomber et réaliser un coup ultime (nommé Unison Raid) où le personnage que l’on contrôle s’associe à un autre pour réaliser une attaque. Lors de ces phases, la barre de vie des boss fond comme neige au soleil et permet de les attaquer sans craindre de représailles immédiats. Plutôt efficace et dynamique, ce système se heurte néanmoins à la répétitivité d’un jeu qui ne renouvelle pratiquement pas ses affrontements. Chaque confrontation contre un boss donne lieu à trois combats successifs, avec des patterns tous identiques, et certains boss reviennent deux ou trois fois au cours de l’aventure. Pire, tous s’affrontent de la même manière, avec pour seule différence les éléments auxquels ils sont vulnérables, poussant à faire tourner les membres de l’équipe en combat (jusqu’à trois personnages attaquent en même temps) pour affaiblir le boss le plus vite possible. 

Et ce n’est pas le système de progression des personnages qui amène un peu de complexité dans un jeu qui en manque tristement. L’arbre de compétence propre à chaque personnage est en effet assez limité et ne laisse pas beaucoup de place aux choix, l’évolution est donc ultra linéaire et à peu près toutes les parties devraient se ressembler. On débloque assez peu de compétences au fil des heures, mis à part des versions plus puissantes de compétences acquises en début de partie, et peu de surprises s’offrent à nous à mesure que l’on avance. Les personnages les plus puissants le restent jusqu’au bout, on utilise les mêmes coups jusqu’à un ultime combat caché derrière des quêtes post-crédits. Rares sont les surprises dans un jeu sur rails, sans grande folie, et c’est peut-être là son plus grand défaut.

Fairy Tail incarne pourtant cette liberté, cette grandiloquence d’une œuvre un peu farfelue qui se joue des codes et qui ne se pose aucune barrière. Mais son adaptation vidéoludique, et plus encore cette conclusion dans Fairy Tail 2, ne relâche jamais le frein à main. Tantôt à cause de contraintes techniques et budgétaires qui limitent ses ambitions et livrent une réalisation fauchée, tantôt à cause d’un système dont on fait le tour dans les premières heures. Rarement emballante, son aventure manque le coche de l’épique et ce n’est pas ses dialogues, souvent vains avec des interactions très artificielles entre les personnages, qui relèvent l’intérêt du jeu. On lui reconnaît tout de même une certaine capacité à bien résumer l’histoire originale sans pour autant compromettre la fidélité à l’œuvre, de quoi garder l’intérêt des fans. D’autant plus que le jeu finit par les récompenser avec sa dose de fanservice et d’héroïnes en maillot de bain, d’un goût toujours douteux, dans la pure tradition de la licence.

  • Fairy Tail 2 est sorti le 13 décembre 2024 sur PlayStation 4, PlayStation 5, Switch et PC.
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Incarner un lapin en jeu vidéo ? On pense sans doute aux célèbres lapins crétins ou au plus confidentiel jeu indépendant My Brother Rabbit. Ces animaux sont moins populaires que les chats et les chiens, et pourtant, à leur petite échelle, il leur arrive d’être présent dans des œuvres artistiques. Au cinéma, on peut évoquer pêle-mêle Panpan dans Bambi, Roger Rabbit dans le film éponyme. En littérature, on trouve le Lapin Blanc d’Alice au pays des merveilles vient en tête, ainsi que le petit groupe de lapins de garenne cherchant un nouveau lieu de vie dans Watership Down de Richard Adams.

Il est probable que vous n’ayez jamais entendu parler du jeu Lapin, réalisé par le studio coréen Doodal, basé à Séoul… à part si vous êtes fan de ces petits lagomorphes comme moi, pour en avoir (eu) en animal de compagnie, et que vous cherchiez des jeux vidéo avec des lapins ! Sorti en novembre 2022 sur Xbox Series et en août 2023 sur Steam, Lapin est un jeu de plate-formes en 2D qui met en scène une petite troupe de lagomorphes obligés de quitter leur terrier.

Un plateformer aussi chill qu’exigeant

Un peu comme dans le roman Watership Down, Lapin met en scène cinq petits lapins qui doivent partir pour établir un nouveau terrier, leur parc actuel allant accueillir la construction d’un musée d’histoire naturelle. Dans le petit groupe, il y a Liebe, notre héroïne, encore toute jeune ; José, un lapin artiste et rêveur ; Bianca, une lapine curieuse et qui adore les légendes liées à la mythologie des lapins ; Montblanc, plutôt renfrogné de prime abord, bricoleur et mécanicien expert ; et enfin Capitaine, le chef de la bande et du terrier. Ensemble, ils vont quitter leur maison, nommée Alfa, pour trouver le “paradis des lapins”. Il s’agit d’une contrée signalée sur une carte dessinée par une précédente expédition, menée par George l’Explorateur.

Liebe, l'héroïne du jeu, se tient face à des pièges de ronces dans un décor de forêt plongée dans un bleu nuit. Elle est toute petite dans ce décor immense.

© Lapin, Studio Doodal, 2023

Évidemment, l’aventure extérieure ne sera pas facile pour les petits lagomorphes. Au cours de six chapitres, Liebe et ses ami(e)s vont traverser plusieurs décors, de la forêt des Vents à un ancien terrier lapin, en passant par les alentours de la ville ou des jardins. Au fur et à mesure des lieux, Liebe a la possibilité de parler plusieurs fois à ses compagnons, afin de renforcer ses liens d’amitié et d’en savoir davantage sur eux, débloquant des souvenirs communs ou des éléments de leur passé. Elle peut aussi faire la chasse aux collectibles en récupérant des graines de fleurs dans des zones plus difficiles d’accès, ou récupérer des objets-clés permettant de légères variations dans l’histoire. Ainsi, on peut choisir de donner une pièce trouvée soit à Pia, un oiseau rencontré, ou de l’utiliser dans un distributeur de friandises et boissons. Récupérer une boîte rouge permet de renforcer l’amitié avec Montblanc et découvrir une part de son passé.

Ces dialogues sont assez réguliers, pas assez pour devenir ennuyeux ou trop ralentir l’aventure. Ils fournissent des éléments sur la vie quotidienne des lapins – ce qu’ils aiment manger, par exemple – mais aussi sur les obstacles à venir. En effet, les décors de plateformes traversés sont simples au début, puis deviennent de plus en plus complexes. Des fleurs permettent de rebondir, des éclats de verre entraînent la mort, des blocs mécaniques font se projeter plus loin, des morceaux de pierre s’effondrent sous nos pas… Lapin, derrière son apparence toute mignonne et ses personnages adorables, dissimule un platformer 2D assez exigeant, même s’il n’est pas aussi difficile que Céleste dont j’avais testé quelques niveaux et qui est encore plus ardu. D’ailleurs, un mode facile est accessible si l’aventure normale vient à bout de votre patience, ou si vous avez simplement envie de profiter de l’aventure sans mourir et recommencer des dizaines de fois.

Liebe n’a en effet qu’une seule capacité : bondir. Certes, elle peut s’accrocher à des parois, sauter dans tous les sens, mais vaincre les différents niveaux demande surtout de la précision, de l’agilité et du timing, ainsi que de bons réflexes. Même lors des scènes de course-poursuite – les “boss” étant des belettes chassant les lapins, ou l’ennemi  final que je garde secret – elle ne peut que trouver son chemin pour fuir ou déclencher des mécanismes salvateurs. Néanmoins, après chaque mort – qui nous fait simplement revenir au début du tableau en cours – on a toujours envie de recommencer jusqu’à y arriver, par challenge et beauté du défi.

Une histoire toute en douceur et sensibilité

Liebe parle avec ses compagnons de route, aussi des lapins, explorant la prochaine route à prendre.

© Lapin, Studio Doodal, 2023

Si la musique n’est pas forcément le point fort du jeu – la plupart des pistes sont tranquilles et douces, plus rythmées lors de duels ou de courses-poursuites – Lapin a d’autres atouts qui peuvent charmer. Tout d’abord, sa direction artistique attire forcément l’œil, avec ce côté 2D aussi doux que poétique, mêlant dessin à la main, lumières autorisant la profondeur de champ, les petites animations rendant la forêt ou même les galeries vivantes. Bruissement du vent et des feuilles, vol de papillons, ondulations de l’eau, lumières dorées ou nocturnes… La direction artistique de Lapin est indéniablement séduisante, mêlant la nature à l’urbanisme avec des vieux parcs et attractions abandonnés par l’homme. On prend un immense plaisir à parcourir les tableaux et à observer leurs nouveautés, à interagir avec des éléments du décor, écouter les réflexions de Liebe, avec toutes ces couleurs pastel douces et chaleureuses à la fois.

Les personnages sont évidemment une autre qualité du jeu. Il est difficile de ne pas fondre et de ne pas apprécier ces petits lapins qu’on apprend à connaître ! Liebe est d’une innocence et d’une gentillesse touchantes, n’hésitant pas à se battre pour ses ami(e)s malgré son jeune âge. Montblanc est aussi marquant pour son caractère renfrogné qui cache des blessures profondes. Il y a toujours un aspect des personnages qui les rend attachants, que ce soit leur gourmandise, leur capacité à faire des bêtises, leurs blagues sur les lapins (comment appelle-t-on un lapin qui dévore tout un champ ? un cereal-killer), leur débrouillardise ou la profonde amitié qu’ils se portent tous. Chacun des personnages a sa personnalité, sa façon de voir la mythologie des lapins, de percevoir les humains… Et puis, quand on connaît les comportements des vrais lagomorphes, on a plaisir à revoir leurs gestes et attitudes durant le jeu, comme lorsque Liebe s’endort sur le ventre, ou redresse ses oreilles sous le coup de la surprise.

Un paysage en haut d'une montagne, au-dessus d'un téléphérique. Liebe observe le paysage nimbé d'une lumière de soleil couchant.

© Lapin, Studio Doodal, 2023

C’est ce qui ressort tout au long de l’aventure : leur amitié, leur capacité à s’entraider et à s’accepter les uns les autres. Le scénario est simple et efficace, juste ce qu’il faut sans pour autant entrer dans de grandes profondeurs, mais cela suffit amplement pour cette histoire d’amitié et d’exploration. Il réussit tout de même à faire passer quelques thèmes : l’importance de l’amitié et du temps accordé à celleux qu’on aime, le deuil, en parlant du soutien entre tous ces personnages et d’avoir dû laisser derrière soi d’autres lapins, en avoir vu mourir d’autres… Mais il y a aussi la menace représentée par l’homme quand ce dernier détruit des habitats naturels, ou néglige et abandonne ses animaux de compagnie. Les Deux-Pattes sont un sujet récurrent des conversations, entre nostalgie et tristesse, puisqu’on parle soit d’abandon de leur part, soit de comment leurs constructions détruisent des terriers. Cependant, l’histoire se tourne toujours vers un sentiment positif et de bienveillance.

Que conclure de Lapin ? Je suis loin d’être familière des jeux de plateformes de ce style, à la Celeste. J’ai été agréablement surprise par le challenge proposé, aussi addictif que défiant mes réflexes et ma précision. C’est un très joli jeu, paradoxalement chill, avec des graphismes et des personnages aussi adorables les uns que les autres. Le titre propose une aventure toute en couleurs et en poésie, mêlant plateformes, souvenirs amusants et petites critiques sur les relations entre humains et animaux. Lapin parvient, en une dizaine d’heures, à établir son petit univers et à se faire très attendrissant. Aussi pourra-t-il plaire tant aux fans du genre qu’à des joueurs et joueuses cherchant une aventure cosy et colorée, parfaite pour les journées d’hiver. Et si vous êtes team Lapin plutôt que chat ou chien (ou peu importe : on noue toujours un lien important à son animal de compagnie), impossible de ne pas craquer !

  • Lapin est actuellement disponible sur Xbox Series et Steam, depuis novembre 2023.
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Cette fin d’année est riche en jeux vidéo, difficile donc de se faire une place, plus encore quand on n’a pas les moyens des ténors de l’industrie. Néanmoins, le studio français Savage Level ne manque pas d’ambitions et s’invite sur nos consoles et PC avec Flint : Treasure of Oblivion, un tactical-RPG dans l’univers de la piraterie, avec un fort accent mis sur une narration empruntée à la BD. Une aventure sympathique qui n’est pas sans défaut, mais qui mérite tout de même que l’on s’y attarde tant elle est pleine de bonne volonté. 

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un code PlayStation 5 par l’éditeur. 

Drôle de chasse au trésor

@ 2024 Developed by Savage Level. Published by Microids SA. All rights reserved

Inspiration très libre de l’univers de L’île au trésor de Robert Louis Stevenson, Flint nous met dans la peau du capitaine du même nom, bien aidé par son compère Billy Bones. Ils se sont déjà fait une sacré réputation, et sont rattrapés dès le premier chapitre par les forces navales qui les jettent dans un cachot dans la forteresse de Saint-Malo. Rapidement évadés, ils sont vite en quête d’une place sur un navire partant loin de là. Pour ce faire, l’une des principales quêtes du jeu consiste à trouver des allié·es plus ou moins discrètement avant d’aller embarquer sur le Marquis, le navire d’un homme rencontré dans une auberge et partir à l’aventure. En effet, le Capitaine Flint est convaincu de pouvoir trouver un trésor inestimable selon une carte dont il a eu vent quelques temps auparavant. Une expédition de grande ampleur se prépare donc, et le jeu va nous faire passer par toutes les étapes d’une telle histoire : de la constitution de l’équipe à une mutinerie permettant au Capitaine Flint de devenir le chef, en passant par la découverte d’une île quasi-mystique aux affrontements contre des soldats à la solde d’un affreux gouverneur, Flint : Treasure of Oblivion ne manque pas d’ambition narrative. Très linéaire, le jeu est entièrement au service de sa narration et les combats, pourtant assez nombreux, semblent assez secondaires comme on le verra un peu plus tard dans ce test. L’action est en effet essentiellement centrée sur les phases narratives qui se débloquent à mesure que les combats sont réussis, ne laissant ni choix ni réelle exploration, l’histoire étant sur des rails dont on ne dévie jamais. Plutôt bien racontée, l’histoire du jeu s’offre quelques très bons moments, un peu d’émotion, mais surtout un vrai sentiment de vivre une histoire de piraterie qui évoque quelques souvenirs aux amateur·ices de L’île au trésor. Toujours charmante, empreinte de mystères et de bons mots de ses protagonistes, la narration manque toutefois peut-être de personnages secondaires plus présents. Hormis Flint et Billy Bones, les autres sont plus discrets, moins de dialogues, moins d’influence, servant essentiellement d’outils pour faire progresser l’histoire.

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Avec une vue du dessus, façon isométrique, le jeu s’inscrit dans une certaine tradition. Ce qui ne l’empêche pas toutefois de se créer sa propre identité avec une direction artistique charmante qui s’accommode des limites techniques du jeu (qui reste une production AA), associée à de jolis effets de lumière qui apportent une certaine profondeur à l’image. C’est d’autant plus visible dans les scènes de nuit, où les torches illuminent les chemins et les couleurs s’imbriquent joliment. Pourtant, on voit bien les limites du côté des animations, qui sont assez austères et qui rappellent que l’on est face à un jeu à petit budget. Cela n’empêche toutefois pas le studio de faire preuve d’ambition dans sa narration, en proposant une mise en scène via des cases de BD joliment dessinées par Fabrice Druet, à qui l’on doit les BD L’art du crime ou encore Methraton, ainsi que le coloriste Bruno Tatti, qui a travaillé sur des tomes de Blake et Mortimer, ainsi que XIII. Un duo qui fonctionne bien et qui offre quelque chose d’agréable à l’oeil, avec des dessins en mouvement qui s’intègrent bien entre les scènes en 3D en se superposant à l’image. Cela est d’autant plus malin qu’en allant du côté de la BD, Flint en appelle aux origines littéraires de son histoire. Cela permet, d’autant plus, de passer outre les animations limitées des séquences en 3D pour s’offrir une narration convaincante, même si l’histoire déroule très vite et passe parfois du coq à l’âne. C’est peut-être à cause de l’envie de beaucoup en montrer : chasse aux trésors, conflit contre la marine, libération d’esclaves sur un navire, rencontre d’un peuple indigène ou abordage de navires hostiles, le titre multiplie les directions et tente beaucoup de choses sur un temps voutant plutôt resserré, sachant que l’histoire se termine en dix à quinze heures tout au plus.

Un système hésitant, des combats secondaires

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Partie intégrante de sa narration, les combats de Flint sont curieusement peu nombreux. On aurait pu penser en avoir beaucoup plus, mais il s’avère en réalité qu’ils ne sont que des moteurs narratifs, quitte à en limiter la portée. En effet, face aux impératifs du récit, le jeu force un peu les combats en imposant des règles de défaite qui peuvent être frustrantes, comme l’impossibilité de laisser tomber au combat certains personnages (leur mort provoquant le game over et l’obligation de le recommencer), quitte parfois à ce que cela concerne 3 ou 4 personnages sur les 5 ou 6 que l’on contrôle au même moment. Ce système est contrebalancé par un système de vie permettant aux personnages de tomber plusieurs fois au combat avant une véritable mort (en limitant à chaque fois leurs statistiques d’attaque et de défense), mais il trouve vite ses limites face à des ressources trop peu nombreuses pour soigner les personnages entre deux affrontements et donc faire remonter le nombre de « morts » autorisées. Pourtant les combats tactiques ont quelques bons moments, avec une IA pas bête du tout et un level design qui permet de prendre à revers les adversaires (ou de l’être soi-même), et qui joue sur la verticalité pour prendre l’ascendant. On a toutefois trop souvent l’impression d’être sur des rails.
En effet, en limitant au maximum les combats à ceux liés à l’avancée de l’histoire, c’est-à-dire deux ou trois par chapitre tout au plus, le jeu n’offre pas de possibilité de les enchaîner pour gagner de l’expérience et se faciliter la vie par la suite, une expérience qui consiste à gagner de l’argent et l’investir dans sa trentaine de combattant·es. En réalité, il faut donc pleinement intégrer les règles de jeu à base de lancer de dé. Malheureusement, ces règles sont assez mal expliquées, faute de véritable tutoriel. Il faut se contenter d’une page de règles succincte qui est accessible à tout instant en appuyant sur une touche (triangle sur PS5). La difficulté est heureusement assez bien cadrée, le jeu étant relativement simple (et ce en l’absence de choix de difficulté) et ne pénalise pas les défaites puisque tous les combats peuvent être recommencés autant que nécessaire. 

Son ergonomie lui pose en outre quelques soucis, avec des menus assez obscurs, une navigation en combat sur l’espace tactique assez pénible à la manette, pour un jeu qui semble avoir essentiellement été pensé pour le PC. Mais il y a de si bons moments narratifs et un univers si enchanteur qu’on a parfois tendance à oublier ces errements d’un jeu imparfait et hésitant. Fort de l’écriture de ses deux personnages principaux, de sa mise en scène à la manière d’une BD et de ses inspirations qui font plaisir, Flint : Treasure of Oblivion a tout de la jolie petite surprise. À condition d’accepter ses soucis d’ergonomie et son système de combat peut-être trop dépendant de sa narration. Parce que malgré cela, le titre a tout du charmant petit jeu d’aventure pour accompagner la fin d’année.

  • Flint : Treasure of Oblivion est sorti le 17 décembre 2024 sur PC, PlayStation 5 et Xbox Series X|S
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Roman young adult sorti au début de l’année 2024, Noblesse oblige de Maïwenn Alix propose aux lecteur·ices de s’embarquer dans un récit uchronique où la monarchie française a survécu à la Révolution de 1789. Plus violente et vicieuse que jamais, la noblesse se réjouit de voir le petit peuple s’accrocher au rêve projeté par une émission de télé-réalité où des roturières apprennent à être de bonnes épouses, en vue de mariages arrangés avec des aristocrates en mal d’amour. À mi-chemin entre le roman d’espionnage et le thriller, Noblesse oblige est une belle surprise.

L’aristocratie en quête de popularité

Grinçant, le récit de Maïwenn Alix aborde toute l’ignominie d’une noblesse qui n’a rien perdu de sa violence morale au fil des siècles. Partant du postulat que la Révolution de 1789 a été un échec, l’autrice imagine ce que serait la monarchie à une époque contemporaine. On y apprend que Louis XXI règne désormais sur la France, qu’une purge a été menée pour écarter les opposants, et qu’un petit groupe d’abolitionnistes continue d’agir dans l’ombre en publiant régulièrement des pamphlets appelant à la fin de la monarchie. L’Europe, dans son ensemble, a suivi le même chemin, et il faut aller voir du côté de « l’Union orientale » et précisément en Turquie pour trouver une forme de liberté et de démocratie. Un monde lointain auquel aspire Gabrielle, l’héroïne du roman, ancienne bourgeoise qui a vu son père se faire confisquer son entreprise et sa fortune parce qu’il commençait à prendre trop de pouvoir en opposition à la monarchie. Jetée dans la famille des Kerdoncuff comme servante, la jeune femme a tout perdu et voue une haine pure à l’encontre de la noblesse. Un bon point de départ alors qu’elle observe, dépité, le spectacle d’un pays tenu en haleine devant Noblesse oblige, une émission de télé-réalité où des jeunes femmes soigneusement choisies pour leur « sang pur » sont jetées dans un jeu de séduction pour qu’une bande d’aristocrates puissent trouver leur femme. Évidemment, elle va être choisie pour y participer, et tout commence là.

Amatrice de piano, joueuse hors pair, elle s’illustre dès lors comme une femme extrêmement raffinée, attirant le regard du public et des aristocrates participant au jeu. Une dynamique malsaine s’installe et l’autrice en profite pour critiquer le comportement d’une monarchie qui est inévitablement tombée dans un spectacle navrant qui en appelle plus aux Kardashian qu’à une quelconque retenue. La vie royale est diffusée aux yeux de tous·tes, le palais de Versailles est théâtre des premiers amours et des trahisons, les jeunes femmes sont transformées en objets et les ducs viennent faire leur choix parmi elles pour trouver la bonne poule pondeuse afin d’assurer leur lignée. Absurde et satirique, le roman égratigne ce qu’était déjà une monarchie à l’époque, qui avait besoin du soutien populaire pour espérer survivre à la Révolution (ce qu’elle n’a finalement jamais obtenu), et qui, dans cette uchronie, devient son unique raison d’exister. On y voit un Roi consternant, qui manipule son entourage comme des pions pour s’assurer une bonne place dans les sondages de popularité, un héritier au trône mystérieux dont le rôle est central dans le cirque qu’est devenue l’aristocratie, et des jeunes femmes qui ne sont pas dupes mais qui voient là une chance de s’extirper d’une vie de misère. Le concept même de l’amour paraît bien loin de cette télé-réalité, tandis que Gabrielle, opposante convaincue à la monarchie, profite de son statut de favorite de l’émission pour accomplir ses missions d’espionnage pour le compte d’un réseau abolitionniste, avec un seul rêve : voir les têtes tomber.

Au bon temps des guillotines

L’héroïne, déterminée, combative et absolument captivante, est la meilleur réussite du roman. Elle participe à cette émission dans l’unique but de trouver de quoi faire tomber la monarchie, tentant d’aider un réseau révolutionnaire qui a vu en elle l’occasion de trouver des preuves de la mascarade, et l’autrice en fait un vrai symbole de puissance. Si elle n’est pas intouchable, elle incarne à elle seule la force d’un peuple qui rêve encore d’autre chose, qui n’a pas baissé les bras, et qui est prêt à prendre les armes pour faire tomber ses bourreaux. Son écriture est maline, même si Maïwenn Alix a tendance à se répéter quelque fois (son héroïne « déglutis » souvent), et prend le temps de caractériser quelques personnages attachants, comme le garde suisse Antoine qui protège l’héroïne au sein du palais, ou le duc de Léon qui est la source d’un mystère qui pourrait remettre en cause le pouvoir. C’est là que le roman prend une tournure plus axée sur le thriller, au-delà de l’espionnage, avec quelque chose d’assez sombre, incarnant la violence d’un pouvoir qui n’a rien perdu de sa cruauté derrière les faux-semblants d’un jeu télévisé plein de sourires et de couleurs. On sent rapidement que l’autrice veut nous emmener dans l’arrière-boutique où l’ambiance prend une tournure complètement différente de celle esquissée initialement, profitant de la télé-réalité comme d’une excuse pour gratter peu à peu les différentes couches d’un pouvoir devenu fou. Vices, violences, dynamiques autoritaires et abus, autant de joyeux moments incarnés par des hommes qui profitent allègrement de leur position de pouvoir. 

Et ces réflexions sur les manipulations de la monarchie fonctionnent, l’intrigue est bien structurée, l’aventure vécue par Gabrielle savoure son rythme et ne retombe jamais, mélangeant l’espionnage au thriller avec talent, d’autant que le livre ne dévoile ses véritables intentions que dans sa seconde partie. La fin manque peut-être d’un petit quelque chose, une pensée mieux amenée, ou un épilogue un peu mieux mené pour mettre un point définitif aux idées qui animaient Gabrielle tout au long de l’aventure. Néanmoins, et malgré cette légère critique, je dois bien avouer avoir passé un excellent moment avec Noblesse oblige, une lecture agréable qui même si elle surprend rarement, est capable de manier plusieurs genres avec brio tout en offrant un discours intéressant sur les dérives du pouvoir. On pourrait croire que l’uchronie n’est qu’un gimmick, et il est tout à fait vrai qu’une histoire similaire aurait pu être racontée dans n’importe quel contexte politique, mais Maïwenn Alix établit un lien pertinent entre quête de popularité télévisuelle et royauté, un pouvoir qui ne peut tenir traditionnellement qu’avec l’apathie d’un peuple qui ne se révolte pas. 

  • Noblesse oblige est disponible en librairie depuis le 8 février 2024. 
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L’univers des jeux Lego a toujours été un petit plaisir coupable pour ma part. Bien que n’ayant joué qu’à quelques opus de la licence, j’ai toujours apprécié ces jeux, avec un univers coloré, bourré d’humour et représentant à merveille aussi bien les Lego que la licence dont ils tirent leur inspiration. Forcément, lorsque j’ai vu, à mon plus grand étonnement, que l’univers du jeu Horizon allait être adapté à la sauce Lego, ma curiosité et mon intérêt n’ont fait qu’un tour. Mais est-il vraiment utile d’adapter toutes ces licences, et qui plus est, des licences déjà vidéoludiques ?

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un exemplaire par l’éditeur.

Poser sa brique à l’édifice

©2024 Sony Interactive Entertainment Europe. Horizon Adventures is a trademark of Sony Interactive Entertainment LLC. LEGO, the LEGO logo and the Minifigure are trademarks and/or copyrights of the LEGO Group. ©2024 The LEGO Group. Published by PlayStation Publishing LLC.

La licence Horizon, déjà connue de nombreux joueurs, a rencontré un certain succès et fait aujourd’hui partie du roster principal de Sony. Avec plus de dix jeux à leur actif, l’équipe de Guerrilla Games a su nous montrer tout le potentiel dont elle peut faire preuve. Et c’est en 2022 qu’ils décident, en collaboration avec le fabricant de briques, de sortir le Lego Tallneck (Grand-Cou), qui, je dois l’avouer, m’a bien fait baver à sa sortie. Imaginez un instant : construire vous-même l’une des créatures les plus mythiques de l’univers Horizon, mais à la sauce Lego. Le tout pour pas moins de 1200 pièces. Autant vous le dire, le fun est déjà assuré, et cela propose ainsi une belle pièce de collection, aussi bien pour les fans de briques que pour les joueurs. C’est après cette collaboration que Guerrilla Games et le studio Gobo proposent au fabricant danois l’idée d’adapter leur licence phare dans un jeu d’action-aventure à la sauce Lego.

Il est intéressant de voir les efforts qui ont été faits quant à la conception d’un tel jeu. Car oui, il ne faut pas oublier que la licence Horizon est assez complexe dans son ensemble. Entre tout le lore qui a mis deux jeux à être vraiment bien établi, des personnages complexes et un immense univers, autant vous le dire tout de suite, vous ne retrouverez pas toute la grandeur du jeu original dans cette aventure Lego. Mais je viens à penser que le jeu a été avant tout pensé pour les plus jeunes, là où les anciens opus s’amusaient aussi bien avec les petits qu’avec les grands. C’est, je pense, le défaut principal de ce Lego Horizon Adventures : tout est trop simplifié à l’extrême. Que ce soit l’histoire, qui, comme on peut s’en douter dans un jeu Lego, est très basique et surtout bourrée d’humour et de second degré, ou encore les phases de gameplay, qui sont loin d’être insurmontables. Celles-ci utilisent même une fonctionnalité de gameplay du jeu original, avec la perception des points faibles des ennemis, rendant l’ensemble assez facile, car en enchaînant les attaques, les monstres tombent vite.

Il y a quelques autres points qui m’ont chagriné lors de mon aventure, notamment deux en particulier : l’absence de monde « ouvert » (à la sauce Lego, évidemment) et le manque cruel de construction. Dans un premier temps, cette absence de monde ouvert a poussé à la création d’un hub principal, à partir duquel nous choisissons les niveaux dans lesquels nous souhaitons aller. Chaque niveau comporte entre 3 et 5 sous-niveaux à explorer, avec des balades dans les terres sauvages, les creusets et la course au Grand-Cou. La fidélité au jeu de base est bien présente et, évidemment, on y retrouve tous les gimmicks principaux d’Horizon. Mais sans monde ouvert et surtout, avec une répétition du game design qui devient lassante à la longue. Mais le pire, selon moi, étant que nous sommes face à un jeu Lego où la construction n’est pas une fonctionnalité principale du gameplay. Pire encore, elle est reléguée au second plan, avec un simple système de construction d’édifices qui ne fait que nous rapporter de la monnaie du jeu. Autrement dit, quelque chose dont on peut largement se passer. C’est vraiment dommage de ne pas avoir poussé ce système de jeu plus loin, surtout qu’il y aurait eu largement de quoi faire avec une telle licence, en construisant nous-même des robots par exemple.

De la brique réaliste

©2024 Sony Interactive Entertainment Europe. Horizon Adventures is a trademark of Sony Interactive Entertainment LLC. LEGO, the LEGO logo and the Minifigure are trademarks and/or copyrights of the LEGO Group. ©2024 The LEGO Group. Published by PlayStation Publishing LLC.

Malgré les quelques points négatifs mentionnés plus haut, il y en a un point positif en particulier qui mérite d’être souligné : la beauté du jeu. Tout est conçu pour pousser le réalisme des briques à son paroxysme. On ne se sent plus simplement dans un jeu reprenant l’esprit Lego, mais dans un véritable univers de briques où tout semble palpable. Cette attention aux détails offre une immersion remarquable au cœur des célèbres briques danoises, atteignant un niveau d’excellence qui rivalise avec les meilleurs films d’animation Lego. Cela est particulièrement frappant lors des cinématiques. Chaque élément est travaillé pour paraître réaliste, à tel point que, par moments, j’ai eu la sensation d’être devant un jeu en stop-motion. Les briques, les décors, les personnages, et même les ennemis semblent incroyablement tangibles. C’est, sans conteste, le point fort du jeu : une réalisation visuelle d’une grande beauté, qui impressionne à chaque instant.

Une brique après l’autre

Bien que le jeu finisse par susciter un peu de lassitude après un certain temps, heureusement, il ne demande qu’une dizaine d’heures pour en voir le bout. Retrouver l’univers d’Horizon était agréable dans l’ensemble, même si je pense que ce jeu s’adresse principalement aux plus jeunes. Les joueurs plus âgés pourraient peut-être ressentir un peu d’ennui au fil du temps. Cela dit, le mode multijoueur proposé par le jeu pourrait être un excellent moyen de partager l’aventure avec une personne plus jeune et de lui faire découvrir cet univers tout en s’amusant ensemble. N’ayant joué qu’en solo, je ne peux pas vraiment m’avancer sur cette option.

Lego Horizon Adventures reste avant tout une belle escapade dans l’univers fascinant d’Horizon, avec une aventure simple et sans grands défis, mais qui est un véritable plaisir à explorer grâce à sa beauté.

  • Lego Horizon Adventures est disponible depuis le 14 novembre 2024 sur PS5, Nintendo Switch et PC.
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La fin de l’année approche et après quelques mois d’été plus légers, la collection DC Infinite repart de plus belle avec quatre comics sortis ce mois de novembre. On y compte la fin de la série Dawn of Superman, et les suites des excellents Dawn of Green Lantern, Le Pingouin et Wonder Woman : Hors-la-loi qui avaient fait forte impression avec leurs premiers volumes. L’ensemble de ces comics sont sortis au cours du mois de novembre 2024.

Cette chronique a été écrite suite à l’envoi d’exemplaires par l’éditeur.

Dawn of Green Lantern – Tome 2, qu’est-ce que c’est, être un héros ?

© 2024 DC Comics / Urban Comics

On commence à bien connaître le concept des séries « Dawn of » chez DC sorties tout au long de l’année. C’est-à-dire un univers, plusieurs histoires qui s’y rattachent, et souvent un fil rouge commun. Pour le grand retour des Green Lanterns, on découvrait dans le premier tome une histoire de Jeremy Adams et dessinée par Xermánico mettant en scène Hal Jordan, l’un des Green Lantern les plus populaires, qui avait plus ou moins décidé de rester sur Terre, dans sa caravane au milieu de nulle part, cherchant une vie un peu plus paisible que ses multiples missions dans le cosmos. Mais les choses le rattrapèrent vite à cause de l’éternel Sinestro. Dans ce deuxième tome, il est toujours sur Terre, mais cette fois-ci physiquement bloqué par les Planètes unies (sorte de gouvernement cosmique qui remplace les anciens Gardiens bien connus de cet univers-là) qui ont décidé de placer la planète en quarantaine, pour une raison qui est encore obscure à Hal Jordan. Évidemment, cela cache une menace cosmique de premier ordre, et c’est une bonne excuse pour Jeremy Adams qui nous emmène dans un court arc très orienté blockbuster, avec son lot de batailles bien garnies sur fond de conspirations diverses et variées. Pas inintéressant, néanmoins assez inconséquent, le récit ressemble plutôt à un amuse-bouche avant de laisser place au second récit qui compose ce tome. Ce qui est plutôt étonnant sachant qu’il s’agit de la série principale outre Atlantique. 

Car l’essentiel est à chercher en réalité du côté de la deuxième histoire, titrée Green Lantern: War Journal, scénarisée par Phillip Kennedy Johnson et dessinée par Montos. Un récit dont on avait eu un très léger avant-goût dans le premier tome. On y rejoint John Stewart, autre Green Lantern de la planète Terres qui a lui aussi mis un terme à ses aventures héroïques. Pas seulement par lassitude, mais surtout parce qu’il souhaite prendre soin de sa mère gravement malade et en fin de vie. Autrefois une figure importante de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis, la vie de sa mère pousse John à se questionner sur le sens de l’héroïsme, et le sens de cette désignation de « héros » pour un gars comme lui qui a eu la chance d’obtenir des pouvoirs surnaturels, tandis que d’autres personnes comme sa mère ont lutté avec leurs armes, c’est-à-dire aucune. Une jolie histoire, très intime, qui n’échappe évidemment pas à une grande bataille face à une menace planétaire incarnée par la « reine des morts », néanmoins celle-ci n’est qu’un écho aux questionnements du héros, et on assiste à quelques jolies scènes entre le héros et sa mère qui permettent de recentrer l’action sur leur relation. Je m’interroge toutefois sur les ambitions et enjeux de Dawn of Green Lantern, qui semble vouloir s’éloigner des classiques aventures des Lanterns dans l’espace, mais qui ne peut entièrement couper ses personnages des univers lointains qui ont fait l’essentiel des enjeux de ces personnages depuis toujours. On se retrouve avec des récits un peu branlants, avec des intentions intéressantes, mais qui semblent manquer de certitudes sur leurs envies. Ce n’est clairement pas le meilleur de ce que Jeremy Adams et Phillip Kennedy Johnson ont pu écrire.

Dawn of Superman – Tome 3, dans l’esprit de Brainiac

© 2024 DC Comics / Urban Comics

Dernier tome de la série, on retrouve comme sur les précédents une série Superman de Joshua Williamson, et les Action Comics de Jason Aaron. Mais cette fois-ci, les deux récits ne visent qu’à orienter le comics vers un évènement intitulé House of Brainiac, un court crossover chapeauté par Williamson. Ainsi, dans la première histoire de ce tome, l’auteur renforce tout l’arc autour de la rédemption de Lex Luthor initiée maintenant il y a un bout de temps dans l’univers DC Infinite, l’éternel némésis de Superman ayant soudainement décidé de faire le bien autour de lui. Si les doutes sont toujours permis sur la sincérité de son action, l’auteur assure un peu plus de l’honnêteté de l’ancien grand méchant avec une histoire un peu gentillette autour d’un escadron venu tuer Lex, qui en profite pour prouver sa bonne foi. Pour le deuxième récit, c’est cette fois-ci un peu plus ambitieux, avec un Jason Aaron qui imagine une Metropolis contaminée par Bizarro, le fameux clone raté de Superman qui fait tout l’inverse de lui. Soudainement, la population se transforme en simili-bizarro, et tout le monde fait ce qu’ils et elles n’auraient jamais imaginé faire autrement : les pompiers mettent le feu, les flics libèrent les prisonniers, les journalistes brûlent des livres et les gens se haïssent plutôt que d’aimer leurs proches. Plutôt fun, ce récit joue sur la corde sensible de Superman et de son envie de voir l’humanité briller par ses sentiments.

Enfin, on en arrive à l’ultime récit, le fameux arc House of Brainiac que les deux premières histoires suggèrent ici et là avec quelques clins d’oeil au vilain Brainiac qui revient régulièrement dans les histoires liées à Superman. Superbement mise en dessin par Rafa Sandoval, cette histoire menée par Joshua Williamson s’amuse à ramener une invasion de soldats de Brainiac, allié aux Czarniens survivants, cette drôle d’espèce dont est originaire le « mec plus ultra » Lobo, drôle d’anti-héros de DC à mi-chemin entre un biker de l’espace et un fan de metal. Un peu fou, cet arc multiplie les clins d’oeil à l’univers de l’Homme d’Acier en allant chercher dans quelques uns des vilains qu’on n’avait pas vu depuis un bout de temps, et l’alliance de circonstance entre Superman et Lobo est plutôt drôle. Ça marche bien, c’est plutôt fun à lire, même si la narration manque beaucoup de subtilité et échoue à interroger les concepts propres à Superman, comme la solidarité ou l’entraide qu’il promeut habituellement au sein de sa ville. Au contraire, le récit est en un sens très individualiste, focalisant l’attention des lecteur·ices sur la relation de Superman à Lex Luthor.

Le Pingouin – Tome 2, oiseau pathétique

© 2024 DC Comics / Urban Comics

Dans le dernier tome de cette série en deux volumes, Tom King s’attarde plus longuement sur les origines du Pingouin et sur les évènements décisifs de sa vie semée d’embûches. De son enfance faite de violence que Cobblepot suggère dans quelques dialogues, à sa relation fracturée avec le monde du crime où il n’a longtemps été qu’un larbin pour Falcone, plus grand gangster de Gotham, en passant par son ascension fulgurante au sein du club La Banquise qui deviendra vite son terreau, il n’a jamais été un « vilain » comme les autres. Âme torturée, victime ou génie du crime, il est difficile de qualifier le Pingouin tel que l’imagine Tom King. Ce qui donne d’autant plus de force qu’on lui découvre une relation ambiguë à Batman, qui apparaît là comme un simple personnage secondaire, mais qui occupe une place prépondérante dans l’ascension du Pingouin sur l’échelle du crime à Gotham en le protégeant à mesure que celui-ci lui livre des informations sur les criminels à arrêter. Ce n’est évidemment pas innocent puisque King en a fait sa marque de fabrique de l’analyse des personnages emblématiques de DC par cette dualité entre le bien et le mal, et le sens de l’héroïsme qu’ils incarnent habituellement. Il y a d’abord un Pingouin qui n’entre pas dans toutes les cases du méchant tel qu’on l’imagine, tandis que Batman apparaît sous un jour très pragmatique, capable de collaborer avec un criminel en devenir pour faciliter sa tâche dans son combat contre les autres.  

Visuellement somptueux grâce aux dessins de Rafael de Latorre, Le Pingouin est un véritable récit de gangsters, au sens de ce que l’on voyait à l’époque de Un long Halloween. Le genre qui remet au centre des débats la pègre de Gotham, plus effrayante que n’importe quel sur-humain qui attaque régulièrement la ville. Et sous la plume de King, l’oiseau fascine par une vie incarnée par le drame, personnage pathétique qui inspire autant le rire que la crainte. C’est exactement ce que l’on attend d’un comics qui s’attarde sur un tel personnage, qui ne se contente pas de nous raconter une histoire de « méchant de la semaine » et qui va, au contraire, s’intéresser au sens des choses, ce qui le pousse à agir de la sorte, sans l’exonérer des crimes qu’il commet de sang-froid tout au long de l’action. La narration est maîtrisée, sans temps mort, et montre que Tom King est plus que jamais l’un des meilleurs auteurs de comics de sa génération.

Wonder Woman : Hors-la-loi – Tome 2, justice désavouée

© 2024 DC Comics / Urban Comics

Le tome précédent avait été une excellente surprise. Toujours écrit par Tom King, décidément toujours aussi prolifique, Wonder Woman : Hors-la-loi s’imposait dès son premier tome comme l’une des meilleures histoires écrites sur Wonder Woman ces dernières années. En s’appropriant le mythe de l’Amazone, et en la confrontant aux maux de notre époque avec un regain de puissance du patriarcat au niveau institutionnel et le phénomène masculiniste, l’auteur mettait Wonder Woman dans la peau d’une résistante. Pourchassée par le Souverain, un homme qui manipule la politique américaine dans l’ombre, et qui a réussi à lui imputer la responsabilité d’un meurtre sauvage qui aurait été motivé par une « haine » des hommes. Le premier tome terminait sur la capture de Wonder Woman par le Souverain, emprisonnée et attachée par les liens d’un lasso semblable au sien. On la retrouve dans ce début de second tome captive, avec un Souverain qui tente d’aliéner son esprit en lui répétant des textes religieux censés prouver la supériorité masculine sur les femmes. La mise en scène de Daniel Sampere tire pleinement partie de l’écriture ciselée de King, on y voit une Wonder Woman désemparée, qui va vite tenter de reprendre l’ascendant à la fois physique et moral sur son ennemi, en combattant à la fois l’homme et ses idées.

Le sujet est délicat, plus encore traité par un homme qui regarde ces questions de loin, néanmoins on y trouve une vraie sensibilité dans sa manière de l’aborder. Il le fait dans l’esprit de Wonder Woman, captive, qui parvient à résister aux humiliations et aux sévices du Souverain en se réfugiant dans une sorte de temple mental, où elle interroge sa détermination, sa quête et sa relation à son amour de toujours, Steve Trevor -par extension aux hommes. Au lieu de tomber dans le cliché, Tom King se sert des thèmes du sexisme et du patriarcat pour faire briller Wonder Woman, icône d’une lutte intemporelle, incarnant plus que jamais la justice et les valeurs morales qui lui vont si bien. Un récit dans l’ère du temps qui rend honneur à une longue tradition politique côté comics, où Wonder Woman a toujours incarné la défense des droits des femmes, des valeurs de liberté et de progressisme qui ne cèdent jamais face à des idées rétrogrades. 

  • Les comics de la collection DC Infinite sont disponibles en librairie aux éditions Urban Comics.
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Cinquième opus de la franchise des SaGa, Romancing SaGa 2 était en 1993 un vrai bon succès, meilleure vente des trois Romancing SaGa au Japon, mais il n’a jamais à l’époque profité d’une sortie en occident. Il a fallu attendre vingt quatre ans plus tard et une timide sortie sur les stores des différentes consoles de la génération dernière pour voir débarquer un portage. Plutôt aride et austère, le jeu accusait le poids des années, et c’est dans ces conditions que Square Enix revient avec, cette fois, non pas un simple portage, mais un remake du jeu sous le titre Romancing SaGa 2: Revenge of the Seven, sorti fin octobre 2024 sur PC, PS4, PS5 et Switch.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un code du jeu par l’éditeur.

Succession et népotisme

© SQUARE ENIX

Le monde de Romancing SaGa 2 est au bord du précipice. Vénérant autrefois des guerriers appelés les Sept Héros, le peuple voit ses légendes se retourner contre l’Humanité à leur réapparition. Conformément à la légende, les sept ont fait leur retour, mais on découvre que le mythe ne disait pas tout : en réalité, iels avaient été banni·es dans une autre dimension à une époque où l’on craignait leur toute puissance. Désormais corrompu·es par l’exil, leur vengeance sera terrible, et c’est là qu’entre en scène l’empereur d’Avalon. La bourgade du nord profite de la bienveillance de son empereur, déterminé à repousser les monstres envoyés par les héros, et ça tourne vite au vinaigre : l’empereur est tué, place au suivant. C’est les prémices d’un jeu qui nous fait rapidement comprendre qu’il ne faudra pas trop s’attacher à l’empereur, c’est-à-dire le personnage principal, puisque celui-ci peut mourir définitivement et sera remplacé régulièrement. Soit par des ellipses dans l’histoire, soit par une mort dans un malencontreux combat. Au rythme des successions impériales et du renouveau apporté par les nouveaux empereurs au fil des années, on explore une histoire non-linéaire dont l’avancée dépend essentiellement des quêtes accomplies et des choix qui sont faits au cours de celles-ci. Par exemple faire le choix d’aider ou non une ville, un peuple, réussir une quête à une époque précise, ou au contraire l’ignorer. Ces choix, conscients ou non, ouvrent de nouvelles zones de jeu sur la carte du monde et permettent d’avancer plus ou moins rapidement dans une histoire qui repose sur un fil rouge assez simple, celui de vaincre les Sept Héros. Mais l’ordre dans lequel on les affronte est très variable selon nos choix, tandis que leur puissance peut grandement varier selon l’état d’avancée de la partie.

C’est pour cette raison que le jeu offre une structure assez libre, permettant de traverser les ères et développer le royaume d’Avalon en dépensant des crédits difficilement acquis pour construire  et améliorer certains bâtiments. De quoi pouvoir forger des armes plus puissantes, découvrir des sorts, de nouvelles classes et autres joyeusetés qui permettent de se faciliter (ou non) l’expérience. La succession entre deux empereurs est assez limpide : l’empereur décédé, ou qui a abdiqué (un choix que l’on peut faire à tout instant), transmet l’ensemble de ses compétences et de son expérience au suivant. Cela permet évidemment de ne pas recommencer à zéro à chaque fois, mais surtout d’inciter les joueurs et les joueuses à expérimenter et à parfois abdiquer, ou laisser mourir son empereur, pour progresser. Car le ou la successeur·e pourra, en plus de détenir l’ensemble des compétences, en apprendre de nouvelles et augmenter considérablement sa puissance. Si le système d’héritage fait illusion dans les premières heures, avec une ville qui se développe à vue d’oeil et des empereurs qui gagnent considérablement en puissance, on s’aperçoit vite que les changements d’ère (une centaine d’années à chaque fois) relèvent vite du gimmick ; il ne faut pas s’attendre à des révolutions visuelles sur l’architecture, les moyens de combat et la technologie à disposition puisque l’on reste dans le médiéval-fantastique jusqu’au bout. Une chose est sûre, le peuple est docile, et le pouvoir de l’empereur n’est jamais remis en cause, pas même une dizaine de générations plus tard et une incapacité à se défaire des monstres qui pullulent encore.

© SQUARE ENIX

Malheureusement, il s’agit de l’un des éléments qui empêchent le jeu de tenir la distance, puisqu’avec une histoire très classique et une mise en scène peu engageante, des protagonistes aux caractères peu affirmés car leur rôle n’est que fonctionnel et sont tous et toutes destinées à mourir rapidement, et un monde très statique, il y a quelque chose de très limité dans un jeu que le remake ne parvient pas à améliorer. Pourtant pas si long pour le genre (une trentaine d’heures environ), le titre tourne vite en rond à cause d’un système qui n’est pas à la hauteur de ses promesses. L’idée d’un « scénario libre » et d’un monde qui évolue au gré des intronisations est terriblement séduisante, d’autant plus que cette promesse est tenue avec une histoire qui évolue réellement à notre rythme. Néanmoins, il y a la désagréable sensation de voir évoluer devant nous une coquille vide, quelque chose d’assez peu consistant malgré les folles promesses. On sent vite que le titre a été imaginé au début des années 1990, à une époque où cette histoire non-linéaire était certainement impressionnante, mais le remake oublie que le jeu vidéo a connu beaucoup de choses depuis. Aujourd’hui, le titre a assez mal vieilli, manquant d’une écriture plus travaillée, de surprises plus nombreuses, et surtout d’un renouvellement de la boucle de gameplay qui montre bien trop vite ses limites.

Remake sans réinvention

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Reposant essentiellement sur l’exploration rapide de petites bourgades et de donjons très linéaires, le système offre des combats au tour par tour qui sent bon les J-RPG old school. Et ce n’est pas une critique, puisqu’il est toujours bon de retrouver ce type de système à notre époque qui a largement laissé la place aux systèmes plus orientés vers l’action. Le tour par tour de Romancing SaGa 2 a toutefois un petit twist. Au-delà de la chronologie affichée en haut de l’écran qui permet de savoir exactement le timing d’attaque de chaque personnage et d’ennemi, les combats reposent sur un système de « formations » qu’il convient d’apprendre à maîtriser pour s’en sortir. Ces formations, qui permettent de déterminer la place de chaque personnage sur la grille qui sert d’aire de combat, jouent un rôle passif dans la résistance et le comportement des personnages. Par exemple, un héros en première ligne va attirer l’essentiel des coups des ennemis, il est donc préférable d’y mettre une classe de personnage plutôt orientée « tank » qui encaisse les coups. Inversement, un personnage en fond de ligne est rarement visé, et les archers y gagnent un bonus d’attaque à distance. Enfin, les personnages au milieu d’une formation peuvent bénéficier d’un bonus de résistance aux attaques. Ces différents éléments s’associent à une trentaine de classes de personnages à débloquer, soit via des quêtes optionnelles soit avec la progression de l’histoire principale. Manque de bol, certaines classes sont cachées derrière des quêtes qui peuvent être manquées (une notamment, aux conditions un peu particulières), obligeant pour les complétionnistes à recommencer le jeu afin de tout débloquer. C’est un moyen, pour le studio, de dire qu’une seule partie ne suffit pas : le jeu offre suffisamment d’embranchements pour justifier une deuxième partie. Dans les faits, le système de combat est assez facile à prendre en main, on reste sur du tour par tour classique, mais qui en plus du système de formations, repose sur une progression atypique. Un peu à la manière d’un Final Fantasy 2 ou d’un Secret of Mana, le gain d’expérience des personnages dépend de l’utilisation qu’on en fait. Par exemple, attaquer avec un arc permet de gagner de l’expérience dans la maîtrise de ce type d’arme, de la même manière, un mage qui utilise une boule de feu va gagner de l’expérience dans les sorts de feu. 

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Ainsi, les personnages et les classes qui leur sont rattachées sont façonnés par la manière dont on les utilise. De la même manière, les nouvelles compétences sont apprises grâce à un système de « lueur d’inspiration » (les « Glimmers ») qui se déclenchent de manière aléatoire après une attaque, un moment où le personnage apprend soudainement une nouvelle compétence. Celles-ci apparaissent selon le niveau du personnage et la liste des compétences qu’il reste à apprendre sur sa classe. Si les personnages n’ont pas vraiment de personnalité, s’agissant d’héritiers et de descendants qui récupèrent les statistiques et la progression de leurs ancêtres, chacun est lié à une classe qu’il convient de faire progresser si on veut avoir une équipe à disposition suffisamment adaptée aux situations qui se présentent à nous. Tous et toutes peuvent mourir définitivement, une fois leurs « PC » tombés à zéro (une dizaine de points qui symbolise le nombre de fois où les personnages tombent au combat). Mais c’est assez anecdotique, car on peut rapidement récupérer leurs descendants. Et comme on va rencontrer rapidement des boss et mini-boss assez ardus qui présentent des résistances spécifiques à la magie, aux armes à distance, ou même aux épées, il ne faut pas hésiter à expérimenter quitte à se mettre en danger, pour pouvoir avoir un éventail suffisamment large de classes à utiliser pour changer et adapter son équipe à tout moment. Quant à la difficulté elle-même, elle peut être choisie selon trois modes, de facile à difficile, ce dernier étant celle du jeu original. Il faut toutefois veiller à un autre élément, assez mal expliqué en jeu, mais dont on finit par s’apercevoir : faire tous les combats contre les monstres de bas niveau est la pire des idées. Il y a en effet un compteur de rencontres avec les monstres, chaque combat déclenché (qu’il soit gagné, perdu ou qu’on ai choisi la fuite) augmente ce compteur et… augmente la résistance des ennemis. Plus on passe de temps en combat, plus les ennemis seront puissants à l’avenir. Il est indispensable de trouver un bon équilibre entre améliorer le niveau des personnages et leurs affinités à certains sorts et armes, et limiter le nombre d’oppositions. Petite astuce : éviter tous les combats en contournant les ennemis sauf quand ceux-ci sont absolument nécessaires (monstre qui protège un coffre ou une porte, par exemple). 

Peut-être que je n’étais pas la bonne cible pour Romancing SaGa 2, un jeu qui a indubitablement son public au regard des fans qui l’ont célébré et qui le célèbrent encore aujourd’hui, mais qui à mon sens peine beaucoup à affirmer ses qualités à notre époque. S’il y a de jolies choses visuellement dans un remake entièrement en 3D très colorée, et une bande-originale réorchestrée qui a ses bons moments, son système de progression atypique et ses « successions » m’ont parue assez proches du simple gimmick. C’est ce qui lui permet de se différencier des nombreux J-RPG du début des années 1990, mais cela n’apporte finalement que peu de choses à un jeu à qui il manque ce petit truc en plus qui donnerait envie d’aller jusqu’au bout de l’aventure. L’écriture manque d’entrain, la faute à des personnages sans caractère, et les combats semblent vite répétitifs avec un système qui ne présente véritablement toute son étendue que lors des combats contre les boss principaux, c’est-à-dire les Sept Héros. Pour le reste, on navigue dans des donjons peu inspirés afin d’accomplir des quêtes à la narration limitée, en espérant que cela permettra de déclencher tôt ou tard l’apparition prochaine de l’un des antagonistes. Dans une année très concurrentielle sur le secteur des J-RPG, celui-ci sonne un peu creux.

  • Romancing SaGa 2: Revenge of the Seven est sorti le 24 octobre 2024 sur PC, PlayStation 4, PlayStation 5 et Nintendo Switch.
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Life is Strange n’est plus une série de jeu à présenter. Avec ses cinq jeux au compteur lorsque j’écris ces lignes, la série continue à trouver son publique depuis bientôt 10 ans. Cependant, les fans de la première heure ont une attache toute particulière envers deux personnages, à savoir Maxine Caulfield et Chloé Price, les héroïnes du premier jeu. En se replongeant rapidement dans le lore de cette saga, elle met en avant des personnages ayant des dons, des capacités spéciales qui leurs permettent de s’aider soi même, et surtout, d’aider autrui à échapper à un destin, souvent, funeste. Par exemple, Maxine peut voyager dans le temps, afin d’éviter aux problèmes d’arriver.

Ayant ce postulat en tête, Life is Strange Double Exposure (que je vais renommer LiS DE tout le long de cette chronique, pour des raisons évidentes) se déroule dix ans après les évènements du premier LiS. Nous retrouvons Max, devenu professeure de photographie, dans une université américaine, après avoir bourlinguée pendant plusieurs années. Elle pensait que son passé était derrière elle, se permettant ainsi de s’attacher de nouveau, cependant, Safi son amie et professeure dans la même université qu’elle, est retrouvée sans vie. Suite à cet évènement tragique, les pouvoirs de Max reviennent, mais pas exactement comme nous les avions dans le premier opus. Cette fois, il n’est plus question de revenir dans le temps, mais bel et bien de passer d’un monde parallèle à un autre. Par ailleurs c’est en se retrouvant dans cet autre monde, qu’elle se rend compte que son amie n’est pas décédée.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un exemplaire par l’éditeur.

Une double dose

Life is Strange: Double Exposure © 2024 Square Enix Ltd. Developed by Deck Nine Games. All Rights Reserved.

Life is Strange est connu pour son côté « film interactif », bien que je déteste ce terme pour ce genre de jeu, force est de constater que le gameplay n’est clairement pas la priorité. Mais c’est bel est bien l’histoire qui est mis en avant dans cette saga de jeu, proposant ainsi des récits plus touchants les uns que les autres. Avec des thèmes abordés qui ont souvent un lien avec le monde réel actuel. Mettant ainsi en lumière, et trop peu représenté dans le monde vidéoludique, plusieurs communautés différentes. Mais à une différence près, la façon de faire de la saga LiS, est ultra respectueuse, plus encore, cela sert le récit et mieux, tout est fait pour que ce soit naturel. De fait, est ayant un tel postulat de départ, Life is Strange est vraiment le genre de jeu qui est plaisant à parcourir, tant que les histoires qui nous sont contées, sont originales et n’ayant pas une sensation de « déjà-vu ».

C’est ici que ça commence à coincer avec ce LiS DE. Car le choix qui avait été fait de continuer à sortir des jeux sous la même licence, mais en mettant en avant d’autres personnages principaux, et donc d’autres histoires, d’autres problématiques et d’autres traumas à régler, Double Exposure prend le choix de remettre en avant un personnage très apprécié des joueurs·euses, à savoir Max Caulfield. Seulement son histoire était réglé à la fin du premier opus. Certes il était possible de créer de nouvelles histoires pour ce personnage, mais le choix narratif qui a été fait pour LiS DE est assez discutable. Remettant en avant les mêmes choix moraux et les mêmes problématiques que pour le premier jeu. Cependant force est de constater que Deck Nine a été suffisamment intelligent dans son écriture, pour montrer que son personnage principal à évolué, changé et surtout apprit de ses erreurs. Mais je ne peux me contenter de ça…

Malheureusement, j’ai eu un sentiment de réchauffé une bonne partie de l’aventure. Fort heureusement cela change dans le dernier quart du jeu, proposant ainsi une nouvelle vision des choses, qui n’avait pas été abordé dans le premier opus. Mais force est de constater que je n’ai pas été autant touché qu’à l’époque. Les choix, que la saga de jeu nous a habitué à avoir, et étant la pierre angulaire du gameplay, agissant ainsi sur notre récit, semble être moins importants et impactant pour le récit en lui-même. Ce qui est assez dommageable lorsque l’on sait, ce que ce genre de jeu peut apporter scénaristiquement parlant. Je pense que cela est surtout dût à un manque de thème « fort ». Le genre de thème que l’on prend plaisir à se prendre en pleine face, car cela réveille quelque chose en nous, nous parle, nous touche. Peut-être suis-je simplement passé à côté, ou le fait d’avoir vieilli et connu d’autres choses, d’autres difficultés dans la vie, ont fait que ce Life is Strange Double Exposure me parle moins.

Quand la musique est bonne

Life is Strange: Double Exposure © 2024 Square Enix Ltd. Developed by Deck Nine Games. All Rights Reserved.

C’est très habituel pour cet saga de jeu, et ce dernier opus ne fait pas exception à la règle, la bande originale est absolument incroyable et choisi avec goût. Alors certes c’est un point de vue très subjectif, mais c’est le genre de chanson qui passe tellement bien dans cet esprit chill que procure le jeu. Toutes les chansons ont été choisi avec soin et évidemment collant parfaitement à l’ambiance des scènes. Parfois même, les paroles en disent beaucoup aussi sur les pensées et choix moraux des personnages. Je suis d’ailleurs entrain de l’écouter en écrivant ces quelques lignes et l’ambiance dans laquelle je suis, me replonge irrémédiablement dans les scènes du jeu. Mais si je devais en retenir qu’une, c’est étonnement celle qui a été choisi pour ouvrir le jeu, et est présente également dans le menu, à savoir Someone was listening de Dodie. Je ne saurais vraiment pas dire pourquoi mais cette musique me transporte. Entre sa basse en continue, le chant claire, la belle envolée à la fin du morceau… Bref, j’ai été particulièrement sensible aux choix des morceaux, et je pense que cet bande originale sera amenée à être écouté régulièrement.

Qu’attendre de Life is Strange maintenant ?

Comme vous l’avez sans doute senti au cours de votre lecture, Life is Strange Double Exposure a été pour moi une expérience en demi-teinte. Nous retrouvons en soit toute l’essence du premier LiS, avec ces choix importants à faire, une enquête qui découlera plus sur une découverte de soit et de ce que l’on a à apprendre de la vie. Une bande originale à tomber, un style esthétique très doux collant parfaitement à cette ambiance chill de la série. Mais il manque un je ne sais quoi supplémentaire pour réellement me toucher. Peut-être que le goût du déjà-vu à perturber mon appréciation globale, ou alors je suis passé à côté par un manque d’enjeu suffisamment personnel pour être touché ?

Toujours est-il que ce nouvel arc qui s’ouvre avec Double Exposure, car oui, spoiler qui n’a rien de très étonnant, il y aura une suite avec Max, peut avoir du potentiel en fonction de ce qu’ils en font. Pourquoi pas un éventuel retour à Arcadia Bay ? Et tout un tas d’autres théorie qu’il serait possible d’établir au vu maintenant des pouvoirs existants dans le lore de Life is Strange, je prendrais d’ailleurs un certain plaisir d’en parler avec vous, alors n’hésitez pas à m’en parler ! En bref, même si je ressors de ma nouvelle aventure avec Max, un peu déçu de ne pas avoir ressenti ce petit truc en plus, cela m’a fait tout de même plaisir de poursuivre ses aventures, et voir ce personnage que j’ai tant apprécié plus jeune, grandir avec son public.

  • Life is Strange Double Exposure est disponible depuis le 29 octobre 2024 sur PS5, Nintendo Switch, Xbox Series et PC.
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En 2018, le premier jeu vidéo indépendant d’un petit studio espagnol marquait les esprits : Gris, de Nomada Studio. Fondé par deux développeurs de jeux vidéo – Roger Mendoza et Adrian Cuevas – et un artiste visuel – Conrad Roset, le studio se démarquait avec un jeu particulièrement beau, avec une direction artistique de toute beauté à l’aquarelle et son intrigue autour de la résilience d’une jeune femme. Six ans plus tard, le deuxième jeu du studio se dévoile : Neva.

Le titre est attendu avec autant d’impatience que d’appréhension : est-ce possible de recréer le miracle artistique de Gris ? Si ce dernier a particulièrement brillé sur la scène indépendante, c’est parce qu’il propose un univers unique, témoignant du côté artistique des jeux vidéo. Il offre des couleurs et des tonalités à l’aquarelle, des formes géométriques aussi harmonieuses qu’oniriques. Mais aussi parce qu’il ose présenter au joueur et à la joueuse une histoire abstraite, sans dialogue, laissée libre cours à l’interprétation, suivant la narration des niveaux, l’évolution du personnage, des couleurs et de la musique. C’est ce qui a permis à Gris, outre sa patte graphique unique, d’être une telle expérience vidéoludique, y compris pour des non-joueurs et non-joueuses. L’atmosphère est sereine et non punitive, avec l’absence de mort potentielle de l’héroïne. Autant dire que Neva est donc attendu avec impatience en tant qu’œuvre, mais qu’il est également difficile de passer après Gris.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’une clé numérique par l’éditeur, jouée sur Xbox Series S.

Princesse des louves

La jeune femme Alba étreint Neva, encore louveteau, sous un saule pleureur.

© Neva, Nomada Studio, 2024

Neva s’ouvre sur une scène paisible en été. Une jeune femme aux cheveux blancs, Alba, est avec une grande louve blanche et son petit, dans une nature idyllique. Le ciel d’aube est d’un rose doux, se détachant au-dessus de lointaines montagnes. Les arbres sont florissants, les champs verts et emplis de diverses fleurs en pleine éclosion. L’endroit a des petites allures de paradis dont Alba – dont le prénom signifie « blanc » comme celui de la neige – et ses louves seraient les gardiennes.

Mais bientôt, l’euphorie du moment s’assombrit. Des oiseaux commencent à tomber du ciel, noircissant durant leur chute et se révélant ensuite parasités par une végétation noire. Et brutalement, d’autres ombres apparaissent, des sortes de créatures aux minuscules bras, mouvant, flottant, s’enroulant autour des trois personnages. Alba est très vite éjectée de la bataille, inconsciente. Quand elle se réveille, c’est toute la végétation qui est corrompue par la noirceur, et surtout, la grande louve aux bois de cerf gît, inerte. Il ne reste plus que son louveteau, Neva (« Neige ») qui se blottit avec peur dans les bras d’Alba. Qui se cache contre elle, sa nouvelle mère, partageant sa tristesse d’avoir perdu un être cher.

Une quête va alors commencer pour les deux protagonistes : Alba et Neva vont apprendre à se connaître, Neva grandissant peu à peu, et surtout parcourir la nature qui les entoure pour venir à bout du mal qui s’en est emparé, entre énigmes, exploration et combats. La jeune femme dispose en effet d’une épée pour se défendre face aux créatures d’ombre et d’autres boss. Et si, au début, elle doit apprendre à Neva comment explorer, bondir, l’encourager, ce sera bientôt la petite louve qui la secondera dans les batailles à venir.

Une architecture naturelle des niveaux

Neva et Alba parcourent la forêt, rencontrant des cigognes japonaises.

© Neva, Nomada Studio, 2024

Il est difficile de commencer le jeu sans être sensible à ses graphismes en 2D. La patte de Conrad Roset est immédiatement perceptible . On reconnaît son pinceau, son type d’aquarelle, la même fluidité de couleurs que dans Gris, la même capacité à créer toute une atmosphère par des nuances de teintes, tout en restant léger, presque vaporeux. Et pourtant, ce n’est pas un succédané du premier jeu du studio. L’univers de Neva est bien différent, se caractérisant davantage par l’absence de lignes clairement marquées dans les décors, délaissant le côté onirique pour mieux exprimer l’harmonie avec la nature et créer un monde vivant, palpable, presque organique. On y ressent un petit côté impressionniste, surtout dans l’esquisse des fleurs et des feuilles, détaillés comme des petits coups de pinceaux précis. L’artiste cite ainsi notamment le peintre français Monet pour son influence du jeu, mais également Princesse Mononoké de Hayao Miyazaki.

L’héritage du film de Ghibli sur Neva est en effet évident. On pouvait déjà retrouver dans Gris des petits esprits sylvains faisant penser aux kodomas du film. Dans ce second jeu, le design des ennemis fait surtout penser à la créature Sans-Visage du Voyage de Chihiro (une sorte de grande ombre sur petites pattes, vêtue d’un masque blanc inexpressif). Cela évoque tout autant la pourriture qui corrompt et possède les animaux de la forêt dans Princesse Mononoké, suite à l’industrialisation et la pollution des hommes. Évidemment, il y a aussi le personnage de la louve qui rappelle les loups géants du film, ceux-ci étant les gardiens de la forêt, doués de parole et étant capables de repousser la corruption parsemant la forêt. Il s’agit néanmoins d’une affiliation directement nommée et reconnue par Nomada Studio.

Gris est une œuvre qu’on sent imprégnée peut-être plus par l’art que par le gameplay. Dans Neva, c’est chose réparée. On trouve non seulement des énigmes, mais aussi de nombreux combats que le joueur peut choisir d’affronter, ou bien d’atténuer au maximum, grâce à un mode histoire qui rend Alba invincible et aide lors des phases délicates de plateforme. Esquive, saut, coup d’épée, aide de Neva à partir d’un certain moment : si les capacités d’Alba sont sommaires, elles sont néanmoins finement exécutées et apportent un vent de fraîcheur tout au long du jeu. Ce dernier ne cesse en effet de se renouveler : Alba en elle-même n’évolue guère en termes de gameplay, mais ce sont les niveaux qui vont proposer de nouvelles idées pour ne pas lasser la joueuse et le joueur. Les plateformes, loin d’exiger seulement des sauts, vont se complexifier. Un niveau où il faut sauter et combattre en prenant en compte son reflet, ce dernier faisant apparaître des choses invisibles dans la réalité ; utiliser un ennemi comme ressort vers d’autres plateformes ; utiliser des mécanismes parfois minutés pour changer les architectures de niveaux et atteindre des endroits inaccessibles…

Le gameplay du jeu se renouvelle suffisamment et propose de nouvelles choses, sans lasser durant les 4-5h qu’il vous faut pour conclure l’aventure. Même les combats évoluent peu à peu, les ennemis pouvant parfois utiliser des blocs de pierre, être sur plusieurs fronts, ou Alba peut aussi se servir d’éléments particuliers du décor pour mener un duel à bien. Cela nécessite toutefois de la précision et de savoir agir au bon moment, sans paniquer ni se précipiter, au risque de détruire les trois fleurs d’Alba, qui sont ses barres de vie. Un art du détail qui montre aussi bien la maîtrise du jeu que l’expérience acquise par le studio, afin de proposer un gameplay plus abouti et plus réfléchi encore que dans leur premier jeu.

La transmission et l’attachement dans un monde en conflit

Le monde d’Alba est en proie à une noirceur qui menace de tout détruire, allant jusqu’à posséder et tuer les autres animaux que nous croisons : sangliers, oiseaux, cerfs… Cela va jusqu’à annihiler les gardiens de la nature que sont les loups du jeu, dont les cornes rappellent ceux des wendigos. Ceux-ci sont certes des créatures horrifiques, mais ils sont aussi parfois considérés comme protecteurs de la forêt. Qu’est exactement cette noirceur ? Qui sont ces étranges êtres d’encre noire, aussi onduleux dans leur mouvement que voraces dans leur appétit ? On ne peut que faire des suppositions ; à l’instar de Gris, Nomada Studio nous laisse totalement interpréter les choses, même si les créateurs ont bien eu l’idée d’axes directeurs dans leur jeu :

« Neva is a love song dedicated to our children, our parents, and our planet. It tells the moving tale of a young woman and her lifelong bond with a magnificent wolf as they embark on a thrilling adventure through a rapidly dying world.

After finishing our previous game, Gris, we enjoyed a long period of tranquility and reflection. Our creative director, Conrad Roset, had just welcomed his son into the world and dedicated all of his time to raising him.

During this time, we began to really digest what was happening in the world around us. Climate change, social unrest, and most recently, the COVID-19 pandemic. All of this created an idea for the setting of Neva. We decided to focus our efforts on creating a game about the relationship we have with our children, and how we emotionally relate to them in often complicated contexts. » (Introduction issue du PDF fourni avec le code du jeu)

 

« Neva est un chant d’amour dédié à nos enfants, nos parents et notre planète. Il relate l’histoire émouvante d’une jeune femme, de son lien de longue date avec un magnifique loup, alors qu’ils embarquent dans une aventure risquée dans un monde en train de mourir.

Après avoir fini Gris, notre précédent jeu, nous avons profité d’une longue période de tranquillité et de réflexion. Notre directeur artistique, Conrad Roset, a eu son premier enfant, et a profité de ce moment pour l’élever.

Durant cette période, nous avons commencé à réellement digérer ce qui arrivait autour de nous dans le monde. Le changement climatique, l’intranquillité sociale, et plus récemment, la pandémie Covid-19. Tout cela a donné les fondations de Neva. Nous avons décidé de concentrer nos efforts sur la création d’un jeu qui parlerait des relations que nous avons avec nos enfants, et de comment nous nous connectons à eux dans ces temps complexes. »

Bien que l’histoire de Neva soit entièrement fictionnelle et même empreinte de fantasy, elle est donc une métaphore d’un état d’esprit de Nomada Studio, mais aussi du monde actuel. Il n’est alors pas impossible de voir la pourriture qui envahit le jeu comme une image de la pollution du monde (ce qui serait aussi une référence à Princesse Mononoké), comme une maladie revenant par cycles, ou encore comme un symbole de l’avidité humaine. Ne voit-on pas les étranges créatures noires tout dévorer sans distinction ? Ou pourtant, parfois, être immobilisées dans des attitudes de prière et d’imploration, soumises elles aussi à une force plus puissante ? A chacun.e de comprendre cela comme iel le souhaite.

Un paysage rouge et cauchemardesque où les monstres du jeu sont représentées par de longues mains.

© Neva, Nomada Studio, 2024

Si Neva est aussi un jeu extrêmement touchant, c’est par ce lien particulier de parentalité qui a nourri sa genèse. Alba s’occupe de Neva alors qu’elle n’est encore qu’un louveteau. Dans les premiers niveaux du jeu (la partie Été), Alba peut ainsi la cajoler, la rassurer, mais l’encourage aussi à avancer, à sauter, la défend contre les ennemis. Quand elle la perd de vue, elle peut l’appeler (ce sera le seul dialogue du jeu) d’un ton qui devient inquiet ou pressant, avant de s’apaiser quand elle la retrouve. Ces différentes intonations – peur, affection, amusement – transmettent toute la tendresse de la relation qui les unit. Puis Neva grandit peu à peu, devenant plus indépendante, plus rapide, s’affirmant et défendant sa mère adoptive. On y perçoit clairement le lien qui se tisse quand on s’occupe de quelqu’un, de l’aider à grandir, à s’affirmer, à s’adapter, que cela soit un enfant ou un animal de compagnie. Une parentalité qui, ensuite, nous revient quand Neva vient défendre Alba ; une parentalité qui doit aussi accepter de la laisser vivre sa vie et prendre ses propres décisions. Ce n’est pas un hasard si le jeu est divisé en chapitres illustrant chaque saison, permettant de voir l’évolution de Neva et son apprentissage du monde. Il illustre aussi le cycle des saisons et de la vie.

Un jeu de toute beauté

Neva est-il aussi touchant que Gris ? Son message est différent. Il touche peut-être moins intimement que Gris, qui évoquait le deuil, la dépression, la résilience. Mais pour toute personne ayant un enfant ou ayant un animal, il émeut avec une certaine puissance. On retrouve dans le jeu, à travers le lien unissant Alba et Neva, une sincérité, une innocence, une affection qui font que le coeur se serre. On y retrouve cette responsabilité qu’on peut avoir envers un autre, ainsi que la douceur qu’on a à lui apprendre à grandir et à le protéger.

Avoir donné à ce jeu une intention aussi différente du premier, tout en gardant ce côté artistique très prononcé, ces couleurs lumineuses et douces qui créent tout un monde, qui donnent toute une atmosphère aussi bien poétique que cauchemardesque selon les environnements… C’est ce qui le rend aussi unique. Il se démarque de Gris, bien qu’on en ressente l’héritage et le style, tant en direction artistique qu’en gameplay. En permettant davantage de combats, en jouant sur la perception des décors, en ayant deux personnages au lieu d’un, Nomada Studio réussit le défi de créer un nouveau jeu magnifique, émouvant, sans pour autant donner d’imitation – ce qu’on aurait pu redouter plus que tout. Même la musique, à nouveau produite par le groupe Berlinist, trouve des tons différents, plus apaisés, avec des sons ponctuels qui semblent résonner comme un bruissement de la forêt. Certaines musiques évoquent davantage un chœur sans paroles, comme si la nature prenait vie et s’exprimait à travers la mélodie. Neva est de toute beauté, d’une délicatesse rare : un baume pour le coeur.

  • Neva est disponible sur Playstation 4 et 5, Xbox Series, Nintendo Switch et Steamdeck depuis le 15 octobre 2024.
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Nom désormais connu des amateur·ices de la fantasy moderne, la jeune autrice sino-américaine Rebecca F. Kuang a rapidement trouvé un certain succès avec ses premiers romans publiés aux États-Unis, notamment la trilogie initiée avec La guerre du pavot (disponible aux éditions Actes Sud). Mais curieusement, c’est dans un autre genre qu’elle trouve son plus grand succès, en 2023, quand elle publie Yellowface (en VF aux éditions Ellipsis). Un thriller satirique sur le milieu de l’édition, où la place des auteur·ices issus des minorités interroge toujours. Bien loin de la fantasy à laquelle elle a donc habitué son lectorat, néanmoins, on découvre un roman bien rythmé, malin, et une critique acerbe de son propre milieu.

Appropriation littéraire

June Hayward est une autrice en mal de succès. Passionnée par la littérature, elle y a voué sa toute jeune vie et ne peut pas imaginer un avenir dans lequel elle devrait se cantonner à un travail de bureau, comme en rêvent pour elle ses proches. Mais toute la bonne volonté du monde ne suffit pas à trouver un succès qui lui échappe sans cesse, peinant à séduire le lectorat, et souffrant de quelques critiques plutôt négatives dans la très rare presse qui s’empare de ses bouquins. Loin d’auteur·ices qui aiment se réunir entre elleux pour s’auto-congratuler sur leurs propres succès, elle n’en reste pas moins une amie de la formidable Athena Liu, autrice sino-américaine. Anciennes camarades de classe, elles se voient de temps en temps et échangent sur leurs derniers accomplissements, provoquant secrètement l’ire de June car Athena est tout ce qu’elle rêve d’être : elle a le succès critique, le succès commercial, elle est riche, elle est belle et l’objet de tous les débats. La mort accidentelle d’Athena en début de livre, dont est témoin June, est alors l’occasion rêvée pour voler l’un de ses manuscrits encore secrets, le réécrire à sa sauce et le publier sous son propre nom. Et c’est comme ça que June trouve enfin le succès. Les prémices de Yellowface ne ressemblent ainsi qu’à une énième histoire de jalousie, qui anime indubitablement une jeune autrice qui n’arrive pas à comprendre pourquoi ses qualités littéraires ne suffisent pas à trouver la reconnaissance qu’elle espère. Mais le bouquin de R.F. Kuang est un peu plus que ça, car June ne vole pas n’importe quel manuscrit, elle vole une histoire qui revêt un caractère très personnel pour son « amie » décédée. Le manuscrit, c’est un roman qui retrace une partie de l’histoire des ouvriers chinois lors de la Première guerre mondiale, des hommes, principalement, recrutés par les gouvernements britanniques et français au début du siècle dernier pour intégrer le « Corps de travailleurs chinois » et participer à l’effort de guerre. Un bout d’histoire peu raconté, souvent présenté comme des hommes qui s’engageaient volontairement moyennant un bon salaire (pour l’époque), mais qui cache en réalité de nombreux sévices, racisme, et l’exploitation d’une main d’œuvre servile et pas bien chère. Ce qui, pour la véritable du manuscrit, autrice d’origine chinoise, ressemble à un hommage à ses racines, devient pour June la découverte d’une histoire qu’elle ne connaît pas vraiment, sur laquelle elle va se renseigner sur le tas, afin de se l’approprier et la faire passer pour le fruit de son esprit. 

Et c’est là que commencent à apparaître dans le livre des sujets variés autour du racisme, de la « tokenisation » de certaines personnes au sein de l’industrie, de l’appropriation culturelle et de la place d’une autrice blanche dans un récit fortement ancré dans l’histoire chinoise, qui interrogent, et qui poussent à questionner le caractère de June, jusqu’à probablement remettre en cause sa place « d’héroïne » au sein d’un roman aux forts accents satiriques. Cette satire se traduit d’abord par une approche du monde de l’édition qui ne lui voue aucune admiration ; pire, on sent dans les mots de R.F. Kuang un certain ressentiment sur la manière dont l’édition américaine se sert de certains récits pour adoucir sa propre conscience. On sent bien que Athena Liu, derrière son immense succès, plaisait bien à sa maison d’édition parce qu’elle pouvait ainsi mettre en avant une autrice venant d’une minorité ethnique tout en profitant de récits hautement consensuels, faisant d’elle un « token » selon l’expression américaine consacrée. C’est-à-dire une sorte d’alibi venant d’une minorité pour la bonne conscience médiatique d’un éditeur. C’est aussi, pour R.F. Kuang, l’occasion de régler ses comptes avec Twitter. Du haut de ses 28 ans, l’autrice a vu sa carrière naître à l’heure des réseaux sociaux, en a largement profité pour faire connaître ses premières œuvres, elle en maîtrise la communication et elle doit probablement sa carrière en bonne partie aux réseaux sociaux plus qu’à l’édition classique, comme beaucoup de personnes dans le monde littéraire ces dernières années. Mais elle en a également été une victime, entre les critiques sur sa vie privée (chose que l’on retrouve beaucoup dans la Athena Liu qu’elle raconte, qui ressemble à un personnage autobiographique) et les réactions hostiles à certaines de ses positions. 

June, l’esprit du mal

Dans Yellowface, Twitter ou encore Goodreads sont des plateformes capables de faire et défaire des carrières, où June, l’autrice-impostrice se plaît à lire les critiques dithyrambiques, jusqu’à devenir obsédée par la moindre critique de travers, la moindre notation en dessous de 5 étoiles, la moindre remarque sur son style littéraire. Mais on pourrait reprocher à l’autrice d’avoir une vision assez parcellaire du monde de l’édition. Dans le livre, son éditeur est vu comme une machine marketing qui n’a pratiquement aucun intérêt pour la qualité du livre : l’éditrice, notamment, que June rencontre, présentée comme une star de son industrie, n’a d’intérêt que pour les thématiques abordées dans le livre sans considération pour l’élégance ou la singularité du style. Elle ne pense que sujets à aborder dans la campagne publicitaire, création d’un narratif pour vendre le livre, et ne pense qu’aux chiffres à venir. À tel point que June, dans le livre, finit par admettre qu’un livre ne peut avoir du succès que si cela est décidé par un éditeur puissant, en dépit des qualités intrinsèques du livre. Si l’on n’a aucun doute sur le fait que ces sujets sont pris très au sérieux par les maisons d’édition, notamment les plus grosses, en 2024, il est quand même assez trompeur de penser qu’une carrière n’existe qu’à la bonne volonté desdits éditeurs : ils ne sont pas rares, les livres qui se plantent, quand bien même il y aurait un matraquage publicitaire, tandis qu’on vit à une époque où bon nombre d’auteur·ices parviennent à trouver leur public en auto-édition. Et c’est une position assez cocasse pour R.F. Kuang qui a trouvé le succès en partie grâce à des campagnes publicitaires bien ciblées sur les réseaux sociaux, puis avec la publication de Yellowface par l’énorme maison d’édition HarperCollins en 2023. Fait-elle son auto-critique ? 

Difficile de voir où s’arrête la satire et où commence la dénonciation, l’autrice brouille les pistes et ne cesse ainsi d’interroger sur son propre milieu, souvent de manière assez maladroite, mais le livre ressemble à un tel cri du coeur qu’il en devient un objet extrêmement captivant. Surtout que son écriture a quelque chose de prenant. Je ne pourrais me prononcer sur la qualité de la traduction française, l’ayant lu en anglais, mais force est de constater que R.F. Kuang a pris en compte les critiques sur ses précédents romans, lui reprochant un style un peu trop pompeux (c’est une universitaire, après tout) pour en arriver à quelque chose de plus terre à terre, plus naturel, et de fait plus impactant. La réalité et la fiction se mêlent dans un livre qui raconte la rapide descente aux enfers de son héroïne. Initialement juste une autrice en mal de succès, elle s’approprie peu à peu le travail d’Athena, l’autrice décédée, jusqu’à se convaincre elle-même d’être la véritable autrice du manuscrit. Arrivant rapidement à un point de non-retour, elle incarne la position d’une autrice blanche qui s’approprie la culture chinoise (le manuscrit est plein de petites phrases en cantonais, sans traduction), elle va même publier le livre sous un nom d’emprunt aux sonorités chinoises pour semer le doute sur ses origines ethniques et finir par admettre qu’au fond, on lui en veut parce qu’elle est blanche. June incarne cette frange critique d’un certain lectorat qui voit les auteurs et autrices venant de minorités ethniques comme des personnes à qui l’on facilite la vie, tandis que les blancs et les blanches auraient plus de difficulté à notre époque pour se faire entendre. Un débat sur lequel R.F. Kuang pose un regard plutôt intéressant au travers de son personnage. Elle ne nie pas la possibilité pour une personne de raconter une histoire sur une autre culture, pour peu qu’elle le fait de manière intéressante, avec des recherches approfondies, et avec respect, mais elle confronte aussi son héroïne à ses propres limites. Elle montre June comme une personne au racisme refoulé, une personne qui intellectualise son propre racisme en s’en servant comme moteur au manuscrit qu’elle réécrit, inconsciemment, sans apprendre à le remettre en cause et en se braquant lorsqu’il lui est reproché.

Yellowface est l’incarnation même de ce que l’on observe assez fréquemment sur ces différents sujets lorsqu’ils sont abordés dans la presse et sur les réseaux sociaux. Le récit vire dans son dernier tiers à un chaos absolu où la réalité et l’imagination de June s’entremêlent pour justifier ses pensées les plus viles. À l’image d’une presse qui ne saisit pas bien les implications de sujets tels que l’appropriation culturelle dans un milieu qui a encore besoin d’apprendre et d’évoluer ; R.F. Kuang raconte plutôt intelligemment la fine ligne entre racisme et figure littéraire, les limites entre un récit noble et un récit abjecte. Elle pointe du doigt, plutôt à raison, le manque littératie médiatique dont souffrent certaines critiques (professionnelles ou non) qui ne saisissent pas ce qui appartient au récit, ce qui revêt les pensées de l’auteur·ice, et le fait que l’on puisse raconter un personnage extrêmement problématique sans l’être soi-même. June est un personnage antipathique, qu’il est impossible d’apprécier au terme de la lecture, mais dont l’existence en tant qu’héroïne permet de traiter avec une pointe de malice les différentes thématiques pour leur donner plus d’impact au terme du récit. Évidemment, l’autrice aurait pu raconter la même histoire dans la peau d’un personnage bien sous tous rapports et qui dénonce la manœuvre à chaque page, mais cela n’aurait servi qu’à se conforter dans ses propres certitudes. Au lieu de ça, R.F. Kuang interroge, challenge, critique et dénonce, jusqu’à faire retomber le récit sur ses pieds et révéler ses véritables intentions. Malgré ses faiblesses, sa vision un peu simpliste de l’édition avec laquelle elle avait vraisemblablement des comptes à régler, elle propose avec Yellowface un excellent roman satirique, où le manuscrit volé devient la malédiction d’une vie. 

  • Yellowface est disponible en traduction française aux éditions Ellipsis depuis le 2 mai 2024. 
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