Comme vous le savez, Mangetsu (re)publie régulièrement les œuvres de Junji Ito, accompagnées de postfaces très intéressantes pour comprendre l’œuvre du mangaka de l’horreur japonaise. Avec Sutures, on s’aventure toutefois sur un autre registre : il s’agit d’un recueil d’histoires courtes de Hirokatsu Kihara, que Junji Ito a ensuite illustrées lors de leur publication en 2010. Il s’agit donc d’une nouvelle facette du talent du mangaka, quand il s’essaye à illustrer l’univers d’un autre auteur.

Cet article a été écrit suite à un envoi de l’exemplaire papier par l’éditeur.

Dix incisions pour dix histoires. Ainsi se présentent, avec originalité, les dix récits de ce recueil, et un chapitre bonus est intégralement une nouvelle-manga par Junji Ito. De courts textes aux personnages anonymes (on ne connaît que la première lettre de leur prénom), flirtant avec l’étrange et la frayeur. On peut totalement parler de J-Horror, Japanese Horror, car Hirokatsu Kihara s’inspire du folklore japonais. Mais ne vous attendez donc pas à une résolution, ni une réponse toute faite, puisqu’il conclut chaque texte sur l’ambiguïté et l’absence de réponse concrète. C’est là que chaque récit offre un frisson délicieux, sans aucun doute.

Histoires de fantômes

© Sutures, Junji Ito et Hirokatsu Kihara, Mangetsu, 2025

Sutures est loin d’être avare en légendes spectrales. Plus de la moitié des récits évoquent l’apparition d’un spectre : dans des fêtes rituelles (Shichi-go-san, La fête des morts), pénétrant dans l’espace rassurant de la demeure familiale (Un jour de neige) ou de l’école (La bibliothèque, Danse folklorique).

A chaque fois, nous n’obtenons pas forcément de réponses. Certains esprits sont familiers, issus du passé, tandis que d’autres fois, on a affaire à des apparitions purement effrayantes. Cela ne peut durer qu’un jour ou sur plusieurs années, disparaître à la suite de rituels purificateurs, de fêtes ou bien sans aucune signification. En quelques phrases (chaque récit ne fait pas plus de quelques pages, savamment illustrées), Hirokatsu Kihara nous plonge dans un quotidien qui devient soudain oppressant, où le surnaturel s’invite brusquement, évoquant des personnes chères disparues, un futur coup de chance ou bien l’inexplicable. Ces petites histoires n’ont l’air de rien, mais combinées avec le dessin glaçant et horrifique de Junji Ito, on obtient des petits récits de noirceur.

Body horror, pantins et dédales

Outre les esprits, le recueil fait appel à d’autres faits tout aussi sinistres. Une femme où un visage humain apparaît, se déplaçant sur tout son corps ; une marionnette de Pinocchio animée par une étrange silhouette ; un hôtel lugubre où l’escalier s’allonge vers des personnes au visage dissimulé ; des orbes lumineux près d’un temple ou encore des lèvres géantes apparaissent sur une armoire… Voilà qui fournit de quoi alimenter quelques cauchemars. Par contraste, le quotidien tranquille des personnages et la simplicité des textes, soigneusement menés, rendent ces apparitions encore plus frappantes.

Illustration en noir et blanc montrant une marionnette de Pinocchio démembrée et gisant au sol. Le personnage en bois est désarticulé, ses membres (bras, jambes) sont détachés et éparpillés autour de son corps. Sa tête avec le nez allongé caractéristique est visible, et l'ensemble dégage une atmosphère sombre et inquiétante. Le style de dessin utilise des hachures denses pour créer des ombres dramatiques. Du texte en français est visible autour de l'illustration.

© Sutures, Junji Ito et Hirokatsu Kihara, Mangetsu, 2025

Comme à son habitude, Junji Ito sublime l’horreur par sa patte si reconnaissable. Des visages sans yeux, des personnages où l’effroi se lit dans leur regard, des silhouettes d’autant plus menaçantes qu’elles sont non identifiables, la déformation des corps ou leur exagérationSes illustrations donnent chair à ces visions angoissantes, contribuant au malaise de la lecture de ces contes, d’autant que certains mots sont mis en scène de façon plus grande pour davantage interpeler. La juxtaposition des images et du texte n’est pas en reste, contribuant à des doubles pages permettant la frontalité de l’horreur.

Chaque récit explore un aspect différent de la peur et des légendes, de façon attendue ou parfois plus surprenante. A ce titre, La marionnette est sans doute mon texte préféré, avec la découverte de ce Pinocchio soigneusement enfermé au fond d’une boîte, et qu’une silhouette semble manipuler mieux que l’héroïne sur scène. Danse folklorique n’est pas en reste avec l’apparition de cette jeune fille que tout le monde semble vouloir connaître, et qui disparaît du jour au lendemain. Les rituels de purification qui apparaissent ici et là ne font pas de mal, au vu des ténèbres de ce recueil.

Divertissant, renouant avec le concept des histoires illustrées, et prompt à susciter quelques images angoissantes, Sutures est une agréable découverte de ce travail de collaboration entre Junji Ito et . Même si, personnellement, ce ne sera pas mon œuvre favorite de Junji Ito.

  • Sutures est disponible depuis juillet 2025 aux éditions Mangetsu.
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S’il y a bien un bouleversement qui a eu lieu ces dernières années dans le développement de jeux vidéo, c’est l’accessibilité toujours plus grande à des moteurs de jeu autrefois réservés à des studios qui en ont les moyens (à cause des coûts de licence) et les capacités technique de les gérer. Aujourd’hui, beaucoup de studios plus modestes peuvent profiter de la puissance d’un moteur comme l’Unreal Engine 5 et offrir des jeux qui, visuellement, les placent à un niveau qui masque un budget plus maîtrisé. Ça a été le cas d’un Clair Obscur: Expedition 33 plus tôt cette année, et c’est le cas de Echoes of the End, un jeu d’action-aventure développé par le jeune studio islandais Myrkur Games qui y propose une aventure de fantasy inspirée par leur les beautés naturelles de l’Islande. Le jeu est sorti le 12 août 2025 sur PlayStation 5, Xbox Series X|S et PC. 

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un code par l’éditeur. L’aventure du jeu a été terminée sur PS5 en environ 12h.

Un monde en péril

© 2025 Myrkur Games. Published by Deep Silver / PLAION GmbH. All rights reserved.

Echoes of the End nous met dans la peau de Ryn, une guerrière ou « vestige », c’est-à-dire une personne capable de manipuler la magie. Voyant son frère être enlevé par les soldats de l’empire, elle part à leur chasse et fait rapidement la rencontre de Abram, un vieil intellectuel qui semble passionné par l’histoire de leur monde, Aema, et qui veut l’accompagner pour comprendre ce qu’il se trame en toile de fond alors que les soldats de l’empire mettent tout à feu et à sang. Très classique, son histoire montre vite ses limites avec un monde dont les inspirations islandaises ne suffisent pas à donner du corps et de l’esprit. Presque générique, ce monde-là ne parvient pas à s’extirper des clichés de la fantasy, pas plus que l’aventure ne parvient à surprendre malgré quelques révélations distillées ici et là, qui tentent péniblement de renouveler l’intérêt. Mais là où le jeu s’en sort très bien, c’est sur la dynamique entre Ryn et Abram, dont les conversations animent l’essentiel des dialogues du jeu. Qu’il s’agisse de petites blagues sarcastiques qu’ils se lancent l’un à l’autre, de conversations sur l’histoire de leur pays, ou de remarques sur les zones que l’on traverse, ces discussions donnent beaucoup de rythme et d’intérêt aux séquences d’exploration (très linéaire) et d’action. On se prend même d’attachement pour les deux, tant la dynamique entre la guerrière et le vieux sage est réussie bien que peu originale. Ryn est un personnage plutôt malin, une femme dont l’expérience au combat la rend particulièrement féroce face aux nombreux ennemis qui se dressent sur notre route, qu’il s’agisse de soldats ou de bêtes mythologiques, tandis que la malice et les réflexions de Abram apportent à leur relation et à l’histoire un liant nécessaire. Au-delà de l’urgence de retrouver le frère de Ryn, Abram sert presque de guide touristique dans une aventure qui amène les deux jusqu’aux entrailles d’un monde encore méconnu. Leur aventure les emmène en effet dans des zones inexplorées, ou abandonnées depuis longtemps, les poussant à s’interroger sur ce qui fonde réellement leur pays.

© 2025 Myrkur Games. Published by Deep Silver / PLAION GmbH. All rights reserved.

Et cet univers de Aema offre quelques panoramas somptueux. L’utilisation de l’Unreal Engine 5 est évidemment un élément important car le moteur, particulièrement reconnaissable avec son aspect visuel souvent grisâtre et sa gestion des lumières, permet aussi au studio, bien que modeste, d’offrir quelque chose de solide visuellement. Mais là où la direction artistique se distingue c’est avec le choix de mettre en scène le jeu dans ce que l’Islande a de plus beau, avec notamment ses terres volcaniques. On n’est évidemment par sur quelque chose d’aussi somptueux qu’un Death Stranding qui s’inspirait du même type d’environnement, mais le jeu a l’intelligence d’exploiter au mieux la mythologie et les environnements dans lesquels s’inscrivent ses origines islandaises pour donner un peu de personnalité à un univers de fantasy qui en manque cruellement. Car en dehors de ses environnements, jolis mais très cloisonnés, Echoes of the End souffre tout de même d’une direction artistique assez banale, qu’il s’agisse de ses ennemis, masse impersonnelle de soldats médiévaux peu inspirés, ses monstres que les jeu régurgite à l’infini (à l’exception du dernier tiers qui oppose plus de diversité sur le bestiaire), ou encore ses pouvoirs et effets lumineux que l’on pense avoir déjà vu dans un paquet de jeu de fantasy ces quinze dernières années.

L’inertie des débuts

© 2025 Myrkur Games. Published by Deep Silver / PLAION GmbH. All rights reserved.

Cette difficulté à s’extirper de codes et d’univers déjà connus se remarque d’autant plus que l’aventure souffre d’un manque cruel de renouvellement. Pour l’essentiel, les mécaniques du jeu se dévoilent dans la première heure de jeu. Entre ses combats type « beat them all » qui demandent de maîtriser la garde et l’esquive, ses puzzles à base de pouvoirs cinétiques et sa succession d’arènes, le jeu repose sur une structure qui se répète et qui n’arrive jamais à surprendre. Les combats, pour commencer, reposent sur une seule arme (l’épée de Ryn) avec coup fort et coup faible, auxquels on associe une poignée de pouvoirs qui permettent soit de drainer l’énergie des ennemis pour se soigner, soit de les repousser ou de générer des explosions au sol pour les faire tomber. D’autres pouvoirs arrivent par la suite, mais la plupart s’utilisent de la même manière, avec pour seul subtilité les ennemis disposant d’un bouclier contre lesquels il faut privilégier les pouvoirs pour briser la garde avant de les attaquer à l’épée. Si la garde et l’esquive sont importantes, les mouvements souffrent néanmoins d’une inertie et d’une lourdeur qui empêchent souvent de contrer au bout moment. Que ce soit à cause d’animations et de séquences dont la cohérence nous échappe parfois, par exemple il arrive que des ennemis déclenchent leur attaque quand bien même notre héroïne est en train de les taper, tandis que d’autres fois cela les bloque. Ou simplement parce que l’animation de parade ne se déclenche pas, le jeu donnant le plus souvent la priorité à l’attaque en cours, dont il faut attendre la fin de l’animation pour pouvoir déclencher celle de la parade. Un choix qui manque de peps et qui alourdit des combats déjà rarement captivants. La progression type RPG du personnage avec un arbre de compétences n’y change rien, les compétences à débloquer sont peu nombreuses et apportent bien peu en combat.

© 2025 Myrkur Games. Published by Deep Silver / PLAION GmbH. All rights reserved.

Les combats de boss eux-aussi manquent d’idées avec des patterns qui restent très timides. Mais le plus pénible dans l’aventure reste les puzzles, qui pour l’essentiel reposent sur des plateformes à bouger dans le bon ordre au moyen de pouvoirs cinétiques. Occasionnellement, les bonnes intentions s’alignent et le jeu offre un puzzle intéressant, mais pour l’essentiel, c’est trop simple pour offrir le moindre challenge ou réflexion. Cela confère aux puzzles un caractère anecdotique, dont la présence révèle finalement plus une volonté de ralentir la progression pour caser des dialogues entre les deux personnages le temps que l’on vienne à bout d’un puzzle facile mais fastidieux. De fait, ces séquences hachent la progression et la rendent même rébarbative, puisque l’on sait que derrière chaque couloir, ou chaque porte, se cachera soit une arène pleine d’ennemis, soit une phase de plateformes et de puzzles où il faudra encore une fois bouger des plateformes, des caisses et des bouts de murs pour progresser. Ces moments auraient gagné à plus de diversité, mais surtout on aurait aimé que les puzzles soient moins nombreux mais plus ambitieux.

Echoes of the End a deux visages : d’abord une idée généreuse, intéressante, destinée à offrir de la fantasy à la sauce islandaise. Avec quelques jolis panoramas et des personnages attachants, le jeu laisse quelques espoirs dans ses premiers instants. Mais il montre ensuite son autre visage, celui d’un univers finalement très générique, handicapé par une structure de gameplay qui alterne entre des combats peu engageants et des puzzles rébarbatifs. L’histoire, elle, peine à convaincre et trouve vite des limites inhérentes à une volonté de coller au genre de la fantasy. Trop rapidement en manque d’idées, avec des combats de boss à côté de leurs pompes et une bande originale peu mémorable, le jeu de Myrkur Games n’est pas à la hauteur de la curiosité qu’il suscitait et montre qu’un joli moteur, et des environnements réussis, ne suffisent pas.

  • Echoes of the End est disponible depuis le 12 août 2025 sur PlayStation 5, Xbox Series X|S et PC. 
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La collection « Infinite » de DC chez Urban Comics en VF est désormais de l’histoire ancienne. Après le lancement des DC Absolute qui compilent des comics dans un univers alternatif, place à la continuité avec DC Prime (qui collecte ce que la VO appelle l’ère « All-In »), où l’on retrouve les séries habituelles qui se relancent avec de nouveaux enjeux et souvent des changements côté auteur·ices. Pour commencer, on retrouve cet été la série Detective Comics qui revient sous le titre Batman Ghosts of Gotham, la série principale Superman que l’on retrouve avec Superman Dark Prophecy, et enfin le retour tant attendu de la Ligue de justice, annoncé à la fin de Absolute Power, avec Justice League Unlimited, alors que l’univers Infinite s’en était séparé pendant un bon bout de temps au profit des Titans. 

Cette chronique a été écrite suite à l’envoi d’exemplaires par l’éditeur.

Batman Ghosts of Gotham – Tome 1, cure de jeunesse

© 2025 DC Comics – Urban Comics

Le rêve d’une jeunesse éternelle, vieille idée des récits fantastiques à laquelle succombe Tom Taylor pour son arrivée sur Detective Comics. Intitulé Batman Ghosts of Gotham en VF, son récit nous montre un Bruce Wayne affecté par le temps et les nombreux combats qu’il a livré, comme dans la plupart des comics Batman de ces dernières années, et à qui une vieille amie propose une solution miracle : un traitement qui lui permettrait de retrouver sa jeunesse et de vivre plus longtemps. Inévitablement, ce traitement cache quelque chose de plus obscure, et c’est tout l’objet de l’enquête à laquelle s’adonne le détective masqué alors que de jeunes délinquants à peine sortis de prison pour mineur sont tués les uns après les autres, pris pour cible sans que l’on ne sache trop pourquoi. Plutôt classique dans son approche, le comics rappelle toutefois très vite pourquoi on aime autant le travail de Tom Taylor depuis de nombreuses années. Après son fantastique Nightwing Infinite, l’auteur australien part à l’assaut de la pierre angulaire de l’univers DC en rappelant le Chevalier Noir à son premier amour : le travail de détective. Si l’on n’échappe évidemment pas à une petite bataille ici et là, on reste dans un récit orienté polar avec une enquête savamment menée qui tire partie des capacités intellectuelles d’un personnage hors du commun. On y trouve, aussi, des thématiques proches de ce qu’il faisait récemment avec Nightwing, à commencer par l’importance de l’équipe qui l’entoure, mais également son caractère de défenseur de la veuve et de l’orphelin, même quand cet orphelin est un dangereux criminel. 

Toujours très fort dans la mise en place des enjeux, l’auteur excelle aussi dans l’art de livrer des scènes clés, le genre de scène « plaisir » qui joue autant sur la corde nostalgique que celle du fan de comics qui veut voir son héros réussir des choses exceptionnelles. Côté dessin, il profite des talents de Mikel Janin qui ne manque jamais d’impressionner et de donner vie à une ville de Gotham très attachante. Et c’est peut-être là que le duo tire son épingle du jeu : plutôt que l’horreur et les frayeurs auxquelles nous ont habitué les précédents artistes sur Batman et Detective Comics ces dernières années, ce Batman Ghosts of Gotham montre un aspect un peu plus positif, ou du moins, plein d’espoir, pour une ville qui enchaîne les situations dramatiques. Et notamment au travers de ces jeunes délinquants à qui Batman veut donner une seconde chance, même quand ces jeunes gens pensent ne plus en avoir aucune. Et c’est là aussi un rappelle assez intéressant à Nightwing, avec un Batman un poil plus positif, moins renfermé sur lui-même, plus proche de sa ville et de sa famille. Un super premier tome donc, en espérant que la suite sera à la hauteur.

Superman Dark Prophecy – Tome 1, et Lois Lane vaincra

© 2025 DC Comics – Urban Comics

Joshua Williamson n’en a pas encore fini avec Superman. À peine sorti des très sympathiques Dawn of Superman que l’on a eu sur la fin de la collection Infinite, l’auteur continue son run et notamment deux éléments vus ces derniers mois : Lex Luthor est toujours gentil suite à l’amnésie qui lui a fait oublier ses méfaits, et Lois Lane est… désormais affublée de pouvoirs. Des compétences similaires à celles de son grand amour Superman, et qui lui permettent de combattre à ses côtés sous le titre de « Superwoman ». L’idée de propulser un personnage sans pouvoirs dans un nouveau rôle est un concept assez ancien dans les comics, toutefois Williamson le gère plutôt bien en utilisant ce trope pour interroger les responsabilités et conséquences qui viennent avec ces pouvoirs. Car Lois Lane se rend vite compte qu’être une super héroïne vient avec beaucoup de regrets, pour toutes les fois où elle ne peut pas agir, et un stress qui la rend infernale dans sa vie privée et professionnelle, notamment du côté du Daily Planet où elle conserve son boulot de rédactrice en chef. Sans révolutionner le genre, ce premier tome s’insère très bien dans la mythologie de Superman et offre de jolis moments entre ses principaux personnages.

L’autre pendant de l’histoire, c’est les conséquences de l’amnésie de Lex et son désir, ou non, de retrouver la mémoire. Effrayé par l’image dépeinte par les autres sur ce qu’il était dans une autre vie, il tente toujours d’oeuvrer pour le bien, mais on sent que l’auteur prévoit quelque chose de plus sombre pour la suite. Idem pour l’arrivée d’une nouvelle menace, l’éternel Doomsday, qui cache quelque chose d’autre. On reste dans un premier tome assez sage qui joue son rôle d’introduction en vue de futurs enjeux, mais avec l’écriture suffisamment maline de Williamson et les superbes dessins de Dan Mora, on se laisse porter et on apprécie la lecture. 

Justice League Unlimited – Tome 1, plus grand, plus fort

© 2025 DC Comics – Urban Comics

Batman, Superman et Wonder Woman ont fait le choix de recréer la Ligue de justice, après une dissolution au temps de l’ère Infinite qui avait laissé la place aux Titans, chargé·es de défendre le monde. Mais après la menace de Absolute Power où beaucoup de super-héros et héroïnes ont été privé·es de leurs pouvoirs, il était temps pour l’équipe de revenir. Mais ce récit concocté par Mark Waid, avec des dessins de Dan Mora là encore (qui, décidément, ne doit jamais dormir vu son rythme de publication), s’appuie sur une idée nouvelle : exit la Ligue de justice composée d’une poignée des plus grand·es héros et héroïnes de l’univers DC, et place à la Ligue de justice « illimitée » au sein de laquelle l’ensemble des personnes dotées de pouvoirs ont leur place. Une gigantesque base spatiale est créée, et chacun·e se voit doté·e d’une carte de membre qui y donne accès pour coordonner les efforts et missions. Un concept nouveau qui permet de mettre en valeur de nouveaux personnages, avec son lot de mystères sur les intentions des protagonistes que l’on connaît peu, mais ça a aussi un coût. Celui d’un récit assez brouillon, notamment sur des scènes d’action qui s’enchaînent très vite sans véritable liant dans la première moitié du tome. On peine à comprendre ce qu’il se passe réellement, si ce n’est que l’on enchaîne les missions de sauvetage où tout le monde donne un petit coup de main pour vanter les mérites de la nouvelle Ligue de justice. Si le concept n’est pas inintéressant, il montre aussi vite ses limites avec un récit qui tend à s’éparpiller au lieu de se concentrer sur quelques points essentiels.

Heureusement dans sa seconde partie, ce premier tome de Justice League Unlimited trouve enfin un fil rouge qui permet de recentrer l’histoire sur l’essentiel et développer un peu plus quelques personnages. Pour le moment, cette nouvelle Ligue de justice m’emballe assez peu, avec un concept qui montre déjà des limites, mais je fais confiance à Mark Waid pour trouver les bonnes idées qui permettront à la série de gagner en finesse, tout en profitant des dessins de Dan Mora qui ne déçoivent jamais.

  • Les comics de la collection DC Prime sont disponibles en librairie aux éditions Urban Comics.
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Fruit d’une surprenante collaboration entre le studio de développement japonais Omega Force (très prolifique, à qui l’on doit les Dynasty Warriors entre autres) et les éditeurs Electronic Arts et Koei Tecmo, Wild Hearts sortait fin 2022 avec un accueil relativement chaleureux. Mais le titre, inspiré d’autres jeux de chasse aux monstres en tête desquels Monster Hunter, n’était pas parvenu à s’imposer dans la durée face à une concurrence féroce. C’est ainsi que Koei Tecmo, cette fois-ci sans partenariat avec EA, a pris la décision de tenter une résurrection du jeu sous le titre Wild Hearts S à l’occasion d’un portage sur Nintendo Switch 2. Bonne ou mauvaise affaire ? 

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’une clé Switch 2 par l’éditeur.

La chasse de bric et de broc

© KOEI TECMO GAMES CO., LTD. All rights reserved.

S’il y a bien une chose qui distingue Wild Hearts de ses concurrents, c’est son approche des combats une fois repéré le gros monstre que l’on tente de chasser. Pas de très gros pouvoirs d’attaques, ni de puissance salvatrice, mais au contraire un sentiment de faire plein de choses avec très peu grâce à un système de craft appelé « Karakuri » qui permet de créer, d’une touche ou deux, des éléments permettant d’amplifier les attaques. Des caisses superposées qui offrent la possibilité d’un saut aérien pour mettre un gros coup, des tremplins latéraux pour échapper à des attaques puissantes, des murs pour contrer une attaque, ou encore des cordes pour immobiliser la bête, et autres joyeusetés découvertes au fil de l’action. Et avec cela le sentiment plutôt jouissif d’incarner David contre Goliath qui userait de sa malice et de son ingéniosité pour se défaire de la menace. Une menace qui peut être impressionnante au premier abord, les monstres étant gigantesques, plutôt bien animés et montrant un caractère animal qui intrigue. De quoi dynamiser des combats en temps réel où l’on a l’impression de ne faire que de petites entailles à des ennemis invincibles, armé·es d’une poignée de coups (faible, fort, coups spéciaux spécifiques à chaque arme) dont les impacts ne sont pas toujours évidents. Plus encore, le fait de pouvoir s’accrocher aux monstres et les escalader pour obtenir quelques avantages supplémentaires lors du combat rend le déséquilibre visuel encore plus prégnant. L’autre intérêt du craft, c’est de pouvoir poser des objets sur les différentes zones (le jeu étant découpé en zones semi-ouvertes) afin soit de faciliter la progression, comme des tyroliennes qui permettent de joindre des points d’intérêt lointains ou d’atteindre le sommet d’une falaise rapidement, soit de repérer les monstres à chasser sur la carte avec des tours d’observation.

Le sentiment de vulnérabilité face aux monstres nous suit tout au long de l’aventure, bien que le jeu offre de multiples moyens de renforcer son personnage. À commencer par la forge d’armes et leur amélioration, au moyen de ressources et en accomplissant certaines chasses pour remplir les conditions nécessaires. Pour l’essentiel, les huit types d’armes proposées sont similaires aux autres jeux du genre, comme le katana, le nodachi, l’arc ou encore la masse ou la lance. Là où Wild Hearts S se distingue, c’est avec son wagasa, une ombrelle japonaise affublée de lames qui est, aussi, la seule arme qui permet de réaliser des parades. Pour les autres armes, il faut compter uniquement sur l’esquive. Malgré son côté très classique, le jeu offre une bonne diversité dans ses approches des combats selon nos affinités avec les différents types d’armes, même s’il faut attendre le deuxième chapitre pour pouvoir débloquer l’ensemble des armes. Au début, seulement la moitié sont disponibles. Néanmoins cela n’a pas un impact terrible tant le jeu permet de varier les approches en permettant de passer d’un style de combat à un autre, avec la forge d’armes facilement accessible et qui permet quelques expériences. L’autre pendant de la progression, c’est la forge d’équipements, avec là un choix à réaliser entre la voie humaine ou la voie du « kemono », le nom donné aux monstres du jeu. Ces deux tendances, entre « bien » et « mal » s’orientent selon le type d’armures que l’on choisit de forger et d’équiper. Sans grande incidence sur l’histoire, ce système de tendance a néanmoins une influence sur les compétences utilisables avec les différentes armes, certaines compétences ne se débloquant que dans un cas ou dans l’autre. Pas inintéressant, le système manque toutefois d’explications en jeu et souffre d’un côté très artificiel dans sa mise en place. On aurait aimé, par exemple, un impact sur la progression, les quêtes et l’histoire.

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Une histoire somme toute assez dispensable malheureusement. Comme c’est souvent le cas avec ce type de jeu, on en retiendra plus les monstres que la narration, tant celle-ci se perd dans un récit de fantasy assez peu engageant. On incarne un·e chasseur·euse de kemono, que l’on crée de toute pièce grâce à (l’excellent et plutôt généreux) créateur de personnage, et qui vient de quitter sa ville natale pour trouver sa voie ailleurs. La faute à un environnement de moins en moins propice à la chasse et un monde qui s’oriente plutôt vers les samouraï et leurs batailles. Inspiré du Japon féodal, ce monde-là manque un peu de liant, proposant juste un hub incarné par un village à flan de montagne nommé « Minato » où l’on rencontre des personnages qui proposent des quêtes principales et secondaires. Pour le reste, il faut compter sur cinq régions, aux décors variés (neige, canyon…), des zones assez vides où le jeu tente une ambiance plus « sauvage » qui ne fonctionne pas toujours. Si on apprécie de temps à autre voir des kemono se mettre sur la tronche un peu plus loin pour asseoir leur autorité sur le territoire, on a aussi trop souvent l’impression d’avoir un chemin déjà balisé et linéaire, quand bien même les zones nous permettent d’explorer librement.

Des intentions bridées

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Cette difficulté du jeu à mettre en valeur ses différentes zones s’explique peut-être par un portage qui se manque sur l’une des plus grosses qualités du jeu. Si Wild Hearts est, à l’origine, aussi atypique, c’est parce que le jeu faisait des efforts considérables sur son ambiance pour donner beaucoup d’intérêt à l’exploration et à son univers, a contrario de quelques titres du même genre qui comptent essentiellement sur la chasse, le combat et la coopération entre joueurs et joueuses en ligne. Mais le portage sur Switch 2 a, semble-t-il, nécessité de grosses concessions visuelles, pour un titre qui peinait déjà dans ses performances sur PC et consoles de salon à l’époque de sa sortie en 2022. En effet, si le titre à l’origine souffrait déjà de quelques textures un peu baveuses, il s’illustrait tout de même pour son ambiance et sa nature luxuriante, bien qu’imparfaite à cause d’une technique pas toujours à la hauteur et de concessions, déjà, pour tenter de tenir les 60 images par seconde. Wild Hearts S, développé spécifiquement pour la Switch 2, profite d’une poignée d’améliorations tout de même comme quelques éclairages pas inintéressants, et des visages affinés sur certains personnages. Mais à côté, les textures et la modélisation des kemono prend un sacré coup, les feuillages sont plus éparses et les conditions climatiques (pluie, neige…) perdent de leurs qualités visuelles. La pluie étant même assez vilaine à voir. Quant aux textures des décors, c’est souvent grossier, tandis que le jeu rame quand même beaucoup avec un objectif de 40-45 images par seconde qui s’effondre complètement dès qu’il y a un peu d’action à l’écran.

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La conséquence de tout ça c’est que les kemono les plus imposants perdent en beauté, alors que c’était une des vraies qualités du jeu original. Difficile de s’émouvoir face à une gigantesque bête faite de grossières textures que la console peine à afficher, tandis que le jeu se met à ramer. Que l’on joue en portable ou avec le dock, c’est les mêmes problèmes qui se posent à nous. Alors on s’amuse quand même à chasser un kemono de temps en temps d’autant plus que le jeu offre un système de jeu en ligne permettant soit de rejoindre des chasses en cours, soit d’appeler à l’aide sur notre quête, qui fonctionne très bien. Mais il y a quelque chose qui nous empêche d’avancer et d’avoir envie d’aller au bout du jeu, et c’est probablement lié aux difficultés techniques qui ont un véritable impact sur la facilité à entrer dans son univers. Déambuler dans les différentes zones à la recherche du prochain kemono à chasser peut être un plaisir sur le jeu original, mais ce portage y porte un sacré coup à cause de concessions techniques que l’on a du mal à expliquer. Certes, la Switch 2 n’a pas la puissance d’autres consoles ou des meilleures configurations PC, mais Koei Tecmo a mis tellement d’espoirs et de promesses dans la relance du titre avec cette version « S » que l’on attendait sincèrement un meilleur traitement.

On a envie d’aimer Wild Hearts S, de s’y perdre pendant de longues heures, le jeu en demandant une trentaine pour voir la fin de la quête céleste dans laquelle se lance notre personnage, découvrir ses jolis kemonos et sa promesse de combats toujours plus impressionnants. On prend même un certain plaisir à découvrir leurs attaques, comprendre comment les esquiver, profiter parfois des « révélations » qui se posent à notre personnage qui découvre soudainement comment contrer une attaque avec une séquence spéciale. Voir les kemonos s’échapper vers une deuxième puis une troisième zone, blessés, après quelques minutes de combat a quelque chose de satisfaisant, on se sent incarner un·e véritable chasseur·euse. Mais les performances de ce portage Switch 2 portent un vrai coup d’arrêt à un plaisir qui se révèle finalement sommaire, trop entaché par des soucis techniques et une qualité visuelle qui ne permet pas d’exploiter pleinement la charmante direction artistique du jeu. Les graphismes et performances ne font pas tout, mais l’enchantement finit par disparaître quand on tombe face à une énième grosse chute de framerate, ou une autre texture grossière sur un kemono ou un panorama qui pourraient être majestueux si l’on y jouait sur une autre machine.

  • Wild Hearts S est sorti le 25 juillet 2025 sur Nintendo Switch 2.
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Autant aimée que critiquée, la figure de Superman n’a jamais manqué de fasciner les cinéastes. Des années 1950 à aujourd’hui, le personnage créé par Jerry Siegel et Joe Shuster a connu de nombreuses adaptations en films et séries, avec plus ou moins de succès. Plusieurs acteurs ont incarné l’homme de fer, certaines personnes ne jurant que par la version de Christopher Reeve, tandis que d’autres assimilent le personnage à la musculature de Henry Cavill. Mais après de nombreuses années dans la peau du héros, ce dernier a laissé la place à David Corenswet, alors que James Gunn, désormais à la tête de DC Studios, réalise un premier long métrage à la gloire de l’alien venu de Krypton dans un film sobrement intitulé Superman. 

L’humanité comme boussole

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Difficile d’approcher le film de James Gunn sans succomber aux comparaisons avec ceux de Zack Snyder, qui ont alimenté l’imaginaire populaire sur Superman depuis Man of Steel en 2013. Si Snyder souhaitait voir en l’alien un homme bon mais susceptible de succomber à une part obscure qui sommeille en lui ; finalement, la vision qu’en a Batman dans certains comics. James Gunn quant à lui se raccroche plus littéralement à l’image qu’en ont la plupart des lecteur·ices de comics, c’est-à-dire un personnage toujours prêt à se sacrifier pour l’humanité, toujours en mesure de voir le bon en chacun·e. Le film symbolise ce positionnement en s’ouvrant sur un conflit où une puissance alliée de l’Amérique, armée de gros chars, tente d’envahir un de ses voisins pauvres, du sud et sans moyens de défense, et anéantir sa population (toute ressemblance avec un conflit actuel serait évidemment fortuite). Un conflit où Superman, déjà en activité depuis trois ans au début du film, prend position et s’oppose à la guerre, en bloquant lui-même l’avancée de cette puissance alliée. Le film commence là, avec ce positionnement politique en faveur du plus faible, face à un pouvoir américain qui perd son sang froid et qui va soudainement tenter de renverser l’avis populaire contre son héros en le désignant comme un alien, un immigré, qui doit se soumettre. Sous l’impulsion, évidemment, d’un excellent Lex Luthor campé par Nicholas Hoult. Le cinéaste n’est pas très subtil, mais c’est aussi ce que l’on attend de Superman, défenseur de la veuve et de l’orphelin, qui n’imaginerait jamais rester neutre face à la souffrance humaine, et qui ne sera jamais l’allié d’une invasion militaire. Un pur produit « humaniste » d’il y a quelques décennies, quand cette belle valeur n’était pas encore devenue un gros mot dans la bouche de trop de militants politiques. 

Et cela tranche complètement avec la vision plus noire que l’on avait de Superman au cinéma depuis dix ans, pour mieux recentrer le personnage sur son existence côté comics. Il y a une forme de naïveté dans cette approche, que le film balaie astucieusement dans une savoureuse scène où Lois Lane, journaliste, collègue et bien-aimée de Clark Kent, l’alter-ego civil de Superman, interview le super-héros et le force à répondre à des interrogations qui paraissent complètement stupides, mais qui sont de véritables arguments politiques (de droite et d’extrême droite) dans notre monde actuel. Des interrogations face auxquelles il s’énerve, en rappelant un fait très simple mais ignoré par le pouvoir qui ne pense qu’à ses alliances politiques en soutenant le pays belliqueux : des humains sont en train de mourir. Cette vision très idéaliste et humaine de Superman ne date pas d’hier, c’est l’essence même du personnage né dans les années 1930. Imaginé comme un symbole d’espoir, un besoin de promouvoir le bon face au mal, le personnage a fini par être caricaturé et dénigré comme un « boy scout » ces dernières décennies alors que les comics tendaient vers des récits plus sombres et que le public recherchait sûrement des personnages moins parfaits. Mais Superman a, à quelques exceptions près, toujours maintenu certaines valeurs, et revoir ça sur grand écran, ça fait du bien à mon petit coeur de fan de comics.

Le bal des évènements et un temps limité

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Le film pourtant ne manque pas de petits soucis, comme son action effrénée qui n’arrive pas à se contenir, avec beaucoup de personnages, beaucoup d’évènements qui se déroulent et qui peinent à se faire une place. Même si cela donne une scène savoureuse où l’action se passe littéralement dans le dos d’un héros en plein questionnement, il manque un peu de caractère dans les personnages secondaires qui ont pour l’essentiel plutôt une fonction d’objet au récit. Lois Lane se fait une place, mais Jimmy Olsen est trop secondaire, tout comme les quelques héros et héroïnes qui apparaissent et qui n’ont que peu de substance. Même Lex Luthor, pourtant décisif à l’histoire, n’a pas vraiment le temps d’exister. Cela a néanmoins le mérite de donner une dynamique assez intense au film, laissant peu de temps pour s’ennuyer, et surtout, un vrai goût du sens comique, comme le réalisateur nous y a habitués dans une autre licence. Sa version du chien Krypto est géniale, et il donne à son acteur David Corenswet beaucoup de marge pour être plus que le super-héros parfait. Avec beaucoup de charme et d’humour, l’acteur s’approprie ce personnage iconique et en tire quelque chose de très positif. Il en fait un personnage proche de son entourage, des peuples qu’il prétend défendre, et qui tire sa force des personnes qui le soutiennent. Quitte à passer par une scène caricaturale où un habitant de Metropolis lui vient en aide, une scène que l’on a déjà vu dans des centaines de comics.

Les ficelles de la narration à la James Gunn sont néanmoins plutôt grosses, avec les mêmes archétypes des personnages qu’il reprend à l’infini, comme son Krypto à qui il ne manque que la parole pour être un simili-Rocket Raccoon. Mais il y a une chose qu’il maîtrise toujours, c’est le timing comique et émotionnel qui donne beaucoup d’humanité à ses personnages. Une humanité qu’il offre à un Superman dont la seule boussole morale est le bien commun ; une valeur traditionnelle du personnage qui s’était oubliée à cause de l’insupportable version de l’infâme Snyder. On pourrait lui reprocher sa naïveté, mais elle est inhérente à un héros qui veut voir le bien là où personne ne le voit, et ça donne à son film une force supplémentaire, plus encore dans notre monde occidental où les velléités guerrières reviennent de partout. Je n’étais pas complètement serein face à ce projet, mais bien joué. 

  • Superman de James Gunn est sorti au cinéma le 9 juillet 2025.

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Ces dernières semaines, le jeu vidéo « à la française » était au centre de toutes les attentions grâce à l’immense succès de Clair Obscur: Expedition 33. Une nouvelle lumière portée le jeu vidéo français qui brille par son exploitation d’un univers très baguette et béret. Alors forcément, quand un autre jeu vient exploiter mythes et légendes françaises, on est quand même curieux d’y jeter un oeil. Hasard du calendrier, c’est Chronicles of the Wolf qui est sorti récemment, un metroidvania développé par le studio parisien Migami Games qui explore la bête du Gévaudan.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’une clé PlayStation 5 par l’éditeur.

La campagne et la bête

© 2025 – Migami Studio

Sous ses airs de metroidvania à l’ancienne, à l’inspiration manifeste du côté des meilleurs Castlevania, tant dans la mise en scène que le character design, Chronicles of the Wolf nous emmène surtout sur les traces de la bête du Gévaudan, qui terrorise quelques villages bien contents de voir débarquer Mateo Lombardo, un chevalier de l’ordre de la Rose-Croix qui est envoyé par ses pairs pour faire la lumière sur cette fameuse bête qui n’a laissé échapper aucun survivant susceptible de dire à quoi elle ressemble. S’agit-il d’un loup, ou d’une bête mystique, rien ne permet de le dire avec certitude, jusqu’à la première rencontre avec celle-ci, qui intervient assez tôt dans le jeu. Invincible, cette bête nous pousse à chercher de quoi pouvoir la battre, mettant le héros sur une quête le confrontant à un drôle d’ordre local aux tendances démoniaques. Plutôt accrocheuse, l’histoire exploite très bien les légendes locales, de la bête à la fille du lac, nous faisant explorer la campagne du Gévaudan, actuelle Lozère. Et ça donne aussi une bonne excuse pour diviser le jeu en deux parties : d’abord l’exploration de la campagne, puis dans un second temps l’exploration d’un château aux multiples secrets, dans le plus pur esprit des jeux auxquels le titre de Migami Games rend hommage. Plutôt agréable à parcourir grâce à des décors réussis et variés, le monde de Chronicles of the Wolf a pour lui une originalité bienvenue derrière des mécaniques qui tendent à singer ceux qui l’ont inspiré. 

Le jeu exploite ainsi tous les codes du genre, avec un monde semi-ouvert qui se révèle à mesure que l’on récupère des objets (soit cachés, soit gardés par des boss) et compétences permettant de déverrouiller des zones initialement bloquées. On y retrouve tous les classiques, allant de la clé spéciale qui ouvre une salle, au double saut qui permet d’accéder à une plateforme qui paraissait au début bien trop haute, en passant par la découverte de pouvoirs et objets permettant de survivre à des zones où la mort était autrefois certaine. Plutôt varié dans son contenu, même s’il repose pour l’essentiel sur de nombreux aller-retour jusqu’à trouver la bonne salle et le bon objet pour progresser, le jeu rappelle rapidement les bonnes sensations d’un Castlevania: Symphony of the Night, allant jusqu’à reprendre la « lenteur » du personnage qui se comble au fil du temps avec les nouveaux mouvements récupérés. On reste moins emballés toutefois par les combats de boss, au design peu inspiré, et finalement assez peu marquants dans l’aventure. À l’exception peut-être de l’un ou deux, comme l’apparition de Bloodless, un personnage de la licence Bloodstained, prêté au studio dans le cadre d’une collaboration. Manque de bol, c’est aussi le seul combat de boss infernal, Bloodless ayant un nombre de points de vie démentiel. Mais c’est du contenu optionnel. Sur le contenu principal, le boss final se dégage du lot mais souffre là aussi d’un manque d’idées sur les patterns, laissant un goût d’inachevé après les huit heures nécessaires pour l’atteindre, et les quelques heures supplémentaires pour obtenir la meilleure fin.

Des airs de Castlevania

© 2025 – Migami Studio

Si les similarités avec Castlevania, au-delà du genre du metroidvania qu’il partage, c’est parce que Migami Games y a fait sa renommée. C’est plus précisément avec des fan games consacrés à l’univers de Castlevania que le studio a fait ses armes, et notamment Castlevania: The Lecarde Chronicles 1 et 2, des titres sortis sur PC dans lesquels le studio parisien proposait sa propre vision de la licence. Des jeux qui avaient su satisfaire les fans malgré une difficulté relevée. Au-delà de cette filiation directe, Chronicles of the Wolf offre surtout un « feeling » propre à la série à laquelle il rend hommage, tout en imposant son propre univers. Mais tant dans le maniement du personnage que le comportement des ennemis, le jeu transpire l’amour d’une licence que l’on aimerait bien voir revenir dans cette forme-là au plus vite. S’il n’en a pas la grandeur, il en a indéniablement le coeur, même si cette fascination pour le metroidvania « à l’ancienne » le fait tomber dans certains travers qui entachent l’expérience. On pense notamment à la volonté permanente de « perdre » les joueur·euses dans son univers pour les pousser à tourner en rond et faire d’innombrables aller-retour, avec très peu d’indications sur les objets à récupérer pour progresser. Si on finit toujours par retomber sur nos pieds, surtout quand on a l’habitude du genre et qu’on ne rechigne pas à repasser par les mêmes zones des dizaines de fois, cela le coupe nécessairement d’un autre public qui aurait pu être intéressé par son univers. À trop vouloir rappeler le « bon vieux temps » comme une bande de vieux ronchons qui parlent sans cesse de jeux rétro, le jeu oublie quelques éléments d’accessibilité ou, au moins, de ce qu’on appelle la qualité de vie (QoL/Quality of Life) qui aurait rendu le jeu un poil plus agréable à parcourir. Pourtant, le défi posé n’est pas immense, avec des combats de boss qui peuvent pour la plupart être passés en force en exploitant les compétences et objets les plus surpuissants. L’exploration elle aussi pose assez peu de défis avec des ennemis qui résistent assez peu à notre héros, mais c’est vraiment dans la structure de la progression et ce besoin du studio de ne donner quasiment aucun indice sur la bonne marche à suivre qu’on trouve quelque chose d’assez pénible par instants.

Chronicles of the Wolf reste un metroidvania intéressant, mais même en grand amateur du genre, j’ai été déçu par certains choix. Si son univers est attirant et plutôt bien raconté, avec des dialogues peu nombreux mais très évocateurs sur la peur qu’inspirait la bête du Gévaudan en son temps, les choix faits par le studio sur la progression portent un certain préjudice au jeu. Assez brillante dans toute sa première partie dans la campagne française, un peu moins dans l’exploration de son château, indispensable au genre, la progression se fait le plus souvent par hasard que par déduction logique. Quelques indices sont laissés ici et là pour suggérer la marche à suivre, mais ces indices sont parfois si mal placés que l’on trouve la solution avant l’indice, à force de déambuler encore et encore dans des zones déjà visitées en espérant qu’un élément ait changé. Les choses empirent encore dans sa dernière ligne droite avec quelques conditions à remplir pour obtenir la bonne fin sans que le jeu ne soit très évocateur sur les lieux où récupérer les objets nécessaires. Sans parler de quelques améliorations du personnage (double saut, dash…) qui s’acquièrent de manière un peu alambiquée. On ne cherchait évidemment pas un metroidvania qui nous tient la main, puisque le plaisir du genre passe aussi et surtout par l’exploration, mais à trop célébrer « le bon vieux temps » où les jeux étaient un peu plus complexes et moins accessibles, Chronicles of the Wolf oublie parfois que même les jeux auxquels il rend hommage offraient une progression logique derrière la nécessaire exploration de leur univers, et c’était là tout leur génie.

  • Chronicles of the Wolf est disponible depuis le 19 juin 2025 sur PC, Nintendo Switch, PlayStation 4, PlayStation 5, Xbox One et Xbox Series X|S. 
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Les antro sont, dans les pays hispaniques, des sortes de petits bars alternatifs, où l’on sert des bières et cocktails sous les néons, des taudis où se jouent une musique parfois contestataire. Le contexte idéal pour le bien nommé Antro, un jeu vidéo indépendant créé par le très récent Gatera Studio, fondé en 2022 à Barcelone. Fans de musique, les membres fondateurs ont décidé de créer le studio avec l’idée de mêler la musique à un jeu de plateforme. C’est comme ça que Antro est né, sorti sur PC, Xbox Series X|S et PS5 le 27 juin.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’une clé PS5 par l’éditeur.

La musique comme moteur

© 2025 Gatera Studio

Antro démarre sur les chapeaux de roue. On y incarne un homme chargé de livrer un colis au contenu inconnu, à un destinataire également inconnu. Une mission qui pourrait sembler anecdotique dans notre monde ; mais dans celui du jeu où l’humanité, après une catastrophe, a été forcée de vivre sous terre et sous un régime totalitaire qui contrôle tous les aspects de leur vie, l’idée de se balader comme ça librement avec un colis non identifié relève d’une mission suicide. C’est sous la vieille ville de Barcelone que le jeune nous emmène, dans une ambiance assez sale, où les petits bars fleurissent le long des rues, où les kebab vendent de la viande de rat et où la bière artisanale n’est pas très recommandable. Si les habitants sont tous soumis à un régime de travail forcé, notre héros lui tente de s’en extirper, et sa mystérieuse mission se transforme vite en menace pour le gouvernement. Tant dans ses thématiques que sa mise en scène, on voit rapidement du Inside dans ses influences. Si Antro a son univers bien à lui avec sa représentation d’une ville de Barcelone sous terre, très marquée culturellement par la culture catalane, on ne peut s’empêcher d’y voir les influences d’un Inside avec son contrôle des masses, une humanité agissant comme des fourmis, mais aussi une progression en 2.5D avec un mélange de (petites) énigmes et de plateforme. L’autre influence, c’est celle de Sayonara Wild Hearts, dès que le jeu nous propose son premier niveau musical, le premier d’une longue série, où le personnage doit courir sans cesse vers l’avant en évitant les obstacles au rythme de la musique. On va être honnête, le jeu de Gatera Studio n’a pas tout à fait la maestria de celui dont il s’inspire, mais ces niveaux musicaux représentent quelques uns des meilleurs moments du jeu. Pas seulement grâce à cette séquence de fuite qui oblige à se calquer sur le rythme de la musique pour éviter les obstacles, symbolisant une course poursuite avec la police, mais aussi pour sa bande originale d’excellente facture, mélangeant hip hop, R&B ou encore electro, avec des paroles (en espagnol mais sous-titré) qui apportent de véritables éléments de lore sur le jeu.

Ses idées sont multiples et on sent une véritable générosité dans le jeu, qui se termine assez vite (deux à trois heures tout au plus) mais qui maintient une certaine intensité du début à la fin. Il n’est toutefois pas exempt de tout reproche, à commencer par ses énigmes assez peu intéressantes, reposant pour l’essentiel sur la recherche de collectibles plus ou moins cachés ou d’aller-retour rapides dans un même niveau, notamment dans la deuxième moitié du jeu. Pareil pour l’histoire, pas inintéressante, mais extrêmement classique, peu surprenante malgré un bon moment à la fin. On y retrouve tous les poncifs de la dystopie totalitariste, avec sa liberté d’expression mutilée, ses masses éduquées aux bonnes paroles du leader suprême, et sa ville où le soleil n’arrive jamais, sale et poisseuse. Si le jeu a pour lui son ambiance hispanique, on évolue malgré tout en terrain connu, et cela peut vite remettre en cause l’intérêt pour le jeu, notamment dans son dernier tiers où l’on enchaîne les niveaux assez impersonnels. Heureusement les collectibles qui offrent des éléments de lore et les dialogues apportent quelques éléments intéressants, notamment dans les relations entre les personnages et leur place dans ce monde-là. Peu d’éléments néanmoins sur les motivations d’un héros qui semble plutôt victime de sa propre aventure. 

Un gameplay flottant

© 2025 Gatera Studio

Mais le plus gros problème, pour peu que ça en soit un, c’est le gameplay très « flottant » du jeu. Comme beaucoup de jeux 3D d’une autre époque, les animations sont assez rigides, avec un personnage lors de ses sauts qui n’a aucun impact, tant au décollage qu’à l’atterrissage, comme s’il « volait » au-dessus des obstacles et des précipices. Difficile de dire si c’est une animation voulue ou mal maîtrisée, mais le feeling devient de fait assez peu agréable manette en main, avec l’impression que les mouvements du héros ne sont pas à la hauteur du reste du jeu. Cela donne un sentiment de lenteur, en complète opposition avec l’urgence de la situation où l’on est constamment poursuivi par les autorités. C’est d’autant plus visible sur les phases de plateformes les plus complexes (sans que cela soit bien difficile) dans les deux ou trois derniers niveaux, où le comportement du personnage manque de finesse et de précision. Dommage, car avec un personnage peut-être un peu plus lourd, avec un peu plus de force, le jeu aurait gagné en plaisir procuré, notamment sur les phases musicales. Là, on évite les obstacles en rythme, mais sans vraiment être « récompensés » par des effets ou un véritable impact à l’écran. 

Pour autant, Antro reste une aventure tout à fait correcte. Pour un premier jeu, c’est un titre qui a de bonnes idées sur ses niveaux musicaux et qui bénéficie en plus d’une super bande originale. Si on aurait aimé un peu plus de soin sur les animations et le « feeling » qu’inspirent les mouvements et les sauts du héros, il n’en reste pas moins que l’aventure, très courte, se fait avec plaisir. Rien que pour son contexte atypique, celui des bas-fonds de Barcelone, il mérite le coup d’œil. On salue les intentions du studio qui livre un jeu plein de cœur, et on espère qu’ils feront encore un peu mieux pour leur prochain titre.

  • Antro est sorti le 27 juin 2025 sur PC, PlayStation 5 et Xbox Series X|S. 

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Sur Pod’Culture, nous vous avons déjà emmené(e)s sur les terres horrifiques du mangaka Junji Ito. Révélé par son manga Tomie, où une jeune et belle femme surnaturelle rend fous les hommes autour d’elle, Junji Ito a ensuite creusé son œuvre autour de la peur, des légendes urbaines et du body horror, notamment avec L’amour et de la mort. Les éditions Mangetsu le remettent à l’honneur depuis maintenant quelques années, avec une collection de toutes les œuvres du mangaka. Dans l’ombre est le dernier recueil paru à ce jour dans cette collection, tout à fait à la hauteur des autres œuvres de Junji Ito et permettant de découvrir onze nouvelles écrites entre 1991 et 1993.

Cette critique a été rédigée suite à un envoi d’un exemplaire papier par l’éditeur.

L’horreur dans le quotidien

L’abomination n’est pas toujours totalement surnaturelle chez Junji Ito. Certains de ses récits font part d’une terreur réaliste, à la limite parfois entre l’absurde et le glaçant. Dans l’ombre contient des nouvelles, chacune à chute, un peu comme des épisodes anthologiques de faits divers et surnaturels. L’auteur place ses histoires dans un Japon contemporain, universel, dans lequel l’époque n’est pas clairement définie. Cela rend chaque intrigue d’autant plus proche et actuelle, puisant ses racines dans la vie ordinaire et parfois dans les coutumes les plus traditionnelles du Japon.

Autant dire que les dernières cases font alors toujours l’effet d’une douche froide, d’un frisson glacé. Chaque histoire a une chute comme on les aime, avec une image marquante, grouillante de détails atroces ou d’une poésie morbide, achevant d’imprimer le récit dans la tête du lecteur. Ce petit frisson noir et glacé à chaque « résolution » finale, on prend plaisir à l’éprouver. Car à chaque fois, Junji Ito va encore plus loin dans ses idées, dans sa conception de l’horreur, qui puise autant dans le folklore japonais que dans un body horror assumé, à renfort de transformations charnelles écœurantes et de pourriture décomposée.

Mais pour revenir à cette horreur du quotidien, on la trouve dans deux des récits du recueil. Tout d’abord dans Le Mannequin, où un jeune homme est fasciné par l’image d’une modèle dans un magazine…mais parce qu’elle est à la fois très grande et surtout avec un visage dérangeant, complètement allongé et loin d’être harmonieux. Il en est hanté plusieurs jours, avant de se lancer dans un tournage avec un groupe d’amis…embauchant ce mannequin contre son gré. Bien qu’on soupçonne la modèle de ne pas être humaine, la terreur repose sur ce visage obsédant et inhabituel, qui devient terrifiant et malaisant pour les autres personnages.

Souvenirs disparus met en scène une jeune fille magnifique, qui rêve pourtant d’un visage odieux et monstrueux la nuit. Elle en vient à se demander si un jour elle a ressemblé à ce visage, notamment durant son adolescence dont elle a peu de souvenirs. Là encore, c’est le contraste entre la beauté et la laideur qui imprègne les cases de Junji Ito, mettant en parallèle des jeunes filles sublimes face à d’autres plus grossières et ingrates, mettant quelque part le doigt sur l’obsession de la beauté physique à tout prix. Un thème qu’on pouvait déjà retrouver dans Tomie, avec une sublime héroïne qui cachait un véritable monstre.

Folklore urbain et coutumes funestes

© Dans l’ombre, Junji Ito, Mangetsu, 2025

Une fois n’est pas coutume, comme dans L’amour et de la mort, Junji Ito se plaît aussi à mettre en scène des légendes urbaines japonaises, ou du moins à s’en approcher. Dans L’impasse, qui ouvre le recueil, un jeune homme loue une chambre au sein d’un foyer familial. Il entend des bruits de jeux dans une ruelle fermée, à la nuit tombée. Or, il s’agirait d’enfants fantômes, selon la fille des propriétaires des lieux. S’agit-il d’esprits perturbateurs ou de quelque chose de bien plus sinistre ? Ne comptez pas sur moi pour vous révéler l’excellente chute…

L’auberge fait également appel aux coutumes japonaises traditionnelles pour mieux les détourner. Dans une maison, l’homme de la famille devient fou, obsédé par l’idée de transformer leur demeure en une auberge avec bains thermaux. Il transforme totalement leur maison en un hôtel lugubre, parvenant à creuser la source dont il rêvait tant. Mais celle-ci dégage une odeur sulfureuse et inquiétante… un jeune homme finit par enquêter sur cette mystérieuse auberge, pour comprendre qu’il s’agit d’une sorte d’entrée vers les enfers.

Dans L’assentiment, on observe un jeune homme qui va sans cesse répéter sa demande en mariage au père de son amoureuse. Là où on pourrait dire qu’il s’agit d’un acte traditionnel, celui-ci devient alors absurde et infernal, le père ne cessant d’éconduire la demande tout en profitant des cadeaux du jeune homme. Un manège qui va se répéter des années et des années, virant à l’obsession maladive, à la répétition d’un schéma alors même que l’amour disparaît peu à peu, remplacé par une habitude machinale. Si la dernière demeure poétique, elle est aussi terriblement funeste et triste.

Chairs décomposées

Parfois, l’horreur chez Junji Ito vient également de lieux bien connus du quotidien, qui inspirent d’autant plus l’effroi. L’hôpital où on est censé soigner les maladies ; une fac où les étudiants se retrouvent ; ou sa propre maison, qu’on retrouve après une longue absence. Voisines de chambre confère une vision d’horreur à une jeune femme ayant subi un accident de voiture. Elle est obligée de partager sa chambre avec d’autres patientes, qui semblent rêver des mêmes choses et être dans une étrange symbiose. L’héroïne sera loin de partager cet esprit commun maléfique, finissant par fuir les lieux et ces femmes devenues comme une entité à plusieurs têtes…donnant à voir au lecteur une vision finale glaçante.

Le mal qui hante les pages de Junji Ito n’est pas toujours clairement nommé. La chute nous montre un village frappé d’une étrange malédiction, où les habitants sont emportés dans les airs après des accès de somnambulisme, avant de subir une chute tout à fait mortelle. Sont-ils projetés par un esprit cosmique lovecraftien ? Est-ce une mort suite aux péchés d’une vie ? Le mystère reste entier, mais ces chutes ont de quoi créer un frisson d’angoisse chez les lecteurs et les lectrices.

Les fumeurs est également l’une des nouvelles les plus malaisantes du recueil, mettant en scène un groupe de fumeurs particulièrement pointilleux sur ses nouveaux membres. Les cigarettes qu’ils partagent sont addictives, loin d’être véritablement « surnaturelles » et pourtant… avec un parallèle qui fait immanquablement penser aux camps de déportation et d’extermination de la Seconde Guerre mondiale, ce récit nous met terriblement mal à l’aise, montrant que l’horreur peut venir de n’importe où, transformant n’importe qui en un être qui n’a plus toute sa raison.

Labyrinthes intérieurs

© Dans l’ombre, Junji Ito, Mangetsu, 2025

Parlons enfin des trois nouvelles restantes dans le recueil, et qui font peut-être partie de celles qui m’ont le plus frappée. Elles reflètent en effet à la fois toute la fascination et le morbide que Junji Ito parvient à créer dans ses histoires. Ses personnages sont ordinaires, vite reconnaissables, parfois attachants, toujours très proches de nous. Ni particulièrement beaux, ni particulièrement laids (sauf quand c’est voulu), les héros et héroïnes se retrouvent souvent perdu(e)s au milieu de situations qui les dépassent, basculant brutalement dans l’étrangeté et l’horreur. Parfois ils s’en sortent. Parfois, seule la mort les attendra.

La moisissure voit un homme revenir chez lui après une longue absence. Il a choisi de louer sa maison à une famille vaguement connue, pour alors découvrir que sa demeure a été complètement ruinée et infestée d’une sorte de moisissure. Il essaie de la réhabiliter, pour découvrir que la pourriture qui suinte sur les murs ne fait que s’étendre, s’étendre, atteignant les fondations de la maison et s’infiltrant dans les moindres recoins. Hélas, il choisit d’y rester plutôt que fuir… Il s’agit encore d’une de ces nouvelles particulièrement frappantes. Parce que la pourriture dégoulinante des parois s’infiltre dans notre tête en même temps que dans celle du protagoniste. Parce que les détails sont tellement bien dessinés qu’on a un froncement écoeuré rien qu’en regardant les cases. Junji Ito parvient à transmettre l’horreur par son coup de crayon, par son ambiance, parfois de façon quasi-physique.

C’est quelque chose qu’on retrouve aussi dans La ville sans rues, particulièrement fascinante. Une jeune fille décide de rendre visite à sa tante, mais réalise que la ville où cette dernière vit a été barricadée. En vérité, les rues ont soudainement eu des murs, rendant impossible toute circulation, à part en passant dans les maisons des uns et des autres. Chaque habitant s’est alors mis un masque pour essayer de cacher son identité et le peu de pudeur qu’il leur reste. Et en plus, un tueur rôde… Particulièrement claustrophobe et géniale à la fois, La ville sans rues nous emmène dans un dédale où il n’y a plus d’intimité, où les gens se font voyeurs et incognitos, où chacun et chacune commence un peu à perdre la raison, sans pour autant se résoudre à fuir. La nouvelle révèle le pire et le meilleur en chacun, du voyeurisme à la tuerie, dans une ville où le manque d’intimité et d’ouverture – contradictoires – rend fou.

Enfin, parlons du Marchand de glaces, qui a quelques vibes à la Stephen King. Dans leur nouveau quartier, un père et un fils voient qu’un camion de glaces passe régulièrement pour offrir des crèmes glacées aux gamins. Ces glaces deviennent alors une obsession, jusqu’à ce que le père cède et laisse son fils en prendre. La fin de l’histoire devient un cauchemar pur que je vous laisse découvrir.

Conclusion

Dans l’ombre confirme le talent et le génie de Junji Ito, créateur d’histoires horrifiques aussi fascinantes que glaçantes, maniant l’horreur du quotidien aussi bien que celle menant à la décomposition, la maladie et le mal intérieur en chacun(e) de nous. Il est particulièrement doué pour installer des scènes simples, et pourtant installer dans ses récits des images saisissantes, perturbantes, qu’on n’oublie pas de sitôt. Bien des nouvelles de ce recueil me resteront en mémoire, peut-être davantage encore que avec L’amour et de la mort. S’il s’agit avant tout de récits horrifiques particulièrement bien menés, certains n’oublient pas de se faire critique ou parfois métaphores de certains traits humains ou de la société japonaise, dénonçant les obsessions, le culte de la beauté, la gourmandise extrême ou l’égoïsme inhumain. L’horreur se cache dans aussi bien dans l’ordinaire que le surnaturel, et il n’y a pas toujours besoin de body horror, pour réaliser un récit à vous faire passer une nuit blanche.

  • Les œuvres de Junji Ito sont disponibles en librairie aux éditions Mangetsu.
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Alors que l’on sort à peine de la collection Infinite après trois années intenses, Urban Comics propose la collection DC Absolute. En attendant l’arrivée très prochaine de « Prime » collectionnant la continuité « All-In » qui fait suite à Infinite, cette collection Absolute est le fruit d’une idée pas vraiment atypique mais forcément intrigante du côté de DC, celle de réécrire les mythes de la trinité Wonder WomanBatmanSuperman sous un angle plus noir, plus intense, dans un univers alternatif, un elseworld, où ces trois là ne sont pas celle et ceux qu’on connaît. Les premiers tomes sont déjà sortis et offrent une approche vraiment différente de la continuité, avec une liberté créative plus grande encore pour les auteur·ices. 

Cette chronique a été écrite suite à l’envoi d’exemplaires par l’éditeur.

Absolute Wonder Woman – Tome 1, l’Amazone des enfers

© 2025 DC Comics – Urban Comics

Écrite par Kelly Thompson (qui a écrit Birds of Prey notamment) et dessiné par Hayden Sherman, cette Wonder Woman ne partage que peu de choses avec celle que l’on connaît habituellement. Si elle tente d’incarner, avec difficulté, des valeurs d’amour et de sagesse, et qu’elle a également croisé la route de Steve Trevor, ses origines elles diffèrent complètement et ont un impact direct sur ce qu’elle est. Non pas élevée sur l’île des Amazones, qui ont été bannies par les Dieux, elle a été élevée plutôt par Circé au sein des enfers. Jetée là par les Dieux alors qu’elle était bébé et la dernière Amazone encore en vie, elle a grandi au milieu de l’adversité, repoussant les menaces alors qu’elle ne marchait pas encore, et faisant déjà preuve d’une vraie pureté d’âme. Mais cette vie en enfer l’a aussi poussée à maîtriser la magie du sang, à réaliser un sacrifice qui marquera le reste de sa vie, et à connaître déjà les limites de déités qui agissent aussi parfois par haine. Cette Wonder Woman, plus guerrière que jamais, plus Xena ou Red Sonja que déesse, incarne autant l’espoir que la peur aux habitant·es de Gateway City quand elle débarque pour la première fois au moment où une créature des enfers tente d’y déchaîner sa fureur. Cette incarnation de Wonder Woman, complètement différente de celle à laquelle on est habitué·es, n’en reste pas moins pourtant une personne motivée par l’amour et le besoin de défendre la veuve et l’orphelin, même si ses méthodes ont bien changées. Armée d’une épée gigantesque qui semble avoir été empruntée à Guts de Berserk, avec un lasso qui lacère son ennemi plutôt que pour lui arracher une quelconque vérité, le bras tatoué avec du sang, la guerrière peine à se faire entendre par les autorités qui ne comprennent pas ce qui se passe, mais elle en impose pas moins son aura, incontestable.

Cette réécriture du mythe de Wonder Woman a d’intelligent qu’il s’évade de la vieille iconisation d’une héroïne à l’ancienne parfois un peu dépassée. Si on aime profondément ce qu’elle incarne et son importance dans la représentation féminine chez DC à une époque où les personnages féminins étaient peu nombreux, c’est aussi bon de voir une incarnation différente, plus féroce, prenant l’ascendant sur l’image qu’on lui impose et déchaînant une violence apprise en enfer. Si le récit ne se situe pas sur la continuité de l’excellent Wonder Woman : Hors-la-loi de Tom King, il y a un vrai plaisir à lire ce récit juste après lui, tant les deux comics opèrent deux représentations différentes de la même héroïne mais en appelant à quelques concepts communs avec une exécution différente. Comme le besoin infaillible de Wonder Woman d’aider son prochain, sa compassion et sa détermination à se battre jusqu’à la mort. Je reste néanmoins plus mesuré sur les dessins, le style de Hayden Sherman manquant parfois d’impact. Surtout dans un récit qui emprunte à l’imaginaire kaiju japonais avec l’immense monstre et le combat final dantesque, qui aurait mérité d’un peu plus de rythme et de folie.

Absolute Superman – Tome 1, le baroudeur

© 2025 DC Comics – Urban Comics

S’il y a bien un mythe de DC qui n’a pas beaucoup bougé avec le temps, c’est celui de Superman. Souvent caricaturé en boy scout, le gendre idéal à la vie civile est un super-héros au sens le plus pur quand il est en costume. Incarnant des valeurs familiales, le défenseur de la veuve et de l’orphelin est toujours décrit comme parfait, avec une morale impeccable rarement mise à défaut. Pour ce Absolute Superman censé renverser les codes, Jason Aaron s’empare du personnage et l’éloigne de tout ce qui a toujours permis à Clark Kent, l’alter ego civil de Superman, d’être l’homme « parfait » et sans faille. Pas de famille d’accueil Kent, qui ne semble plus en vie, pas d’histoire d’amour avec Lois Lane, pas d’amitié avec Jimmy Olsen, ce Superman là est un jeune baroudeur qui explore le monde et met ses pouvoirs au service des peuples sans défense, avec férocité et violence contre son ennemi Lazarus Corp, une société capitaliste et paramilitaire qui exploite les pauvres pour ses propres profits. Si Superman reste le même défenseur des plus faibles, ses méthodes diffèrent grandement, et sa personnalité est celle d’un gamin paumé, un jeune dévasté par les horreurs du monde, qui tente tant bien que mal d’aider un peu tout le monde, dans des villes et pays délaissés. 

C’est une réinvention maline de Superman, car elle permet de voir évoluer le personnage dans un contexte radicalement différent. Loin des idéaux d’une Amérique fantasmée, le personnage découvre la misère, l’exploitation des travailleur·euses, et ne peut agir face à la violence capitaliste sans déchaîner lui-même une violence qu’on lui connaît assez peu. Et puis, les superbes dessins de Rafa Sandoval donnent beaucoup de coeur à cette histoire, qui ramène les autres personnages habituels de l’entourage du super-héros dans des rôles complètement différents. Comme pour Absolute Wonder Woman, on voit bien que ce projet « Absolute » veut complètement renverser les codes propres à ces personnages d’anthologie, et ça fonctionne très bien. Il lui manque peut-être de prendre un peu plus le temps en racontant les peuples au sein desquels évolue Superman, qui ne sont malheureusement qu’accessoires à son aventure, alors qu’il aurait pu être intéressant de raconter un peu plus la perception du mythe du héros par des personnes qui n’en ont habituellement aucun.  

Absolute Batman – Tome 1, Batman désarmé

© 2025 DC Comics – Urban Comics

La réinvention de Batman en Absolute était évidente : c’est un Batman sans le sou, ou presque, qui se présente à nous. Son père n’a jamais été le chirurgien renommé de la haute bourgeoisie de Gotham, au lieu de ça c’était un prof inconnu, mort dans une fusillade au Zoo. Alors Bruce a dû se démerder un peu, apprendre à vivre par lui-même, et surtout à se renforcer physiquement en grandissant pour devenir la chauve-souris qu’on connaît. L’idée d’un Batman fauché n’est pas vraiment nouvelle, d’ailleurs il avait perdu sa fortune dans la continuité récente, mais le fait de le faire grandir dans un Gotham populaire, sans objets high tech et hors de prix pour l’aider dans sa quête, le ramène à quelque chose de très animal. Presque vampirique, terrifiant, il revient aux origines d’un héros qui veut faire peur, qui inspire la crainte chez des malfrats confrontés à un gars prêt à tout, à taper fort et peut-être même plus. Représenté avec de gros muscles, quasiment caricatural, féroce, ce Batman de Scott Snyder n’est pas très subtil (mais la subtilité n’existe pas chez Snyder), mais elle est efficace, et s’insère très bien dans ce projet visant à montrer ces icônes de DC sous un angle radicalement différent. On voit Batman évoluer avec ses amis, pour la plupart des personnes qui sont devenues méchantes dans la continuité principale. On le voit haïr la haute bourgeoisie, lui reprocher tous les maux de sa ville, offrant au personnage une dimension plus populaire, plus proche du peuple. C’est presque l’antithèse du héros tel qu’il existe depuis des décennies.

Si on peut lui reprocher la facilité de son approche, consistant essentiellement à inverser la situation habituelle du Chevalier Noir, Scott Snyder n’en reste pas moins un auteur efficace qui propose un récit accrocheur, même s’il ne peut pas s’empêcher de mettre des pics sur le dos de Batman, comme s’il n’avait jamais oublié son Batman Metal (que j’aimerais oublier, pour ma part). Surtout, il profite du travail de Nick Dragotta aux dessins, toujours juste, et qui a l’air de bien s’amuser avec ce Batman massif, un peu underground, libéré du carcan habituel. Ça ne prend pas la route d’un très très grand récit, mais on devrait quand même pas mal s’amuser, et c’est déjà le cas dans ce premier tome. Vivement la suite.

  • Les comics de la collection DC Absolute sont disponibles en librairie aux éditions Urban Comics.
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Bonne surprise de l’année dernière, Duck Detective, sous-titré The Secret Salami, nous mettait dans la peau de Eugene McQuacklin, un canard anthropomorphe détective privé dépressif, récemment divorcé, qui se retrouvait à travailler sur une obscure histoire de vol de salami dans un open space qui a tout du The Office. Son univers coloré avec une dose de cynisme et d’absurde avait de beaux arguments, et offrait une courte enquête extrêmement satisfaisante, bien aidé par un humour acerbe et un voice acting du meilleur effet. Rien qu’une petite année plus tard, quasiment jour pour jour, Happy Broccoli Games propose le 22 mai 2025 sa suite avec Duck Detective: The Ghost of Glamping. Vaguement remis de son divorce, le détective part en vacances en camping, non, pardon, en glamping (le luxe avant tout !) sur les bons conseils de son comparse Freddy le croco. 

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’une clé PlayStation 5 par le développeur.

Fantômes en vacances 

@ 2025 Duck Detective: The Ghost of Glamping, Happy Broccoli Games

Très vite ce second épisode rappelle l’ambiance si accrocheuse de son prédécesseur. Eugene McQuacklin reste ce même détective désabusé, déprimé par sa vie personnelle et qui ne trouve réconfort que dans ses enquêtes. Auteur d’un roman dont son compère Freddy (dont la voix est celle de Brian David Gilbert pour les amateur·ices) ne se sépare jamais, le canard détective préfère passer son temps au boulot que de prendre des vacances pour broyer du noir. Alors quand Freddy lui annonce qu’il leur a réservé quelques jours de repos au camping, c’est le drame. Mais en arrivant sur les lieux du glamping tant vanté par Freddy, le détective retrouve des couleurs en réalisant qu’il y a une enquête à mener. En effet, un fantôme hanterait le camping installé sur le terrain d’un ancien sanatorium. Il n’y croît évidemment pas, et c’est là l’occasion de percer un mystère pas comme les autres. En réinstallant son ambiance mi-absurde, mi-mignonne avec ses personnages anthropomorphes hauts en couleur, Duck Detective: The Ghost of Glamping apporte exactement ce qui faisait les qualités du précédent titre. On se plaît à explorer les quelques zones d’enquête, à parler aux différents protagonistes, à les découvrir et à les confondre dans leurs mensonges pour mieux comprendre ce qu’il se passe. D’une militaire rigide à un influenceur à l’accent français, en passant par une responsable du camping stressée, les personnages ne manquent pas de personnalité et jouent tous et toutes un rôle dans ce whodunnit ou chacun·e est tour à tour suspecté·e d’être à l’origine des choses bizarres qui se passent dans le camping et qui sont attribuées, à tort ou à raison, à du surnaturel. 

Dans la forme, le jeu est identique à son aîné, c’est-à-dire que l’on se déplace librement entre plusieurs petites zones de jeu où l’on peut interagir avec des objets du décor, les personnages et examiner tout le monde à la loupe pour tirer des mots qui permettent ensuite de remplir des textes à trous. Un peu comme The Case of the Golden Idol mais en beaucoup moins complexe, Duck Detective préfère se focaliser sur la narration et la sympathie de son univers plutôt que sur la difficulté de l’enquête. Simple excuse symbolisant les différentes étapes de la réflexion du héros, les phases de “déduction” au moyen des textes à trous se font très simplement, avec la possibilité en plus d’activer une option d’aide affichant le nombre d’erreurs dans les textes que l’on tente de remplir ; il est ainsi fondamentalement possible de “forcer” la résolution des textes à trous en essayant toutes les combinaisons sans avoir à réfléchir. Mais ce serait dommage de procéder ainsi tant le jeu fait tout pour que les déductions paraissent naturelles. Il y a un véritable effort de réflexion pour que les déductions à réaliser fassent pleinement sens avec les informations à disposition suite aux enquêtes. Le premier jeu, l’année dernière, se perdait sur ce point dans son dernier tiers avec quelques révélations qui tombaient comme un cheveu sur la soupe, avec des indices qui manquaient de cohérence avec la déduction à réaliser. Plus maîtrisé sûrement, ce deuxième titre semble être celui de la maturité pour le studio.

Personne n’entend un quack ?

@ 2025 Duck Detective: The Ghost of Glamping, Happy Broccoli Games

Heureusement comme le premier titre, Duck Detective: The Ghost of Glamping préfère la qualité à la quantité en proposant une aventure courte mais intense. Découpé en quelques étapes d’une enquête où l’on découvre peu à peu les secrets des pensionnaires du camping, le jeu se termine en trois à quatre heures tout au plus, une poignée d’heures mises au service d’un casting extrêmement réussi avec une galerie de personnages qui évoque quelques uns des meilleurs whodunnit. Le personnage de la militaire cache une subtilité insoupçonnée, comme l’influenceur français qui ne se contente pas de n’être qu’une caricature. Idem pour son attachée de presse, plutôt intéressante, ou encore la responsable du camping qui lance les hostilités avec un accueil qui n’est pas franchement chaleureux. L’écriture est à saluer, avec beaucoup de petites vannes pince-sans-rire, même si cela nécessite d’avoir un niveau correct en anglais faute de traduction française. Mais si vous comprenez la langue, ce serait dommage de passer à côté tant il y a quelque chose de malin dans cette narration, qui prend les histoires de fantômes à contre-pied, et qui s’amuse des particularités animales de ses personnages pour les tourner en dérision.

Très accessible, la série des Duck Detective mérite le coup d’œil même lorsque l’on n’est pas amateur·ice de jeux d’enquête. Plus encore avec son prix tout mini, vendu à moins de 10 euros. Avec ses enquêtes plutôt simples à réaliser, ce deuxième épisode corrige les défauts du premier en insistant bien sur la cohérence de ses déductions, et apporte en plus une charmante petite histoire de fantômes avec un humour toujours savoureux. Le personnage principal reste un coup de coeur dans ce deuxième titre, tant son cynisme de vieux briscard s’associe bien avec son allure de canard, comme si c’était une évidence d’incarner un canard détective. Absurde mais plein de bon sens, Duck Detective: The Ghost of Glamping est un super jeu et laisse espérer, pourquoi pas, un troisième épisode un de ces jours.

  • Duck Detective: The Ghost of Glamping est disponible depuis le 22 mai 2025 sur PC, Switch, PlayStation 5 et Xbox Series X|S. 
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