Vous êtes-vous déjà demandé ce que cela ferait si vous vous retrouviez en mesure d’entendre les pensées les plus intimes de votre entourage, le tout sous forme de numéros musicaux ? En y réfléchissant bien, il est fort probable que votre réponse soit négative. Ayant oeuvré par le passé sur Gossip Girl et Jake in Progress, le showrunner Austin Winsberg s’est, lui, déjà bel et bien posé cette question, au point d’affubler l’héroïne de sa nouvelle comédie, Zoey et son Incroyable Playlist, de cet étonnant pouvoir. Une série idéale pour enchanter l’automne ?
Zoey Clarke a la trentaine, une vie bien rangée, un travail stable dans une start-up en vogue de San Francisco et un désamour profond pour les comédies musicales. Cette jeune femme active et passionnée à qui tout semble sourire doit pourtant faire face à une situation familiale compliquée. En cause, son père, Mitch, atteint d’une maladie dégénérative rare. Inquiète à l’idée que cette pathologie soit héréditaire, notre héroïne se décide, malgré son intense claustrophobie, à passer une IRM afin de se rassurer un minimum… et c’est évidemment à ce moment-là que les ennuis vont commencer. Coincée dans la machine infernale tandis qu’un tremblement de terre survient alors, Zoey en ressort finalement avec une aptitude étonnante.
Devenue une « X-Men croisée avec The Voice » (ce sont ses propres mots), la voilà désormais en mesure de capter une curieuse fréquence habituellement inaudible pour tout être humain, une particularité qui se traduit par la possibilité d’entendre les états d’âme de tout son monde au travers d’étranges séquences musicales que Fame et Glee seraient largement aptes à envier. Une foule d’anonymes ayant besoin d’une aide précieuse ? Retentit alors « Help ! » des Beatles. Un meilleur ami secrètement amoureux ? Il se mettra à entonner « I Think I Love You » de The Partridge Family. Une mère au bout du rouleau ? Place à « A Little Less Conversation » du King Elvis Presley.
Aussi capricieux qu’incontrôlable, ce super-pouvoir surréaliste, Zoey va, bien malgré elle, devoir apprendre à l’exploiter au mieux, ce dernier s’accompagnant en supplément d’une mission bien précise : aider ses proches à retrouver une certaine forme d’équilibre dans leur quotidien.
De Whitney Houston à Ed Sheeran, de R.E.M. à Miley Cyrus ou même des Rolling Stones à DJ Khaled, la sélection de morceaux présente dans la série ratisse plus d’une cinquantaine d’années de tubes anglo-saxons et se révèle être une torture psychologique redoutable pour notre pauvre héroïne qui remarquera bien vite qu’elle ne peut désormais échapper à cette nouvelle destinée.
Les voix du succès
Véritable série à concept, Zoey et son Incroyable Playlist a largement matière à faire sourire quiconque se retrouverait nez à nez, sans la moindre préparation au préalable, face à son pitch pour le moins unique en son genre.
Pour autant, cette création made in NBC, également produite par Paul Feig, cache bien son jeu au sein de sa promotion et seul(e)s celles et ceux osant se lancer dans cette bien étrange aventure musicale seront en mesure d’apprécier toute la dimension tragi-comique qui la compose. Au-delà de ses prestations grandiloquentes, ce show ambitieux, bien qu’un peu fauché, production de network oblige, fait preuve d’une humanité que l’on ne peut que prendre plaisir à retrouver sur nos écrans durant cette période pour le moins complexe que notre société traverse. Qu’elle aborde la maladie, l’homosexualité, l’angoisse de la paternité, la foi, les troubles obsessionnels ou encore la charge mentale, Zoey et son Incroyable Playlist maîtrise son ton et ses sujets en faisant preuve d’une étonnante délicatesse lorsque le besoin s’en fait sentir. Grâce à cela, la série ne s’interdit rien et use de toutes ses aptitudes pour nous faire rire comme une madeleine autant que pleurer aux éclats. Dans ce petit jeu des émotions, l’ensemble de la distribution déroule sa partition avec une efficacité redoutable. Lumineuse et excentrique, la géniale Jane Levy, déjà vue dans Evil Dead (2013), Castle Rock et What/If, surprend plus que jamais dans un rôle à mille lieues de ses précédentes interprétations, tandis que tout le reste de la troupe de comédiens et comédiennes, composée de figures reconnues venues d’une multitude de productions américaines, de Lauren Graham (Gilmore Girls, Parenthood) à Peter Gallagher (Newport Beach, Covert Affairs) en passant par Mary Steenburgen (Philadelphia, The Last Man on Earth) et Skylar Astin (Pitch Perfect), lui donne la réplique dans des séquences aux joutes verbales savoureuses dans lesquelles les punchlines, souvent mordantes, fusent.
Mention spéciale pour Alex Newell (Glee), interprète du fabuleux Mo, le voisin excentrique et non-binaire de Zoey, un second rôle aussi touchant qu’hilarant, obsédé par la mode et la musique, dont la répartie, le franc-parler et la puissance vocale constituent le sel d’une grande partie de la série.
La Nouvelle Star d’un genre ?
Vous l’aurez probablement compris à la lecture de ce précédent paragraphe, Zoey et son Incroyable Playlist est tout autant un savant concentré de vitamines D qu’un redoutable moyen de vous vider un paquet de Kleenex dans son entièreté.
L’enthousiasme général, les performances galvanisantes et la colorimétrie chatoyante composent un délicieux cocktail de bonne humeur qui se voit presque instantanément contrebalancé à chaque séquence par une tonalité réaliste et un rappel permanent aux difficultés que tout un chacun peut finalement se voir affronter un jour ou l’autre au sein de son quotidien.
En se penchant un peu sur le sujet, cet équilibre narratif ne représente-t-il pas le marqueur d’une dramédie efficace ? L’une de celles qui nous permettra tout autant de nous évader un instant tout en nous invitant à nous interroger sur une myriade de sujets aussi importants que souvent intimistes pour les auteurs et autrices qui se cachent derrière ? Dans le cas de Zoey et son Incroyable Playlist, la série est dédiée à Richard Winsberg, le père de son créateur, décédé des suites d’un long combat contre la Paralysie supranucléaire progressive, tout comme la figure paternelle de l’héroïne.
Finalement, derrière les paillettes et les chansons pop, l’irrésistible Zoey et son Incroyable Playlist est avant-tout une création infiniment importante et personnelle pour l’homme qui en a eu l’idée. Un récit à l’humanité évidente qui se ressent tout au long des 12 épisodes qu’elle comporte. Un miroir déformant de la réalité qui ne pourra que difficilement laisser quiconque indifférent, y compris pour les plus réfractaires au genre si particulier qu’est la comédie musicale.
Bien plus proche du comique noir et doux-amer de la tout aussi excellente Crazy Ex-Girlfriend que du charme délicieusement nostalgique, rêveur et romantique d’un La La Land (avec lequel elle partage tout de même sa chorégraphe, Mandy Moore), la série n’émet aucune fausse note et se permet même de remettre en permanence en question son propre concept, instaurant régulièrement de nouvelles règles face aux aptitudes grandissantes de Zoey qui devra apprendre à se sentir bien dans sa peau et à se comprendre soi-même avant de pouvoir épauler chacun des membres de son entourage pour qu’ils en fassent tout autant.
Durant ce passage de vie semé d’embûches, cette héroïne charismatique, initialement peu douée pour la joie de vivre et l’accueil des petits plaisirs du quotidien, finira par progresser, évoluer, s’interroger et lâcher prise avant de devoir procéder à une légion de choix qui ne pourront qu’avoir de lourdes conséquences sur la suite de son existence. Cela tombe bien, elle aura encore tout le temps d’appréhender ses innombrables bouleversements, Zoey et son Incroyable Playlist ayant été renouvelée en juin dernier pour une seconde saison dont le tournage vient tout juste de débuter.
- La saison 1 de Zoey et son Incroyable Playlist a été diffusée du 7 janvier au 3 mai sur NBC aux Etats-Unis. En France, la série a fait ses débuts le 19 mai sur WarnerTV et est désormais disponible à l’achat digital sur toutes les plateformes.