Suzume | Du déni à l’acceptation

by Mystic-Falco

Depuis maintenant quelques années, les films d’animation japonais ont tellement la cote en France que l’on a la chance d’avoir des sorties cinéma. Plusieurs réalisateurs sont maintenant vraiment connus à tel point que chaque sortie est un petit évènement en soi. Il y aurait déjà long à dire sur Mamoru Hosoda, avec des œuvres telles que Ame & Yuki les enfants loups, Summer Wars ou encore Belle que l’on vous a déjà présenté au travers d’une causerie. Bien évidemment, il en est de même pour les films du studio Ghibli. Mais la dernière sortie en date vient d’un tout autre réalisateur, à savoir Makoto Shinkai.

Le nouveau Miyazaki ?

©Makoto Shinkai 2016

Pourquoi un tel surnom ? Makoto Shinkai serait-il réellement le nouveau Miyazaki (du studio Ghibli) ? Je ne serais pas aussi sûr d’une telle affirmation. Je pense surtout que chaque réalisateur a quelque chose à proposer de différent, et que ce surnom, bien qu’il ne soit pas péjoratif envers Shinkai, n’est qu’un raccourci pour parler de films d’animations japonais. Les messages présents dans les six films du réalisateur sont assez similaires de ce que l’on peut trouver ailleurs. Ne serait-ce que la destinée et l’amour. Beaucoup de ses personnages sont destinés a réaliser de grandes choses. Que ce soit pour sauver des gens, ou plus précisément sauver l’amour de leur vie, ou encore accomplir des miracles pour aider la nature. Ce sont bien là deux thèmes qui sont chers au réalisateur. Mais ce dernier arrive à mettre en scène ses films d’une façon assez originale, ce qui fait qu’ils sont vraiment « à part ».

Que ce soit par le biais de catastrophes naturelles, ou de créatures surnaturelles, nous pouvons lire au travers de ces cataclysmes un réel traumatisme du cinéaste sur les différentes atrocités qu’a pu vivre son pays. Entre les bombes lâchées sur le Japon durant la seconde guerre, ou encore les séismes et autres tsunamis, le trauma est réel et bien présent. Cependant, il n’en fait pas le sujet principal de ses films, mais plutôt la péripétie principale. Dans Your Name par exemple, la météorite qui menace une partie du Japon n’est pas le sujet principal, elle est la cause du récit poussant les personnages à se rencontrer et à faire le nécessaire pour sauver un village, et surtout développer une relation entre eux. C’est d’ailleurs via ce film que j’ai découvert le réalisateur, et que je suis tombé éperdument amoureux de son style de narration. Shinkai propose, certes des messages simples et universels, mais il le fait avec une telle maestria que rares sont les personnes à ne pas être touchées par ses films.

Les étapes du deuil

©Makoto Shinkai 2022

Suzume est le nouveau long métrage de Makoto Shinkai. Sorti en France le 12 avril 2023, il ne fait que prouver une fois de plus que le réalisateur a beaucoup de choses à dire, et surtout que ce dernier arrive encore à se renouveler et proposer de nouveaux thèmes. Mais avant tout quel est l’histoire de ce nouveau film ?

Suzume, une jeune femme de 17 ans, rencontre un jeune homme, Sôta, cherchant une « porte ». Les deux personnages vont s’entraider et enfin la trouver. Celle-ci s’ouvre sur un monde parallèle, provoquant des catastrophes dans le monde réel. Ils réussiront à la fermer évitant ainsi le pire. C’est ainsi que le récit propulse les deux adolescents dans un voyage initiatique au travers de tout le Japon, afin de fermer toutes ces portes. Bien évidemment, afin de pouvoir parler plus en détail du film, et de son message qui m’a particulièrement touché, je ne vais avoir d’autre choix que de spoiler la conclusion du film, donc vous voila prévenu.

Encore une fois Shinkai se sert des péripéties de son long métrage, pour promouvoir un message bien plus fort et plus profond. Entre l’émancipation, le gain de maturité et l’affranchissement de son passé, Suzume va devoir traverser divers étapes durant son voyage. C’est notamment au travers du deuil qu’elle gagnera en sagesse, et qu’elle acceptera son lourd passé. Selon ce que l’on en dit, le deuil se découpe généralement en cinq étapes ; le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation. Cinq étapes que l’héroïne croisera au travers de son voyage, cinq étapes qui lui permettront d’enfin accepter le décès de sa mère, et de faire la paix avec elle-même. Un message, en soit, des plus universels, mais c’est grâce à sa mise en scène que le réalisateur brille. Chaque scène pendant laquelle l’héroïne va réussir à sauver les différentes villes en proie à des cataclysmes, lui sert à apprendre et à accepter les différents maux qui font partie d’elle. C’est notamment au travers des personnages de Sôta et Daijin, que quatre des cinq étapes du deuil se feront. La dernière étape étant à réaliser soi-même. La meilleure façon d’arriver à avancer, c’est de vouloir avancer. Ce que je veux dire par là, c’est que malgré toute l’aide du monde que l’on peut avoir autour de nous, nous sommes notre propre déclic. C’est ce que va apprendre littéralement Suzume au travers d’un climax rempli d’émotion en aidant la petite fille qu’elle était au moment de la perte de sa mère.

Les étapes du deuil ont un réel impact sur moi. Pour des raisons qui sont les miennes, mais à plusieurs reprises dans ma vie, j’ai dû les affronter et en ressortir grandi. Il ne fait aucun doute que Shinkai aussi, a vécu ces difficultés et c’est pour cela que le film m’a parlé à ce point et pourra parler au plus grand nombre si on prend la peine de s’y arrêter un instant et d’y réfléchir. On peut choisir de vivre notre vie, les difficultés et les facilités telles qu’elles viennent. Mais on peut également s’arrêter un instant, prendre du recul et apprendre de tout ça. Afin de devenir une autre personne, prête à affronter de nouvelles difficultés et ce sans trébucher, ou être dans le déni et enfouir nos problèmes sous le tapis. C’est exactement ce à quoi aspire Suzume à la fin de ce long métrage. Après un voyage, presque initiatique, elle s’ouvre à un nouveau monde, et surtout a réussi à faire la paix avec elle-même.

Makoto Shinkai a su exploiter son média pour parler d’un tel sujet et nous prouve encore une fois qu’il est un grand réalisateur. Proposant ainsi divers messages et émotions dans le but de nous faire réfléchir au monde qui nous entoure et surtout ce que l’on peut nous-même nous apporter en étant bienveillant avec notre propre personne.

  • Suzume est au cinéma depuis le 12 avril 2023.

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