Polite Society | Mariage, haine et coups de latte

by Anthony F.

Au terme d’une année riche en bon cinéma, une dernière sortie mérite que l’on en parle : Polite Society de Nida Manzoor, sorti directement en VOD le 31 décembre 2023. Si le film n’a malheureusement pas eu droit à une sortie sur grand écran, contrairement à d’autres pays, il n’en reste pas moins une des belles surprises de l’année. Et ce serait une erreur de ne pas lui donner sa chance, tant la réalisatrice sert un film drôle, généreux et grisant sur fond de mariage et d’arts martiaux.

Folie maîtrisée

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Petite sœur, grands problèmes. Ria voit sa grande sœur Lena accepter la demande en mariage express de Salim, un homme pratiquement sorti de nulle part. Certaine que cela cache quelque chose, elle se met en quête d’une seule et unique mission : faire échouer le mariage. Et pour ce faire, elle requiert l’aide de ses deux meilleures amies, tout en tirant partie de l’un de ses talents, son goût pour les arts martiaux. Plein d’enthousiasme, le premier long métrage de Nida Manzoor nous prend par les tripes dès ses premiers instants et nous relâche 1h45 plus tard avec le sentiment de sortir de montagnes russes absolument folles. On y découvre une belle histoire de sororité, de doutes, de vies empreintes d’une culture anglo-pakistanaise, d’une envie de laisser aller sa folie et de vivre l’instant présent. Polite Society est d’une terrible intelligence, d’une douceur sans pareil et d’une beauté qui reste en mémoire. On doit celle-ci à la mise en scène de Nida Manzoor qui met aussi bien en valeur des scènes de combats au rythme dantesque, s’inspirant parfois du cinéma d’arts martiaux asiatique avec une touche de couleurs pakistanaises, que des scènes plus légères où Ria, convaincue que Salim est mauvais, relâche sa frustration d’autres manières. Et c’est superbement interprété par Priya Kansara et Ritu Arya, qui semblent par exemple prendre un malin plaisir dans une scène qui fera sourire toutes les fratries tant elle symbolise bien la violence qui s’en déchaîne parfois quand l’on est gosses. Mais leur alchimie va au-delà de ça, incarnant toutes les deux une jeunesse anglo-pakistanaise tiraillée entre certaines traditions (avec un mariage qui semble arranger les deux familles) et l’envie de poursuivre sa propre voie, comme Ria qui se rêve en cascadeuse.

Derrière la folie du film se cache surtout beaucoup d’humour, où les scènes d’action s’enchaînent entre cris et coups en douce. Mais aussi un amour omniprésent, rappelé sans cesse, au travers de ces deux sœurs où la jalousie semble initialement être un vecteur de leur relation mais qui se révèle rapidement être un attachement fusionnel l’une à l’autre, rêvant simplement que chacune puisse avoir le meilleur, et ne pas se contenter d’un homme médiocre qui sort de nulle part. Il sera, d’ailleurs, difficile dans les mois à venir de trouver une meilleure scène de mariage que celle que nous offre Polite Society. Comme beaucoup d’autres scènes, la réalisatrice y mêle un goût certain pour les couleurs et l’envie de proposer un vrai film d’aventure. C’est flamboyant. La cinéaste va au bout des choses et ne s’impose aucune limite, pour offrir finalement un long métrage dense et généreux, imparfait, mais plein d’une énergie qui fait du bien. Et ce en dépit de quelques erreurs ici et là, avec des scènes plus émouvantes qui auraient pu gagner en épaisseur, mais ces petits errements s’expliquent aisément par l’innocence d’un premier long métrage qui fait déjà beaucoup d’excellentes choses.

Le cœur a ses raisons

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On sent d’autant plus le plaisir pris par la cinéaste et ses actrices dans cette aventure improbable, tournant parfois à une pointe de fantastique, dans une communauté pakistanaise où la plus jeune des sœurs se rêve en cascadeuse. Un univers hautement improbable tant la cinéaste y mélange les genres, des arts martiaux à la comédie familiale, saupoudrée de drame et d’aventure fantastique, mais le charme y est. Le film a pour lui l’innocence et la naïveté des débuts, quitte à en faire un peu trop de temps en temps. Toutefois Nida Manzoor ne perd jamais de vue une intrigue bien menée, pleine d’interrogations et de rebondissements, jusqu’à un final réjouissant et l’envie de vite revoir la réalisatrice et ses actrices dans d’autres projets. Le seul tort c’est finalement d’avoir dû se limiter, en France, à une sortie VOD, alors qu’aucun distributeur ne s’est malheureusement risqué à proposer une sortie cinéma. C’est d’autant plus dommage que de nombreuses scènes gagneraient à être vues sur grand écran, rien que pour rendre honneur aux jolies images qu’elles proposent.

Plein de panache, Polite Society est tout ce que l’on n’attendait pas. Un film déroutant, généreux, à la mise en scène souvent osée et à la beauté de couleurs envoûtantes. Le duo formé par Priya Kansara et Ritu Arya est tordant, le film multiplie des thématiques intéressantes et la réalisatrice Nida Manzoor ne manque jamais de finesse quand elle les aborde. Parfois trop généreuse, la cinéaste propose beaucoup de choses pour un film relativement court, mais il est difficile de lui reprocher son enthousiasme tant il sert son long métrage. C’est cette volonté de se dépasser, de ne se fixer aucune limite, qui lui donne un style si emballant, et qui émule parfaitement l’aventure hors du commun des deux sœurs.

  • Polite Society est disponible en VOD depuis le 31 décembre 2023.

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