Les nuits blanches | Une sélection de films de genre

par Hauntya

L’automne s’installe, avec Halloween et l’envie des soirs cosy. L’envie de regarder quelques films d’horreur revient, pour mieux accompagner les soirées qui se rallongent, à l’abri d’un plaid ou derrière un chocolat chaud. A cette occasion, je reviens sur quelques films récemment vus, qui semblent propices à ce type d’ambiance et au souhait de passer peut-être quelques nuits blanches (clin d’oeil au film italien de Luchino Visconti), ou de prolonger la soirée en frissonnant !

The Card Counter (2021) | Errances dans la nuit

© The Card Counter, Paul Schrader, HanWay Films, 2021

Réalisé par Paul Schrader, The Card Counter est peut-être le plus inhabituel pour commencer une liste de films pour une nuit blanche. Il relève de l’étude de portrait psychologique, bien plus que de l’horreur ou du thriller. Et pourtant, le film évoque implacablement les fantômes et l’obscurité d’une existence solitaire. Oscar Isaac y incarne William Tell, un ancien militaire qui ne vit désormais que pour le poker et le black-jack. Il erre d’un casino et d’une table de jeu à l’autre, se contentant de paris sans éclats. Ses chambres d’hôtel sont vides : il les recouvre de draps blancs, pour retrouver un espace neutre et dénué de confort, des chambres toujours temporaires, où il ne fait que passer. Mutique et absent, ses contacts avec le reste de l’humanité sont réduits au strict minimum. Jusqu’au jour où La Linda essaye de le recruter pour ses talents de compteur de cartes, et où Cirk, un jeune homme, le convainc de l’aider à se venger d’un colonel issu du passé de William…

The Card Counter est inattendu et déploie toute une ambiance fantomatique, à l’image de son personnage principal. Entre ses silences et ses regards déshumanisés, Oscar Isaac campe un antihéros élégant et hanté par son propre passé militaire, incapable d’aller de l’avant, incapable de se pardonner, incapable de mourir. Son existence, réduite à des paris et des jeux de cartes, semble dénuée du moindre sens, comme s’il ne faisait que survivre pour passer d’un jour à l’autre, sans attente, sans espoir. Le film vit de toute l’intériorité du personnage, de ses souvenirs, de son quotidien répétitif et terne, jusqu’à l’évocation d’un secret militaire horrible, né dans la prison d’Abou Ghraib. L’intrigue n’est pas complètement dénuée d’espoir, grâce à une histoire d’amour naissante, mais elle est indéniablement hantée.

Fall (2022) | Survie à pic

© Fall, Scott Mann, Tea Shop Productions & Capstone Studios, 2022

La tension d’un film ne tient pas toujours à un côté horrifique ou fantastique. Dans Fall de Scott Mann, Becky est une grimpeuse d’escalade confirmée, mais qui a vu son mari mourir sous ses yeux lors d’une expédition. Sa meilleure amie Hunter la convainc alors de vaincre sa peur, en l’entraînant dans l’escalade de la tour de transmission télévisée B67 TV, située en plein désert, à 600 mètres de hauteur. Évidemment, la montée ne se passe pas comme prévu et elles se retrouvent alors bloquées en haut de la tour.

Fall n’est pas plus que ce qu’il vend par rapport à son synopsis : un film de série B honnête et sans prétention, et c’est pourquoi il fonctionne relativement bien tant qu’on n’a pas d’attente au-delà. Des films de survie en divers milieux extrêmes, il y en a eu beaucoup et il y en aura encore, avec souvent toujours la même curiosité de voir comment les personnages s’en sortent, de manière plus ou moins abracadabrante. Ici, l’originalité tient bien sûr au décor proposé, en plein désert, à plus de 600 mètres de hauteur. Cela permet de très beaux plans aériens qui permettent de rendre compte de l’isolement des héroïnes et de la chaleur écrasante autour d’elles, dans une mise en scène qui parvient à ne pas lasser pour ce huis-clos. L’impression de vertige et de chute sont d’ailleurs très bien rendues, avec un effet assez réaliste et effrayant. Comme pour tout film de série B, on trouvera sans aucun doute des incohérences, et la psychologie des personnages n’est pas folle. Mais certains twists sont bien amenés, maintenant la tension de l’histoire, et Fall se laisse donc regarder agréablement pour son côté spectaculaire et « plaisir coupable ».

Midnight Silence (2021) | Silence absolu

© Midnight Silence, Kwon Oh-seung, Peppermint & Company, 2021

Passons du côté des thrillers slashers. Midnight Silence, premier film du coréen Kwon Oh-seung, met en scène une jeune femme, Kyung Mi, et sa mère, toutes deux sourdes-muettes. En passant par un quartier en travaux et quasiment abandonné, elles croisent la route d’un serial killer, Do-shik, toujours à la recherche d’une nouvelle proie. Un jeu du chat et de la souris mortel s’engage alors entre eux…

Un peu dans la lignée du film précédent, Midnight Silence est honnête dans son intrigue et c’est surtout son efficacité nerveuse qui retient l’attention. En choisissant de mettre en scène une héroïne sourde-muette, le réalisateur se permet ainsi des mécanismes un peu originaux et inhabituels : détecteurs de sons, impossibilité ou presque pour l’héroïne d’appeler à l’aide quiconque, utilisation du silence pour mieux surprendre les victimes… sans compter que Wi Ha-joon s’amuse dans le rôle du tueur et cela se voit. L’acteur passe d’un comportement à l’autre, se faisant caméléon pour berner les témoins et sadique pour ce qui est de pourchasser ses victimes. Bref, c’est efficace, parfois invraisemblable bien qu’empli d’idées nouvelles, rendues possibles par le handicap de l’héroïne ; tout en se permettant une critique très en filigrane de la société coréenne, qui fait peu d’efforts pour apprendre la langue des signes ou s’adapter à la vie quotidienne des sourds-muets.

Méandre (2020) | Un tube infernal

© Méandre, Mathieu Turi, Full Time Films & Cinefrance Studios, 2020

Reconnaissons tout de suite la filiation : Méandre, c’est Cube, mais avec une seule femme pour héroïne et des tuyaux emplis de pièges mortels au lieu d’un cube. Une fois passé cet héritage évident, on peut alors savourer ce film de Mathieu Turi, un cinéaste français visiblement amoureux des films de genre. Une jeune femme est kidnappée par un serial killer. A son réveil, elle se retrouve enfermée dans un labyrinthe de tubes, chacun pourvu d’un piège qui peut se révéler fatal. Armée d’un bracelet lumineux avec compte à rebours, la jeune femme va devoir trouver son chemin et survivre…

Les claustrophobes peuvent s’abstenir, tant les décors sont impeccablement réalisés malgré leur petit budget : l’enfermement de l’héroïne fait plus vrai que nature, et la dangerosité des pièges n’en est que renforcée. Et s’il n’y avait encore que les pièges, puisque le labyrinthe offre plusieurs embranchements, et que des anciennes victimes rôdent aussi dans les tuyaux, toutes aussi déterminées que l’héroïne à se sortir de ce piège mortel… Malgré une fin légèrement convenue, le film de Mathieu Turi est assez anxiogène et surtout très efficace dans son propos, utilisant son concept avec intelligence et une mise en scène aussi digne de science-fiction que d’horreur.

Affamés (2021) | Horreur naturaliste

© Affamés, Scott Cooper, Double Dare You Productions, Phantom Four & Mirada Studio, 2021

Cette fois, on part vers le fantastique sombre avec Affamés (Antlers en VO) de Scott Cooper. Julia est une institutrice fraîchement revenue dans sa ville natale, dans la maison de son frère Paul. Tous deux sont taiseux et hantés par un passé familial (et un paternel) violent. Julia repère alors dans sa classe le jeune Lucas, taciturne, mélancolique, visiblement négligé par sa famille. L’enquête du frère et de la sœur vont les mener à des secrets enracinés dans la noirceur de la ville.

Dans ce film produit par Guillermo del Toro, on trouve une intrigue de monstre, mais de façon inhabituelle. Le fantastique et l’horreur sont ici les symboles du mal qui gangrène la ville, entre les violences familiales, la négligence des parents, l’alcoolisme ou la misère sociale. Si bien que pendant un certain temps, le film hésite entre un réalisme sanglant et un fantastique révélateur d’une cité américaine corrompue et délaissée. Il est dommage que le film n’ait pas davantage maintenu cet équilibre tout en nuances, soutenu par un trio de très bons acteurs : Keri Russell, Jesse Plemons et Jeremy T. Thomas. Car le propos de Affamés et de sa légende amérindienne est très intéressant, le monstre du film naissant de toutes ces familles et enfances brisées par le mal humain. Il n’en demeure pas moins une ambiance pesante, volontairement lente, qui joue sur ses effets, mais qui manque parfois de subtilité dans ce qu’Affamés veut démontrer.

The Innocents (2021) | Une enfance dérangeante

© The Innocents, Eskil Vogt, Mer Film A/S, 2021

Issu de Norvège et réalisé par Eskil Vogt, The Innocents nous plonge dans l’été d’un groupe de quatre enfants : Ida, qui vient d’emménager avec sa sœur autiste Anna, et Ben et Aisha, deux enfants vivant dans ce même groupement d’immeubles. Les jours s’écoulent, et certains des enfants du groupe se révèlent avoir des pouvoirs surnaturels…

The Innocents possède une mise en place lente et sobre, toute scandinave, avec une minutie totale d’effets spéciaux, préférant se concentrer sur les regards et attitudes de ses jeunes héros. Les quatre enfants ne sont que des enfants : Ida martyrise au début sa sœur Anna à cause de son autisme non verbal, celui-ci étant superbement interprété par Alva Brynsmo Ramstad, tandis que Ben torture un chat, simplement pour voir ce qui arrive. Aisha, la plus gentille du groupe, sera celle qui permettra la compréhension et le dialogue pour Anna. Des adultes en devenir qui démontrent gentillesse et méchanceté, sans véritable repère moral, dans l’innocence sans cœur dont les enfants sont capables. The Innocents n’est pas parfait, ni même plaisant (on ne peut pas dire cela de ce film), manquant de sous-texte. Mais il donne à voir de manière glaçante et réaliste ce qu’il advient quand des enfants héritent de pouvoirs surnaturels, sans boussole morale pour les guider, surtout quand certains sont déjà des graines de psychopathes, dans un quotidien délaissé par les adultes.

Les bonnes manières (2017) | Conte entre humanité et animalité

© Les bonnes manières, Macro Dutra et Juliana Rojas,Dezenove, Som e Imagens, Urban Factory, Good Fortune Films & Globo Filmes, 2017

Le film brésilien de Marco Dutra et Juliana Rojas s’attaque au mythe du loup-garou avec un regard propre à leur civilisation, où les phénomènes fantastiques font encore partie de certaines croyances. Ici, Clara obtient le rôle d’infirmière à domicile pour Ana, une jeune femme enceinte et isolée. Les deux femmes finissent par tomber amoureuses l’une de l’autre. Mais les événements étranges commencent à apparaître : Ana fait du somnambulisme durant les nuits de pleine lune… car l’enfant qu’elle attend est en vérité un loup-garou.

Cohabitation entre une femme humaine et un petit enfant loup, Les bonnes manières étonne, jusque dans sa manière quasi  quotidienne d’intégrer le surnaturel. L’histoire s’apparente ainsi à un conte de fées, malgré des moments sanglants et parfois crus. Un amour onirique entre deux femmes éloignées l’une de l’autre, au début ; puis la confrontation à la réalité d’un quotidien qui ne sait que faire face à un louveteau-garou, adorable le jour, bestial la nuit. Il raconte aussi, quelque part, l’exclusion sociale, l’acceptation de la différence, l’impossibilité d’une société à s’adapter. Dans un style assez détonnant et différent de ce qu’on trouve dans un film de loup-garou habituellement, Les bonnes manières a tout du conte cruel avec son beau récit, et on ne peut que regretter sa fin un peu abrupte.

 

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