Autrefois populaire dans nos contrées, Goldorak a fait sa réputation au sein d’une génération biberonnée à Récré A2. Devenu culte en Europe et dans les pays arabes, celui que l’on connaît aussi sous le nom de Grendizer ou de Goldrake a aussi eu la chance de connaître un simili-revival en France avec l’excellente BD sortie en 2021, où des auteurs francophones imaginaient une nouvelle aventure pour le héros de leur enfance. C’était donc inévitable que Microids, éditeur français bien décidé à remettre au goût du jour les héros de notre enfance en les adaptant en jeux vidéo, s’accapare celui-ci. C’est dans ces conditions que sort ces jours-ci Goldorak – Le Festin des Loups, un jeu d’action où l’on revit le premier arc narratif du dessin animé.
Cette chronique a été écrite suite à l’envoi d’un code par l’éditeur du jeu. Le jeu a été terminé en 6 heures sur PlayStation 5.
Un réfugié devenu héros au grand coeur
Le destin d’Actarus est tragique. Prince d’Euphor, il voit sa planète assiégée par les terribles Végas, un empire extraterrestre belliqueux, qui détruit tout sur son passage. Condamné à fuir, il profite du Goldorak, un mecha aux capacités incroyables pour s’enfuir et trouver refuge sur Terre, où il est recueilli par le Professeur Procyon, le directeur d’un centre de recherches spatiales Ce n’est que deux ans plus tard que tout commence réellement : au moment où, au gré de ses conquêtes, l’empire Véga finit par arriver sur Terre en exigeant la reddition immédiate de la population mondiale. C’est alors qu’il est forcé de sortir de son anonymat, et d’embarquer à nouveau dans le Goldorak pour affronter ses ennemis de toujours. Et c’est là que le jeu nous emmène, dans les premières (et éternelles) batailles qui opposent le prince d’Euphor aux Végas, une bonne excuse pour une action immédiate face à une invasion éclair. Plutôt classique dans ses mécaniques, le jeu nous met évidemment dans la peau de Goldorak, que cela dans sa forme de mecha ou de soucoupe volante (selon les missions), mais aussi dans celle d’Alcor et de sa propre soucoupe. Trois variations qui permettent de proposer trois types de gameplay différent : sur Terre en forme mecha, dans les airs et en vue horizontale (à la Panzer Dragoon) en jouant la soucoupe de Goldorak, et en vue du dessus dans la soucoupe d’Alcor. Pas vraiment heureuses, ces séquences dans les airs tournent assez vite en rond à cause d’un challenge pratiquement inexistant et d’ennemis qui ne se renouvellent en aucun cas, d’autant plus qu’il s’agit de scènes sur rails où il n’est pratiquement jamais nécessaire de tuer qui que ce soit : il suffit la plupart du temps d’éviter les tirs en attendant la fin du niveau. L’intérêt est plutôt du côté des missions à terre, bien plus nombreuses, qui nous emmènent sur des cartes semi-ouvertes où l’objectif est d’accomplir un certain nombre de missions avant de débloquer le boss (qui est toujours l’un des Golgoths de l’empire Véga). Des séquences parfois répétitives, mais qui ont le mérite d’exprimer pleinement les intentions d’un studio de développement qui, on le sent, aime profondément la licence.
Parce que c’est là que l’on se met soudainement à pouvoir utiliser les fameux fulguropoings, les clavicogyres, l’astérohache ou encore les (bien utiles) rétrolasers. Comme un vrai délire de gamin, on prend un plaisir surprenant à utiliser toutes ces attaques dont le nom est clamé de la manière la plus kitsch possible par Actarus à chaque utilisation, quitte à ce que cela soit vite répétitif, les attaques étant peu nombreuses et toutes calquées sur le dessin animé, sans en inventer de nouvelles (et les rares combos ne compensent pas ça). Mais la diversité des zones, composées de plaines, d’un canyon ou encore du centre-ville de Tokyo, permet de voyager un peu dans l’univers de la série animée. Vrai shot de nostalgie, ces missions sont aussi l’occasion de rappeler aux origines du héros et à ce qu’il est vraiment : un personnage sociable, dévoué à la survie de l’espèce humaine qui l’a accueilli quand il a fui sa planète, se mettant en danger pour aider tout le monde. Et pour traduire ça dans un langage plus vidéoludique, les développeur·euses ont fait le choix de centrer toutes les missions sur le sauvetage ou l’escorte de civils en péril, plutôt que sur la destruction, à proprement parler, de cibles Végas. Bien entendu, on ne manque pas d’occasion de taper les mechas et soucoupes adverses (qui se renouvellent assez peu), mais c’est toujours dans un cadre de défense de la veuve et de l’orphelin, ce qui a un côté toujours très kitsch, mais qui fonctionne sacrément bien pour raconter Goldorak. Plus généralement, c’est l’amour du personnage qui transpire dans ces missions, auxquelles on pardonne aisément leur répétitivité. Après tout, le jeu ne dure que 5 à 6 heures, on n’a pas le temps de s’ennuyer, alors autant profiter de ce petit plaisir de voir l’adaptation d’une licence mythique par des personnes qui l’aiment profondément. D’autant plus que la bande son du jeu, qui reprend les thèmes principaux du dessin animé, finit d’enjoliver cette belle couche de nostalgie qui fait chavirer. Même si cela ne saurait en aucun cas cacher des mauvais côtés qui prennent souvent le pas sur la bonne impression initiale.
Les fulguropoings sont enrayés, Actarus !
On ne va pas se le cacher non plus, s’il y a un vrai plaisir à voir ce type de licence se refaire une petite place dans un calendrier vidéoludique qui en manque cruellement, on avait une certaine méfiance sur l’enrobage de cette expérience. Et très malheureusement, Goldorak – Le Festin des Loups n’a pas pu rassurer les peurs. S’il a un charme visuel certain grâce à sa direction artistique directement inspirée du dessin animé d’antan, ses limites sautent aux yeux dès les premières secondes de jeu. Entre ses cinématique à la résolution très basse (à tel point que les pixels et le flou commencent à piquer les yeux), son moteur de jeu qui rame péniblement, sur PlayStation 5, malgré des textures et animations qui n’ont rien d’exigeant, ses nombreux bugs de collision qui rendent pénible la moindre ascension d’une colline, on ne peut pas dire que le jeu soit un exemple de polish. Et c’est dommage, vraiment dommage, parce que s’il n’est pas compliqué de lui excuser ses cutscenes un peu fauchées avec des personnages dessinés, et statiques, à côté de bulles de dialogues à l’écriture plutôt sympathique, on ne peut pas non plus fermer les yeux sur des problèmes qui impactent directement le gameplay. C’est d’autant plus dommageable qu’on y voit clairement de très bonnes idées, des animations simples certes mais superbement inspirées de l’anime, des combats de boss plutôt efficaces grâce à des patterns à apprendre qui sont sympathiques, et puis de manière générale une écriture très proche de celle de l’anime. On se laisse prendre au jeu et on apprécie grandement de se balader dans le monde de notre enfance, et c’est ce plaisir-là qui rend les défauts techniques encore plus rageants. Parce que Goldorak – Le Festin des Loups a pratiquement tout du jeu à licence réussi. Parce que l’âme y est. Parce que l’envie de bien faire se ressent. Parce qu’il arrive qu’on s’amuse franchement sur certaines séquences. Mais est-ce que le jeu n’aurait pas mérité que l’on donne un peu plus de temps (et d’argent) à son équipe de développement pour que l’expérience soit à la hauteur des intentions ?
C’est toujours terriblement difficile d’aborder un tel jeu. L’envie de bien faire, qui se sent à chaque instant de jeu, est si prégnante qu’on a envie de l’aimer. Dire que l’expérience a été désagréable serait un mensonge : le jeu est amusant, il propose de vrais bons moments, et il est plein d’amour pour sa licence. Plus encore, et même si la nostalgie ne peut pas être un argument à elle seule, il faut bien avouer qu’il y a un plaisir non négligeable à balancer les meilleures attaques de Goldorak contre les vils Végas. Mais est-ce que ce plaisir momentané, ces cinq ou six heures à jouer de la corde nostalgique, doit gommer des défauts techniques qui étaient attendus dès les premières vidéos de gameplay ? Déjà dans ces vidéos on observait un framerate branlant, on voyait venir les bugs de collision et on sentait que l’expérience allait manquer de ce petit plus tant espéré pour rendre honneur qualités narratives et de direction artistique du jeu. Et pourtant, le titre sort en magasin dans cet état-là, alors il est compliqué de l’aimer pleinement. C’est dommage, même si on a envie de dire plein de bonnes choses aux personnes qui ont créé ce jeu avec amour, parce qu’il est évident que ces personnes auraient aussi aimé que les choses se passent autrement.
- Goldorak – Le Festin des Loups est disponible depuis le 14 novembre 2023 sur PC, PlayStation 4, PlayStation 5, Xbox One, Xbox Series X|S et sortira plus tard sur Switch.