Golden Guy – Tomes 1 et 2 | Un trésor insoupçonné

par Anthony F.

Habitué des thrillers avec les mangas Montage (éditions Kana) et Malédiction finale (éditions Komikku), le mangaka Jun Watanabe est revenu depuis avec Golden Guy, un thriller dans l’impitoyable monde des yakuzas, publié depuis cet été en France aux éditions Mangetsu. Et c’est une belle surprise, pour un manga qui parvient à allier suspense, tragédie et quelques pointes d’humour dans un récit à la mise en scène explosive.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’exemplaires par l’éditeur.

Trésor de guerre

© Jun Watanabe (NIHONBUNGEISHA)

Plus bras cassés qu’inquiétants, les personnages de Golden Guy posent le ton d’un manga qui va alterner fréquemment entre un humour grinçant sur la réalité d’une vie faite de hauts et surtout beaucoup de bas, et la violence d’un milieu où le plus fort est rarement le plus honnête. Le manga évoque même parfois la saga des Yakuza côté vidéoludiques, tant pour son ton (avec quelques dialogues plutôt drôles, mais souvent très dramatiques) que ses personnages variés et hauts en couleur, qui dénotent avec ce que l’on imagine classiquement du monde des gangsters. Et le mélange fonctionne si bien qu’il permet à l’hauteur de donner à ses personnages plus de hauteur et de corps, qui attisent autant la curiosité que l’affection, notamment le héros Gai Sakurai dont les manières et les choix vont parfois à l’encontre de ce qui est attendu de lui. Un personnage atypique mais néanmoins très attachant, prêt à tout pour donner un sens à sa quête. Une quête qui tourne autour de la sauvegarde de sa famille yakuza, considérablement fragilisé après la mort de l’ancien leader, face à frère ennemi qui tente de prendre la main sur leur clan pour, entre autre, récupérer un trésor caché. Car l’essentiel de l’histoire tourne autour de cela : le clan dirigé par Gai serait littéralement assis sur un trésor inestimable, un trésor caché des Tokugawa, vieille légende Japonaise qui suppose que la maison Tokugawa (de l’ère Edo) aurait laissé traîner de nombreux trésors encore jamais découverts à ce jour. 

Si le premier tome se limite à une fonction d’exposition, racontant sa galerie de personnages et les enjeux à venir, le cliffhanger final et le deuxième tome accélèrent considérablement la cadence. L’auteur apporte une belle intensité dramatique à un manga qui se joue sur un fil, à la limite de la rupture, alors que son héros n’a semble-t-il rien à perdre et que les vies se perdent aussi vite qu’elles apparaissent. Alliances, trahisons, assassinats et double jeu, les débuts plutôt timides du premier tome n’avaient pour but que de doucement préparer les lecteur·ice·s à un récit terriblement intense. Pourtant, Jun Watanabe ne perd jamais le fil de son histoire, malgré ses multiples rebondissements, en revenant toujours à l’impitoyable rivalité entre Gai et son frère ennemi. C’est pourtant un récit dense et généreux, avec une multitude de personnages qui s’affirment vite avec des personnalités variées, même s’il s’agit souvent d’archétypes assez classiques des récits de gangsters au Japon, notamment du côté cinématographique. Et bon dieu que ça fonctionne bien : Golden Guy trouve un équilibre terriblement intéressant entre son fil rouge et la générosité de quelques histoires plus secondaires qui se mettent en place pour offrir un récit à plusieurs niveaux. Gai est, d’ailleurs, un personnage déjà très attachant, dont le destin (probablement dramatique) captive d’entrée. 

Trésor narratif

La narration frappe fort d’entrée, on se prend au jeu de cette histoire d’un trésor qui se trouverait sur le terrain détenu par le clan du héros (et ça rappelle une histoire d’un jeu Yakuza d’ailleurs). Et ce parce que le récit trouve un rythme intéressant, il alterne fréquemment entre des scènes plus intimistes où Gai gagne en humanité (notamment dans les quelques scènes avec la femme qu’il aime) et d’autres où il apparaît comme un gangster impitoyable. C’est peut-être plus du côté visuel que Golden Guy pèche un peu, avec un style qui manque d’un petit quelque chose pour se démarquer. Avec un style assez classique et passe partout, le mangaka est certes à l’aise, mais moins impressionnant que sur le plan narratif. Cela reste efficace notamment grâce à la mise en scène, très cinématographique (mise en valeur de l’espace, des interactions entre les personnages avec des dialogues qui se répondent, se coupent, un découpage qui favorise l’intensité des scènes…) mais on aurait aimé un peu plus.

En évoquant de nombreuses œuvres sur le monde des yakuzas qui l’ont précédé, le manga de Jun Watanabe apporte sa petite touche avec un sens du rythme narratif qui fait que ces deux premiers tomes se lisent d’une traite, sans hésitation. Raconté comme un thriller, bourré de rebondissements et de scènes clés qui restent en mémoire, Golden Guy arrive à apporter une forme de cinématographie sur papier, tant pour sa mise en scène que l’écriture de ses personnages, très complets et pertinents. Enfin difficile de ne pas penser à la licence de jeux vidéo Yakuza en lisant ce manga, tant l’auteur y trouve un équilibre similaire entre une action omniprésente, une narration dramatique intense et un sens de l’humour qui rend ses protagonistes très attachants. Certes, le manga pèche avec un dessin peut-être trop lisse, trop classique, qui manque souvent de personnalité, et c’est sans nul doute là-dessus qu’on attendra une amélioration au fil du temps. Mais il y a une telle maîtrise de la mise en scène, par le mouvement et le découpage, que le manga reste parfaitement appréciable à l’œil. Une réussite, maintenant on a hâte de lire la suite.

  • Les deux premiers tomes de Golden Guy sont disponibles en librairie depuis cet été aux éditions Mangetsu;

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