Ys X Nordics | Au gré des vagues

by Anthony F.

Symbole d’un rythme survolté, la série des Ys développée par Nihon Falcom jouit d’une réputation qui n’est plus à faire dans le petit monde des J-RPG. Ses combats en temps réel au rythme intense, ses compositions musicales pleines de guitare électrique et son sens de l’aventure en font une saga à part. Longtemps chasse gardée du Japon, les Ys ont toutefois fini par se faire une place en occident autour des années 2000-2010, sans battre la popularité des ténors du genre, mais en amenant une certaine fraicheur qui lui a permis de trouver un public. Ce mois-ci, c’est le dixième épisode, intitulé Ys X: Nordics qui pointe le bout de son nez et qui nous emmène à l’abordage d’une région fortement inspirée de la mythologie viking. Drôle de mélange mais qui fonctionne sacrément bien.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un exemplaire PS5 par l’éditeur. Le jeu a été terminé en environ 90 heures (histoire + la quasi intégralité du contenu secondaire).

Soif d’aventures

© Nihon Falcom Corporation. All Rights Reserved.

Adol Christin, héros aux cheveux rouges de tous les Ys, dont le navire est abordé par des Normans et s’échoue sur Carnac, une des nombreuses îles d’un drôle d’archipel. Les choses tournent au vinaigre, évidemment, et le héros se trouve pris au milieu d’une attaque de Griegers, sortes de monstres locaux, qui enlèvent la quasi-intégralité des habitant·es de l’île. Déterminé à les retrouver et les sauver, il s’allie avec Karja, dont il vient de faire la rencontre. Cette jeune guerrière vient donc de la tribu des Normans, un peuple à la forte inspiration viking, et les deux découvrent qu’iels sont lié·es par le destin. Les prémices sont classiques, comme toujours dans les aventures de Adol, il débarque quelque part et ça tourne mal, néanmoins Ys X prend vite le parti de recentrer sa narration sur l’aventure elle-même. Essentiellement défini par sa soif de découvrir le monde, Adol prend le commandement d’un nouveau navire aux côtés de Karja afin d’aller explorer les nombreuses îles de l’archipel, afin de retrouver les habitant·es enlevé·es et déterminer l’origine de ces curieux monstres qui commencent à s’en prendre aux humain·es. Et il y a un twist : Adol et Karja sont soudainement lié·es par le mana, avec une sorte de force physique émanant de cette concentration magique et qui les relie, concrètement, par une chaîne attachée à leurs poignets. Ainsi, le jeu a trouvé la meilleure excuse pour empêcher ses deux personnages de s’éloigner l’un de l’autre, avec un gameplay qui s’en inspire très largement comme on le verra un peu plus bas dans cet article. 

Pas toujours brillant pour l’écriture de son héros, qui reste assez inconséquent dans sa position de coquille vide à laquelle on greffe un peu ce que l’on veut, Ys X:  Nordics étonne néanmoins sur celle de Karja. L’héroïne aux faux airs de guerrière viking incarne toute la nuance d’un jeu qui sait manipuler sa narration pour étonner à plusieurs reprises. Au départ simple archétype de la forte tête, Karja devient peu à peu un personnage plus subtile, presque tortueux, interrogeant sur son passé et ses actions, sur son objectif et sa place dans un monde essentiellement régit par la loi du plus fort. Autour d’elle et d’Adol, de nombreux personnages aux intentions variées, mais toujours aptes à donner un coup de main pour faire grossir l’équipage du navire, véritable hub de l’aventure. C’est à son bord que l’on fabrique des remèdes, améliore des armes, tout en partant explorer les îles et en se lançant dans quelques batailles navales occasionnelles. C’est ce qui symbolise le mieux ce titre, qui met plus que jamais l’accent sur une certaine vision de la liberté, même si l’aventure reste assez linéaire. Mais on se plaît à prendre le navire et à se balader, à trouver quelques secrets, et à tester les nouvelles armes installées pour couler plus vite celles et ceux qui nous embrouillent. Quant à l’histoire, elle est assez attendue, mais elle trouve quelques moments à l’intensité dramatique qui peut être surprenante, avec des moments émouvants et des thématiques très dures qui suggèrent les difficultés auxquelles ont été confrontées les différents personnages. La plupart des gens qui rejoignent l’équipage sont passés par le traumatisme de l’enlèvement par les Griegers, mais aussi par d’autres évènements pas beaucoup plus heureux.

Solides fondations pour un jeu en quête de modernité

© Nihon Falcom Corporation. All Rights Reserved.

S’il y a une chose qui définit plutôt bien la saga des Ys, c’est leur rythme soutenu. Vitesse de déplacement des personnages, intensité des combats et rapidité d’exécution des coups spéciaux, tout est fait pour que les choses éclatent de partout. Comme à leur habitude, et malgré le monde « ouvert » induit par l’exploration avec le navire, les îles à explorer sont assez petites, les donjons également, les personnages courent vite, les déplacements sont fluides grâce à une sorte de « surf » magique et un grappin pour l’exploration verticale. Le rythme endiablé est d’autant plus marqué que la bande originale nous donne envie de nous dépêcher de taper tout ce qui bouge grâce au génial groupe interne de Falcom nommé jdk BAND. Ce groupe de compositeur·ices est comme à l’accoutumée à l’origine des excellentes musiques qui nous accompagnent. Et dans la plus pure tradition des Ys, on nous envoie des riffs de guitare absolument géniaux qui tranchent avec les compositions orchestrales habituelles des J-RPG. Pas de doute, Ys X est bien dans la droite lignée de ses prédécesseurs et le fait très bien, tout étant fait pour que l’on s’y éclate entre deux séquences narratives. C’est d’autant plus appréciable que la qualité des compositions ne redescend jamais, avec une bande originale dense qui sait accompagner les meilleurs moments du jeu. Véritablement centrale à l’expérience, c’est elle qui donne le ton et qui rend l’exploration aussi agréable. Parce qu’on ne se lasse pas d’écouter les compositions, et qu’elles motivent à toujours aller un peu plus loin, malgré l’apparente répétition de certains combats avec un bestiaire qui ne se renouvelle qu’assez peu. Heureusement, les boss sont variés, et offrent de vrais bonnes oppositions.

Côté gameplay, on retrouve aussi ce qui fait le fort de la licence avec des combats rapides, en temps réel, reposant sur des combos à effectuer entre différents types de coups : faible, fort, et compétences à utiliser via un raccourci simple (R1 + croix, carré, triangle ou rond sur PS5). Mais Ys X: Nordics arrive avec une nouveauté, celle des combats en duo. En contrôlant uniquement Adol et Karja tout au long du jeu, le titre tente d’éviter l’overdose en proposant une variété supplémentaire de combos puisqu’en appuyant sur la gâchette droite de la manette, les deux personnages se mettent à frapper ensemble et peuvent déclencher des coups spéciaux à deux. Les points de dégâts infligés aux adversaires sont ainsi décuplés, néanmoins, le « coût » de cette manoeuvre est que chaque coup pris par l’un des deux personnages est valable pour les deux. Il faut donc bien faire attention à ne pas les contrôler en duo lors d’une attaque ennemie qui ne peut pas être contrée. Un certain nombre coups spéciaux ennemis, symbolisés par une aura rouge en amont de l’attaque, peuvent eux être contrés à deux. Ainsi le système de combat malgré son apparente facilité oblige à toujours faire attention à ce qu’il se passe à l’écran, en gardant en tête que les combats peuvent vite tourner au vinaigre avec des ennemis, quand ils sont plusieurs, qui n’hésitent jamais à balancer leurs pires attaques au même moment. L’autre pan du jeu, c’est les batailles navales, qui sont assez faciles à aborder néanmoins agréables et qui gagnent en intensité à mesure que l’on améliore la puissance du navire et débloque de nouvelles attaques grâce à des plans et de l’artisanat au moyen de ressources récupérées au fil de l’exploration. Plutôt basiques, ces batailles obligent toutefois à toujours rester en mouvement et bien exploiter les différents types de boulets de canon, entre ceux qui permettent de percer les défenses, de provoquer des dégâts, ou de ralentir la progression des navires avec des boulets glaçants. 

Des faux airs de renouveau

© Nihon Falcom Corporation. All Rights Reserved.

Si les Ys ont toujours voulu célébrer l’aventure, d’abord du héros Adol dont l’existence même tourne autour d’un besoin de partir à l’aventure, ce dixième épisode l’incarne entièrement en laissant l’exploration plus ou moins libre via le navire. Initialement plutôt pénible avec un navire qui traîne la patte, elle prend plus d’envergure dans la deuxième moitié du jeu après avoir suffisamment amélioré le navire pour avancer plus vite, et multiplier les zones où l’on peut découvrir quelques secrets. La carte du monde est toutefois compartimentée et s’ouvre à mesure que l’on avance dans l’histoire principale, donc le jeu reste assez linéaire dans son approche, mais il y a un nombre important d’ilots à explorer où il est possible de trouver des plans de construction pour le navire, des « sphères » uniques à utiliser dans l’arbre d’amélioration de chacun des deux personnages pour augmenter leur puissance, ou encore des quêtes secondaires aux intérêts variés. Pour l’essentiel, les quêtes secondaires reposent sur une structure simpliste, mais quelques unes offrent une vision vraiment intéressante sur les évènements qui touchent le monde dans lequel le jeu évolue. Néanmoins cette exploration peut être parfois entachée par un style visuel en retard. Les Ys n’ont jamais été des foudres de guerre en matière graphique, et on sent que malgré ses qualités artistiques, le jeu a quelques générations de retard. Mais avec des personnages mieux définis, des attaques aux nombreux effets visuels très réussis, et plus généralement une direction artistique qui digère bien les limitations techniques, on obtient un tout avec certes peu de diversité de tons, mais qui ne lasse jamais et qui offre quelques jolies choses. 

Fidèle aux principes de la saga, Ys X: Nordics amène toutefois les petits plus que l’on attendait pour l’emmener un peu plus loin. Qu’il s’agisse du vent de liberté qui souffle dans un jeu à la structure pourtant linéaire, des combats qui bénéficient grandement du système d’attaques synchronisées entre Adol et Karja, ou de l’écriture qui sait surprendre aux moments clés avec des changements de tonalité qui compensent son apparente légèreté. Très fort dans ses meilleurs moments, ce dixième épisode canonique emmène la formule encore un peu plus haut et sait multiplier les arguments pour séduire un public qui pourrait se laisser bercer par l’envie irrésistible de partir à l’aventure dans les étendues marines d’un archipel en proie à une guerre de civilisations, sur fond d’une bande-originale dans la plus pure tradition de la saga. 

  • Ys X: Nordics est disponible depuis le 25 octobre 2024 sur PC, PlayStation 4, PlayStation 5 et Nintendo Switch.

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