The Cape : 1969 & Fallen | Le vain cercle de violence

par Hauntya

Début juillet, je vous parlais du premier tome de la trilogie de comics The Cape, inspiré par la nouvelle homonyme de Joe Hill. Deux autres tomes complètent l’univers : 1969 et Fallen, sortis cet été pour la première fois en France. Scénarisés par Jason Ciaramella, dessinés par Nelson Daniel mais sans participation véritable de Joe Hill, ces deux nouveaux titres parviennent-ils à hisser le premier tome, doté d’idées intéressantes mais moyennement exécutées ?

The Cape – 1969 : Tel père, tel fils

The Cape : 1969, HiComics & Bragelonne, 2022 ©

1969 se présente comme une préquelle au premier The Cape. En effet, le héros du comics est cette fois Gordon Chase, le père d’Eric, plusieurs années avant les événements que nous connaissons. Les auteurs choisissent de raconter comment Gordon est venu en possession de la fameuse cape permettant à quiconque la possède de voler, lors de la guerre du Vietnâm. Un conflit sombre, sanglant et déshumanisé en quatre parties, chacune entrecoupée d’un passage plus humain, où la femme de Gordon lit les lettres de l’armée à ses fils pour leur donner des nouvelles du père.

Gordon est un militaire, mais aussi un médecin, chargé de sauver des vies plutôt que d’en prendre. Capturé par les soldats vietnamiens, emmené dans un étrange camp de prisonniers dirigé par un homme cruel, il est mis en cage aux côtés d’un sorcier redouté par les personnes présentes. C’est lors de sa rencontre avec le chaman que Gordon va acquérir le pouvoir de voler… Dès lors, il bascule dans une quête de vengeance envers ceux qui l’ont capturé, espérant survivre pour revoir ses fils.

Le comics est efficace tant dans son déroulé que dans ses illustrations. Les cases conservent la violence qui ressortait déjà dans le premier The Cape, aggravée par le conflit militaire représenté. Les couleurs dominantes sont le brun et le gris, dans une première partie au cœur de la boue et de la nature, avant de virer dans le rouge et l’orange du sang et des flammes. Gordon est un homme meilleur que ne le sera son fils, du moins au début. Il est militaire, habitué à ne pas éprouver d’empathie face aux atrocités de son métier, gardant son humanité pour sa famille, loin des conflits.

Ce sont les horreurs et les épreuves du Vietnâm, l’inhumanité des gens autour de lui, qui le poussent à sombrer dans la vengeance. Pour survivre. Pour rendre œil pour œil, dent pour dent. Mais l’aurait-il également fait sans recevoir les pouvoirs de vol par le chaman ? En vérité, la question n’est pas très intéressante. Car le récit ne s’axe pas dessus, ni n’en propose de réflexion approfondie. L’histoire est efficace et offre ses prétextes pour pousser à la vengeance, pour montrer comment un peu de pouvoir peut faire basculer un médecin du côté des tueurs. Bien sûr, il y avait finalement un peu de matériau dans la psychologie du personnage pour l’y pousser, mais ensuite ? Comme pour le premier tome, on reste sur sa faim à la fin de la lecture. Du moins, on sait désormais l’origine de la cape qui permettra à Eric de voler. Et l’on peut dire que le goût de la vengeance et de la destruction, c’est de père en fils chez les Chase.

The Cape – Fallen : Le cercle vicieux

The Cape : Fallen, HiComics & Bragelonne, 2022 ©

Fallen, de son côté, propose de révéler les trois jours passés sous silence dans le premier tome de la trilogie de comics. Eric avait alors disparu pendant trois jours on ne sait où. Le troisième tome propose une réponse : l’homme est parti se réfugier dans la cabane de chasse de son père, là où il passait ses vacances enfant, avec son paternel et son frère Nicky. Mais il se retrouve face à un groupe de rôlistes venu squatter la cabane le temps d’un jeu de rôle grandeur nature, dont l’un des membres est un ancien harceleur scolaire d’Eric. D’abord rassuré, Eric choisit de profiter de l’occasion pour se décontracter et pour participer au GN, loin des horreurs qu’il a causées. Une nuit, rêvant du meurtre de sa petite amie, il se réveille en hurlant, révélant qu’il l’a assassinée. Les autres personnages étant désormais au courant de ses crimes, il n’a d’autre choix que de les tuer… encore.

Un déroulé aussi fluide que le tome précédent, permettant à nouveau d’enchérir dans une série de meurtres violents, assez graphiquement mis en scène. Bien que le côté GN apporte au début du tome un vent de fraîcheur et même un peu d’humour noir, la légèreté ne fait pas long feu. Eric reste ce qu’il est : un personnage looser égocentrique, torturé et traumatisé, tournant en boucle sur les mêmes obsessions, incapable de se remettre en question. Si les personnes présentes ne sont pas avec lui, elles sont contre lui. Et forcément, elles ne peuvent que lui nuire.

Une facilité scénaristique qui résulte aussi de l’esprit très binaire et peu nuancé du personnage. Si au final, il faut tuer ses camarades d’infortune – simplement au mauvais moment, au mauvais endroit – cela ne lui fera ni chaud ni froid. Le récit permet de montrer cependant de façon plus détaillée au cours de cette intrigue, la folie du personnage, ses idées fixes meurtrières. Il fait saisir que toute cette violence et cette rancune vicieuses étaient au fond de lui, attendant simplement une occasion d’éclater. La cape et ses pouvoirs sont tombés à point. Le pouvoir de voler n’a jamais aidé les protagonistes des comics The Cape, révélant plutôt leurs esprits revanchards et pernicieux les plus sombres, guidés par un ego malade plutôt que le désir de faire quelque chose de bien. Un choix qui, selon moi, rend difficile l’attachement aux personnages, tant il manque quelques ressorts psychologiques pour donner une véritable profondeur au comics.

Conclusion

Peut-être qu’il ne faut chercher en The Cape – du premier au troisième tomes – que des récits efficaces, permettant de prendre à contre-pied le mythe du héros, sans prise de tête, pour le plaisir des scènes de violence et d’action. Cependant, le récit a quand même quelques petites réflexions, hélas trop superficielles : l’héritage de père en fils, les conséquences des traumatismes… trop vite survolées, prétextes au déchaînement de violence et de noirceur, plutôt que véritables explications, qui auraient permis un peu d’empathie pour Eric et Gordon, à défaut de sympathie. Il est d’ailleurs vraiment dommage que 1969 et Fallen n’aient pas été intégrés dès le départ à The Cape, car ils auraient pu donner la profondeur qui manquait cruellement au premier titre, et qui l’aurait rendu plus mémorable. Ici, il ne restera des trois tomes de The Cape, que que des lectures sympathiques sur le moment – efficaces si l’on aime ce style de comics – mais au final anecdotiques et peut-être loin de leur véritable potentiel.

  • Les trois tomes de la série : The Cape, The Cape – 1969 et The Cape – Fallen sont tous disponibles aux éditions HiComics, parus respectivement le 15 juin, le 6 juillet et le 24 août 2022.

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