Prof’Culture : les profs dans la pop culture

par F-de-Lo

De tous les profils de personnages arpentant le paysage de la pop culture, la figure du mentor ou du professeur est non seulement très présente, mais me touche particulièrement. C’est pourquoi j’ai souhaité effectuer un voyage à travers les grand et petit écrans afin de prélever un échantillon des enseignant(e)s les plus marquant(e)s de la pop culture. Pour mieux resserrer la réflexion, j’ai privilégié des films et séries où – sauf exceptions – il est réellement question d’éducateurs plutôt que de mentors au sens large du terme. Que l’on se rassure, il n’est pas dans mes intentions de proposer une analyse détaillée du film Les Profs, mais plutôt d’observer comment est représentée la figure de l’éducateur, dans l’imaginaire collectif. Il s’agit parfois d’une vision manichéenne – à l’image de celle des élèves les plus jeunes – dans laquelle le professeur est une personnalité adulée ou, au contraire, détestée. Il arrive qu’on perde de vue que l’éducateur n’est qu’un humain comme les autres qui, contrairement à ce que l’on pourrait penser, est dépendant de la relation entretenue avec ses élèves. J’ai l’honneur d’accueillir, dans cet article, une majorité des membres de l’équipe de Pod’Culture, qui se sont prêtés au jeu en élisant un professeur ou mentor les ayant marqués. Il va de soi que je vous réserve mes propres poulains pour la fin. Ici, aucune sonnerie ne retentit, mais je gage qu’il est temps de mettre fin à la pause café et de commencer le cours.

I – Ces profs héroïques et sublimés

Dans la pop culture, la vision des enseignants et mentors peut être manichéenne. Il peut s’agir de paresse scénaristique, mais aussi d’enjeux narratifs voir d’une envie de refléter la vision elle-même manichéenne des enfants les plus jeunes. Qui, parmi nous, n’a jamais été touché(e) par un professeur, au point de s’en souvenir toute sa vie, ou qui n’a jamais élu son pire prof ? Ces profs sublimés et exemplaires sont assez nombreux dans la pop culture, et, très naturellement, leurs caractéristiques évoluent au fil du temps.

Les Choristes : la figure paternelle

Kad Merad, François Berléand et Gérard Jugnot © Les Choristes

L’intrigue des Choristes (2004) se déroule en 1949, à une époque où les punitions humiliantes et corporelles sont encore d’usage. Rachin, le directeur interprété par François Berléand, n’hésite pas à y avoir recours. Lorsqu’il devient surveillant, Clément Mathieu (Gérard Jugnot) est confronté à l’insolence des jeunes garçons du pensionnat. Il choisit pourtant de faire preuve d’humour et de gentillesse pour asseoir son autorité. Par-dessus tout, il parvient à gagner la confiance des enfants en leur offrant une échappatoire : la musique. Le chef de chorale s’investit tant pour ses élèves qu’il devient une figure paternelle de substitution. Ce sera d’ailleurs particulièrement le cas pour l’un d’entre eux, à la fin du film.


Le Cercle des poètes disparus : l’avant-gardiste

Robin Williams © Le cercle des poètes disparus

C’est dix ans plus tard, en 59, que se déroule l’intrigue du Cercle des Poètes disparus (1989). On ne présente plus le long-métrage de Peter Weir dans lequel John Keating (Robin Williams), utilise des méthodes qualifiées de peu « orthodoxes » par le lycée où il enseigne. Le professeur encourage ses élèves à profiter du jour présent et à faire preuve d’individualisme plutôt que de simplement répondre aux attentes de leurs parents ou de l’institution. Cet enseignant quelque peu dissident et avant-gardiste marquera non seulement l’esprit de ses élèves, mais aussi celui du septième art.


Écrire pour exister : la prof militante

Hilary Swank et Mario © Ecrire pour exister

En 1992, quatre policiers blancs passent à tabac un automobiliste noir, à Los Angeles. Des émeutes ont alors lieu en ville, pendant presque une semaine. C’est dans ce contexte que débute l’intrigue d’Ecrire pour exister (2007). Dans ce film inspiré d’une histoire vraie, Hilary Swank incarne Erin Gruwell. Cette professeure d’anglais déterminée postula dans un lycée réputé difficile de Los Angeles. Les élèves, coutumiers du racisme ambiant, ont tous perdu plusieurs amis à cause de la guerre des gangs. En dépit de ce climat peu favorable à la transmission du savoir, Erin Gruwell parviendra à les toucher en leur faisant étudier la seconde guerre mondiale, mais aussi en les invitant à s’exprimer et à reconquérir de l’amour propre. La jeune enseignante ira même jusqu’à assurer un deuxième job, le week-end, afin de pouvoir payer des sorties scolaires à ses élèves. Cette professeure, totalement investie, attira l’hostilité de ses collègues mais aussi et surtout de la directrice du lycée. Certains enseignants sont si exemplaires qu’on peine à croire qu’ils puissent exister. C’est pourtant le cas d’Erin Gruwell. J’en profite pour remarquer que cet article dispose de peu d’exemples féminins. J’ignore si c’est parce que j’en manque personnellement ou si cela reflète le panorama de la pop culture, où la figure du mentor est souvent occupée par un homme. C’est un comble quand on sait que, (par exemple en France), bien plus de la moitié des postes de l’éducation nationale sont assurés par des femmes…


II – Ces profs détestés

Qui dit profs adulés, dit profs détestés. Les films et séries ne sont pas avares non plus en terme de représentations d’éducateurs tous plus haïs les uns que les autres.

Battle Royale : le tortionnaire

Takeshi Kitano © Battle Royale

Pour évoquer l’exemple le plus radical, sans doute faut-il se tourner du côté de la dystopie. Battle Royale (2002) est un film d’anticipation se déroulant dans un pays d’extrême orient. Pour contrecarrer la rébellion et la délinquance des jeunes gens, le gouvernement met en place la loi martiale ainsi que le jeu de survie Battle Royale. Une classe de terminale est sélectionnée, au hasard, tous les ans… pour s’entre-tuer. Et leur professeur, incarné par Takeshi Kitano n’hésite pas à mettre la main à la pâte. Battle Royale imagine une société où les aînés ont perdu toute confiance envers la génération suivante, et où les plus jeunes n’ont aucun espoir de se construire un avenir meilleur. Il s’agit de l’échec le plus total de l’éducation. Puisqu’on parle de régime totalitaire, cela m’amène à penser à des rubans roses et des chatons tout mignons. Cette association d’idée vous surprend ? Vous n’allez pas tarder à comprendre.


Harry Potter : l’inquisitrice

Imelda Staunton © Harry Potter

La saga Harry Potter met en scène une panoplie hétéroclite de professeurs. Si certains sont exemplaires, comme Remus Lupin ou Minerva McGonagall, d’autres sont si affreux qu’ils n’auraient pas à rougir face à leur autrice dont on ne doit plus prononcer le nom. Elle a beau porter du rose bonbon, parler d’une voix doucereuse et esquisser des sourires affables, Dolores Ombrage, incarnée par la brillante Imelda Staunton, est probablement ce qui se fait de pire, en matière d’éducation. Envoyée par le ministère de la magie, Ombrage enseigne la théorie, et non la pratique des défenses contre les forces du mal, afin de nier le retour du Seigneur des Ténèbres, mais aussi de ne pas faire des élèves de Poudlard des sorciers trop dangereux pour le ministère. Lorsqu’on la contredit, l’enseignante n’hésite pas à utiliser des châtiments corporels. Elle convoite par ailleurs le poste de directrice de Poudlard, afin de mettre en place un règlement de plus en plus restrictif, au point de priver les élèves de leurs libertés les plus fondamentales. Cerise sur le gâteau, la nouvelle directrice n’hésite pas à confier que, en réalité, elle déteste les enfants… Beaucoup d’autres professeurs sont de très mauvais pédagogues, à Poudlard, à commencer par le professeur Rogue, incarné par Alan Rickman. Non seulement le maître des potions est outrageusement strict, mais il n’hésite pas à favoriser les élèves de sa propre maison, dès qu’il en a l’opportunité. Pis encore, il fait de Harry son souffre-douleur à cause d’une vieille rancune. Bien que Rogue ait œuvré pour l’Ordre du Phénix et se soit finalement montré protecteur envers Harry, cela n’empêche pas qu’il ait totalement échoué dans son rôle de professeur. Le cas du professeur Dumbledore est également intéressant dans la mesure où Harry lui voue un véritable culte lorsqu’il est jeune. A partir de la cinquième année, le jeune sorcier commence à comprendre qu’il a idéalisé, à tort, le directeur de Poudlard, qui n’est pas exempt de défauts et dont il ne sait finalement pas grand chose.


Breaking Bad : le prof corruptible

Bryan Cranston et Aaron Paul © Breaking Bad

D’autres professeurs encore, ne sont pas si mauvais, mais sombrent tout de même du côté obscur. Je pourrais m’appesantir un instant sur l’univers Star Wars mais évoquons plutôt une série de Vince Gilligan sortie en 2008. Je pense à Breaking Bad. Walter White (Bryan Cranston) est un professeur de chimie banal jusqu’au jour où on lui diagnostique un cancer du poumon en phase terminale. Son espérance de vie n’excède pas deux ans. Walter décide alors de se lancer dans le trafic de méthamphétamine, afin d’assurer un avenir financier confortable à sa famille. Pour ce faire, il aura besoin de l’aide de l’un de ses anciens élèves : Jesse Pinkman (Aaron Paul) devenu un petit trafiquant. La série ne se passe pas du tout dans le milieu scolaire, mais la relation entre un professeur et son ancien élève est intéressante. Elle l’est d’autant plus que Walter sombre de plus en plus dans la corruption et le mal, au point de détruire la vie de Jesse, malgré ses efforts paradoxaux pour le protéger.


Bad Education : l’hypocrite

Hugh Jackman et Allison Janney © Bad Education

Des professeurs devenant des criminels, cela s’est déjà vu dans la réalité. Bad Education (2019) s’inspire de la vie de Frank Tassone. En 2002, celui-ci était le proviseur d’un lycée très réputé, aux États-Unis. Les résultats de ce lycée étaient tellement bons qu’ils favorisaient l’économie locale. Tassone était non seulement aimé des étudiants, qu’il rencontrait personnellement, mais aussi de la majorité des parents d’élèves. Il rejetait par ailleurs les avances de certaines mamans, prétendant être veuf. (En réalité, Frank Tassone avait un mari). Tout allait au mieux dans le meilleur des mondes possibles jusqu’au jour où l’on découvrit des irrégularités dans les finances du lycée. En tout, Frank Tassone a détourné plus de 11 millions de dollars. Mike Makowsky, le producteur et scénariste de Bad Education a lui-même étudié dans ce lycée et son point de vue est très intéressant : « Je sais que le film a été baptisé Bad Education. Mais ce n’est pas tout à fait juste à un certain égard. J’ai reçu une excellente éducation dans cette école. Et je crois que cela a quelque chose à voir, étrangement, avec cet homme, Frank Tassone, qui a recruté les professeurs que j’ai eus. C’est très étrange. Comment peut-on se soucier autant des élèves, de leur éducation, et consacrer sa vie et sa carrière à une profession aussi noble… et en même temps, être aussi odieux envers les élèves, la population locale, les contribuables ? J’espère que ce film permettra d’ouvrir le dialogue sur cette question. » Mike Makowsky remarque que le titre du film est inapproprié car, en dépit de cette escroquerie, Frank Tassone n’a jamais été un mauvais éducateur, bien au contraire. Il a néanmoins été une personne amorale, et les élèves se sont sentis trahis. 


Whiplash : le tyran perfectionniste

Miles Teller et J.K. Simmons © Whiplash

Les relations entre les professeurs et les élèves sont parfois un mélange de complicité et de haine, comme en témoigne le film Whiplash (2014) dans lequel J. K. Simmons incarne un professeur de musique. Andrew (Miles Teller) inspire à devenir un brillant batteur de jazz, mais son enseignant, Fletcher aura toujours des attentes de plus en plus inaccessibles. Alors, la recherche de l’excellence se mue peu à peu en harcèlement psychologique. Notre cher Reblys, qui a suggéré ce film, en parlera mieux que moi : « Parmi les professeurs qui m’ont marqué dans la fiction, outre Koro-Sensei et John Keating (magnifiquement incarné par Robin Williams dans le Cercle des Poètes disparus), il y a incontestablement Terence Fletcher. L’un des personnages centraux du film Whiplash de Damien Chazelle. Terence Fletcher est professeur de musique, plus spécifiquement de jazz, au conservatoire de Manhattan, et Whiplash raconte sa rencontre avec Andrew Neiman (incarné par Miles Teller), jeune batteur prometteur qu’il va prendre sous son aile. Quand bien même Andrew est le protagoniste du film, c’est Terence Fletcher qui reste en tête quand on en sort. Il s’agit d’un personnage très complexe, car il joue en permanence l’équilibriste sur la corde raide, entre l’exigence et la cruauté. Il nous fait nous questionner sur ce qu’est un bon ou un mauvais professeur. Il est d’un côté incontestablement violent, usant de pressions psychologiques, et parfois même d’humiliations pour pousser ses élèves dans leurs retranchements. Il est de l’autre absolument habité, passionné par la musique, et est en un sens aussi exigeant avec lui qu’avec les autres. Car son respect pour le jazz le pousse à exiger l’excellence, voire la perfection, sinon rien. Si l’on considère qu’un bon professeur est quelqu’un qui sait s’adapter à son élève pour le tirer vers le haut, alors Terence Fletcher échoue, car il ne connaît qu’une manière d’enseigner, la sienne. Et surtout son intransigeance peut le faire passer à côté d’un talent qui aurait eu besoin d’un accompagnement différent. Beaucoup ont interprété la dernière scène de Whiplash comme donnant raison à Fletcher d’avoir agi comme il l’a fait avec Andrew. Pour ma part je pense le contraire. En imposant ses propres règles lors du concert, au mépris de la direction de Fletcher, Andrew lui montre par la force qu’il existe d’autres moyens que son aveugle et violente exigence pour atteindre des sommets. C’est un personnage complexe, tout en nuances, dont la magistrale interprétation par J.K Simmons lui a valu un Oscar du meilleur second rôle. Il nous apprend que l’on peut être particulièrement violent avec autrui en voulant pourtant bien faire. Que pour un professeur, imposer sa rigueur sans se préoccuper du ressenti de l’élève n’est pas la bonne recette pour réussir. Mais il montre également que l’exigence est un élément clé lorsque l’on a de grandes ambitions. Andrew Neiman parvient à déployer tout son potentiel grâce à sa rage de vaincre et à sa volonté de prouver de quoi il est capable, mais en un sens c’est Fletcher qui a allumé ce feu en lui. Si vous n’avez pas vu Whiplash, je vous invite très très chaudement à le regarder. C’est un film époustouflant ! » Cet exemple est très pertinent car il montre que, en voulant pourtant bien faire, Fletcher devient très mauvais pédagogue. Ce n’est pas parce qu’on excelle dans une discipline ou que l’on vise l’excellence que l’on est un bon professeur. Le bon professeur, c’est celui qui s’adapte à ses élèves et qui n’a pas peur de se remettre en question. La relation entre un enseignant et un élève ne peut être aussi verticale qu’on le pense. Ils n’ont pas besoin de s’aimer mais du moins doivent-ils se respecter mutuellement. Un professeur doit toutefois maintenir une certaine réserve, faute de parler de distance.


La chasse : le bouc émissaire

Mads Mikkelsen © La chasse

Dans La chasse (2012), le réalisateur Thomas Vinterberg met en scène l’histoire de Lucas (Mads Mikkelsen). Auxiliaire dans un jardin d’enfants, le Danois n’a rien à se reprocher, jusqu’au jour où une petite fille, dont il est très proche, l’accuse de l’avoir agressée sexuellement. Lucas est innocent, ce qui n’empêche pas les rumeurs de se propager comme une traînée de poudre. La méfiance générale se mue progressivement en chasse aux sorcières, puis en véritable descente aux enfers pour l’éducateur. La chasse est un film délicat à voir, mais aussi à évoquer. Il est impossible d’en vouloir à la supérieure de Lucas d’avoir pris l’accusation au sérieux, et tout aussi improbable d’en vouloir aux parents de protéger leurs enfants. Lucas lui-même ne manifeste aucune rancune à l’encontre de la petite-fille qui l’a accusé à tort. Mais il ne sortira pas indemne de cette crise.


III – Ces élèves complices

On parle de figures de professeurs mais que seraient-ils sans les élèves qui leur font face ? Bien au-delà du savoir et de la pédagogie, la relation entre l’enseignant et l’élève est primordiale. Bien que le professeur doive préserver une forme d’autorité ou d’exigence ; il connaît une défaite dès qu’il entre en conflit avec un élève. L’élève qui n’a plus confiance refusera tout ce qu’on proposera de lui transmettre. Par ailleurs, les enseignants sont bien plus touchés par les réactions de leurs élèves qu’on ne l’imagine. Ne nous leurrons pas, les élèves ne sont pas aussi expressifs dans la réalité que dans la fiction. Ce n’est que maintenant, une fois adulte, que je regrette de ne pas avoir dit à certains enseignants ce qu’ils m’avaient apporté. A vrai dire, comme tous les élèves, je suis partie avec précipitation le dernier jour de l’année, sans prendre la peine de dire « au revoir ». C’est peut-être aussi pour cela qu’il est rassurant de voir de vraies complicités se tisser dans la pop culture.

Claymore : une relation inoubliable

Thérèse et Claire © Claymore

Hauntya et Hachim0n ont préféré s’éloigner du milieu scolaire pour proposer deux exemples de mentors. La première nous parle de l’anime Claymore, tiré d’un manga mettant en scène des guerrières mi-humaines, mi-démons, dans lequel la jeune Claire se souviendra toujours de sa préceptrice : « Dans ce manga (ou l’anime), Thérèse la Souriante est la plus puissante des Claymores, et surnommée ainsi en raison de sa capacité à sourire en affrontant les pires ennemis. Cela ne rend pas la jeune femme moins froide, voire hautaine pour autant dans ses relations avec les autres, humains ou Claymores. Elle délivre alors un village d’un démon et sauve en même temps la vie de Claire, jeune fille dont la famille a été dévorée entièrement par ce monstre. Par reconnaissance, Claire se met alors à la suivre. A plusieurs reprises au début, Thérèse ne lui témoigne qu’indifférence, la repoussant même physiquement : étant à moitié démon, elle n’a ni le temps – ni les sentiments – pour s’occuper d’une gamine. Mais si Claire la suit, c’est parce qu’elle a décelé en Thérèse la même solitude qu’elle, et elle désire lui apporter réconfort et empathie. A partir de cet instant de compréhension entre deux femmes rejetées par la société – parce que considérées comme trop proches des démons, ou victimes d’eux – c’est une relation de mentor-élève qui se dessine entre elles. On peut même y trouver en filigrane un amour maternel de la part de Thérèse, les Claymores devenant stériles en assimilant le sang de démon qui les rend plus fortes. Pendant un court temps, Thérèse enseigne alors quelques préceptes de vie à Claire, tout en restant toujours dure et sévère, bien que juste. Mais cette relation finit par s’interrompre prématurément, quand Thérèse perd la vie lors d’un combat contre une autre guerrière. Dévastée et désireuse de la venger, Claire demande alors à devenir elle-même une Claymore, en assimilant le sang et la chair de Thérèse en elle. Si Thérèse m’a marquée, c’est d’abord pour sa capacité à sourire sans cesse, même pendant les moments les plus tragiques. Au départ, elle paraît détachée et indifférente, bien que pourvue d’un grande assurance et volonté, mais avec Claire, elle retrouve un peu de sentiments perdus, les deux femmes s’apportant mutuellement. Elle est l’image du mentor au départ distant, au point de repousser tout le monde, avant de s’humaniser et de retrouver la volonté d’une vie propre. Thérèse marque le personnage de Claire à vie, l’inspirant pour le reste de son existence. »


Hawkeye : une disciple inspirante

Hailee Steinfeld et Jeremy Renner © Hawkeye

Hachim0n, quant à lui, nous fait faire un détour du côté du comics de David Aja et Matt Fraction, ayant inspiré la série Hawkeye, disponible sur Disney + : « C’est une histoire d’apprentissage et de mentor que j’aime beaucoup parce qu’elle remet en cause les codes du genre. Kate Bishop ne fait pas qu’apprendre auprès de Hawkeye/Clint Barton, les deux apprennent l’un de l’autre. Hawkeye se retrouve dans un cliché de héros désabusé, au bout de sa vie, qui ne prend pas soin de lui et qui abandonne presque ses activités de super-héros (pour des raisons différentes selon le comics ou la série, mais on reste sur la même idée d’impuissance/perte d’un proche face à la violence des activités de héros). Kate Bishop débarque en fan de lui, avec optimisme et avec la volonté d’être sa coéquipière, il la rejette initialement puis finit par lui apporter un cadre qui va l’empêcher de prendre des risques inutiles. Il lui apprend beaucoup de choses, notamment sur sa manière de se préparer ou de faire face à ses ennemis. Mais rapidement Kate Bishop devient la boussole qui guide Hawkeye, elle mène la danse et lui réapprend (involontairement) à vivre et à être un héros. Cette relation de maître-élève m’a marqué parce qu’on sort du cadre de l’admiration béate d’une élève pour son prof, elle n’hésite pas à le tacler sur ses erreurs et à lui montrer qu’elle a aussi des choses à lui apprendre. De manière générale j’aime le message qui s’en dégage, sur la nécessité de s’entraider et sur l’importance d’apprendre l’un de l’autre, plutôt que de rester dans une relation verticale où le prof sait tout et l’élève ne sait rien sans lui. » Comme je le disais plus haut, une relation n’est pas supposée être unilatérale. Un prof efficace, c’est celui qui se remet constamment en question, et ce par l’intermédiaire du reflet que ses élèves lui renvoient.


A single man : un élève salvateur

Colin Firth © A single man

Dans certains exemples de la pop culture, le professeur est même très vulnérable et doit tout à ses élèves. C’est notamment le cas du film A single man (2009), dans lequel Colin Firth interprète un professeur d’université gay, dans les années 60. George vient de perdre son compagnon, suite à un accident de la route, et entre dans une phase de dépression : « se réveiller chaque matin est une douleur. » Bien décidé à mettre fin à ses jours, George tâche de profiter une dernière fois des détails aussi insignifiants que plaisants du quotidien. Toutefois, un étudiant, Kenny (Nicholas Hoult) réalise que son professeur va mal et va essayer de se rapprocher de lui, quitte à outrepasser la distance qui devrait être maintenue, entre un élève et son enseignant. Son seul but est d’empêcher George de commettre une erreur qui lui sera fatale.


La Casa de Papel : le prof en construction

Alvaro Morte et Pedro Alonso © La Casa de Papel

Bien que la pop culture ait tendance à le sublimer ou à le rendre détestable ; le mentor est simplement un être humain, parfois exemplaire, parfois fautif ou même vulnérable. Il peut être désabusé ou idéaliste. Il peut trébucher mais aussi se relever. C’est le cas du professeur choisi par Mystic Falco. Le taulier de Pod’Culture a décidé de nous parler d’El Professor (Alvaro Morte), issu de la série espagnole La Casa de Papel (2017) : « Pour le coup c’est un professeur un peu particulier, car certes selon la définition du Larousse, il dispense de ses connaissances dans le cadre d’une activité, donc il répond clairement à la définition même du mot. Mais est-il réellement un bon prof ? Je pense que malgré tout le positif qu’il peut avoir et transmettre, il est plus proche d’un personnage gris. Car certes ce qu’il fait pour ses élèves / son équipe, le ramène à ce qu’il y a de plus positif possible, à savoir être là pour eux, leur enseigner tout ce qu’il sait sur les braquages et notamment sur comment faire un braquage « parfait ». Cependant, est-ce une bonne chose dans le fond? Par ailleurs, au vu des agissements de celui-ci, même si son souhait est de ne faire aucune victime, il va être amené à faire tout un tas de choses préjudiciables pour mener à bien sa mission… Je pense que les personnages que je peux préférer dans tous les univers de la pop culture, sont ceux auxquels je m’identifie rapidement. Alors je n’ai pas la prétention de dire que je suis aussi brillant que ce personnage, mais entre son intelligence, son altruisme, sa détermination, le tout ponctué d’un sérieux problème pour s’intégrer dans la société… Tout de ce personnage me pousse à vouloir devenir meilleur, à vouloir donner le meilleur de ce que je peux offrir, pour ainsi réfléchir plus loin encore… Tout cela pour en venir au fait que El Professor est sans aucun doute le personnage auquel je pense directement lorsque l’on me parle de « Prof » dans les œuvres de la pop culture. Outre son pseudonyme, c’est surtout tout ce qu’il a à apporter à l’équipe dont il est le mentor, pour leur apprendre absolument tout ce qu’il sait. Ce partage de savoir. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle est né Pod’Culture, le partage de nos connaissances, de nos avis à propos de différentes œuvres que l’on aime, afin de perpétuer avant tout le partage. El Professor est un personnage qui est devenu par la force des choses, extrêmement important pour moi, et pour ma construction, parmi tout un tas d’autres personnages. Il a énormément de faiblesses dans lesquelles je me reconnais, et je pense, que c’est surtout à cause de celles-ci que cela en fait un personnage important, et un professeur unique à mes yeux. » L’avis de Mystic Falco est très touchant car il montre qu’un professeur peut nous inspirer, même lorsqu’il est fictif. Ce n’est finalement pas l’intelligence ni le savoir de ce personnage qui l’émeuvent, mais plutôt sa vulnérabilité et la dévotion qu’il voue à ses élèves. El Professor n’est pas parfait mais son équipe a confiance en lui et l’aide à évoluer. C’est un cas particulier car il leur enseigne à voler mais il n’en demeure pas moins un idéaliste qui refuse de faire quoi que ce soit de plus immoral, comme sacrifier un otage ou un policier. Le bon professeur est avant tout une bonne personne, ou du moins, quelqu’un qui fait de son mieux.


IV – Mentions honorables

J’aimerais clôturer cet article par les deux professeurs m’ayant personnellement marquée dans la pop culture. Ce qui est cocasse, c’est que l’un est aussi surréaliste que l’autre est réaliste. Ce sont des exemples a priori contraires qui offrent tous deux des visions du professeur que je trouve terriblement sincères et touchantes.

Assassination Classroom : le prof surréaliste

Koro-Sensei © Assassination Classroom

Assassination Classroom est un animé inspiré du manga de Yusei Matsui, débuté en 2012. Koro-Sensei est une étrange créature qui, après avoir fait disparaître 70% de la lune, a le projet de détruire la planète entière, un an après. Le monstre souriant exige que le gouvernement le laisse devenir le professeur principal des 3E, une classe rassemblant des élèves laissés-pour-compte et discriminés par le reste du collège. L’État accepte, afin de le tenir sous contrôle, mais aussi d’échafauder une tentative d’assassinat. Les élèves de la classe auront une mission à mener à bien avant la fin de l’année : tuer leur professeur. Il peut sembler surprenant que l’un des animes préférés d’une enseignante soit celui où des élèves tentent désespérément de tuer leur professeur. Mais Assassination Classroom ne fait naturellement pas l’apologie du meurtre. Le manga rit avec efficacité des clichés. Franchement, quel élève n’a jamais rêvé que son professeur soit absent ou disparaisse durablement ? Sans entrer dans une phase de psychologie de comptoir, on peut aussi considérer le désir de tuer son mentor comme une métaphore de la volonté de le surpasser. Cela, Koro-Sensei l’a parfaitement compris. C’est pourquoi, tout en évitant les tentatives de meurtre de ses élèves, il va volontiers les aider à devenir de meilleurs assassins. Il utilise ce prétexte pour renforcer leur corps mais aussi pour affûter leur esprit. Cela fait de Koro-Sensei l’un des rares personnages de fiction à être à la fois un protagoniste (qui aide l’intrigue à avancer) et un antagoniste (qui l’en empêche). En y réfléchissant, un professeur se doit aussi de présenter des épreuves à ses élèves pour les aider à les surmonter. Si les élèves de la 3E ne parviennent pas à éliminer Koro-Sensei, c’est parce qu’il est intelligent, prévoyant, incroyablement rapide et surtout doté de capacités insoupçonnées. Mais ce n’est pas tout… Koro-Sensei est un professeur non seulement très performant, mais aussi très attachant. Sa rapidité lui permet de proposer des devoirs personnalisés à chacun de ses élèves. Bien sûr, il n’est pas parfait. Il est versatile, farceur et exubérant. Son sens de l’humour est douteux et il se couvre souvent de ridicule. Cela n’empêche pas ses élèves de le respecter et d’apprendre à l’aimer, rendant la mission terriblement difficile à accomplir. Koro-Sensei confirme l’hypothèse selon laquelle le professeur que l’on retient n’est pas celui qui était le plus doué ni le plus savant, (quoique le poulpe le soit également). Il confirme que les élèves s’attachent à quelqu’un qui, comme eux, peut trébucher, mais sur lequel on peut toujours compter. Malgré son humour incroyable, l’anime se révèle très émouvant. Par-dessus tout, en dépit de son intrigue et de ses péripéties complètement surréalistes, Assassination Classroom a tout compris au métier d’enseignant. Comme le dirait Koro-Sensei : « Je veux être faible. Je veux être plein de faiblesses… Je veux pouvoir solliciter la sympathie. Être capable de comprendre les êtres les plus faibles en les touchant avec mes tentacules… Les protéger… et les guider. Je veux devenir ce genre de créature… Ce genre de professeur… Je ferai parfois des erreurs… Je serai parfois dur… mais… je ferai de mon mieux. » Certes, Koro-Sensei est un enseignant complètement surréaliste, qu’on peut admirer sans espérer l’égaler. Mécontent d’avoir appris par cœur l’ensemble des manuels scolaires, il n’hésite pas à s’ouvrir complètement à ses élèves et à leur consacrer sa vie, ce qui est loin d’être à la portée de toutes et de tous.


Drunk : le prof réaliste

Mads Mikkelsen © Drunk

Le dernier professeur dont je vais parler est bien plus réaliste mais pas moins bouleversant. Drunk est un film sorti en 2020, orchestré par la même équipe que La chasse. On retrouve Thomas Vinterberg à la réalisation, mais aussi Thomas Bo Larsen, Lars Ranthe et bien sûr Mads Mikkelsen du côté des acteurs. C’est l’histoire de quatre amis quarantenaires, enseignant dans le même lycée, au Danemark. Le quotidien étant ennuyeux et morose, ils se mettent en tête de vérifier la théorie d’un psychologue norvégien, qui stipule qu’on naît avec une déficience d’alcool dans le sang. Le but est de boire suffisamment pour cueillir les bienfaits de l’ivresse (comme le gain de confiance en soi), sans pour autant perdre sa raison. Je vous rassure, Drunk ne fait pas plus l’apologie de l’alcoolisme qu’Assassination Classroom ne fait celle du meurtre de profs. Au début du film, la classe de terminale s’inquiète d’avoir pour enseignant Martin (Mads Mikkelsen), car il est ennuyeux, peu clair et ne sait pas lui-même à quel chapitre ils en sont. La principale explique à Martin que les parents d’élèves ont envoyé un message sur Pronote pour le rencontrer et partager leurs inquiétudes. Comme on s’en doute, et bien que les parents aient raison, cet épisode affecte énormément le professeur d’histoire, dont la vie sentimentale et le moral n’étaient déjà pas au beau fixe. Ses copains essaient évidemment de le réconforter en clamant la rengaine habituelle : les élèves ne sont que de « sales gosses » qui « manquent de respect. » Mais l’un d’entre eux a le courage de ne pas prendre la défense de Martin et d’affirmer qu’une partie du problème vient de lui. J’aime Drunk car, par le biais de scènes a priori banales, il retranscrit mieux la vérité du milieu scolaire, tel qu’il est aujourd’hui, que tout ce qu’on voit généralement à l’écran. Aujourd’hui, les parents peuvent suivre à tout moment ce qui se passe en cours, grâce à Pronote. Ils ont la possibilité d’exprimer leur avis quand quelque chose ne va pas. D’un autre côté, il est vrai que les professeurs sont très solidaires entre eux. Cela est très réconfortant quand l’un est accusé à tort, mais c’est parfois malhonnête, s’ils partent du principe que le problème vient systématiquement des élèves. Martin n’est pas un mauvais bougre pour autant et il n’en faut pas plus pour qu’il remette sa vie en question et entre dans une phase de dépression. C’est cela qui va l’inciter à se réfugier dans l’alcool. Et aussi surprenant que cela puisse sembler, quelques verres lui permettent effectivement de reprendre confiance en lui, de regagner sa joie de vivre et de proposer des cours beaucoup plus ludiques et intéressants à ses élèves, dont il devient la coqueluche. Comme on s’en doute, cette fausse solution miracle ne fonctionne pas éternellement et la situation dérape très vite pour Martin et ses amis, dans cette comédie délicieusement dramatique. Les quatre profs sont souvent en proie au doute, se demandant si leurs élèves se souviendront d’eux ou s’ils oublieront leur existence dès qu’ils auront obtenu leurs examens. Ils s’interrogent aussi sur le sens de la vie. Martin, en particulier, se demande comment il est possible de se relever et de garder la tête haute, après avoir désespérément touché le fond. Bien sûr que venir bourré au lycée était une erreur, mais du moins a-t-il essayé de s’en sortir, quand tout semblait s’écrouler sous ses pieds. Je ne saurais que trop conseiller cette tranche de vie de quatre enseignants, qui essaient finalement de devenir de meilleures personnes, ou du moins des hommes plus heureux, pour devenir de meilleurs professeurs. Le film a le mérite, qui plus est, d’être doté d’une fin douce-amère comme je les aime.


V – Sonnerie de fin

Cette excursion à travers de nombreux films et séries a permis de revisiter les cours de nombreux professeurs. Certains sont exemplaires quand d’autres incarnent ce qu’il y a de pire en terme d’éducation. A mon sens, il faut toutefois se méfier d’une vision trop manichéenne des choses. Les enseignants et autres mentors sont humains (oui, même Koro-Sensei). Ils ont des points forts et des faiblesses. Ils ont des moments de grâce mais commettent aussi des erreurs. A vrai dire, leur savoir a moins d’importance que leur aptitude à s’adapter à leurs élèves. Les élèves ont un rôle très important à jouer dans cette relation, qui ne peut être ni unilatérale ni verticale. Les bons profs, qu’ils soient représentés de manière surréaliste ou au contraire, très réaliste, ont comme points communs de se remettre en question, d’être à l’écoute, de s’adapter… Par-dessus tout, ils essaient d’être de meilleures personnes, ou du moins, plus équilibrées, avant de prétendre pouvoir transmettre le savoir sereinement. J’espère que cet horizon (qui à défaut d’être exhaustif, n’est pas si petit), aura proposé des pistes de réflexion intéressantes et aura permis (et c’est bien cela le plus important dans Pod’Culture) de mettre en valeur des films et séries qui méritent d’être visionnés.

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