Il ne faut pas grand chose, parfois, pour attiser la curiosité. La scène du jeu vidéo indépendant défend sa créativité, son envie de réinventer la grammaire vidéoludique et surprendre des joueurs et des joueuses qui sont avides de belles histoires et de surprises manette en main. Le Vaillant Petit Page, ou The Plucky Squire en VO, fait partie de ceux-là. Un jeu indépendant développé par le studio All Possible Futures qui a retenu notre attention depuis que son distributeur Devolver Digital en a dévoilé les contours : une aventure médiévale-fantastique dans un livre pour enfant duquel peut s’extirper à loisir son héros pour rejoindre le monde réel. 

L’entre-deux mondes

© 2024 The Plucky Squire – All Possible Futures

Héros d’une série d’aventure pour enfants, Laïus (ou Jot en VO) n’a pourtant pas conscience de n’être qu’un personnage fictif. Mais tout bascule le jour où le méchant attitré du royaume Mojo, Ragecuite, fait une découverte exceptionnelle : leurs vies ne sont que des histoires écrites pour faire rire et rêver les enfants. Soudain, et au moyen de magie noire, au moment où Laïus allait encore une fois triompher, Ragecuite l’expulse du livre et réécrit la fin de l’histoire à sa sauce. Le royaume tombe dans l’horreur, les couleurs disparaissent peu à peu, la princesse est captive et le peuple ne peut plus vivre correctement. Pendant ce temps, Laïus découvre le monde extérieur : un bureau dans la chambre d’un enfant, où il trouve une multitude de produits dérivés à son effigie. Personnage populaire, Laïus comprend vite l’enjeu et le risque de disparaître à tout jamais si le grand méchant parvient à l’évincer définitivement et à changer le futur, un futur où les enfants ne pourraient plus rêver avec un vaillant héros. Déterminé à revenir au bon temps où Ragecuite n’était que l’éternel perdant de ses charmantes histoires, Laïus a besoin de notre aide pour jouer sur deux tableaux à la fois : le livre et le monde en trois dimensions qui s’offre désormais à lui, en passant de l’un à l’autre de manière assez fluide mais uniquement quand le jeu nous y autorise. Il ne faut pas s’attendre à pouvoir le faire constamment, car les portails qui permettent de se téléporter hors du livre n’apparaissent qu’à des endroits prédéfinis. Pour autant, le principe fonctionne extrêmement bien, et dans ses deux premières heures de jeu Le Vaillant Petit Page régale par sa malice et ses bonnes idées. 

Dans la forme, et au-delà de cette mécanique centrale à son expérience, le titre va chercher ses inspirations du côté des jeux Zelda à l’ancienne, avec ses « donjons » découpées en quelques pages reposant sur un objet ou une technique à utiliser plusieurs fois. Néanmoins il ne faut pas compter sur une quelconque exploration, car le jeu reste très dirigiste, enfermé dans le concept du livre qui ne permet que rarement de revenir en arrière. Il y a bien deux ou trois fois où le jeu nous incite à sortir du livre pour en tourner les pages et revenir scènes plus tôt, mais la plupart du temps, cela ressemble à une fuite en avant : on avance tout le temps dans le livre, chaque page n’étant qu’une excuse pour afficher un bout de forêt ou de donjon desquels il faut s’échapper. Là où on aurait aimé compter sur un rythme soutenu, Le Vaillant Petit Page tape à côté avec une narration textuelle omniprésente, chaque nouvelle page étant l’excuse pour une pause dialogue (dont l’intérêt n’est pas toujours évident) et pour que un magicien omniscient qui nous observe puisse nous dire comment résoudre le prochain puzzle. Initialement, je me disais que cette idée venait de l’envie d’offrir le jeu à un public assez jeune, en évitant les frustrations liées à la résolution de puzzles qui peuvent être obscurs aux esprits les plus jeunes. Mais le jeu peut s’avérer tellement punitif sur son dernier tiers, avec un ou deux combats de boss franchement pénibles, qu’on a bien du mal à imaginer le mettre entre les mains des tout petits. D’autant plus que la direction artistique prend, à un moment, une tournure plus obscure qui peut s’avérer effrayante pour les petits.  

Un pot-pourri en guise de royaume 

© 2024 The Plucky Squire – All Possible Futures

Ces puzzles ne sont toutefois pas bien compliqués. Pour l’essentiel, ils reposent sur la manipulation de mots à intervertir sur des bouts de textes du livre (le méchant réécrit l’histoire, mais on peut en faire autant !) afin de modifier les scènes et pouvoir avancer. Par exemple en faisant disparaître un ennemi, en fragilisant un mur, ou encore en faisant apparaître un objet au bon endroit en réorganisant les mots et en intervertissant des mots-clés de deux phrases différentes. Une mécanique sympathique au premier abord qui tourne malheureusement vite en rond, la faute aux combinaisons trop limitées, aux allers-retours incessants en « portant » les mots d’un bout à l’autre d’une même page (ou même entre deux pages) et au fait que le magicien nous donne immédiatement la solution. Ce qui ressemblait à une bonne idée devient vite un calvaire, à l’image du reste du jeu. Parce que la progression souffre de cette répétitivité et de son incapacité à renouveler son challenge, en alignant la plupart de ses puzzles sur la même poignée d’idées qui s’imbriquent mal entre elles. Occasionnellement, un nouveau « pouvoir » fait son apparition, comme la possibilité de générer des bombes ou d’immobiliser certains objets à l’intérieur du livre en étant à l’extérieur de celui-ci (grâce à un gros tampon), et un vendeur apparaissant régulièrement permet d’acquérir de nouveaux pouvoirs et de renforcer la puissance des coups de Laïus. Mais tout cela a un goût de trop peu, de trop attendu. On a quand même droit à une ou deux surprises dans les combats de boss qui se jouent sous forme de mini-jeux où la mise en scène se renouvelle, mais même ceux-là sont rébarbatifs et répétés plusieurs fois sur la fin de l’aventure.

Plus encore, c’est son histoire qui fait défaut, avec une écriture qui force absolument les jeux de mots et les vannes sans réellement réussir à faire rire ou à célébrer les références convoquées. De telle manière que les trop nombreux interludes narratifs deviennent pénible, en plus de casser le rythme du jeu. On a pourtant envie de l’aimer, mais Le Vaillant Petit Page n’arrive pas à trouver ce petit pic d’intérêt indispensable pour nous accrocher sur la dizaine d’heures qu’il nous réclame. Jamais vraiment charmant, pas vraiment élégant, ni très drôle, le jeu s’essouffle dans ses deux premières heures et n’arrive jamais à pleinement profiter de sa bonne idée initiale qui ne reste finalement que comme un simple gimmick. Le fait de sortir juste après Astro Bot (dont les moyens sont certes bien supérieurs mais la comparaison est inévitable) lui a certainement fait assez mal ; là où le jeu de la Team Asobi n’étirait que rarement une idée de mécanique ou de narration sur plus d’un niveau, Le Vaillant Petit Page repose sur une seule bonne idée pendant une dizaine d’heures alors qu’on en a fait le tour dès la fin du gros tutoriel. 

Malheureusement et même si on avait de très grands espoirs, la lassitude est presque immédiate. Et ce malgré le charme de sa direction artistique qui ne laisse évidemment pas insensible avec ses couleurs vibrantes, ainsi que la fluidité avec laquelle on passe de la 2D du livre à la 3D de la chambre d’enfant et qui est bluffante. Mais sans parvenir à capter l’attention avec ses autres mécaniques et avec sa narration, il ne reste plus grand chose à retenir du titre de All Possible Futures, qui n’arrive jamais, jusqu’au bout, à pleinement digérer sa mécanique principale. Briser le quatrième mur pour sortir du livre aurait dû engendrer des conséquences plus variées, que ce soit du côté narratif ou sur les mécaniques de jeu, mais ce système reste à l’étape du vilain gimmick et devient presque anecdotique dans une histoire de héros pour enfant somme toute basique, jamais surprenante. Pour un jeu qui veut célébrer la créativité, il en manque beaucoup.

  • Le Vaillant Petit Page (The Plucky Squire) est sorti le 17 septembre 2024 sur PC, Nintendo Switch, Xbox Series X|S et PlayStation 5.
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En 2015, Supermassive Games gagnait en popularité grâce à un survival horror que d’aucuns qualifient de « film interactif » : Until Dawn. Grand succès de la PS4, le jeu narratif permit au studio de déployer tout un univers, qu’il soit directement relié au jeu, ou non. Ainsi, les titres se succédèrent : on mentionnera notamment les nombreux opus de The Dark Pictures Anthology. Même s’il était sympathique de vivre une aventure frissonnante, chaque Halloween, avec ses amis (en ligne ou en local) ; force est de constater que Supermassive Games semblait privilégier la quantité à la qualité. Non seulement les jeux ne représentaient pas des prouesses techniques, mais chaque scénario était plus ou MOINS palpitant. Ce ne fut malheureusement pas The Quarry (2022) qui me réconcilia avec Supermassive Games, malgré la sympathie que je peux lui vouer. Cette année, le plus grand succès du studio, Until Dawn, revient avec un remaster développé par Ballistic Moon, et non par Supermassive Games. En dépit de mon amour pour le jeu initial, c’est un projet que je n’attendais absolument pas. Et pourtant, il est parvenu à attiser ma curiosité, au dernier moment. Ce pseudo remake d’Until Dawn vaut-il le détour ? 

Cette critique a été réalisée suite à l’envoi d’un exemplaire par l’éditeur.

Souviens-toi, neuf ans plus tôt…

From dusk till dawn… © Until Dawn, 2024

Until Dawn est, à certains égards, le jeu d’une génération, comme en témoigne son amour pour différents slashers des années 90. L’histoire démarre dans la dernière maison sur la gauche… Je veux dire, dans un chalet, au fond de la montagne canadienne, où les sœurs Washington disparaissent, suite à une plaisanterie ayant mal tourné. Un an après les faits, leur frère Josh décide d’inviter tout le groupe d’amis présent lors du drame, afin d’essayer de cicatriser les plaies. Malheureusement, des événements de plus en plus étranges surviendront dans le chalet et ses alentours. Déjà, sur PS4, le jeu se caractérisait par son ambiance inspirée de Resident Evil (on dit « coucou » aux caméras fixes) et ses graphismes très réussis, notamment grâce à la motion capture réalisée à partir de comédiens en chair et en os. On retrouve, dans la distribution, des noms assez célèbres comme Hayden Panettiere (Heroes), Rami Malek (Mr. Robot) ou encore Peter Stormare (Le Monde Perdu), dans le rôle du Docteur dérangeant qui nous psychanalyse (le pauvre, il sera servi avec moi). Côté gameplay, le jeu propose des phases d’exploration où l’on peut interagir avec des objets et chercher des indices (comme les Totems, et pas ceux de Baboulinet). On compte aussi des phases d’action où mieux vaut ne pas rater les QTE ni bouger quand le jeu recommande l’immobilité (perso, je m’en tape, je pose la manette sur la table basse). Mais Until Dawn est avant tout un jeu à choix. La moindre décision, y compris dans les dialogues, peut avoir un impact sur l’avenir des huit personnages jouables (et périssables).

Have you SAW that ?

« Ca va couper, chérie. » © Until Dawn, 2024

Ce n’est un secret pour personne, les premiers chapitres ne sont pas ce qu’il y a de plus palpitant. L’histoire met un certain temps à démarrer, les dialogues (comme les personnages) sont stéréotypés et les premiers jumpscares sont aussi nombreux que ridicules. Mais l’ambiance s’installe lentement et sûrement. L’intrigue déploie plusieurs pistes en même temps, si bien que le suspense est à son comble. Est-ce un slasher traditionnel, dans lequel la bande de jeunes va se faire tuer par un psychopathe, où y a-t-il une part de paranormal ? L’histoire est fantastique, au sens viscéral du terme, si bien que l’on hésite longtemps entre des explications logiques et paranormales. Et même quand une piste irrationnelle commence à se dessiner, on se demande encore à quelle sauce l’on va être mangés. Certes, Until Dawn est un jeu imparfait, et pourtant il mérite d’être (re)découvert. J’ai tendance à fermer les yeux sur ses défauts (évidents surtout au début), au profit de ses nombreuses qualités. Reste à savoir s’il suffit de (re)plonger dans l’aventure sur PS4, ou si le remaster vaut le détour…

Une refonte qui va vous TERRIFIER

*Dois-je leur dire d’acheter Until Dawn ?* © Until Dawn, 2024

Until Dawn n’est plus une exclusivité Sony puisque ce remaster a été pensé pour la PS5, mais aussi le PC. J’ai presque envie de l’appeler Remake tant le chantier orchestré est plus important que celui que j’avais imaginé. Cette version est un plaisir pour la rétine. Non seulement les décors et les jeux de lumière ont été améliorés, mais la modélisation des personnages également, puisque certains acteurs de la première heure sont revenus interpréter des passages. Sans exagérer, en dépit de quelques bugs, le jeu est magnifique. Autre surprise à laquelle je ne m’attendais pas, la mise en scène et le montage sont retravaillés, ce qui rend le titre à la fois plus détaillé et cinématographique. Cela inclut des instants inédits ou revisités, comme la mauvaise farce faite à l’une des sœurs, durant le prologue. Bien sûr, tous les choix faits par ce remake ne sont pas heureux. Le filtre apportant du grain à l’écran n’est pas du tout à mon goût et peut, par chance, être retiré dans les paramètres. La bande originale a été retravaillée et je suis déçue que la chanson phare d’Until Dawn « O’Death » ait été évincée du générique. Enfin, j’aurais aimé que les personnages soient moins rigides qu’un tank, même si cela fait aussi partie du charme des Resident Evil originaux. Okay, j’avoue tout ma biche, j’ai joué en VF ; mais la synchronisation labiale est assez désastreuse, par moments. Until Dawn, version 2024, réserve pourtant d’autres surprises plus agréables, que je vous laisserai découvrir. Je pense notamment à une liste de trophées différente. Chaque titre de trophée rend d’ailleurs hommage à un film d’horreur (et les jeux de mots sont meilleurs que les miens). Par-dessus tout, le jeu propose une fin inédite, annonçant très clairement une suite…

Verdict

Faut-il se munir d’Until Dawn ou non ? Ce remaster n’est pas paresseux. Il est tout désigné pour les personnes n’ayant jamais fait l’original, ou pour celles et ceux l’ayant adoré à l’époque. Beaucoup d’autres joueurs resteront sur leur faim. Certes, le ravalement des graphismes et de la mise en scène est impressionnant ; mais l’histoire est sensiblement la même et il n’est pas indispensable de dépenser 70 euros (prix de lancement), pour une malheureuse fin inédite. En revanche, j’aurais tendance à conseiller ce remake, dès qu’il sera plus abordable. N’oublions pas qu’il a été développé par Ballistic Moon. C’est peut-être pour cela qu’il est si beau et rafraichissant, bien au-delà des dernières productions de Supermassive Games. Ce remaster va-t-il, par la force des choses, remettre le studio déchu au goût du jour, comme s’il s’était agi d’un chant du cygne ? Peut-être. Une adaptation cinématographique (dont le tournage vient de se terminer) devrait sortir l’année prochaine. On n’y retrouvera pas le casting original (ayant sans doute trop gagné en maturité), à l’exception de Peter Stormare. Une suite au jeu a par ailleurs été annoncée. Encore faut-il qu’elle soit développée par Supermassive Games, certes…

  • Until Dawn est disponible sur PC et PS5 depuis le 4 octobre 2024.
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Plutôt décrié lors de sa projection au Festival de Cannes en 2022, Stars at Noon de Claire Denis a mis un temps fou à trouver sa place en salles. Il a fallu attendre plus d’un an après, et le mois de juin 2023, pour enfin pouvoir poser nos yeux sur un film qui s’est laissé désirer. Et c’est peut-être une heureuse coïncidence, car du désir, il en est question dans ce long métrage qui met en scène Margaret Qualley et Joe Alwyn. Un film où le désir et la sensualité se heurtent à la réalité politique d’un Nicaragua en pleine tourmente.

Une vie de mensonge

© 2022 – Curiosa

Tourné pendant la pandémie du Covid-19, le film de Claire Denis l’intègre pleinement à son univers. On y découvre des personnages masqués, un hôtel où l’on contrôle la température de ses invité·es à leur arrivée, et des frontières imperméables, ce qui renforce un peu plus le sentiment d’oppression qui se fait de plus en plus prégnant pour son héroïne. Incarnée par Margaret Qualley, celle-ci est une journaliste américaine qui fait ce qu’elle peut pour trouver quelques informations à renvoyer à son employeur. Mais alors que les affaires tournent lentement, celle-ci est virée, et fait la rencontre d’un homme d’affaires énigmatique, incarné par Joe Alwyn. Coup de foudre ou moyen de décompresser dans une atmosphère devenue insoutenable, les deux ne se quittent plus, alors que le film prend une tournure de thriller aux tendances érotiques, où la romance et la sensualité se mêlent à un mystère qui semble planer au-dessus de ses personnages. Une rencontre fortuite de laquelle découle beaucoup de choses, mais Claire Denis s’amuse avec les spectateur·ices en ne dévoilant ses cartes que très lentement. Parce qu’avant de retomber sur une intrigue de thriller plus classique, Stars at Noon est l’histoire de deux âmes perdues qui se croisent et ne peuvent plus se quitter car il n’y a plus aucune autre solution : c’est deux personnes qui ont tout à perdre, mais qui n’envisagent plus d’avancer seul. Pas nécessairement par amour, mais plutôt parce que le réconfort et la « protection » même factice de l’un aide l’autre à surmonter un contexte presque surréaliste.

C’est alors que le long métrage oscille entre film noir et espionnage, car l’on ne sait pas trop qui est cet homme d’affaires prénommé Daniel. Bon, mauvais, un peu des deux, il exerce une sorte de fascination chez la journaliste, qui elle-même semble cacher des choses. C’est deux personnes qui s’accrochent l’une à l’autre alors qu’elles ne se connaissent pas et ne sont faites que de mensonges, ce qui donne au film un ton assez étonnant. Parfois un peu ridicule dans sa manière de présenter ses personnages, parfois intriguant, Stars at Noon est un film brinquebalant. C’est un peu de tout, un peu de rien, qui n’assume pas toujours ses intentions mais qui n’hésite toutefois pas à aller au bout de ses idées. Pour le meilleur, et parfois pour le pire. Notamment dans l’intrigue, sur sa deuxième moitié, autour d’un policier costaricain qui semble vouloir du mal à Daniel, et dont le comportement est caricatural, comme si la réalisatrice se moquait à sa manière de films d’espionnages qui se prennent un peu trop au sérieux. Surtout qu’elle y jette beaucoup de choses : au-delà de la dimension sensuelle et érotique du film, elle y met des considérations politiques, avec des personnages qui évoquent plusieurs fois les élections à venir, qui semblent être un moment décisif pour Daniel et le policier qui lui court après. Des indices distillés pour finalement raconter quelque chose d’assez classique, c’est-à-dire les Etats-Unis et leur éternelle influence sur la politique du Nicaragua. Cela ne reste toutefois que des éléments suggérés en toile de fond, car Claire Denis l’aborde sous un angle distant. Ce n’est qu’un décor, des évènements que les personnages n’évoquent que du bout des lèvres sans trop se dévoiler sur leurs intentions. Ce qui l’interroge, c’est plutôt la relation de ses deux personnages, un moment suspendu au milieu d’évènements beaucoup plus grands qui n’intéressent pas vraiment la cinéaste. 

Fuite en avant

© 2022 – Curiosa

C’est intéressant d’avoir abordé le fond politique du film de cette manière, en gardant le même flou que subirait n’importe quelle personne normale confrontée à la situation. Car le personnage de Margaret Qualley n’est qu’une journaliste avec assez peu d’expérience, elle n’a aucune raison de comprendre ce qu’il se passe. C’est hors de son champ d’expertise. Il y a quelque chose aussi d’assez fascinant dans cette manière de ressentir l’étau se resserrer : d’une quelconque amourette le film finit par devenir quelque chose de plus intense, plus fort, même si Claire Denis en fait parfois trop sur sa mise en scène des sentiments contraires, insistant encore et encore sur la relation d’amour sans confiance entre ses deux personnages. Mais c’est un film brutal sur sa manière d’aborder les sentiments, un amour naissant mais pas trop, des moments cruels, une perpétuelle recherche de sincérité dans quelques jours d’une vie où les mensonges prennent le pas sur la vérité. Margaret Qualley est parfaite pour le rôle, avec ses yeux très expressifs et son visage d’ange, elle incarne une certaine innocence face à la réalité. 

C’est aussi facile de détester que d’aimer le film. La proposition de Claire Denis est atypique. Ni complètement une histoire d’amour, ni vraiment un récit d’espionnage, c’est juste le récit de quelques jours où tout fout le camp et où elle ne s’embarrasse pas d’en expliquer les raisons. Les personnages se trouvent pris dans des évènements dont ils ne disent rien, quitte parfois à nous perdre un peu, tandis que les scènes recherchant une certaine sensualité sont parfois un peu lourdaudes. Mais il y a un certain charme là-dedans, une certaine élégance qui survit au gloubi-boulga d’une histoire mal maîtrisée, tout particulièrement grâce à une caméra qui sait apprécier l’instant et mettre en valeur de jolies scènes, et surtout, qui sait accentuer la tension qui se referme peu à peu sur ses personnages. Stars at Noon n’est pas un immanquable, mais c’est assurément un film qui questionne et qui provoque des sentiments assez intéressants.

  • Stars at Noon est sorti le 14 juin 2023 en salles et est depuis disponible en VOD, DVD et Blu-ray.
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Pas facile de se faire une place dans l’industrie des J-RPG. Genre prolifique, adoubé autant par les grands studios que par les indépendants, celui-ci connaît pléthore de titres qui en reprennent les codes chaque année. Pour sortir de la masse, il convient parfois de compter sur la réputation de ses auteur·ices, et c’est exactement ce qui a attiré l’attention sur Reynatis : le jeu édité par FuRyu s’est surtout illustré dans la presse pour la présence de Kazushige Nojima (scénariste sur bon nombre de Final Fantasy, et les Kingdom Hearts), ainsi que de Yoko Shimomura (compositrice au CV interminable). Mais comme on le voit assez vite avec Reynatis, les noms ne font pas tout.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’une clé par l’éditeur. Le jeu a été joué sur PlayStation 5.

Panique à Shibuya

© FURYU Corporation.

Théâtre des débats, le quartier de Shibuya à Tokyo concentre l’essentiel de l’action. On y fait la rencontre de Marin, un « Wizard » (le jeu est uniquement traduit en Anglais), un magicien, qui tente de se servir librement de ses pouvoirs avec un seul objectif, celui d’être le plus fort. Face à lui, les membres de la Magic Enforcement Administration (MEA), une force de police spécialisée dans la poursuite de Wizards, une force elle-même composée par ces magiciens hors pair, dont l’énigmatique Sari. Dans le monde de Reynatis, les gens acquièrent des pouvoirs, et deviennent des Wizards, après avoir vécu une expérience de mort imminente, seul point commun entre toutes ces personnes qui soudainement doivent choisir entre deux camps : se conformer à la MEA et lui obéir, ou conserver sa liberté au mépris de la loi. De l’autre côté, on trouve la Guilde, une faction aux intentions obscures, qui semble fricoter avec le surnaturel et des monstres qui proviennent de « Another », une zone alternative accessible via des portails qui apparaissent ici et là. Le jeu ne nous dira pas plus de choses que ça sur son contexte et son histoire, puisque vite jeté·es dans l’arène, les joueurs et les joueuses se retrouvent vite confronté au plus gros problème d’un jeu qui n’arrive jamais vraiment à être à la hauteur de ses ambitions. Ce problème, c’est une narration brouillonne. La MEA apparaît d’abord comme une force assez obscure où cohabitent de nombreuses personnalités vaguement présentées ; une force toute puissante qui combat le mal par le mal, tandis que la fuite en avant de Marin et des compagnons qu’il se fait en route peine à convaincre. La confusion règne dans un jeu où les chapitres s’enchaînent rapidement, en nous baladant d’un groupe à l’autre dans un récit chorale sans véritable liant. On passe du coq à l’âne constamment, l’histoire balance quelques idées ici et là, avec des enjeux mal définis.

On pense par exemple à tout le sous-texte sur la drogue, ici nommée « rub », qui semble être liée à la magie et aux Wizards et qui pose de véritables problèmes dans les rues de Tokyo. Ces enjeux-là liés à la drogue reviennent assez tard dans le jeu, mais sont souvent oubliés en cours de route, tandis que le propos sur l’interdiction d’utiliser la magie en publique pour les Wizards qui ne sont pas affiliés au MEA pourrait être une thématique assez intéressante autour de la prohibition, dans la continuité du propos sur la drogue, mais le jeu n’en fait pas grand chose de plus qu’une gimmick de gameplay qui consiste à se cacher du public pour se faire oublier chaque fois qu’on est pris en train de l’utiliser. Plus généralement, la confusion règne à cause d’un trop grand nombre d’enjeux balancés à la figure des joueurs et des joueuses sans trop s’y attarder. On nous montre une force de police autoritaire souffrant de conflits internes, une drogue qui ravage les rues mais pas trop, des monstres qui apparaissent comme un cheveu sur la soupe, des magicien·nes tout en noir (au bon souvenir de Kingdom Hearts) qui sortent de nulle part et des forêts magiques à explorer avec l’objectif d’y ouvrir une porte non moins magique sans qu’on ne sache trop pourquoi. Et tous ces éléments ont comme point commun d’être introduits sans s’attarder plus que cela sur la cohérence d’ensemble.

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La faute à l’introduction de beaucoup de personnages d’entrée de jeu avec une caractérisation sommaire. Marin, le héros, n’a rien d’autre à faire valoir que son envie d’être « le plus fort » des Wizards. Sari, son pendant à la MEA, est une coquille vide et ne semble être là que pour ses pouvoirs surpuissants. Les autres personnages jouables de sont pas plus aidés, et les choses se gâtent encore plus avec les personnages non jouables dont l’intérêt est toujours discutable. Même les grand·es méchant·es de l’histoire ont des motivations assez obscures, que le dernier tiers de l’histoire ne parvient pas vraiment à éclaircir. On se contente alors assez vite d’avancer dans l’histoire en pilote automatique, en enchaînant les chapitres sans trop se poser de question, avec l’espoir d’y comprendre quelque chose un jour. Et quand on commence un peu à comprendre ce qu’il se passe, on est déçu·es de se rendre compte que le jeu a fait beaucoup de mystères pour peu de choses. Cette confusion générale s’observe d’autant mieux dans la messagerie accessible à tout moment où les personnages s’échangent des messages plus ou moins rigolos, plus ou moins utiles à la narration : les messages sont distribués dans le désordre, les échanges sont parfois hasardeux, et on s’y perd vite. Quant au contenu secondaire, il n’y a rien de très intéressant, les missions suivent toutes le même cheminement. C’est-à-dire écupérer la mission, aller taper quelqu’un, et passer à la suivante. Mais ces missions secondaires sont indispensables car elles permettent de faire baisser le niveau de « malice » de la ville, donnant accès à des compétences supplémentaires via les « Wizarts ».

L’art de rue comme arme

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La « malice » est un taux (initialement à 100%) qu’il convient de faire baisser en réalisant des quêtes secondaires pour aider les habitant·es de Shibuya. Plus le taux est bas, plus les Wizarts sont accessibles. Il s’agit de graffitis qui ornent certains murs et qui, une fois récupérés, donnent accès à de nouvelles compétences actives et passives à équiper sur les personnages. Si le système semble intéressant, il s’avère en réalité assez artificiel car les quêtes secondaires étant directement liées au chapitre en cours, la baisse du taux de malice ne peut aller plus vite que la quête principale ; de fait, la progression des personnages est dépendante de l’avancée dans l’histoire. Néanmoins le système commence à prendre sens dans le dernier tiers du jeu quand suffisamment de Wizarts ont été récupérés, permettant de modifier intégralement les attaques magiques des personnages et les améliorer au moyen de cristaux acquis lors de la montée en niveau des personnages. Ces graffitis poussent à l’exploration d’un quartier de Shibuya compartimenté en plusieurs petites zones, pas désagréables à parcourir, même si les rues sont très vides et qu’il n’y a pas grand chose à y faire à part récupérer les graffitis. Néanmoins, l’ambiance y est plutôt sympathique, et le système de Wizarts s’intègre plutôt bien à son univers, avec le choix de faire reposer la magie sur l’art urbain, comme un clin d’oeil à l’esprit créatif du quartier de Shibuya, plutôt réputé chez les jeunes, où il fait bon se balader. Même si artistiquement, on sent le besoin de caser les quelques marques qui ont donné leur image, de la tour 109 à BIC Camera, en passant par le moins japonais Burger King. 

Le système de combat, reposant sur les Wizarts, est très facile à prendre en main : en appuyant sur L1, on passe le personnage de sa forme normale qui cache sa magie (« suppressed ») à sa forme libérée de Wizard (« liberated »). Dans la forme normale, la barre de mana permettant ensuite d’utiliser les actions offensives se recharge doucement, ou plus rapidement quand le personnage réalise des esquives. Pour faciliter les choses, le temps est ralenti quand le personnage est sur le point de prendre un coup en mode normal, et cela permet de réaliser un contre qui remplit la barre de mana quasi-intégralement. Pour grandement se faciliter les combats, il faut donc jongler entre les deux modes afin de toujours avoir une barre de mana alimentée, de manière à éviter les temps morts où il n’est plus possible d’attaquer. Une fois maîtrisé, le rythme des combats devient assez naturel, et simplifie amplement le jeu. Avec une difficulté unique, sans modification possible, on aurait pu craindre des moments moins accessibles, mais Reynatis se révèle finalement même trop simple. Une fois maîtrisé le contre il est presque impossible de mourir, et dans le dernier tiers le personnage de Sari devient absolument imbattable grâce à ses attaques qui lui permettent d’être toujours en mouvement, en plus de sa surpuissance magique. 

© FURYU Corporation.

Ainsi, les combats sont stéréotypés. L’approche est toujours la même, pas bien aidé par le fait qu’on soit presque toujours seul sur l’aire de combat puisque les autres personnages se contentent juste de distribuer deux ou trois coups avant de partir quand on change de personnage à la volée, profitant de leur barre de mana rechargée pendant leur attente. Un système faillible, puisque les combats se ressemblent tous, la faute au trop peu de coups à disposition. En effet, le jeu se joue avec trois coups : carré pour le coup de base, et triangle et rond pour les coups spéciaux affectés avec les Wizarts obtenus. Ces coups sont assez nombreux à débloquer, mais en définitive on n’en utilise qu’une poignée et ils ne peuvent être modifiés qu’en dehors des combats. Dans un titre qui s’avère beaucoup trop simple lors des combats face à une poignée d’adversaires grâce à la très simple parade, mais qui peut être insupportable et ingérable quand les adversaires sont trop nombreux, car les monstres attaquent tous en même temps et les coups encaissés provoquent un temps d’arrêt du personnage. On en arrive à des situations où ça devient presque impossible de mettre un coup, en essayant juste de faire monter la barre d’ultime qui permet de lancer une attaque dévastatrice qui touche tous les ennemis (heureusement, elle monte vite) afin de réduire leur nombre. Finalement, la principale difficulté reste dans la gestion d’une caméra qui devient souvent folle, notamment dans les espaces exigus de certaines zones.

Tokyo d’une autre époque

© FURYU Corporation.

Malgré un découpage en petites zones pas inintéressantes à parcourir, le quartier de Shibuya souffre, comme le reste du jeu, d’une direction artistique dépassée. Pas vraiment originale, rarement séduisante, celle-ci s’appuie sur des choix visuels qui n’évoquent rien de vraiment mémorable. Pas mieux pour les héros et héroïnes qui manquent de personnalité, tant sur leur écriture que visuellement, et qui peinent à être crédibles dans un univers qui manque de cohérence. Pas mieux sur la technique avec des textures et des animations d’antan, des rues extrêmement vides (et les quelques habitant·es que l’on croise se répètent à l’infini selon une poignée de modèles). On sent que le jeu a quelques générations de retard, et ce n’est pas ses personnages complètement stoïques et inexpressifs qui améliorent le constat. Pas mieux du côté des ennemis peu inspirés, tous ressemblants, le jeu ressortant même de nombreuses fois les mêmes deux ou trois mini-boss qui s’affrontent à chaque fois de la même manière. Si les boss sont plus variés, notamment dans le dernier tiers du jeu, ils souffrent également des mêmes problèmes avec des designs peu intéressants, en plus d’avoir des patterns très basiques. Enfin, c’est les « donjons » qui font peine à voir, puisqu’il s’agit du « Another », le monde alternatif accessible via des portails. Les zones sont toujours les mêmes, avec une sorte de forêt magique et labyrinthique à la distance d’affichage d’il y a vingt ans, où les mêmes ennemis s’affrontent encore et encore au même endroit, pour obtenir les mêmes objets et la même expérience. 

Il y avait pourtant du beau monde sur le projet, et on aurait pu espérer que Kazushige Nojima soit capable de proposer une narration engageante à défaut d’être exceptionnelle ; mais le scénariste à qui l’on doit quelques très beaux J-RPG semble en roue libre sur un jeu au développement probablement accidenté. Manque de liant entre les chapitres, personnages peu caractérisés, monde vide de sens, tout tape à côté dans Reynatis et c’est plutôt déprimant à parcourir. Il n’y a même pas une petite étincelle qui laisserait espérer des jours meilleurs, puisque au contraire, la narration n’arrive jamais à élever son niveau, pas plus lors de son final aussi raté que le reste. Il ne restait qu’un espoir, la bande originale de Yoko Shimomura, qui a rarement été prise à défaut lors de sa longue carrière. Mais même là, la compositrice à qui l’on doit quelques unes des plus belles OST du jeu vidéo japonais n’arrive pas à trouver ses qualités habituelles, en livrant une bande-son assez pauvre en titres (avec des thèmes qui se répètent souvent) en plus de ne jamais nous emmener dans son univers. Bref, Reynatis est une énorme déception, un jeu dans lequel on a bien du mal à trouver une réussite.

  • Reynatis est disponible depuis le 27 septembre 2024 sur PC, Nintendo Switch, PlayStation 4 et PlayStation 5.
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Chill Chat, c’est l’émission de Pod’Culture où l’on se pose et on cause avec une personne qui navigue dans les eaux de la Pop Culture ; que cette personne soit un créateur ou une créatrice, artiste, ou encore prescripteur ou prescriptrice.

Pour ce quatorzième épisode, je me prête enfin à l’exercice du Chill Chat, et ce en vous présentant deux auteurs de bande-dessinée, à savoir Romain Blais et Jérôme Tillard. Auteurs de la BD Mr. Crook, parue aux éditions Paquet, et disponible depuis le 14 février 2024. L’occasion donc de découvrir l’envers d’une création d’une BD, découvrir également les auteurs qui se cachent derrière le dandy magnifique qu’est Mr Crook.

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La Team Asobi n’est plus à présenter tant la qualité de leur jeux ont mit tout le monde d’accord. Bien-sûr les premiers jeux étaient peut être moins connu par rapport à leur nouvel licence, mais il faut quand même rappeler que c’est eux qui sont derrière les jeux The Playroom et The Playroom VR, sorti sur Playstation 4. Cependant, le virage a très vite été prit pour présenter la licence qui parle déjà à tous aujourd’hui, à savoir Astro Bot Rescue Mission, sorti lui aussi sur PS4 et faisant parti des rares jeux sorti en VR. Lors de la sortie de la Playstation 5, la Team Asobi a remit le couvert, avec Astro’s Playroom le deuxième volet de notre petit robot trop mignon, qui rappelons le, est un jeu gratuit et disponible pour tous les possesseurs d’une PS5. Le seul problème avec ce dernier, c’est que les joueurs (moi y comprit) en désiraient plus, car oui, ça reste plus une démo des capacités de la console et de sa manette Dualsense qu’autre chose. Mais les créateurs ont entendu les joueurs, et nous propose aujourd’hui un jeu complet, qui ne nécessite pas de VR et qui est disponible depuis le 6 septembre 2024, à savoir Astro Bot.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un exemplaire par l’éditeur.

Une suite à Astro’s Playroom

©2024 Sony Interactive Entertainment Inc. Développé par Team Asobi. Astro Bot est une marque de Sony Interactive Entertainment LLC.

Pour tous les possesseurs de la Playstation 5, on a, je pense, tous joué à Astro’s Playroom, qui a été une très belle surprise, aussi bien dans sa proposition de jeu « démo » à la PS5, que pour sa proposition de plateformer 3D. Il faut dire que ce dernier a été assez incroyable dans sa proposition de jeu. Seulement, le problème de cette démo, c’est qu’elle était beaucoup trop courte. Comme je le disais lors de l’introduction la Team Asobi a complètement entendu les joueurs et nous propose ici, une suite d’Astro’s Playroom, avec Astro Bot.

On retrouve donc Astro, notre petit robot préféré des licences Sony, pour une nouvelle aventure. Tout comme son opus précédent, il va être question de sauver cinq parties de la Playstation 5, qui se trouve être le vaisseau de notre robot. Celle-ci ayant été attaqué par un extraterrestre, il va falloir traverser différente galaxie afin de sauver des tas de Bots (plus de trois cents), des pièces de puzzle qui nous permettront d’avoir des tas de cosmétiques et bien sûr battre les boss de chaque monde, afin de récupérer les pièces de notre vaisseau mère. Évidemment, comme peut l’être un jeu de plateforme 3D, l’histoire n’est pas ce qui est mis en avant, mais c’est bien le gameplay et toutes les propositions différentes de gamedesign qui rentrent en jeu. Car il est là l’aspect le plus percutant de ce Astro Bot, chaque niveau, et ainsi chaque monde, a sa proposition de gameplay. Tout se renouvelle à chaque niveau, proposant ainsi des histoires et des façon de jouer différentes, tout en gardant bien évidemment le gameplay de base. Par exemple, dans certains niveaux, nous récupérons un item, qui s’avère être un jetpack, grâce auquel nous nous propulsons que ce soit de plateforme en plateforme, ou bien contre les ennemies. Il y a également un item qui nous permet de devenir une éponge, littéralement. Et qu’est-ce qu’il se passe quand on gorge une éponge d’eau ? Elle grossit ! Ainsi, notre petit robot se retrouve a être agrandit, et nous pouvons rejeter l’eau que nous avons absorbé, afin de gorger d’eau, d’autres éléments de décors et découvrir ainsi de nouveaux passages qui s’offrent à nous !

Force est de constater que le jeu dans son ensemble est réellement une pépite de A à Z. Il n’y a pas une seule fausse note durant l’aventure que l’on parcourt avec notre petit robot. Nous pourrions aisément parler de la difficulté du titre, qui semble être très ouvert aux jeunes joueurs, mais la Team Asobi a pensé également aux joueurs plus expérimentés et nous donne également des niveaux plus compliqués. Proposant ainsi un réel challenge pour sauver tous les Bots, et récupérer toutes les pièces de puzzle. Ces niveaux étant optionnels, il n’est pas obligatoire de les faire pour avoir accès aux différents boss de monde. Cependant, ces mêmes niveaux sont un challenge en soit, car même s’ils sont courts, ils sont vraiment retords pour certains (Oui, c’est à vous que je pense les niveaux carré).

Une ode à Playstation

Forcément si le gameplay est à ce point bon, il est difficile d’en trouver des défauts. Mais il est aussi difficile de trouver des défauts au jeu dans son ensemble. Car au-delà d’une histoire quelque peu basique, Astro Bot propose surtout une visite vers tous les classiques des jeux Sony. Et pour ça, la Team Asobi a mit les petits plats dans les grands ! Que ce soit au travers des Bots, qui portent pour la moitié d’entre eux, des costumes représentant des icônes du jeux vidéo, comme Joël de The Last of Us, Amaterasu du jeu Okami, Abe d’Oddworld : L’Odyssée d’Abe, il y a même les singes du jeu Ape Escape ! Comme vous pouvez le constater au travers des noms que j’ai pu citer ici, toutes les licences qui sont présentes dans le jeu, sont aussi vieilles que récentes et surtout dans tous les styles de jeux possible. Au-delà de cet aspect esthétique des Bots, qui reste quand même très agréable entant que surprise pour le joueur, il y a également des niveaux spécifiques qui ont été créé pour des licences phares. Dont je vous laisserai la surprise car ils sont absolument incroyables dans leurs propositions d’adapter le gameplay d’Astro Bot, au jeu qui y est « parodié ».

En somme, cette nouvelle aventure du petit robot qui semble devenir une icône de Playstation, rassemble tous les joueurs. Que ce soit par son gameplay qui est ouvert aux plus jeunes, comme aux joueurs plus expérimentés. Mais également grâce à tout l’historique de Sony, qui au travers des différents niveaux, et bots, nous permettent de replonger de façon nostalgique, au cœur de ce qui a fait les plus belles années de la firme japonaise. Astro Bot est un réel plaisir à parcourir de bout en bout, poussant les joueurs les plus novices, à se dépasser et venir au secours des différents Bots afin de tous les obtenir, et ainsi clore cette aventure absolument incroyable de bout en bout. Sommes-nous en présence du GOTY 2024 ? La question peut se poser, dans tous les cas et me concernant, Astro Bot se classe très largement dans les plus belles surprises de cette année 2024 et il est clair que je resterais très curieux des prochains jeux de la Team Asobi, en espérant déjà secrètement, un nouvel opus de notre cher petit robot.

  • Astro Bot est disponible depuis le 06 septembre 2024 sur PS5.
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Drôle de jeu d’aventure, Caravan SandWitch a suscité la curiosité depuis son annonce pour son univers atypique, celui d’un monde de science-fiction inspiré par les paysages provençaux. Développé par le studio montpelliérain Plane Toast et édité par Dear Villages, le titre est sorti le 12 septembre dernier sur Switch, PlayStation 5 et PC, et mérite décidément qu’on en dise quelques mots tant sa proposition peut surprendre, avec une vraie envie de faire de la science-fiction autrement, puisant ses inspirations dans un environnement peu habitué aux jeux vidéo.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un code par l’éditeur. Le jeu a été joué et terminé sur PlayStation 5.

Balade sous le soleil du sud

© 2024 CARAVAN SANDWITCH / Dear Villagers – Plane Toast

Les débuts de Caravan SandWitch sont énigmatiques. Loin de ses vidéos promotionnelles  où l’on voyait l’héroïne, Sauge, explorer la côte d’une région fortement inspirée par la Provence, l’aventure débute à bord d’une station spatiale qui semble complètement abandonnée. On emmène vite Sauge à bord d’un train de l’espace qui l’emmène sur Cigalo, la fameuse planète, sur laquelle a disparue sa soeur Garance six ans plus tôt. Ce qui la motive à aller là-bas, c’est parce qu’elle vient de recevoir un signal de détresse du vaisseau de sa soeur, qui serait échoué quelque part dans cette région du monde. En arrivant là-bas, elle retrouve rapidement ses amis d’enfance dont on fait la rencontre dans un petit village, quelques rescapé·es de ce que l’on comprend être une catastrophe survenue quelques années plus tôt. Des personnes qui tentent de survivre en s’entraidant, et en récupérant les quelques ressources qui parviennent encore à vivre sur cette planète. Mais au-delà d’une mélancolie propre à cette planète qui n’inspire rien de bon à Sauge, elle qui avait visiblement décidé de fuir vers l’espace à l’époque, le jeu impose vite une tonalité et une ambiance plutôt paisible, empreinte de nostalgie, dont les inspirations sont à rechercher du côté d’une vie dans les paysages provençaux. Parfois sans grande ambiguïté, à l’image d’une quête secondaire qui nous demande d’aller trouver de la tapenade et du fromage pour un apéro entre ami·es, d’autres fois le jeu joue sur la nostalgie inspirée par des calanques à explorer, la brise d’air qui flotte sur des paysages dont on saisit rapidement l’imaginaire, et tout un travail sur le son qui confère au jeu une ambiance très unique mais qui parle sans mal à toutes les personnes qui, au moins une fois, ont déjà mis les pieds dans le sud de la France.

© 2024 CARAVAN SANDWITCH / Dear Villagers – Plane Toast

L’originalité de son monde est au coeur de l’intérêt du jeu, pas seulement parce qu’on a bien du mal à citer un autre jeu vidéo inspiré par la Provence, mais aussi parce que cette ambiance si particulière est parfaitement retranscrite dans un jeu qui sent bon la nostalgie et l’envie de bien faire. Doux et plein de grâce, fort d’une jolie bande originale, Caravan SandWitch impose rapidement un monde qui intrigue et qui donne envie de le parcourir, tant pour en explorer les petits clins d’oeil au sud que pour en voir l’alliance surprenante avec des composantes plus classiques de la science-fiction. Robots et automates en tout genre, lasers à déployer, tempête énergétique et gigantesques usines de production, autant de choses qui jouent sur l’impression donnée initialement par son monde et qui obscurcissent une nature autrefois parfaite. L’occasion d’aborder des thématiques autour de la conservation des ressources, de l’impact démesuré de l’homme sur la nature, et plus généralement d’interroger ses personnages sur leur place dans une région du monde devenue difficilement vivable, mais où tous leurs souvenirs les retiennent. Plus encore, c’est la relation de Sauge à toutes ces personnes qui ont peuplé son enfance et qu’elle redécouvre qui est touchante. Les relations sont parfois froides, nécessitent de réapprendre à se connaître, avec une écriture qui saisit bien la nature humaine de ses personnages. Le lien qui unit Sauge à sa soeur disparue est également une jolie réussite, alors que l’on apprend à connaitre Garance au travers de souvenirs remémorés en atteignant des lieux particuliers, ou en découvrant des messages laissés par Garance ici et là au cours de son aventure six ans plus tôt.

L’étrange planète

© 2024 CARAVAN SANDWITCH / Dear Villagers – Plane Toast

À l’ambiance répond l’aventure, et sur ce point, tout n’est pas idéal. Séduisant pour ce qu’il raconte, Caravan SandWitch l’est un peu moins sur la manière de le faire. Les premiers pas à bord du van sont plutôt agréables, dans le véhicule mis à disposition de Sauge pour explorer la région et filer des coups de main à tout le monde avec l’espoir de se faire pardonner son départ quelques années plus tôt. Le véhicule est plutôt agréable à conduire, les premières zones d’exploration sont assez charmantes et la curiosité est souvent rémunérée par des puces électroniques qui servent plus tard à créer de nouveaux objets permettant d’atteindre et ouvrir de nouvelles zones (indispensables pour la progression). Mais sur la durée, et on parle d’un jeu pourtant assez court (cinq à sept heures de jeu), le sentiment de liberté et le plaisir de se balader se heurte à d’infinis aller-retour qu’un obscure système de téléportation, obtenu assez tard dans l’aventure, ne vient pas gommer. Plus encore, les différents lieux à explorer pour la quête principale ont vite tendance à se ressembler, avec une poignée d’avant-postes et d’usines désaffectées qui se ressemblent un peu tous, avec toujours le même objectif d’ouvrir une porte en particulier, d’activer l’électricité quelque part, ou d’obtenir des données cachées. Les mécaniques se répètent, et on passe notre temps à utiliser une sorte de scanner afin d’identifier les objets à récupérer et les portes à ouvrir, puis partir vers le prochain objectif qui sera atteint de la même manière.

© 2024 CARAVAN SANDWITCH / Dear Villagers – Plane Toast

Si l’on comprend bien l’intérêt narratif, s’agissant essentiellement d’une grande enquête sur ce qu’il a bien pu se passer six ans plus tôt pour aboutir à la disparition de la soeur de l’héroïne, l’intérêt ludique s’évapore un peu trop vite, jusqu’à ce que le jeu ne puisse compter que sur ses charmants personnages pour nous tenir en haleine. Des personnages divers et inclusifs, toujours bien sympathiques à découvrir, qui représentent le coeur narratif du jeu. Des identités diverses, des gens qui ont appris à vivre sur Cigalo pour des raisons variées et qui, à leur manière, tentent de montrer à Sauge qu’il y a des alternatives à la froideur de l’espace. Quitte à ce que les quêtes secondaires, toujours centrées sur ces différents personnages, soient vite plus intéressantes que la quête principale. Cette dernière étant plutôt convenue avec un cheminement trop attendu, qui n’étonne jamais beaucoup. À l’exception peut-être de son grand final. 

Mais pour le reste, c’est sur le contenu secondaire que le jeu s’en sort le mieux, et ce n’est peut-être pas un hasard. Car la force de Caravan SandWitch repose essentiellement sur son ambiance, sur cette douceur inspirée par la nostalgie du sud, sur la légèreté d’une existence qui met les problèmes de côté pour se recentrer sur l’essentiel : les proches et le plaisir de vivre. Et c’est ces éléments qu’exploitent pleinement les quêtes secondaires, tandis que le cheminement principal de l’aventure retombe sur des choses plus convenues, plus propices à l’exploration de thématiques propres à la science-fiction et qui là, manquent d’un petit quelque chose pour surprendre. La faute aussi peut-être à des mécaniques assez rébarbatives, et des aller-retour redondants qui se multiplient assez vite dans l’aventure. Dans l’ensemble, le premier jeu de Plane Toast n’en reste pas moins une jolie surprise, j’ai aimé découvrir ce monde-là, et j’espère que le studio pourra affirmer cette identité qui lui est propre dans son prochain projet.

  • Caravan SandWitch est disponible depuis le 12 septembre 2024 sur Nintendo Switch, PlayStation 5 et PC.

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Alors que l’excellent Dredge est sorti il y a un an et demi, en mars 2023 pour être précis, son deuxième et dernier DLC, The Iron Rig, sorti le 15 août 2024, prend le large et nous propose une nouvelle aventure au cœur de ce monde très inspiré de Lovecraft. Dredge étant un jeu qui m’a beaucoup plu durant sa découverte l’année dernière, ce DLC me permet d’enfin vous en parler, et je pense qu’il est tant que je remette un peu de contexte avant de vous parler de cette très bonne extension.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un exemplaire par l’éditeur. Le DLC a été parcouru sur PlayStation 5.

Bateau sur l’eau…

Si j’ai découvert Lovecraft assez tard au cours de ma vie, force est de constater que c’est un monde qui m’a tout de suite parlé. L’horreur, le côté dérangeant et l’univers en général me touchent particulièrement, car ce que j’aime le plus dans les histoires et mondes horrifiques c’est la non explication des choses. J’adore pleinement être dans un univers logique, que je ne comprends pas. Que ce soit par les frayeurs que cela m’apporte, ou encore grâce à l’imaginaire, les œuvres de Lovecraft et ceux qui s’en inspirent de près ou de loin retiennent toute mon attention.

DREDGE © 2024 Black Salt Games Limited.

De fait, lorsque Dredge est sorti je me suis laissé porter par les flots de son histoire. Nous y interprétons un chalutier, qui en arrivant dans cet atoll se voit confronté à des anomalies prenant la  forme de divers poissons. Oui, Dredge est un jeu de pêche, mais il est suffisamment intelligemment fait pour pousser les joueurs·euses à voir plus loin que ce qu’un traditionnel jeu du genre peut proposer. Déjà, les anomalies qui sont des poissons plus effrayants les uns que les autres est la feature principale du titre. Vouloir découvrir toutes les espèces, qu’elles soient « normales » ou affectées par le mal qui ronge le monde, est un défi en soi, car ce n’est pas moins d’une centaine de poissons qui sera à trouver au travers de la carte. Une réelle chasse pour remplir son journal, objet qui fait penser à la complétion de monstres de poche.

Au-delà de ces anomalies, l’univers du jeu est aussi perturbant qu’il est fascinant. Nous allons y rencontrer plusieurs personnages, plus fous les uns que les autres. Ces PNJ apportent beaucoup au lore de Dredge, que ce soit par l’histoire qui entoure ces îles, mais également pour le personnage mystérieux que l’on interprète.

Je reste vague volontairement, car je souhaite réellement que vous découvriez cet excellent jeu des studios Néo-Zélandais, Black Salt Games, qui ont su au travers d’un simple jeu de pêche, créer un univers cohérent, plongé dans un monde inspiré du grand Lovecraft, sans pour autant dénaturer les œuvres dont ils s’inspirent et en étant suffisamment original pour être intéressant.

Un ultime DLC

Non seulement le jeu original est un réel plaisir à parcourir mais, en plus, l’équipe Black Salt Games nous propose pas moins de deux DLC, The Pale Reach & The Iron Rig, qui par bien des égards sont très intéressants. Que ce soit pour le lore qu’ils ajoutent, ainsi que les nouvelles créatures et de nouveaux lieux à visiter. Et s’il faut bien avouer que The Pale Reach a du mal à réellement s’intégrer à l’histoire même du jeu original, The Iron Rig lui, est d’une justesse qui fait plaisir à voir.

Une plateforme pétrolière vient s’installer sur l’océan que l’on parcourt. Évidemment, notre personnage sera pris à partie pour aider le patron de cette plateforme, à la développer toujours plus, quitte à mettre en danger les habitant·e·s de l’atoll que nous parcourons, et plus encore, mettre en danger le monde en général, à cause des différents forages que réalise cette entreprise. Voulant évidemment sauvegarder ce lieu dans lequel nous vivons, nous allons jouer les agents doubles, afin de déjouer les plans de ce patron avide d’argent.

L’histoire peut sembler très basique, mais j’ai été surpris de voir à quel point elle s’intègre parfaitement au jeu original, notamment grâce aux différents messages qui en découlent : laisser la nature en paix, des créatures de plus en plus dangereuses afin de protéger l’atoll, et bien sûr l’arrogance humaine face à ce qui nous dépasse… Ce sont aussi des thèmes que l’on peut aisément retrouver dans les œuvres de Lovecraft, et c’est en ça que j’ai trouvé ce DLC particulièrement intéressant et intelligent dans son propos. Les personnes travaillant à Black Salt Games ont réellement compris les écrits du maître de l’horreur pour en proposer aujourd’hui une relecture intéressante et contemporaine. Mais la bonne intégration au jeu original ne s’arrête pas là. Car ce n’est pas juste un nouveau lieu qui est donné à découvrir, mais bel et bien tous les lieux que nous avons déjà parcouru au gré des marées et des différentes tempêtes qui sont à revisiter.

Outre ces deux DLC, vous l’aurez compris, c’est Dredge tout entier que je vous invite à découvrir. Le gameplay y est intéressant par son système de gestion, de vente, et d’amélioration du navire. Mais c’est surtout son histoire, son lore, et son ambiance horrifique qui ont su me charmer tout au long de mon aventure. L’équipe de Black Salt Games a su s’inspirer intelligemment d’un univers vaste qu’est celui du maître de l’horreur, pour créer un jeu complètement original, duquel on en ressort fasciné·e et repu·e.

  • Dredge et ses DLC The Pale Reach et The Iron Rig sont disponibles depuis le 05 août 2024 sur PS4, PS5, Nintendo Switch, Xbox One, Xbox Series et PC.
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Bonjour à toutes et à tous ! Ici Reblys, pour le sixième et dernier épisode de la saison 3 de la Rébliothèque.

Pour conclure cette saison, on part sur du très très grand Classique. Les Hauts de Hurlevent est un roman mythique a bien des égards, et pourtant je ne l’avais jamais lu. Comme il n’est jamais trop tard, voici mon avis sur un des récits les plus connus de la littérature du XIXème siècle !

J’espère que cette chronique vous donnera envie de lire ce livre, et plus largement envie de lire !

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Sorti en mai 2024, le jeu vidéo Indika du studio russe Odd-Meter s’est vite fait remarquer par son scénario inhabituel. Il est bien rare de se voir proposer d’incarner un·e religieux·se dans l’univers vidéoludique, d’autant plus dans une Russie orthodoxe. Pis encore : notre héroïne Indika est non seulement une jeune nonne, mais de plus elle est perturbée par une étrange voix intérieure qui serait celle du Diable. Voilà de quoi créer un jeu intriguant et déconcertant, par ce simple synopsis. Indika est une œuvre décalée et originale, empreinte de paradoxes à l’instar de son héroïne. Un voyage atypique que je vous invite à découvrir.

Cette critique a été écrite après l’envoi d’une clé numérique Xbox Series S par l’éditeur.

« Quand le Diable n’y peut rien, il délègue une femme »

Indika se situe dans une Russie alternative, vers la fin du XIXe siècle, peut-être dans les années 50. En effet, l’architecture des villages traversés dans le jeu n’est pas sans évoquer le brutalisme, mouvement artistique populaire des années 50 à 80, connu pour ses bâtiments très verticaux en béton. Un morceau d’opéra, Kachtcheï l’immortel du compositeur Nikolai Rimsky-Korsakov, peut être entendu dans le jeu : l’enregistrement réel date de 1948. Cet opéra a pour personnage principal un sorcier, un antagoniste négatif, qui a pour spécialité d’enlever les princesses et jeunes femmes, y compris dans le folklore russe. De quoi faire une référence à l’histoire de notre héroïne, on le verra plus tard.

Même si Indika se situe donc dans une Russie alternative, elle emprunte nombre d’éléments à la réalité et à la religion qui permettent de rendre le jeu proche de nous. C’est un aspect d’autant plus important qu’il permet aussi de rapprocher le·la joueur·se de thèmes peu communs et qui ne parlent pas forcément au grand public aujourd’hui, mais aussi de mieux comprendre le jeu et son impact, sa réflexion. F-de-Lo en aura en effet mieux parlé que moi dans son article, mais Indika a été créé par des développeurs exilés de la Russie après l’invasion en Ukraine, prenant ainsi un engagement risqué contre la guerre en cours. Indika cherche en effet à interpeller, à critiquer, à inciter à la réflexion : une prise de position qui aurait été vue d’un très mauvais œil au vu de la situation géopolitique actuelle.

© Les incertitudes d’Indika : tête baissée et ongles rongés, entre anxiété et humilité – Odd-Meter, 2024

Mais revenons au jeu. Indika est une toute jeune nonne – on peut supposer qu’elle a entre 15 et 20 ans. Si elle fait preuve d’assiduité et de bonne volonté dans ses devoirs religieux et dans la vie quotidienne du couvent, cela ne suffit point pour ses sœurs religieuses. Celles-ci la prennent en grippe et ne l’aiment tout simplement pas. Est-ce dû au fait qu’elle entende une mystérieuse voix, a priori maligne et démoniaque, dans sa tête, et qu’elle est parfois prise d’hallucinations absurdes, comme un petit homme sortant de la bouche d’une supérieure ? Ou est-ce dû au fait que la jeune fille a un esprit assez vif et critique, n’hésitant pas à poser des questions sur les dogmes et la logique religieuse ? Cette inimitié l’isole et la met à part des autres sœurs, la rendant sans cesse surveillée. Pourtant, c’est Indika qu’on envoie porter une lettre dans un monastère. Heureuse de pouvoir enfin sortir à l’extérieur, Indika va voir sa quête parsemée d’embûches. Non seulement elle va traverser des villages effondrés, affronter la neige et la glace, mais elle va surtout croiser la cruauté des hommes. Elle rencontre notamment un déserteur de l’armée, Ilya, qui va l’entraîner sur un autre chemin pour trouver le kudets, une relique sacrée.

Indika pourrait être un walking simulator, si l’on excepte les petites phases d’énigmes et les passages rétro en pixel art que le jeu nous offre. Nous en saurons en effet davantage sur le passé d’Indika et les raisons l’ayant menée au couvent, dans des flash-back rendant hommage aux jeux vidéo rétro, avec un pixel art très coloré et lumineux comportant des phases de plate-forme. Une manière d’illustrer à la fois les souvenirs passés d’Indika, mais aussi justement un passé plus heureux et plus gai que l’actuelle froideur de sa vie monastique, dans des paysages et bâtiments empruntant plus au gris, noir et blanc dans leurs couleurs.

© La nonne possédée et le déserteur pieux – Odd-Meter, 2024

Le jeu, produit sous Unreal Engine, propose un environnement réaliste, plutôt agréable dans l’ensemble, si on excepte quelques bugs d’affichage et parfois des crashs du jeu (sous Xbox Series). Le contraste est donc d’autant plus fort quand on passe aux souvenirs pixel art de notre héroïne. Le choix de la mise en scène est lui aussi singulier, avec des cadrages inattendus, donnant une perception distordue de l’action, parfois presque une forme de voyeurisme, comme si quelqu’un – à tout hasard, Dieu ou le Diable – épiait sans cesse Indika et la jugeait. Ce cadrage se révèle aussi torturé que l’esprit de son héroïne, toujours surveillée par ses sœurs au début du jeu. Mais c’est aussi une image préconçue du regard des autres sur Indika, quand les gens qu’elle croise ne voient en elle qu’une nonne, forcément prude et vertueuse, et non également comme une femme douée d’un esprit et d’une volonté propre, dotée d’un passé antérieur à sa vie monacale.

Le jeu n’oublie pas pour autant d’être un jeu. Il possède des collectibles – des reliques sacrées et des bougies à allumer, ici et là – qui, une fois trouvés, offrent à Indika des sortes de pièces jaunes représentant les points de sa foi. Cette foi elle-même progresse avec un arbre unique de « compétences », permettant de gagner des niveaux de « repentir, honte, péché, humilité » et donc de progresser dans sa foi. Malheureusement, certaines actions condamnables peuvent aussi lui faire perdre ses points. Et pourtant ! Le jeu nous avertit vite que collecter ces points ne sert à rien. Une vérité écrite dès le début, qui prend son sens à la fin du jeu, de manière très intelligente et en soulignant les messages du titre.

D’autres passages, hélas trop peu utilisés, se révèlent intéressants tant dans leur gameplay que dans leur symbolique. Certains endroits ne peuvent être franchis que en passant d’une réalité à l’autre, opposant le monde palpable et une autre vision, plus infernale. Indika est alors obligée de faire appel à la vision démoniaque de son possesseur, puis de prier pour revenir au monde réel, afin de se créer son propre chemin.

Sous le soleil d’Indika

Quand on a croisé quelques classiques mettant en scène des personnages religieux aux prises avec leur foi, on pense à la Religieuse de Denis Diderot, à Sous le soleil de Satan de George Bernanos, ou à Il n’est pire aveugle de John Boyne, en jouant à Indika. La jeune fille se confronte chaque jour à une voix intérieure, probablement diabolique, à un démon qui semble la posséder au point de lui créer des hallucinations et de lui faire questionner sa foi. Mais Indika a-t-elle vraiment besoin d’un démon pour remettre en cause la religion ? Au cours du jeu, elle admet ne pas comprendre pourquoi on peut boire de l’eau sacrée, et non cuisiner avec ; d’ailleurs, une autre nonne renversera l’eau qu’elle a si durement ramené du puits. Plus tard, elle s’interrogera sur si les animaux ont une âme, sur pourquoi Ilya, dont le bras est blessé, ne peut avoir de Dieu qu’un ralentissement de sa gangrène et non une guérison complète. C’est oublier que, loin de toute logique ou cohérence apparentes, la vie monastique et la religion demandent obéissance et croyance sans rébellion de certains dogmes, l’humilité et la pudeur ne pouvant être obtenues qu’à ce prix.

© Quand le monde était encore empli d’espoir – Odd-Meter, 2024

Indika n’est pas née nonne, contrairement à ce que les autres protagonistes peuvent penser, se préoccupant de ses réactions face à la vue du sang, ou à une proximité physique un peu intime. Elle a connu une enfance joyeuse, élevée par son père, qui tenait un magasin de vélos. La jeune fille en a tiré un certain goût pour la mécanique et le bricolage, et même la science, notamment la physique, étant capable de nommer certains effets lumineux stroboscopiques. Cela la rend plutôt indépendante et en tant que femme pour l’époque. Par ailleurs – mais c’est peut-être cette fois dû à un apprentissage au couvent – elle est capable d’administrer certains soins médicaux. Indika a d’ores et déjà un intellect et une expérience qui semblent la différencier de ses sœurs au couvent, et qui nourrissent ses interrogations sur les paradoxes de la religion.

Certaines des parties les plus passionnantes du jeu sont ainsi ses débats et dialogues avec le démon dont la voix retentit dans sa tête, et pour nous, joueurs·joueuses. Qu’est-ce que le bien et le mal ? A quel moment un crime est-il impardonnable et comment mesurer le niveau d’un péché par rapport à un autre ? Certains instincts humains sont-ils aussi vils et répréhensibles que ceux des animaux ? Pourquoi accorder un miracle à quelqu’un et pas à un autre ? Quelles actions permettent de gagner la place au paradis ou, au contraire, condamnent à l’enfer, au-delà de tout repentir ? Toutes ces questions surgissent, dans des dialogues écrits avec une certaine finesse, assez pour être philosophiques et sincères, et parfois sublimés par l’humour noir du démon, qui ne manque pas de démontrer l’absurdité de certains raisonnements. (D’ailleurs, il se moque aussi d’Indika quand nous la tuons accidentellemen.)

© Les environnements deviennent gigantesques et déshumanisés – Odd Meter, 2024

Le jeu nous invite ainsi à réfléchir, à nous questionner sur des aspects du monde, de l’être humain avant tout, mais aussi de la place de la religion, qui n’occupe plus forcément un rôle aussi important qu’avant dans notre société, dans nos traditions et nos manières de vivre modernes. Il est passionnant et singulier de voir un jeu se pencher sur ces thématiques, tout en abordant des sujets plus universels et pourtant reliés : le libre-arbitre, ce qui fait l’âme en nous, la différenciation du bien et du mal. Il aurait parfois fallu plus oser, dans ces thèmes, mais c’est déjà un excellent début dans le monde du jeu vidéo, qui a trop peu abordé la foi et la religion – contrairement à la littérature et au cinéma. En remettant en cause certaines situations extrêmes où la noirceur de l’âme humaine domine, Indika examine ce qui est juste ou injuste, alors que tout est normalement prévu par un Dieu omniscient. L’héroïne interroge sur le regard des autres, prompt à juger les péchés d’autrui, sur l’obéissance totale face à la religion, qui ne peut qu’entraîner soumission et force à fermer les yeux sur les intentions hypocrites des uns et des autres.

Respecter les règles de la religion n’aideront pas Indika à se faire davantage aimer des autres. Cumuler les actes de piété n’est pas un gage de paradis ni de justice divine.  Qui pourrait blâmer notre héroïne pour certaines actions faites par désespoir ? « Dieu et Diable sont en toi » paraphrase le démon à l’intérieur d’Indika. Ce diable n’est qu’un murmure dans l’esprit de la jeune nonne, une voix sarcastique qui pour autant parle avec sincérité, une voix intérieure qui pousse Indika à voir au-delà du système de croyance et de la soumission chrétienne, pour qu’elle trouve son propre chemin. Peut-être n’est-ce après tout que sa propre volonté qui s’exprime tout au long du jeu, utilisant le prétexte d’un démon pour se faire enfin entendre. Une subtilité permise par l’excellent doublage de l’interprète du personnage, Isabella Inchbald.

Conclusion

Indika fait partie de ces jeux inhabituels qui créent la surprise à leur sortie. On n’y va certes pas pour le gameplay, assez simple entre les énigmes et le walking sim. Pourtant, les mécanismes du jeu sont efficaces et servent son propos du début à la fin, notamment pour (des)servir le discours du titre sur la foi et l’orthodoxie russe. Il fait preuve d’originalité à la fois par son histoire, sa narration, sa mise en scène étrange, sa manière de faire côtoyer les paysages mornes et solitaires d’une Russie enneigée et pauvre, avec une bande-son électro étonnante et des passages en pixel art charmants. Les développeurs ont mis beaucoup de leur expérience et de leurs réflexions dans ce premier jeu, quitte à mal se faire voir par leur pays natal : un véritable engagement. Indika est une expérience atypique, qui ne manquera pas de vous attirer si vous aimez les jeux qui sortent des sentiers battus sans faire de concession, quitte à ne pas plaire à tout le monde.

[Indika | La nonne, le Diable et le déserteur] par
@hauntya
📌 • Pour débuter la rentrée, retour sur l’étrange #Indika, un jeu vidéo où une nonne russe cohabite avec un démon. Le 1er titre de #OddMeter est atypique et évoque aussi la foi religieuse, rare sujet vidéoludique.

  • Indika est disponible depuis le 2 mai 2024 sur PC, Playstation 5 et Xbox Series X|S.
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