Lapin | L’échappée belle en platformer 2D

par Hauntya

Incarner un lapin en jeu vidéo ? On pense sans doute aux célèbres lapins crétins ou au plus confidentiel jeu indépendant My Brother Rabbit. Ces animaux sont moins populaires que les chats et les chiens, et pourtant, à leur petite échelle, il leur arrive d’être présent dans des œuvres artistiques. Au cinéma, on peut évoquer pêle-mêle Panpan dans Bambi, Roger Rabbit dans le film éponyme. En littérature, on trouve le Lapin Blanc d’Alice au pays des merveilles vient en tête, ainsi que le petit groupe de lapins de garenne cherchant un nouveau lieu de vie dans Watership Down de Richard Adams.

Il est probable que vous n’ayez jamais entendu parler du jeu Lapin, réalisé par le studio coréen Doodal, basé à Séoul… à part si vous êtes fan de ces petits lagomorphes comme moi, pour en avoir (eu) en animal de compagnie, et que vous cherchiez des jeux vidéo avec des lapins ! Sorti en novembre 2022 sur Xbox Series et en août 2023 sur Steam, Lapin est un jeu de plate-formes en 2D qui met en scène une petite troupe de lagomorphes obligés de quitter leur terrier.

Un plateformer aussi chill qu’exigeant

Un peu comme dans le roman Watership Down, Lapin met en scène cinq petits lapins qui doivent partir pour établir un nouveau terrier, leur parc actuel allant accueillir la construction d’un musée d’histoire naturelle. Dans le petit groupe, il y a Liebe, notre héroïne, encore toute jeune ; José, un lapin artiste et rêveur ; Bianca, une lapine curieuse et qui adore les légendes liées à la mythologie des lapins ; Montblanc, plutôt renfrogné de prime abord, bricoleur et mécanicien expert ; et enfin Capitaine, le chef de la bande et du terrier. Ensemble, ils vont quitter leur maison, nommée Alfa, pour trouver le “paradis des lapins”. Il s’agit d’une contrée signalée sur une carte dessinée par une précédente expédition, menée par George l’Explorateur.

Liebe, l'héroïne du jeu, se tient face à des pièges de ronces dans un décor de forêt plongée dans un bleu nuit. Elle est toute petite dans ce décor immense.

© Lapin, Studio Doodal, 2023

Évidemment, l’aventure extérieure ne sera pas facile pour les petits lagomorphes. Au cours de six chapitres, Liebe et ses ami(e)s vont traverser plusieurs décors, de la forêt des Vents à un ancien terrier lapin, en passant par les alentours de la ville ou des jardins. Au fur et à mesure des lieux, Liebe a la possibilité de parler plusieurs fois à ses compagnons, afin de renforcer ses liens d’amitié et d’en savoir davantage sur eux, débloquant des souvenirs communs ou des éléments de leur passé. Elle peut aussi faire la chasse aux collectibles en récupérant des graines de fleurs dans des zones plus difficiles d’accès, ou récupérer des objets-clés permettant de légères variations dans l’histoire. Ainsi, on peut choisir de donner une pièce trouvée soit à Pia, un oiseau rencontré, ou de l’utiliser dans un distributeur de friandises et boissons. Récupérer une boîte rouge permet de renforcer l’amitié avec Montblanc et découvrir une part de son passé.

Ces dialogues sont assez réguliers, pas assez pour devenir ennuyeux ou trop ralentir l’aventure. Ils fournissent des éléments sur la vie quotidienne des lapins – ce qu’ils aiment manger, par exemple – mais aussi sur les obstacles à venir. En effet, les décors de plateformes traversés sont simples au début, puis deviennent de plus en plus complexes. Des fleurs permettent de rebondir, des éclats de verre entraînent la mort, des blocs mécaniques font se projeter plus loin, des morceaux de pierre s’effondrent sous nos pas… Lapin, derrière son apparence toute mignonne et ses personnages adorables, dissimule un platformer 2D assez exigeant, même s’il n’est pas aussi difficile que Céleste dont j’avais testé quelques niveaux et qui est encore plus ardu. D’ailleurs, un mode facile est accessible si l’aventure normale vient à bout de votre patience, ou si vous avez simplement envie de profiter de l’aventure sans mourir et recommencer des dizaines de fois.

Liebe n’a en effet qu’une seule capacité : bondir. Certes, elle peut s’accrocher à des parois, sauter dans tous les sens, mais vaincre les différents niveaux demande surtout de la précision, de l’agilité et du timing, ainsi que de bons réflexes. Même lors des scènes de course-poursuite – les “boss” étant des belettes chassant les lapins, ou l’ennemi  final que je garde secret – elle ne peut que trouver son chemin pour fuir ou déclencher des mécanismes salvateurs. Néanmoins, après chaque mort – qui nous fait simplement revenir au début du tableau en cours – on a toujours envie de recommencer jusqu’à y arriver, par challenge et beauté du défi.

Une histoire toute en douceur et sensibilité

Liebe parle avec ses compagnons de route, aussi des lapins, explorant la prochaine route à prendre.

© Lapin, Studio Doodal, 2023

Si la musique n’est pas forcément le point fort du jeu – la plupart des pistes sont tranquilles et douces, plus rythmées lors de duels ou de courses-poursuites – Lapin a d’autres atouts qui peuvent charmer. Tout d’abord, sa direction artistique attire forcément l’œil, avec ce côté 2D aussi doux que poétique, mêlant dessin à la main, lumières autorisant la profondeur de champ, les petites animations rendant la forêt ou même les galeries vivantes. Bruissement du vent et des feuilles, vol de papillons, ondulations de l’eau, lumières dorées ou nocturnes… La direction artistique de Lapin est indéniablement séduisante, mêlant la nature à l’urbanisme avec des vieux parcs et attractions abandonnés par l’homme. On prend un immense plaisir à parcourir les tableaux et à observer leurs nouveautés, à interagir avec des éléments du décor, écouter les réflexions de Liebe, avec toutes ces couleurs pastel douces et chaleureuses à la fois.

Les personnages sont évidemment une autre qualité du jeu. Il est difficile de ne pas fondre et de ne pas apprécier ces petits lapins qu’on apprend à connaître ! Liebe est d’une innocence et d’une gentillesse touchantes, n’hésitant pas à se battre pour ses ami(e)s malgré son jeune âge. Montblanc est aussi marquant pour son caractère renfrogné qui cache des blessures profondes. Il y a toujours un aspect des personnages qui les rend attachants, que ce soit leur gourmandise, leur capacité à faire des bêtises, leurs blagues sur les lapins (comment appelle-t-on un lapin qui dévore tout un champ ? un cereal-killer), leur débrouillardise ou la profonde amitié qu’ils se portent tous. Chacun des personnages a sa personnalité, sa façon de voir la mythologie des lapins, de percevoir les humains… Et puis, quand on connaît les comportements des vrais lagomorphes, on a plaisir à revoir leurs gestes et attitudes durant le jeu, comme lorsque Liebe s’endort sur le ventre, ou redresse ses oreilles sous le coup de la surprise.

Un paysage en haut d'une montagne, au-dessus d'un téléphérique. Liebe observe le paysage nimbé d'une lumière de soleil couchant.

© Lapin, Studio Doodal, 2023

C’est ce qui ressort tout au long de l’aventure : leur amitié, leur capacité à s’entraider et à s’accepter les uns les autres. Le scénario est simple et efficace, juste ce qu’il faut sans pour autant entrer dans de grandes profondeurs, mais cela suffit amplement pour cette histoire d’amitié et d’exploration. Il réussit tout de même à faire passer quelques thèmes : l’importance de l’amitié et du temps accordé à celleux qu’on aime, le deuil, en parlant du soutien entre tous ces personnages et d’avoir dû laisser derrière soi d’autres lapins, en avoir vu mourir d’autres… Mais il y a aussi la menace représentée par l’homme quand ce dernier détruit des habitats naturels, ou néglige et abandonne ses animaux de compagnie. Les Deux-Pattes sont un sujet récurrent des conversations, entre nostalgie et tristesse, puisqu’on parle soit d’abandon de leur part, soit de comment leurs constructions détruisent des terriers. Cependant, l’histoire se tourne toujours vers un sentiment positif et de bienveillance.

Que conclure de Lapin ? Je suis loin d’être familière des jeux de plateformes de ce style, à la Celeste. J’ai été agréablement surprise par le challenge proposé, aussi addictif que défiant mes réflexes et ma précision. C’est un très joli jeu, paradoxalement chill, avec des graphismes et des personnages aussi adorables les uns que les autres. Le titre propose une aventure toute en couleurs et en poésie, mêlant plateformes, souvenirs amusants et petites critiques sur les relations entre humains et animaux. Lapin parvient, en une dizaine d’heures, à établir son petit univers et à se faire très attendrissant. Aussi pourra-t-il plaire tant aux fans du genre qu’à des joueurs et joueuses cherchant une aventure cosy et colorée, parfaite pour les journées d’hiver. Et si vous êtes team Lapin plutôt que chat ou chien (ou peu importe : on noue toujours un lien important à son animal de compagnie), impossible de ne pas craquer !

  • Lapin est actuellement disponible sur Xbox Series et Steam, depuis novembre 2023.

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