Kaiju n°8 – Tome 2 | Un autre regard sur les monstres

par Anthony F.

Kaiju n°8 était la bonne surprise de la fin d’année 2021. Lancé en grandes pompes par Kazé compte tenu des espoirs placés en lui, le manga de Naoya Matsumoto avait pour lui cette manière de parler de kaiju, les gros monstres de l’imaginaire japonais, sous l’angle quasi-comique avec son héros aux faux-airs de loser magnifique. De bonnes bases pour un manga qui ne demande qu’à se bonifier, et c’est le moment avec ce tome 2 de voir ses ambitions confirmées ou, au contraire, voler en éclat.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un exemplaire par l’éditeur.

La bonne surprise

KAIJU N°8 © 2020 by Naoya Matsumoto/SHUEISHA Inc.

A la fin du premier tome, j’émettais quelques craintes sur sa conclusion,  alors que ses belles intentions initiales et son originalité mordante laissaient place à quelque chose de plus convenu. Débutant sur les histoires farfelues de nettoyeur·euse·s, job ingrat consistant à faire le ménage dans les rues et évacuer les cadavres de monstres gigantesques tués par les forces de défense, Kaiju n°8 terminait sur autre chose. Le premier tome oubliait en effet plutôt vite cette bonne idée pour partir sur une histoire de bravoure, de cadet·te·s arrivé·e·s à l’académie qui forme les forces de défense, où notre héros tentait de se faire recruter après plusieurs échecs. Un schéma éculé dans les shonen, mais finalement le tome 2 redonne de bons espoirs. Si les combats sont très présents, le manga parvient à conserver ce qui faisait son originalité initiale en mélangeant l’action à des situations dantesques. On y voit notre héros profiter de son expérience de nettoyeur pour mieux appréhender son nouveau job de combattant, profitant de sa différence pour marquer les esprits et accomplir sa tache. Plus encore, c’est le fait qu’il ne soit ni un surdoué ni quelqu’un de très malin qui rend le personnage aussi sympathique, même si cette image d’outsider n’est elle pas bien originale pour le genre. Mais le mélange de combats à son passé de « nettoyeur » permet plus d’originalité dans l’approche de l’action, qui ne se résume pas à des coups incroyables et des techniques sorties du chapeau un peu par miracle.

Toutefois le manga sait aussi mettre en retrait son héros, laissant cette fois-ci plus de place à ses compagnons d’arme, qui sont plus intéressant·e·s que dans le premier tome. On y découvre des personnages fouillés, bien racontés, parfois touchants et toujours attachants. Notamment le garçon qui accompagne le héros depuis le début, ou même la combattante qui a ébloui tout le monde lors des sélections de l’académie. Et puis, évidemment, il y a la dualité du personnage principal, capable de se transformer en kaiju, apportant une couche de suspense alors qu’il tente de ne pas se faire prendre tout en profitant de ces pouvoirs pour aider ses collègues. Vraiment, Kaiju n°8 garde quelque chose de spécial : si ce n’est pas aussi grandiose que les premiers chapitres le laissaient espérer, le tome 2 vient solidifier le récit en posant des enjeux et des personnages qui lui permettent de conserver de l’intérêt. Je reste, à titre personnel, toujours dubitatif sur la capacité du manga à tenir sur la durée sans s’enfermer dans un schéma ultra-classique (même s’il le fait plutôt bien), mais la curiosité reste de mise.

Les Kaiju et les autres

D’autant plus que le manga est aussi capable de parler de jolies choses : il offre un regard intéressant sur les monstres. En se transformant en kaiju, le héros donne un visage plus humain à ces créatures, initialement présentées comme de simples déchets (via la compagnie de nettoyeurs), on découvre peu à peu qu’elles sont capables d’émotions. Y compris dans les rencontres qui sont faites au fil du tome, avec un kaiju capable de parler. Un peu à la manière de Demon Slayer qui tend à humaniser ses monstres, Kaiju n°8 cherche à leur donner une certaine consistance, des ambitions, une volonté qui dépasse les récits de kaiju habituels où le monstre représente souvent une menace terrestre pour questionner l’humanité. A cela on ajoute quand même des combats assez fantastiques, grâce au rythme installé par un vrai sens du mouvement dans ses dessins. On les voit presque se mettre en mouvement sous nos yeux, avec un découpage en perpétuelle remise en question, toujours abreuvé de nouvelles idées pour éviter la lassitude.

La mise en scène de Kaiju n°8, très vivante, lui permet de surmonter quelques difficultés posées par une approche très classique du shonen. L’originalité des débuts est encore là, mais on sent que le manga de Naoya Matsumoto reste toujours à cheval entre la volonté de réinventer les récits de kaiju et la nécessité, un peu malgré lui, de coller aux standards du shonen pour capter son public. Pourtant le manga n’est jamais plus brillant que lorsqu’il met de côté ses combats pour raconter ses personnages, leurs différences, mais aussi lorsqu’il s’intéresse à cette histoire de nettoyeur·euse·s qui passent après les combattant·e·s pour redonner vie aux quartiers après des scènes de guérilla. Peut-être pas à la hauteur des espoirs, ce tome 2 n’en reste pas moins sympathique à lire, fort de sa mise en scène et de ses quelques bons moments.

  • Le deuxième tome de Kaiju n°8 est disponible en librairie depuis le 8 décembre 2021.

Ces articles peuvent vous intéresser