Alors que la publication de « l’Extreme edition » de Hokuto no Ken se poursuit, les spin-offs de la série sont également réédités dans au même format. Idéal pour disposer d’une collection uniformisée pour les fans de cet univers, mais surtout pour découvrir ces histoires parallèles qui semblent se concentrer sur les personnages principaux autres que Kenshiro. Rei, Julia, Toki sont au programme, mais le premier à voir sa légende être republiée, c’est Raoh, l’aîné des quatres apprentis du Maître Ryuken. Pour être tout à fait honnête, j’abordais ce premier volume dans des conditions très défavorables. Je sortais d’une certaine déception à la lecture des derniers tomes de l’histoire principale en ma possession, je n’avais pas spécialement l’intention de me plonger dans les histoires parallèles de l’univers d’Hokuto no Ken, mais Crunchyroll nous a aimablement envoyé ce premier tome, alors autant y prêter toute mon attention), et surtout ce que j’ai découvert du personnage de Raoh dans les volumes 5 et 6 du récit principal ne me donnait pas du tout, mais alors pas du tout envie de consacrer du temps à la découverte de son histoire. Lors de son introduction, Raoh m’est apparu profondément antipathique, pour ne pas dire détestable. Égocentrique, voire carrément mégalomane, sans scrupules ni la moindre once d’empathie, il me donnait encore moins envie de m’intéresser à lui. Et pourtant, j’ai apprécié la lecture de ce premier volume. Quand bien même elle n’a pas été révolutionnaire pour deux sous, elle a tout de même eu le mérite de me surprendre.
Cette chronique a été écrite à partir d’un exemplaire envoyé par l’éditeur, Crunchyroll
Autre trait, autre vision
Premier élément marquant de cette légende de Raoh : elle n’est pas dessinée par Tetsuo Hara. Celle-ci date de 2006, soit presque 20 ans après la fin de la saga originale, et comme les autres spin-offs qui l’accompagnent, cette histoire parallèle est dessinée par un.e autre mangaka. Ici c’est Yûkô Osada qui s’y colle, un mangaka connu chez nous par exemple pour les séries courtes Run Day Burst et Kid I Luck, publiées chez Ki-oon. Celui-ci nous propose un style de dessin qui n’a absolument rien à voir avec celui de Tetsuo Hara, et en un sens c’est peut-être un point positif. En effet ce trait beaucoup plus fin, épuré et moderne amène une autre dynamique au récit. Disons que cela retire autant qu’il en apporte. Les planches sont très loin d’être aussi détaillées que celles de Hara-sensei, mais elles gagnent de ce fait en clarté et en lisibilité. L’intensité, et le poids du mouvement sont moindres que dans la série principale, mais les impacts en deviennent plus percutants. Reste à se demander si la patte de Yûkô Osada n’en serait pas tout simplement plus « classique » que celle de Tetsuo Hara, reconnaissable entre mille, et participant au premier plan à l’identité de ce qu’est Hokuto no Ken. Et si, de ce fait, les spin-offs ne perdraient pas un peu de ce qui fait le sel de la licence.
Car au fil des pages, s’est installée une ambiance assez différente de celle que je connaissais. Non seulement concernant l’univers de la saga, mais aussi autour du personnage même de Raoh. L’ambiance générale n’est plus aussi désolée et désespérée que dans la série principale. Le graphisme plus « propre » gomme une bonne partie de la rugosité, voire de la cruauté du monde qui nous est dépeint. D’un côté cela rend la lecture très fluide, mais de l’autre celui lui donne un ton plus proche de celui d’un shônen manga plus classique. On perd également des détails dans les expressions du visage, mais pour un personnage mono-expressif comme Raoh qui semble toujours être animé par la colère et la rage d’écraser tout ce qui l’entoure, est-ce vraiment une perte ? J’aurais tendance à dire que non, car ce premier tome de « La Légende de Raoh » permet de nous présenter le personnage de manière un peu plus nuancée qu’à travers ce que je connais pour l’instant de lui, c’est à dire son premier face à face avec Kenshiro. L’histoire de ce spin-off commence en effet après la séparation des quatre frères du Hokuto, après la catastrophe qui a plongé le monde dans le chaos. Raoh, uniquement animé par sa volonté de conquérir ce monde en décadence, se met en quête de puissance. Mais cela ne se fera pas en un jour…
Le charisme du surhomme
Raoh débute sa quête seul au milieu du désert. Enfin, pas entièrement seul non plus, car deux personnages interviennent dès le début du tome. Il s’agit de Sôga et Reina. Deux personnages qui semblent être amis de longue date de Raoh, envers lesquels il exprime même…de la sympathie ! Première nouvelle, j’ignorais que ce monstre assoiffé de conquête pouvait ressentir de l’amitié envers qui que ce soit. D’autant que ces deux amis semblent loin d’atteindre la puissance de Raoh, alors que dans mon esprit, seuls les êtres d’une force comparable à la sienne pouvaient gagner son respect. Les péripéties de Raoh vont l’amener avant tout à monter une armée, élément vital pour les conquêtes qu’il entend mener. C’est l’occasion de le découvrir en tant que meneur d’hommes, certes sanguinaire et sans pitié, mais également tout à fait charismatique. Peu importe qu’il ait volé sa première armée à un truand local, son aura d’empereur met tout le monde d’accord. Peu importe qu’une meute de chevaux sauvages bloque l’accès au prochain pays à conquérir, Raoh va trouver son chef, l’étalon alpha, et s’en va le dompter pour en faire sa monture ! Lire La légende de Raoh, c’est aussi prendre un plaisir non dissimulé à voir un personnage complètement pété faire des choses qui transpirent le style. Et encore, Raoh n’est pas présenté comme seulement surpuissant. Il est aussi capable… de calcul.
Car comme dans l’œuvre principale, lorsque deux maîtres d’arts martiaux du Hokuto shinken et du Nanto seiken se rencontrent, ça crée des étincelles. Sans pour autant révéler le contenu de l’intrigue, il est tout à fait intéressant de remarquer que Raoh ne perd jamais son objectif de vue, et est prêt à faire certaines concessions dans le but de poursuivre sa quête. Quitte à surprendre même ses ennemis. La confiance de Raoh en lui même est aussi impressionnante que contagieuse, et sa légende s’écrira à l’aune de son assurance. Assurance qui lui permettra d’obtenir la loyauté de ceux qui l’entourent. Dernier élément qui a éveillé ma curiosité à la lecture de ce premier tome : l’intrigue de cette légende de Raoh fait apparaître des personnages déjà connus de l’univers de Hokuto no Ken, ce qui permet également de les redécouvrir sous le trait de Yûkô Osada, tout en les mettant dans un nouveau contexte et face à Raoh, un opposant bien différent que celui que sera Kenshiro dans l’histoire principale.
Alors que je referme ce premier tome, j’ai incontestablement passé un moment agréable, mais je m’interroge sur le positionnement de ce spin-off. Il semble d’un côté clairement s’adresser aux fans de Hokuto no Ken souhaitant poursuivre l’expérience avec d’autres histoires et d’autres perspectives. Mais de l’autre, le fait d’avoir confié la réalisation du manga à un autre artiste (même si on est toujours sur un scenario de Buronson et Tetsuo Hara néanmoins) change profondément la perception que l’on peut avoir de l’œuvre et de son univers, quitte à ne pas retrouver ce qui a pu plaire aux fans de la première heure. Une expérience un peu hybride en somme. Pas vraiment Hokuto no Ken, mais quand même un peu. Sans doute pas aussi mémorable que l’œuvre culte dont elle est issue, mais pas inintéressante pour autant.
- La série complète en 3 tomes de Hokuto no Ken – La Légende de Raoh est disponible en librairie