Ressemblant comme deux gouttes d’eau aux metroidvania de notre jeunesse, Gestalt: Steam & Cinder est un jeu indépendant sorti le 16 juillet dernier. Premier titre du studio américain Metamorphosis Games, il recherche une forme de nostalgie dans l’époque 16 et 32-bit en s’inspirant de quelques uns des jeux les plus populaires du genre du metroidvania. Assez court, le jeu nous embarque dans une aventure classique néanmoins pleine de cœur qui a su nous toucher, montrant qu’il y a encore la place pour faire de belles choses dans un genre plus moderne qu’il n’en a l’air.
Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’une clé PC par l’éditeur. Le jeu a été parcouru entièrement sur Steam Deck.
De rouille et de pouvoir
Fier de son monde steampunk où les machines à vapeur cohabitent avec une pointe de pouvoirs fantastiques ici et là, Gestalt: Steam & Cinder commence toutefois comme nombre de ses prédécesseurs. On prend vite le contrôle de Aletheia, un personnage sans grande histoire, qui devient vite le centre d’intérêt d’un monde où se mêlent conspirations, secrets inavoués et crainte du retour de créatures qui pourraient signifier la fin de l’humanité. L’histoire a toutes les peines du monde à se mettre en place, la faute à une longue séquence narrative en début de jeu qui introduit beaucoup de concepts qui ne font pas encore sens à ce moment du jeu et qui expliquent les origines du monde dans lequel on évolue. Néanmoins, les pièces du puzzle finissent par se rassembler à mesure que l’on explore son curieux monde, et que l’on descend doucement dans les tréfonds d’un univers qui semble avoir beaucoup de choses à raconter.
Malgré l’aspect confus de l’histoire dans ses deux premières heures, le jeu trouve rapidement son rythme, grâce à l’arrivée de nouveaux personnages que l’on rencontre au fil de l’aventure et qui viennent apporter leurs lumières sur ce qu’il se passe, mais aussi avec une héroïne qui prend peu à peu la mesure du souffle épique d’une aventure aux révélations nombreuses. On sent, quand même, que le studio avait de nombreuses idées pour son monde, quitte à parfois trop en faire, avec une profusion de personnages introduits dès le début du jeu, et qu’il leur reste de nombreuses cartouches pour une éventuelle suite.
Et cela se voit d’autant plus dans la carte du jeu qui a plein de choses à raconter. Outre la ville de Canaan qui sert de hub dans l’exploration, un lieu où l’on récupère quelques quêtes, où l’on améliore les flasques qui redonnent de la vie et où l’on crée de nouveaux accessoires pour augmenter la puissance du personnage, la carte se découpe en plusieurs zones interconnectées qui s’explorent au fur et à mesure que l’on obtient de nouvelles compétences. Comme le double saut, les coups spéciaux permettant de détruire certains murs bloquants, ou encore des cartes d’accès qui déverrouillent des portes. Si les allers-retours sont finalement assez rares quand on suit la trame principale sans se soucier du reste, ils n’en restent pas moins bien présents dès lors que l’on veut explorer l’ensemble de la carte ou réaliser toutes les quêtes secondaires.
Et ce serait dommage de s’en passer, car son monde, et sa carte, sont les principaux attraits d’un jeu aux mécaniques très classiques. Il y a un vrai charme qui se dégage de son monde steampunk, d’autant plus que le pixel art est de toute beauté, avec des choix artistiques d’un goût certain et une vraie maestria dans l’animation des personnages et des décors. Tout s’emboîte à la perfection et donne au jeu une ambiance terriblement accrocheuse. Qu’il s’agisse des entrepôts visités au début du jeu, du marché noir qui évoque la piraterie, les fourneaux où la lave coule à volonté ou encore quelques zones plus surprenantes encore, mais qu’on se passera de dévoiler ici, le jeu parvient toujours à séduire visuellement et à donner vie à son monde.
Il y a une vraie cohérence d’ensemble, malgré la diversité d’ambiances et d’ennemis, ce qui n’est pas toujours facile à faire, d’autant plus dans un metroidvania où il est impératif d’avoir un vrai lien logique entre chaque zone pour ne pas perdre en crédibilité. Évidemment, le jeu profite bien du fait que sa carte est relativement « petite » en comparaison d’autres jeux du genre, Gestalt se terminant en 7 à 9 heures tout au plus. Mais c’est quelques heures de jeu bien remplies, grâce à une belle générosité et densité dans l’action, dans ses quelques zones à explorer, ainsi que dans les ennemis et boss que l’on rencontre. On pourrait lui reprocher d’être très classique, d’offrir une exploration sans grande surprise, néanmoins le jeu est solide sur tout ce qu’il entreprend : si les surprises sont peu nombreuses pour peu que l’on ai déjà joué à quelques uns des titres références du genre, Gestalt: Steam & Cinder est un metroidvania intelligent qui exploite pleinement les mécaniques habituelles du genre pour raconter sa propre histoire.
Affrontements à deux coups
« Classique », c’est le mot qui décrit le mieux les mécaniques du jeu. Très inspiré par les metroidvania les plus populaires, le jeu nous pousse à explorer chaque recoin de sa carte interconnectée pour obtenir des objets utiles au développement du personnage. Qu’il s’agisse des flasques de regain d’énergie dont le nombre et la puissance nécessitent d’obtenir des améliorations auprès d’un vendeur, d’accessoires permettant d’améliorer la défense et l’attaque du personnage, ou encore de points de compétence à dépenser dans un arbre que l’on finit tôt ou tard par compléter entièrement. À condition d’arriver au niveau maximal, mais c’est quasiment inévitable en fin de jeu.
Ainsi il y a peu de place pour les choix et l’expérience de différents « builds » puisque la progression sera plus ou moins identique pour tout le monde, ce système de progression de l’héroïne n’étant qu’une excuse pour gagner doucement en puissance afin de justifier l’exploration de telle ou telle zone. Sachant que, cette exploration est linéaire, puisque l’on ne débloque les zones que dans un ordre précis, laissant peu de marge aux joueurs et aux joueuses pour aborder le jeu de différentes manières. Mais ce n’est pas forcément une mauvaise chose, car cela permet aussi au titre de maîtriser sa narration et sa montée en puissance, néanmoins il ne faut pas s’attendre à un jeu d’une envergure folle. Si ses ambitions narratives et sur la construction de son monde sont importantes, l’exécution reste à taille humaine, avec des zones que l’on explore assez vite et dans un ordre prédéterminé et accompagné d’une bande originale sympathique.
Outre l’exploration, ce sont ses combats qui constituent un point fort, avec une héroïne dynamique, qui bouge bien grâce à la roulade à disposition, puis au dash aérien plus tard dans le jeu, en profitant de son épée qui dispose d’un coup normal provoquant un combo en répétant le même coup plusieurs fois de suite, et un coup fort qui utilise des sortes de points d’action. Ces points s’obtiennent soit en prenant des dégâts, soit en tapant sur les ennemis. L’héroïne n’en a qu’un au début, puis un peu plus par la suite en dépensant des points de compétence dans l’arbre de progression. En plus de l’épée, elle a un pistolet qui permet notamment d’accélérer la baisse de la barre d’endurance des ennemis grâce à l’un des deux types de balles qu’elle possède, provoquant un moment de confusion chez eux afin de leur mettre des coups plus dévastateurs.
Ce système fonctionne très bien, est facile à prendre en main, mais peine à se renouveler. C’est d’autant plus significatif dans les combats de boss qui, tous, reposent sur ce système d’élimination de la barre d’endurance pour pouvoir mettre des coups plus puissants. Des boss tous très faciles à battre, la faute à des patterns facilement identifiables ainsi qu’une barre de vie qui défile dès qu’on parvient à vider la barre d’endurance. Ce n’est pas forcément un mal que ce soit facile, néanmoins, on aurait aimé des mouvements plus inattendus de la part des boss, et ce afin d’avoir un peu plus de diversité d’approche des combats. Idem pour les ennemis que l’on croise dans les différentes zones, qui s’affrontent un peu tous de la même manière.
Bien que très classique et attendu dans son approche du metroidvania, Gestalt: Steam & Cinder le fait bien. Avec son univers accrocheur, son héroïne très classe, son écriture réussie (notamment dans la seconde moitié), son gameplay de combats grisant et son exploration facile à prendre en main, le jeu est très solide. Le genre de metroidvania que l’on aime, qui assume pleinement ses références et sa nostalgie, et qui le fait bien. Il aurait peut-être gagné à tenter deux ou trois choses plus originales, notamment dans le système de progression de l’héroïne ou dans ses combats de boss, néanmoins l’aventure ne manque pas de panache, d’envie de bien faire, et s’avère bien agréable d’un bout à l’autre du jeu.
- Gestalt: Steam & Cinder est disponible sur PC, Xbox One, PS4 et Switch depuis le 16 juillet 2024.