Fairy Tail 2 | Conquêtes magiques

par Anthony F.

C’était peut-être une évidence. Plusieurs fois adapté en jeux vidéo, sortis sur des consoles portables et sur mobile depuis une quinzaine d’années, le manga et anime Fairy Tail a une filiation qui saute aux yeux avec les jeux vidéo : ses histoires de guildes et de mages qui prennent des quêtes aux quatre coins de leur univers ressemblent à bon nombre d’aventures vidéoludiques. Il manquait toutefois au catalogue des adaptations un véritable jeu de rôle, chose corrigée en 2020 avec la sortie d’un J-RPG sobrement intitulé Fairy Tail, développé par Gust (à qui l’on doit la série des Atelier) et édité par Koei Tecmo. Pas très bien reçu par la critique à l’époque, la faute à un titre qui n’adaptait qu’une partie de l’histoire, il a toutefois réussi à convaincre une partie des fans, qui attendaient de pied ferme le second épisode censé raconter le reste de l’aventure, jusqu’à la conclusion du manga. Ce deuxième épisode, Fairy Tail 2, toujours développé par Gust, est sorti le 13 décembre 2024.

Cette chronique a été écrite suite à l’envoi d’un code PlayStation 5 par l’éditeur.

Des airs de fin du monde

© 2024 KOEI TECMO GAMES CO., LTD.

Adapter un manga aussi long n’est pas chose aisé. Avec sa dose de chapitres ou épisodes qui allongent l’histoire plus que de raison et sa profusion de personnages, Fairy Tail est une licence qui présente un sacré défi à l’heure d’en résumer l’histoire en deux jeux. Pourtant Gust y arrive assez bien, avec une narration condensée et un casting resserré qui va à l’essentiel, quitte à titiller un peu des fans qui pourraient regretter que certains évènements ne soient pas abordés. Néanmoins, cela permet de rythmer l’aventure et offre à ce deuxième épisode un vrai sentiment de course contre la montre pour mettre fin à la menace de Zeref, les 12 de Spriggan et le dragon Acnologia. En effet, ce deuxième jeu raconte l’arc Arbaless, celui qui a conclu le manga, où le terrible Zeref lance une ultime guerre contre nos héros et héroïnes en vue de s’arroger les pouvoirs dans un monde nouveau. Si les enjeux peuvent être intimidants quand on n’a plus les évènements de l’œuvre originale ou du premier jeu en tête, Fairy Tail 2 a la bonne idée de surligner dans ses dialogues les noms, lieux et évènements importants pour lesquels on peut obtenir une description immédiate en appuyant sur la flèche du bas. Similaire à ce que faisait un Final Fantasy XVI par exemple, cela permet de ne pas perdre le fil, surtout dans un titre qui donne un sacré coup d’accélérateur aux évènements et qui va à l’essentiel. Ainsi, les scènes se succèdent à une vitesse parfois très intense, avec des cinématiques qui passent du coq à l’âne, parfois sans trop de liant.

La faute à une mise en scène minimaliste, laissant beaucoup de choses se dérouler en arrière-plan sans les montrer. On ne compte plus les transitions à l’image sur fond noir avec de simples textes qui racontent que tel ou tel évènement décisif s’est déroulé hors caméra. Un moyen d’économiser et de limiter le nombre de cinématiques, mais de toute manière, même les évènements montrés à l’écran restent très avares de mise en scène. Les cinématiques font le strict minimum avec uniquement des dialogues avec des personnages statiques, et contre les boss, des images de transition toutes blanches qui apparaissent à l’écran quand les personnages sont censés bouger et réaliser une attaque afin de compenser le fait que l’action ne soit pas rendue à l’image. Quitte à limiter au maximum les cinématiques pré-rendues, ça aurait été intéressant de les remplacer par des images de l’anime, mais il semble que cela n’ait pas non plus été possible pour le studio. Alors malgré toute sa bonne volonté et sa fidélité aux évènements de la série, Fairy Tail 2 ressemble un peu à la pire manière de suivre l’histoire de l’œuvre originale. Ne profitant ni des codes du jeu vidéo, puisque toute la narration se fait via des cinématiques fauchées, le récit n’exploitant pas le monde dans lequel on évolue ; ni de l’anime, en n’en reprenant aucune image. 

© 2024 KOEI TECMO GAMES CO., LTD.

On finit ainsi avec un jeu assez pauvre dans la forme, qui pourtant fait preuve de bonne volonté avec sa progression par quête, similaire à bon nombre de J-RPG, qui remanie le groupe à chaque scène afin de coller aux évènements du manga et de pousser à utiliser tous les personnages. Obligeant de fait à se familiariser avec tout le monde afin de mieux aborder les combats, et offrant également suffisamment de place aux différentes personnalités pour apporter leur petit plus à la narration. Si l’essentiel des scènes nous mettent malgré tout dans la peau de Natsu, le héros de Fairy Tail, il y a de nombreux moments où celui-ci est absent et où d’autres personnages prennent le relais. Un choix payant puisque cela permet d’éviter la routine et la lassitude dans un jeu pourtant assez répétitif, avec une structure de quête qui évolue peu et des zones à explorer qui se ressemblent toutes. L’ambition d’adapter une œuvre aussi longue s’est probablement heurtée à des considérations budgétaires qui ont poussé le studio à réutiliser beaucoup d’éléments, comme un bestiaire peu fourni et une poignée de boss qu’on affronte en boucle.

Dynamique mais rébarbatif

© 2024 KOEI TECMO GAMES CO., LTD.

C’est évidemment lié au manga, néanmoins les multiples combats contre les 12 de Spriggan font qu’on se lasse assez vite des combats. Les affrontements contre les ennemis classiques présentent assez peu d’intérêt et servent essentiellement à monter de niveau entre deux boss, néanmoins ils permettent aussi d’affiner les tactiques qui seront mises en place lors des combats plus difficiles. Car le jeu repose sur un système qui mélange le tour par tour à une jauge d’action, avec des faux airs de Final Fantasy XIII, où il faut apprendre à réaliser des combos selon un nombre de points d’action chargés avec des coups classiques, afin de libérer des coups spéciaux et insister sur les faiblesses des ennemis. Le but, c’est mettre l’adversaire dans une position de « stagger », c’est-à-dire défaire sa jauge d’armure pour le faire tomber et réaliser un coup ultime (nommé Unison Raid) où le personnage que l’on contrôle s’associe à un autre pour réaliser une attaque. Lors de ces phases, la barre de vie des boss fond comme neige au soleil et permet de les attaquer sans craindre de représailles immédiats. Plutôt efficace et dynamique, ce système se heurte néanmoins à la répétitivité d’un jeu qui ne renouvelle pratiquement pas ses affrontements. Chaque confrontation contre un boss donne lieu à trois combats successifs, avec des patterns tous identiques, et certains boss reviennent deux ou trois fois au cours de l’aventure. Pire, tous s’affrontent de la même manière, avec pour seule différence les éléments auxquels ils sont vulnérables, poussant à faire tourner les membres de l’équipe en combat (jusqu’à trois personnages attaquent en même temps) pour affaiblir le boss le plus vite possible. 

Et ce n’est pas le système de progression des personnages qui amène un peu de complexité dans un jeu qui en manque tristement. L’arbre de compétence propre à chaque personnage est en effet assez limité et ne laisse pas beaucoup de place aux choix, l’évolution est donc ultra linéaire et à peu près toutes les parties devraient se ressembler. On débloque assez peu de compétences au fil des heures, mis à part des versions plus puissantes de compétences acquises en début de partie, et peu de surprises s’offrent à nous à mesure que l’on avance. Les personnages les plus puissants le restent jusqu’au bout, on utilise les mêmes coups jusqu’à un ultime combat caché derrière des quêtes post-crédits. Rares sont les surprises dans un jeu sur rails, sans grande folie, et c’est peut-être là son plus grand défaut.

Fairy Tail incarne pourtant cette liberté, cette grandiloquence d’une œuvre un peu farfelue qui se joue des codes et qui ne se pose aucune barrière. Mais son adaptation vidéoludique, et plus encore cette conclusion dans Fairy Tail 2, ne relâche jamais le frein à main. Tantôt à cause de contraintes techniques et budgétaires qui limitent ses ambitions et livrent une réalisation fauchée, tantôt à cause d’un système dont on fait le tour dans les premières heures. Rarement emballante, son aventure manque le coche de l’épique et ce n’est pas ses dialogues, souvent vains avec des interactions très artificielles entre les personnages, qui relèvent l’intérêt du jeu. On lui reconnaît tout de même une certaine capacité à bien résumer l’histoire originale sans pour autant compromettre la fidélité à l’œuvre, de quoi garder l’intérêt des fans. D’autant plus que le jeu finit par les récompenser avec sa dose de fanservice et d’héroïnes en maillot de bain, d’un goût toujours douteux, dans la pure tradition de la licence.

  • Fairy Tail 2 est sorti le 13 décembre 2024 sur PlayStation 4, PlayStation 5, Switch et PC.

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