DC Infinite #05 | Nature et renaissance

par Anthony F.

Chaque nouvelle fournée de comics DC Infinite, publiés depuis le début de l’année en VF aux éditions Urban Comics, est l’occasion d’en apprendre un peu plus sur la nouvelle ère DC qui tente de faire la part belle à l’inventivité de ses auteur·ice·s en évitant, contrairement aux ères précédentes, de les forcer à suivre une continuité commune. Cela permet d’imaginer des récits sur des temporalités différentes, dont Swamp Thing Infinite et Wonder Woman Infinite, les deux titres du mois de mai, profitent largement. 

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’exemplaires par l’éditeur.

Swamp Thing Infinite – Tome 1, mythologie horrifique

© 2021 DC Comics / 2022 Urban Comics

Swamp Thing Infinite s’ouvre sur les numéros Future State : Swamp Thing où l’auteur Ram V imagine un futur lointain, où la nature a repris ses droits, provoquant la disparition de l’humanité. Un monde devenu hostile à toute forme de vie humaine, où la créature du marais erre inlassablement à la recherche d’une certaine humanité, épaulée par des êtres qu’elle a créé à son image. Des numéros très surprenants pour une licence qui n’a jamais, ou rarement, imaginé la créature du marais dans l’avenir. Souvent ancré à notre époque ou dans le passé, le personnage que Alan Moore a popularisé en son temps se révèle là sous un jour différent. Le jeune Ram V, auteur bourré de talent, l’imagine toujours attaché à sa propre humanité, jusqu’à un ultime sacrifice pour sauver ce qu’il reste d’humain sur Terre. Cette histoire en deux numéros donnait le ton de la reprise du personnage par Ram V, décidant de faire table rase du personnage tel qu’il a existé pour donner vie à un autre. Ce nouveau personnage est Levi Kamei, un scientifique d’origine indienne (comme son auteur) qui devient la créature du marais dans la série principale Swamp Thing, dont on trouve dix numéros dans ce premier tome dense et généreux. Ne comprenant pas au départ ce qu’il lui arrive et ce que signifie être l’hôte de la créature, Levi se retrouve propulsé dans des situations horrifiques, du désert de l’Arizona où il fait la rencontre d’un monstre errant qui assassine et mutile les promeneurs, à la jungle et aux marécages du Kaziranga dans le nord de l’Inde où il renoue malgré lui avec ses racines. On sent sous la plume de l’auteur une envie d’influencer la mythologie Swamp Thing d’une pointe de culture indienne, accompagné d’un mysticisme et de créatures légendaires qui rappellent énormément ce qu’il a fait en indépendant sur l’incroyable These Savage Shores.

Son histoire sur la créature du marais trouve en effet écho dans ses origines, en y abordant un combat contre le colonialisme que son héros a manqué, alors qu’il a malgré lui aidé une corporation à détruire sa famille et sa ville d’origine au nom d’un « progrès » qui cachait le piétinement de sa culture. Cet élément devient la source de ses cauchemars et, par conséquent, du tourment qui le transforme en créature du marais, condamné à être cette incarnation d’un monstre qui abandonne partiellement son humanité. La mise en scène de ces thématiques est parfaitement réussie par Mike Perkins qui utilise à bon escient les idées distillées par Ram V pour livrer de nombreuses planches au ton horrifique. D’abord sur les deux numéros Future State : Swamp Thing où la peur se cache dans une nature devenue oppressante, puis dans la série principale Swamp Thing où l’horreur se cache dans des cauchemars qui façonnent la nouvelle personnalité de Levi, aussi bien hôte qu’otage de la créature du marais qu’il incarne. C’est, dans l’ensemble, un comics assez fantastique où Ram V confirme encore et encore qu’il est l’une des plus belles plumes de cette nouvelle génération d’auteur·ice·s que DC tente de mettre en avant. Swamp Thing est un univers absolument parfait pour lui, il parvient à réinventer la mythologie sans pour autant effacer ce qu’il s’est passé avant, faisant même un bel hommage au personnage d’Alec Holland, celui qui a longtemps été cette créature.

Wonder Woman Infinite – Tome 2, renaissance d’un symbole

© 2021 DC Comics / 2022 Urban Comics

Quant à Wonder Woman Infinite, pour ce deuxième tome, Becky Cloonan et Michael W. Conrad abordent le mythe Wonder Woman sous un angle plus classique. Après l’excellent premier tome qui racontait l’odyssée de Diana, qui s’est sacrifiée à la fin des événements de l’évènement Death Metal pour sauver le monde, le duo d’auteur·ice·s imaginent le retour de Diana après avoir gagné sa chance de retrouver la vie. Traverser l’Olympe, Asgard et défier les Dieux lui ont en effet permis de retrouver sa vie, provoquant la joie des Terrien·ne·s qui voient là l’espoir renaître. Car plus que cette quête, le comics raconte le symbole que représente Wonder Woman, un symbole qui incarne à la fois l’espoir pour l’avenir, mais aussi la paix. Des valeurs qui fondent le personnage (et que certain·e·s au cinéma oublient facilement) et que se réapproprient Cloonan et Conrad pour appuyer sur cette stature tout à fait à part du personnage au sein de l’univers DC. On voit par exemple Batman et Superman célébrer son retour, étant eux-mêmes conscients de ce qu’elle incarne et de son importance dans un rôle qu’ils ne pourraient jamais incarner. Le tome s’ouvre d’ailleurs sur un très beau chapitre de l’anthologie Wonder Woman 80th Anniversary où Steve Trevor, suite à la mort de Diana, réalise un hommage à l’amour de sa vie. L’occasion d’aborder l’importance du personnage au sein de l’univers DC, et de multiplier les scènes « souvenirs » où Steve Trevor se remémore quelques moments où Diana est devenue l’icône de paix qu’elle était.

Et puis ce deuxième tome finit par revenir sur quelque chose de plus classique, comme je le disais précédemment, avec une opposition à Doctor Psycho (Edgar Cizko) qui tente d’éliminer Wonder Woman au moment où elle revient de la mort, sans lui laisser aucun répit. Et ce avec des scènes et une histoire qui remet l’héroïne dans un quotidien bien connu où elle défend les innocent·e·s face aux multiples assauts de Cizko. Et c’est peut-être pas plus mal, car après les événements du premier tome il y a encore beaucoup de choses à digérer, et il est certainement nécessaire de remettre le personnage dans la réalité après son épopée mythologique. On perd toutefois les qualités visuelles du premier tome, car si ce second reste tout à fait honnête, le premier multipliait les styles visuels, souvent très efficaces. Là il y a moins de folie, moins d’originalité, moins d’inventivité. Il y a toutefois une belle réussite à mettre en valeur le personnage de Diana et lui donner une stature d’icône, dans de très nombreuses planches où elle est considérablement mise en valeur grâce à une composition qui se focalise sur elle plutôt que sur les personnages secondaires, souvent dispensables, ou les décors, qui ne sont que des excuses pour faire briller l’héroïne dans des situations très différentes. C’est pas la meilleure chose que l’on ait lu de Wonder Woman, mais ce tome a le mérite de donner envie de voir où les comics de l’ère Infinite vont aller dans ce retour à la réalité pour Diana.  

  • Swamp Thing Infinite T.1 et Wonder Woman Infinite T.2 sont disponibles en librairie depuis le 20 mai 2022.

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