Nous y voilà. Un peu plus de trois ans après le lancement de l’ère Infinite de DC Comics en VF chez Urban Comics, elle touche à sa fin. Les principaux fils rouges ont été conclus ces derniers mois avec des fins de runs remarquées, et l’arrivée de l’évènement Absolute Power qui prépare la suite. Pour nous diriger vers la fin de la collection (et en attendant le dernier tome de Poison Ivy Infinite qui ne sortira étrangement qu’en juin), Urban Comics propose à cheval sur avril et mai 2025 l’ultime tome de Absolute Power (le 25 avril), qui provoque la transition vers la prochaine ère All-In (qui sortira sous le label « DC Prime » en VF), ainsi que la conclusions du Batman Dark City de Chip Zdarsky (le 2 mai) et le troisième tome de Wonder Woman : Hors-la-loi de Tom King (le 30 mai). En parallèle, fin mai, et cela fera l’objet d’une autre chronique plus tard, sortiront les premières séries d’une collection DC Absolute en attendant le lancement des DC Prime en juin. C’est le foutoir, mais c’est ça qu’on aime dans ces histoires de super-héros et super-héroïnes.
Cette chronique a été écrite suite à l’envoi d’exemplaires par l’éditeur.
Batman Dark City – Tome 6, les failles de Gotham
Dark City, sous-titre donné aux tomes reprenant le run de Chip Zdarsky sur la série principale Batman, aura été décisive pour la conclusion de l’ère Infinite. C’est là que l’on a vu Batman activer involontairement Failsafe, robot-tueur créé par son subconscient Zur-en-Arrh pour se neutraliser lui-même au cas où il pèterait un boulon, un robot bien utile à Amanda Waller dans sa quête contre les super dans Absolute Power. Mais c’est aussi un comics où l’écriture de Zdarsky révèle tout son potentiel dans sa manière de se détacher de l’héroïsme pour raconter les failles de Batman, son incapacité à mener à bien sa mission, l’inefficacité de son action face à une ville de Gotham toujours plus violente, et l’impact de quelques autres personnes sur le quotidien de cette ville. Comme Jim Gordon, l’ancien commissaire et éternel ami de Batman, qui joue dans cet ultime tome un rôle central. Accusé d’avoir assassiné une figure importante de la ville, il doit tenter de s’innocenter et de comprendre ce qu’il s’est passé, grâce à Batman qui lui-même peine à croire qu’un homme aussi droit que Jim Gordon, qui s’est toujours refusé à la violence et à la corruption de Gotham, puisse commettre un tel acte. Histoire de confiance et d’amitié, ce sixième et ultime tome ramène quelques têtes connues de Gotham, comme Edward Nygma, devenu une sorte de millionnaire philanthrope, et la Cour des Hiboux, société secrète qui alimenté quelques uns des fantasmes les plus fous de Gotham.
Chip Zdarsky soigne donc sa sortie avec un dernier court récit qui se dégage légèrement de la grande chronologie actuelle autour de Absolute Power pour raconter quelque chose de plus centré sur la ville de Gotham, un récit plus intimiste qui recentre l’action là où tout a commencé. La ville la plus pourrie de l’univers DC trouve un second souffle en même temps que Batman qui commence enfin à accepter ses propres limites. De retour dans une position d’enquêteur plutôt que de super-héros qui affronte des menaces venues d’univers alternatifs, ce Batman est celui qui nous a fait rêver dans notre jeunesse. Sorte de détective implacable prêt à tout pour trouver la vérité et apporter un peu d’espoir à une ville qui n’en a plus. On garde des réserves sur la conclusion de l’histoire et son renvoi peu inspiré à l’actualité américaine (même si cela fait sourire), mais dans l’ensemble, on tient un vrai bon comics.
Wonder Woman : Hors-la-loi – Tome 3, l’icône et son amour
Le Souverain termine son récit, celui qui a mené Wonder Woman à devenir hors-la-loi. L’histoire imaginée par Tom King trouve ici un premier dénouement. Si ce n’est pas la fin de son run sur la série principale Wonder Woman, puisqu’un quatrième tome semble être prévu, l’auteur apporte de premières réponses à un arc scénaristique qu’il maîtrise parfaitement. Depuis le début, on sait que le Souverain, sorte de vieux monarque qui contrôlerait les États-Unis depuis des siècles, dans l’ombre (sorte d’état profond, comme diraient les complotistes), révèle à Trinity, la fille de Wonder Woman, ce qui a bouleversé le destin de sa mère. Disparue, Wonder Woman était devenue une hors-la-loi. En allant chercher son inspiration du côté de l’actualité américaine lui aussi, et surtout sur la place des femmes (et par extension de toutes les minorités) remise en cause par un regain conservateur et masculiniste, le très populaire auteur Tom King livre un récit grisant sur la plus grande héroïne de l’univers DC. Et ce troisième tome, sorte de cerise sur le gâteau, est absolument palpitant avec une mise en scène qui allie plusieurs temporalités, avec un Souverain qui brouille les pistes dans un récit non-linéaire, où la figure iconique de Wonder Woman se heurte à la violence qu’elle a subi.
Difficile d’en dire beaucoup plus sans spoiler l’excellent premier dénouement de cet arc, mais s’il faut en dire quelque chose, c’est que Tom King est au sommet de son art. Aussi malin que grinçant à l’heure d’aborder l’histoire de l’Amérique et ses ramifications dans l’actualité et la manière dont Wonder Woman et les autres Amazones, représentantes des femmes, sont traitées, l’écrivain joue des croyances propres aux États-Unis (grandeur, liberté…) pour mieux en tirer ses incohérences. Poignante, cette histoire sur les traces de ce qui a fait l’importance de l’héroïne sonne très juste, plus encore dans notre monde actuel. Il fait de Wonder Woman un personnage qui s’illustre autant pour sa force et sa détermination que pour l’amour qu’elle donne à ses proches. C’est finement écrit, et c’est aussi très beau grâce aux dessins de Daniel Sampere. Les réponses apportées sur l’objectif de ce récit du Souverain mènent toutefois à de nouvelles questions, et on se demande bien maintenant vers où la suite.
Absolute Power – Tome 3, la fin de DC Infinite ?
Quelques mois après les débuts de l’évènement Absolute Power mené par Mark Waid, on en voit enfin le bout. Sorte de Civil War à la sauce DC, on y découvrait une Amanda Waller enfin en position d’accomplir son rêve de toujours : se débarrasser des super-héros et super-héroïnes. Grâce à la technologie de la Reine Brainiac et de Failsafe, le robot tueur de Batman (voir Batman Dark City), elle avait pu mettre au pas les super en les privant de leurs pouvoirs, et en orchestrant leur mise au ban de la société grâce à une propagande médiatique bien huilée. Pour cet ultime tome, la bataille finale a lieu et les personnages historiques, qui étaient en retrait depuis la fin de la Justice League, c’est-à-dire Batman, Wonder Woman et Superman, reprennent un rôle central pour tenter de se débarrasser de Waller. Mais pas seulement, puisque Robin (Damian Wayne) joue aussi un rôle important, tout comme Green Arrow et quelques personnages plus secondaires qui apportent leur pierre à l’édifice. Mais surtout, c’est un tome qui vient marquer la fin d’une ère et le lancement d’une nouvelle.
L’ère Infinite a été marquée par plusieurs éléments : des récits qui s’écartaient régulièrement de la continuité (avec la promesse que la plupart des histoires sont lisibles sans suivre l’ensemble des séries), des personnages habituellement plus secondaires qui prenaient un rôle principal, comme Nightwing et les Titans qui ont remplacé la Justice League. Ou encore un savant mélange des univers et des personnages qui formaient des duos inattendus, comme Wonder Woman et Damian Wayne dans cet arc du Absolute Power. D’un point de vue éditorial, l’ère Infinite n’est pas encore tout à fait terminée puisque la collection publiée chez Urban Comics verra arriver dans quelques semaines un nouveau tome de Poison Ivy Infinite par exemple. Néanmoins, Infinite va vite laisser sa place à deux nouvelles collections : d’abord les DC Absolute qui vont très vite arriver et qui vont opérer la transition avec la suite, et ensuite les DC Prime, le label qui collectera la nouvelle ère « All-In » de chez DC. Avec la promesse notamment d’un retour de la Justice League, comme en témoignent les dernières pages d’Absolute Power. Ça va être encore un peu plus le bordel, mais on est là pour ça et on va tenter, sur Pod’Culture, d’en parler du mieux possible.
- Les comics de la collection DC Infinite sont disponibles en librairie aux éditions Urban Comics.