DC Infinite #24 | L’ancien monde

par Anthony F.

Au rythme ralenti de l’été, c’est les sorties de juin et juillet du côté de la collection DC Infinite chez Urban Comics qui nous intéressent dans cette chronique. Deux mois plutôt limités en nombre de sorties, mais qui ne sont pas avares en qualités, en se focalisant sur quelques unes des séries les plus réussies de ces derniers mois. Plus encore, c’est le grand retour du Joker, longtemps annoncé, qui est enfin là. Cela suffit-il à maintenir le cap et conserver l’intérêt pour une collection qui a connu ses hauts et ses bas, avec une ère Infinite qui avait laissé le Joker au placard, ou cela ressemble-t-il à un aveu d’échec avec l’inévitable nécessité de faire revenir celui qui incarne en bonne partie l’image de DC Comics ?

Cette chronique a été écrite suite à l’envoi d’exemplaires par l’éditeur.

Batman Dark City – Tome 4, le retour du némésis

© 2024 DC Comics / Urban Comics

On avait laissé dans le dernier tome du Batman de Chip Zdarksy un super-héros toujours en proie à sa bataille psychique contre son alter ego Zur-en-Arrh, qui avait fait le choix de s’éloigner de sa famille pour mener cette bataille seul. Et les choses, évidemment, tournent mal immédiatement dans ce quatrième tome, puisque le plus grand ennemi de Batman refait surface : le Joker. Celui qui a disparu très tôt dans l’ère DC Infinite était annoncé déjà depuis quelques temps par l’éditorial DC, et revient dans une version plus inquiétante encore que celle que l’on a laissée à l’époque. Un Joker qui en appelle à celui de ses débuts, alors que le récit joue sur deux temporalités, d’un côté un Batman qui doit lutter face à une sorte d’ultime Joker qui est parvenu à contaminer la planète de son rire, et de l’autre un retour en arrière à l’époque du gang des Red Hood, alors que le Joker n’était pas encore celui qu’il est devenu depuis. Très violent mais pas sans intérêt, ce quatrième tome s’affiche dans la continuité d’un récit imaginé par Zdarsky où Batman est son propre ennemi, tourmenté par ses propres limites, ses erreurs, et maintenant par l’ennemi qu’il n’a jamais pu faire disparaître. Parce qu’il ne tue pas (alors que son alter ego Zur-en-Arrh tente de l’y forcer), mais aussi parce que le Joker est l’ennemi dont il a besoin pour faire exister sa quête vengeresse dans les rues de Gotham. L’auteur imagine par ailleurs dans ce tome une théorie assez captivante, qu’il met en scène grâce aux talents des dessinateurs, notamment de Jorge Jimenez, selon laquelle le Joker aurait toujours eu l’ascendant sur Batman.

Une théorie qu’il explore tout au long de ce tome jusqu’à un final assez génial, qui fait directement référence à nombre de récits fondateurs des deux personnages, mais en inversant le rapport de force, faisant du Joker celui qui aurait pu tuer Batman à tout instant, mais qui a préféré s’amuser avec lui. Par admiration, par ennui, par démence ou par amour, difficile à dire, mais Zdarsky traite astucieusement la relation qui unit ces deux personnages emblématiques et offre très certainement le meilleur tome, à ce jour, de son run sur Batman. D’autant qu’on y retrouve un héros plus enquêteur, moins dans l’action, tandis que quelques chapitres s’attardent sur un Jim Gordon qui doit lutter face à la corruption de sa police, à la manière d’un Gotham Central. Entre polar et fantastique, le récit joue sur deux tableaux sans jamais s’égarer. Un vrai plaisir.

Nightwing Infinite – Tome 6, pirate des temps modernes

© 2024 DC Comics / Urban Comics

Après les évènements relatifs aux Teen Titans qui ont enfin pu s’affirmer comme successeur·e·s de la Ligue de Justice, Nightwing revient sur une enquête qu’il avait dû abandonner quelques semaines auparavant à cause des problèmes rencontrés avec les Teen Titans. Cette enquête, c’est celle autour d’un colis qu’il avait reçu quelques années plus tôt, dont l’existence est remontée à la surface. Un colis dont on ne sait rien, et qu’il avait caché auprès d’une société secrète nommée « La Cale » sans même l’ouvrir. Un retour sur l’époque où Dick Grayson était amnésique après avoir pris une balle dans la tête, comme pour emmener le récit sur quelque chose de plus intime après la grandiloquence de ses activités avec les Teen Titans. Ce retour dans son passé l’emmène à nouveau sur la trace de cette société secrète, dans ce qui prend vite la forme d’une chasse aux trésors sur fond, littéralement, de piraterie. Délesté de sa tenue de héros en collants, Dick revêt sa plus belle tenue de pirate pour trouver le fin mot d’une histoire dont il ne se souvient presque de rien. Un nouveau concept qui s’inscrit dans la volonté de Tom Taylor de sans cesse renouveler son récit sur Nightwing, faisant preuve encore une fois d’une belle inventivité pour casser lui-même les codes qu’il avait posé précédemment. En explorant les conséquences de la balle dans la tête reçue par le héros quelques années plus tôt (qui marquait le renouveau du personnage) et l’amnésie qui s’en est suivie, Tom Taylor va là où il ne s’était pas encore aventuré dans sa série de comics : dans les origines du personnage. Il confronte l’ancien Nightwing au nouveau, les promesses faites dans le vide alors qu’il n’avait pas la maturité d’aujourd’hui, et les ennemi·e·s qu’il a pu se faire entre temps. 

Bruno Redondo laisse sa place aux dessins à Stephen Byrne dans les premiers chapitres puis à Sami Basri. Même si l’on perd l’excellente patte graphique de Redondo, Byrne et Basri font tour à tour un très bon travail pour conserver le dynamisme qui caractérise les dessins de cette série de comics, même s’il manque le petit quelque chose en plus que le duo RedondoTaylor avait su très vite trouver. On ne boude quand même pas notre plaisir, d’autant que cette histoire à mi-chemin entre piraterie et récit intimiste se lit d’une traite avec un grand plaisir, rappelant encore et encore que Nightwing est l’une des plus grandes réussites de cette ère DC Infinite. Je suis plus partagé sur les deux chapitres backup écrits par Michael W. Conrad et dessinés par Francesco Francavilla. Sorte de récit horrifique dans la Normandie du 14è siècle en proie à la peste, qui réinvente les origines des Grayson dont Nightwing est l’héritier. Le style graphique de Francavilla est toujours un plaisir, mais l’écriture tape un peu à côté.

Batman Superman World’s Finest – Tome 4, prémices d’une crise

© 2024 DC Comics / Urban Comics

Avec son petit côté charmeur, Batman Superman World’s Finest, où Mark Waid s’est amusé à raconter le tandem de super-héros comme à leurs débuts, sous un aspect nostalgique et Pulp, le titre a vite embarqué son public. Même s’il a connu un creux dernièrement en retombant, dans le dernier tome notamment, sur quelque chose de trop classique et qui perdait de vue la proposition initiale. Fort heureusement, on est rassuré·e·s d’entrée dans ce quatrième tome avec  un auteur qui fait le choix de nous renvoyer au souvenir de Batman et de Superman à leurs débuts, leur première rencontre, alors qu’ils collaborent pour la première fois face à une menace encore nouvelle, celle du Sphinx et de ses énigmes. Accompagné cette fois-ci de Travis Moore aux dessins, Waid offre en quelques numéros un récit franchement agréable, plutôt rigolo, très axé sur l’alchimie qui se forme doucement entre deux héros qui se respectent autant qu’ils se craignent, et le tout au sein d’une ville de Gotham qui apprend encore à gérer tous les super-vilains qui vont finir par l’assaillir. Dans la foulée, le tome part sur autre chose, une deuxième histoire, cette fois-ci ancrée dans le « présent » de World’s Finest (car on reste quoiqu’il arrive sur des super-héros encore jeunes), où Dan Mora revient au dessin pour partir à l’exploration du multivers. Une aventure où Batman et Superman partent à la recherche de David, alias Boy Thunder, un gamin que le kryptonien s’était juré de protéger avant qu’il finisse par être englouti par le multivers. 

Moins réussi mais néanmoins quand même plus sympathique que ce que proposait le dernier tome, ce deuxième récit a au moins le mérite de confronter ses deux héros au même besoin de collaborer que dans la première histoire, parce que les choses tournent mal, et qu’ils ne s’en sortiront pas seuls. Ils tombent en effet sur une Terre alternative où les héros ne semblent pas vraiment être eux-mêmes malgré des apparences similaires, tandis que ce brave David s’est déniché un nouveau costume. Dans l’ensemble inoffensive et inconséquente pour l’univers DC, Batman Superman World’s Finest reste néanmoins une valeur sûre et retrouve des couleurs avec ce quatrième tome, qui explore la drôle d’amitié qui unit les deux héros, avec son lot de déconvenues et d’aventures qui tournent mal.

  • Les comics de la collection DC Infinite sont disponibles en librairie aux éditions Urban Comics.

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