Ces dernières semaines, le jeu vidéo « à la française » était au centre de toutes les attentions grâce à l’immense succès de Clair Obscur: Expedition 33. Une nouvelle lumière portée le jeu vidéo français qui brille par son exploitation d’un univers très baguette et béret. Alors forcément, quand un autre jeu vient exploiter mythes et légendes françaises, on est quand même curieux d’y jeter un oeil. Hasard du calendrier, c’est Chronicles of the Wolf qui est sorti récemment, un metroidvania développé par le studio parisien Migami Games qui explore la bête du Gévaudan.
Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’une clé PlayStation 5 par l’éditeur.
La campagne et la bête
Sous ses airs de metroidvania à l’ancienne, à l’inspiration manifeste du côté des meilleurs Castlevania, tant dans la mise en scène que le character design, Chronicles of the Wolf nous emmène surtout sur les traces de la bête du Gévaudan, qui terrorise quelques villages bien contents de voir débarquer Mateo Lombardo, un chevalier de l’ordre de la Rose-Croix qui est envoyé par ses pairs pour faire la lumière sur cette fameuse bête qui n’a laissé échapper aucun survivant susceptible de dire à quoi elle ressemble. S’agit-il d’un loup, ou d’une bête mystique, rien ne permet de le dire avec certitude, jusqu’à la première rencontre avec celle-ci, qui intervient assez tôt dans le jeu. Invincible, cette bête nous pousse à chercher de quoi pouvoir la battre, mettant le héros sur une quête le confrontant à un drôle d’ordre local aux tendances démoniaques. Plutôt accrocheuse, l’histoire exploite très bien les légendes locales, de la bête à la fille du lac, nous faisant explorer la campagne du Gévaudan, actuelle Lozère. Et ça donne aussi une bonne excuse pour diviser le jeu en deux parties : d’abord l’exploration de la campagne, puis dans un second temps l’exploration d’un château aux multiples secrets, dans le plus pur esprit des jeux auxquels le titre de Migami Games rend hommage. Plutôt agréable à parcourir grâce à des décors réussis et variés, le monde de Chronicles of the Wolf a pour lui une originalité bienvenue derrière des mécaniques qui tendent à singer ceux qui l’ont inspiré.
Le jeu exploite ainsi tous les codes du genre, avec un monde semi-ouvert qui se révèle à mesure que l’on récupère des objets (soit cachés, soit gardés par des boss) et compétences permettant de déverrouiller des zones initialement bloquées. On y retrouve tous les classiques, allant de la clé spéciale qui ouvre une salle, au double saut qui permet d’accéder à une plateforme qui paraissait au début bien trop haute, en passant par la découverte de pouvoirs et objets permettant de survivre à des zones où la mort était autrefois certaine. Plutôt varié dans son contenu, même s’il repose pour l’essentiel sur de nombreux aller-retour jusqu’à trouver la bonne salle et le bon objet pour progresser, le jeu rappelle rapidement les bonnes sensations d’un Castlevania: Symphony of the Night, allant jusqu’à reprendre la « lenteur » du personnage qui se comble au fil du temps avec les nouveaux mouvements récupérés. On reste moins emballés toutefois par les combats de boss, au design peu inspiré, et finalement assez peu marquants dans l’aventure. À l’exception peut-être de l’un ou deux, comme l’apparition de Bloodless, un personnage de la licence Bloodstained, prêté au studio dans le cadre d’une collaboration. Manque de bol, c’est aussi le seul combat de boss infernal, Bloodless ayant un nombre de points de vie démentiel. Mais c’est du contenu optionnel. Sur le contenu principal, le boss final se dégage du lot mais souffre là aussi d’un manque d’idées sur les patterns, laissant un goût d’inachevé après les huit heures nécessaires pour l’atteindre, et les quelques heures supplémentaires pour obtenir la meilleure fin.
Des airs de Castlevania
Si les similarités avec Castlevania, au-delà du genre du metroidvania qu’il partage, c’est parce que Migami Games y a fait sa renommée. C’est plus précisément avec des fan games consacrés à l’univers de Castlevania que le studio a fait ses armes, et notamment Castlevania: The Lecarde Chronicles 1 et 2, des titres sortis sur PC dans lesquels le studio parisien proposait sa propre vision de la licence. Des jeux qui avaient su satisfaire les fans malgré une difficulté relevée. Au-delà de cette filiation directe, Chronicles of the Wolf offre surtout un « feeling » propre à la série à laquelle il rend hommage, tout en imposant son propre univers. Mais tant dans le maniement du personnage que le comportement des ennemis, le jeu transpire l’amour d’une licence que l’on aimerait bien voir revenir dans cette forme-là au plus vite. S’il n’en a pas la grandeur, il en a indéniablement le coeur, même si cette fascination pour le metroidvania « à l’ancienne » le fait tomber dans certains travers qui entachent l’expérience. On pense notamment à la volonté permanente de « perdre » les joueur·euses dans son univers pour les pousser à tourner en rond et faire d’innombrables aller-retour, avec très peu d’indications sur les objets à récupérer pour progresser. Si on finit toujours par retomber sur nos pieds, surtout quand on a l’habitude du genre et qu’on ne rechigne pas à repasser par les mêmes zones des dizaines de fois, cela le coupe nécessairement d’un autre public qui aurait pu être intéressé par son univers. À trop vouloir rappeler le « bon vieux temps » comme une bande de vieux ronchons qui parlent sans cesse de jeux rétro, le jeu oublie quelques éléments d’accessibilité ou, au moins, de ce qu’on appelle la qualité de vie (QoL/Quality of Life) qui aurait rendu le jeu un poil plus agréable à parcourir. Pourtant, le défi posé n’est pas immense, avec des combats de boss qui peuvent pour la plupart être passés en force en exploitant les compétences et objets les plus surpuissants. L’exploration elle aussi pose assez peu de défis avec des ennemis qui résistent assez peu à notre héros, mais c’est vraiment dans la structure de la progression et ce besoin du studio de ne donner quasiment aucun indice sur la bonne marche à suivre qu’on trouve quelque chose d’assez pénible par instants.
Chronicles of the Wolf reste un metroidvania intéressant, mais même en grand amateur du genre, j’ai été déçu par certains choix. Si son univers est attirant et plutôt bien raconté, avec des dialogues peu nombreux mais très évocateurs sur la peur qu’inspirait la bête du Gévaudan en son temps, les choix faits par le studio sur la progression portent un certain préjudice au jeu. Assez brillante dans toute sa première partie dans la campagne française, un peu moins dans l’exploration de son château, indispensable au genre, la progression se fait le plus souvent par hasard que par déduction logique. Quelques indices sont laissés ici et là pour suggérer la marche à suivre, mais ces indices sont parfois si mal placés que l’on trouve la solution avant l’indice, à force de déambuler encore et encore dans des zones déjà visitées en espérant qu’un élément ait changé. Les choses empirent encore dans sa dernière ligne droite avec quelques conditions à remplir pour obtenir la bonne fin sans que le jeu ne soit très évocateur sur les lieux où récupérer les objets nécessaires. Sans parler de quelques améliorations du personnage (double saut, dash…) qui s’acquièrent de manière un peu alambiquée. On ne cherchait évidemment pas un metroidvania qui nous tient la main, puisque le plaisir du genre passe aussi et surtout par l’exploration, mais à trop célébrer « le bon vieux temps » où les jeux étaient un peu plus complexes et moins accessibles, Chronicles of the Wolf oublie parfois que même les jeux auxquels il rend hommage offraient une progression logique derrière la nécessaire exploration de leur univers, et c’était là tout leur génie.
- Chronicles of the Wolf est disponible depuis le 19 juin 2025 sur PC, Nintendo Switch, PlayStation 4, PlayStation 5, Xbox One et Xbox Series X|S.