Badass Cop & Dolphin – Tomes 2 et 3 | La nature au pouvoir

par Anthony F.

À la découverte de Badass Cop & Dolphin avec son premier tome en février dernier, je disais espérer que la proposition atypique de Ryuhei Tamura puisse tenir sur la durée sans en être véritablement sûr. C’est son accroche absurde et pleine d’un humour qui faisait tout le sel du premier tome, mais inversement, c’était aussi ce qui posait des difficultés à la mise en branle d’un récit encore très mystérieux. On naviguait encore en eaux troubles à la fin du premier tome, alors j’ai patiemment attendu les deux tomes suivants pour refaire un point sur cette œuvre et force est de constater que le mangaka qui s’est fait connaître avec Beelzebub en a encore sous le coude.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’exemplaires par l’éditeur.

La bonne surprise

On retrouve nos compères, le duo formé par Orpheus et Samejima, l’un avec sa tête de dauphin et l’autre tête brûlée venue de Tokyo, obligés d’enquêter sur une secte qui se cache sous l’eau, portée par des « hommes-poissons » qui ressemblent terriblement à des yakuzas. Des gangsters des mers qui se matérialisent sous forme mi-humaine, mi-poisson, avec une force surhumaine à laquelle font face sans trop de mal Orpheus et Samejima, deux flics d’exception. A leurs côtés Chako, une gamine qui attire l’attention du culte, et les policier·e·s du seul commissariat de la minuscule île où l’action prend place. Après un premier tome qui tournait essentiellement autour des situations absurdes créées par un flic à tête de dauphin, les deuxième et troisième tomes apportent plus de substance au récit en multipliant les thématiques qui donnent une idée sur l’orientation de l’histoire : l’écologie, quand le tome 2 aborde rapidement la destruction d’un récif corallien, et d’une manière générale l’attachement des habitant·e·s de l’île à leur héritage marin et à la sauvegarde des lieux. Beaucoup plus solide que le premier tome, la suite prend des airs de série policière avec une super pointe d’humour, dans une mise en scène qui a quelque chose de très cinématographique, très inspirée par les buddy movies.

On y découvre notamment une galerie de méchant·e·s haut·e·s en couleurs, qui rappellent parfois l’inventivité d’un Oda sur One Piece, notamment dans les dégaines improbables des hommes-poissons. Mais ce qui donne autant de hauteur à ces deux tomes, c’est la superbe progression de l’écriture des personnages, notamment le duo Samejima-Orpheus dont la dynamique s’affirme et prend pleinement avantage de l’aspect buddy movie dont je parlais plus tôt. Les deux personnages se complètent, tant sur l’humour que sur les caractères, l’un étant très carriériste et dépassé par les événements, tandis que l’autre prend tout avec une nonchalance qui vole en éclats dès que quelqu’un fait du mal à la petite Chako. Cette dernière, sorte de comic relief innocent à la Anya dans Spy X Family, joue un rôle central dans la bonne humeur qui émane du manga. Très bienveillant et feel good, Badass Cop & Dolphin réussit le tour de force de maintenir l’humour esquissé dans le premier tome tout en y ajoutant une intrigue assez captivante, bien menée, qui oscille entre l’enquête sur la secte en toile de fond de quelques petites enquêtes d’un chapitre sur le quotidien de l’île.

Polar au soleil

SHAKUNETSU NO NIRAI KANAI © 2020 by Ryuhei Tamura /SHUEISHA Inc.

Pratiquement polar par moments, le manga profite allègrement de sa bande de ses « gangs des mers » aux faux airs de yakuza pour reprendre les codes des récits de gangsters. Toujours avec une pointe d’humour certes, mais l’auteur démontre une vraie faculté de raconter des enquêtes policières au travers des yeux de deux enquêteurs qui incarnent des clichés du genre (avec la dynamique du bon et du mauvais flic) sans manquer de profiter de leur originalité. D’abord parce que l’un d’eux est un dauphin, mais aussi parce qu’ils évoluent dans un cadre tout à fait atypique. L’ambiance de l’île paradisiaque change en effet complètement des autres mangas policiers, et permet au mangaka d’offrir quelques très belles planches, avec des décors que l’on n’a pas l’habitude de voir, tout en profitant de ce coin reculé pour proposer des personnages secondaires bien différents des archétypes que l’on croise dans populations plus urbaines. C’est une ambiance à part, mais toujours très bien maîtrisée, ce qui permet à Badass Cop & Dolphin d’être ce que l’on n’imaginait pas il y a quelques mois : un manga dont on attend la suite avec une impatience assez folle.

Qu’il est surprenant ce Badass Cop & Dolphin. Sympathique mais sans plus à ses débuts, le manga connaît un vrai bond en avant sur sa narration et la qualité de son écriture dans ces deuxième et troisième tomes, avec une intrigue qui s’étend et des personnages qui se dévoilent pour le meilleur. Rythmé, plutôt joli et avec des personnages très attachants, le manga de Ryuhei Tamura assume à fond son originalité, ses protagonistes atypiques et la thématique marine qui s’associe curieusement très bien avec le genre du manga policier. Une vraie pépite.

  • Les tomes 2 et 3 de Badass Cop & Dolphin sont disponibles en librairie aux éditions Kazé Manga.

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