Ao Ashi – Tomes 11 et 12 | L’épreuve d’une vie

par Anthony F.

Série star depuis le lancement des éditions Mangetsu, Ao Ashi a rarement déçu. Le manga de Yugo Kobayashi n’a cessé de se renouveler pour toujours viser plus haut, avec une vraie envie de raconter sa propre vision du football, avec son aspect aussi bien sportif qu’humain et familial. Une formule que l’on a bien souvent plébiscité sur Pod’culture, alors chaque nouvelle sortie est une belle occasion de se replonger dans son œuvre. Après les superbes tomes 9 et 10, place à la suite, avec deux tomes qui révèlent une maturité nouvelle pour son héros.

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’exemplaires par l’éditeur.

Le génie ne suffit plus

AO ASHI © 2015 Yugo KOBAYASHI / SHOGAKUKAN

Ashito, le héros du manga, a souvent incarné ce petit génie symptomatique des shonen qui valorisent une forme de talent inné, qui se révèle à des moments fatidiques. Mais si le manga est aussi intéressant, c’est aussi parce que l’écriture de Yugo Kobayashi lui a d’autres fois opposé la réalité du monde dans lequel il vit, et notamment plusieurs obstacles qui venaient lui montrer qu’il n’est pas si « spécial », du moins, pas plus que d’autres. Et ces tomes 11 et 12 confirment que tout reste à faire pour le prodige. Dans un ultime effort pour la fin du match contre Musashino, club rival où l’on retrouvait Kaneda, une tête brûlée qui n’avait pas été retenue aux détections de l’Esperion, Ashito se découvre un véritable plaisir à jouer dans une position défensive. Lui qui a vu ses rêves de devenir un buteur génial voler en éclats, au moment où son entraîneur a décidé d’en faire un défenseur latéral pour profiter de sa vision de jeu (plutôt que de sa maladresse balle au pied), a eu du mal à se motiver et à accepter la réalité. Mais depuis un certain temps et encore plus avec le tome 11, le manga insiste sur sa remise en cause, son questionnement interne et finalement, la manière dont il met à exécution une maturité trouvée pour continuer à progresser malgré tout. Son influence grandissante sur le jeu et le respect qu’il gagne de ses coéquipiers a un impact immédiat sur une narration qui gagne elle aussi en maturité. Elle est plus posée, plus calme, on sent que le gamin des débuts devient peu à peu un professionnel, un joueur de football qui comprend les sacrifices qu’il doit faire pour atteindre ses rêves. Et c’est d’autant plus évocateur pour les amateur·ice·s de football qui, dans la réalité, peuvent voir chaque année des gamin·e·s talentueux·euses trouver leur place dans des équipes professionnelles avec une maturité soudaine.

Cela donne donc deux tomes très intenses, avec un rythme soutenu et efficace qui profite du match de football pour donner des réponses au questionnement intérieur d’Ashito. On sent le personnage évoluer de page en page, comprenant soudainement tout ce qui lui a été enseigné par le passé, comme si le puzzle s’assemblait enfin. Et très sincèrement, ça fait sacrément plaisir : cela ressemble à l’aboutissement des dix premiers tomes où Ashito apprenait toujours quelques détails ici et là, avant d’avoir enfin l’occasion d’appliquer tout ce qu’il a appris. L’histoire gagne aussi en importance à mesure que les pages avancent, notamment dans le 12ème tome où Ashito rejoint l’équipe A des U18, son objectif principal depuis son arrivée dans l’équipe B. L’occasion pour le récit de lui mettre de nouveaux obstacles en vue, mais surtout pour montrer que le jeune joueur est enfin prêt à entrer dans un monde qui ne lui fera plus aucun cadeau, avec une mise en scène réjouissante. Jamais lassante, celle-ci continue de saisir les moments clés des duels sur le terrain et excelle à chaque fois qu’il faut accélérer l’action. Sauf peut-être sur les moments où la narration, tant écrite que visuelle, redevient trop didactique, avec une multitude d’explications sur le football qui transforment certaines planches en manuel de football. C’est pas inutile, loin de là, mais je reste toujours circonspect face à la manière de faire qui manque d’idée, avec des explications qui auraient pu être incorporées de manière plus fluide.

Destins croisés

AO ASHI © 2015 Yugo KOBAYASHI / SHOGAKUKAN

Ce que j’ai particulièrement aimé sur ces deux tomes, le tome 12 notamment, c’est le parallèle intéressant qui est fait par l’auteur entre Kuribayashi, une star de l’équipe A qui a su impressionner tout le monde à ses débuts, avec Ashito, alors que ce dernier est enfin promu en équipe A. Le parallèle se fait sous la forme d’un destin croisé, Kuribayashi étant remis en cause suite à des performances moins en vue en équipe première en J-League (le niveau professionnel), qui ont rappelé qu’il a encore beaucoup de choses à apprendre avant de pouvoir s’installer définitivement chez les professionnels. Tandis que Ashito, de son côté, et malgré ses lacunes, montre rapidement qu’il a faim et qu’il est capable de réaliser de très belles choses grâce à sa détermination et sa capacité à apprendre et assimiler en un temps record. Les deux se retrouvent alors au même stade : en équipe A des U18, alors que l’un est rétrogradé de l’équipe pro, et l’autre est promu de l’équipe B. Probablement le moyen aussi pour l’auteur de façonner la rivalité qui devrait naître entre les deux joueurs, une rivalité longtemps annoncée, alors que Kuribayashi incarnait par sa réussite le rêve encore lointain d’Ashito au début du manga. Et toutes ces scènes de doute sont mises en scène avec beaucoup de justesse, grâce aux dessins qui savent saisir les émotions, autant les peurs que les joies, de personnages qui sont spontanés, expressifs, des jeunes qui rêvent de grandes choses et qui font tout pour y arriver.

Décidément l’une des meilleures séries de mangas sorties ces dernières années, Ao Ashi est toujours là pour mettre du baume au cœur quand tout va mal. À l’heure où l’on pleure une finale de Coupe du Monde perdue, le manga de Yugo Kobayashi est là pour nous raconter les valeurs qui nous ont fait tomber amoureux de ce sport dans notre jeunesse. Et puis, même si l’on n’aime pas le football, Ao Ashi reste une superbe célébration de la détermination d’un gamin prêt à tout pour réussir, sauf à écraser ses ami·e·s. Joyeux et d’un bon esprit à toute épreuve, le manga fait grandir son héros en lui inculquant de belles valeurs, décidé à faire de lui un personnage dont la présence rend meilleurs celles et ceux qui l’entourent.

  • Les tomes 11 et 12 de Ao Ashi sont disponibles en librairie aux éditions Mangetsu.

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