Trinity Trigger n’est probablement pas le J-RPG le plus attendu l’année où un mastodonte du genre s’apprête à faire son retour, mais le jeu de FuRyu et Xseed Games tente tout de même de se faire une petite place dans le cœur des amateur·ices du genre en faisant appel à leurs souvenirs d’antan. En effet, le jeu en appelle à un héritage de la série des Mana, alors que ses concepteur·ices ont fait leurs armes dessus à l’époque. Mais est-ce que la nostalgie est suffisante pour faire un bon jeu ?
Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un exemplaire PlayStation 5 par l’éditeur. Le jeu a été terminé en 12 heures, en version anglaise, le jeu ne disposant pas de traduction française.
Trio d’attaque
Véritable hommage à la série des Mana, Trinity Trigger montre dès ses premiers instants un attachement et un amour pour Secret of Mana, en particulier. D’abord pour son système de combat sur lequel je reviendrai un peu plus loin dans cette critique, mais aussi et surtout pour son univers. Coloré, fait de voyage et de découverte, celui-ci nous embarque sur le destin de Cyan, un pilleur qui tente de récupérer des trucs à revendre ici et là pour subvenir aux besoins de son foyer, composé de lui et de sa sœur, alors que leurs parents sont décédés. Une vie compliquée que le jeu nous présente quand même avec optimisme (monde coloré oblige), jusqu’à ce que le destin soit bouleversé : Cyan se retrouve pourchassé par de mystérieux assassins, et fait la rencontre de Elise, qui l’aide à s’en sortir. Comme tout J-RPG qui se respecte, on s’aperçoit vite que Cyan n’a pas été ciblé par hasard, et que du haut de sa petite vie tranquille il joue en réalité un rôle important dans le destin du monde. Rapidement, on est rejoints par un troisième personnage, Vantis, pour former un trio permettant de jouer en coopération locale, là encore un vestige de l’époque des Mana.
Derrière ce destin se cache une vague histoire d’ordre et de chaos, de monde en sursis et de destins croisés. Si dans l’ensemble on est face à quelque chose de très classique qui peine à surprendre, la narration a au moins le bon goût de se limiter à ce que sait et apprend le héros, sans que l’on soit omniscient sur cet univers, rajoutant une pointe de mystère jusqu’à ce que le héros finisse par comprendre ce qu’il se passe (bien aidé par ceux qui l’accompagnent, puisqu’il reste assez passif dans l’ensemble). Malheureusement, l’intrigue manque de moments vraiment épiques, et peine quand même à se lancer. Sur les douze heures qui m’ont été nécessaires pour en voir le bout, il en a bien fallu cinq ou six pour que l’histoire se lance réellement, alors qu’avant ça le jeu me donnait l’impression d’errer sans but entre quelques villages qui n’apportaient aucune réponse à des questions qui étaient de toute manière mal définies. Heureusement il y a le facteur « mignon » de l’ensemble avec les « triggers« , de sortes de petites créatures qui se transforment en armes le moment venu, créées par Atsuko Nishida à qui l’on doit déjà bon nombre de Pokémon historiques (comme Pikachu, Bulbizarre ou encore Salamèche). Mais aussi son univers coloré, dommage toutefois que le jeu ne développe aucun lore en dehors de sa quête principale. On traverse de nombreux villages aux ambiances bien différentes (les échoppes sont toutefois absolument toutes identiques visuellement), mais les PNJ rencontrés n’ont rien à nous dire, aucune histoire spécifique à ces lieux ne se développe et on ne sait pas quels sont ces mondes, ces peuples où la vie semble suivre son cours sans trop de considération pour la quête du héros. On a donc rapidement le sentiment d’être face à un monde vide de toute vie, et c’est vraiment dommage pour un jeu qui nous fait traverser tant de lieux différents.
Un système à la Mana
Trinity Trigger peut toutefois compter sur un gameplay assez sympathique, avec un système qui s’inspire là aussi de Secret of Mana. Cela se remarque d’abord par ses combats en temps réel où les coups sont uniquement limités par une barre d’endurance qui conditionne la puissance des coups (il est encore possible de frapper quand elle est vide, mais en faisant très peu de dégâts). Cette endurance se recharge évidemment de manière quasi-instantanée lorsque l’on reste immobile, c’est ainsi tout le concept de base des combats des Mana que le jeu reprend. Mais le titre développé par Three Rings s’en distingue d’une certaine manière en mettant de côté toute forme de magie, absente du jeu, pour plutôt se focaliser sur un système d’armes à utiliser différemment selon les ennemis. Chaque donjon exploré permet en effet de débloquer de nouvelles transformations pour les triggers, c’est-à-dire de nouvelles armes, auxquelles les ennemis peuvent être faibles ou résistants. Sans révolutionner le genre, cela pousse au moins à changer régulièrement les approches, avec des armes lentes (comme les haches ou les lances), des armes plus équilibrées (les épées) ou des armes à distance (pistolets, arcs) selon les ennemis affrontés. Pas forcément significatif contre les centaines de monstres croisés dans les donjons, ce système marche toutefois plutôt bien contre les boss qui ont le mérite de pousser à changer nos approches, à défaut d’être véritablement complexes ou originaux.
Cela ne permet toutefois pas de compenser le manque d’intérêt de la plupart des quêtes secondaires, qui certes permettent parfois de débloquer de nouvelles armes (en poussant à l’exploration de donjons secondaires), mais qui dans l’ensemble ne présentent aucun intérêt à cause d’une narration étriquée et souvent mal amenée. Ce qui est dommage également c’est que ces quêtes secondaires renvoient presque systématiquement (à l’exception des donjons secondaires) vers des zones passées, ainsi les quêtes secondaires n’arrivent jamais vraiment à se mêler à la fuite en avant qu’est la quête principale, contrairement à d’autres J-RPG qui savent mêler l’aventure principale à leur contenu annexe. Notons enfin qu’il y a un vrai dernier boss et une « vraie » fin à débloquer, néanmoins ce contenu post-game consiste essentiellement à affronter à nouveau les mêmes boss déjà affrontés dans les donjons, ce qui n’est pas très passionnant, surtout que l’apport narratif n’est pas énorme pour une histoire qui peine déjà à passionner sur l’ensemble de l’aventure. Et ce n’est pas la faute de la traduction anglaise, qui est de bonne facture, et qui s’autorise même quelques jeux de mots plutôt rigolos.
J’avais envie de l’aimer, car la promesse de retrouver un. J-RPG « à la Mana » titillait forcément mon cœur de fan. Mais Trinity Trigger manque de beaucoup trop de choses pour être à la hauteur d’un ancêtre auquel il veut rendre hommage. Son univers, sympathique quoique très attendu, n’arrive pas non plus à se satisfaire d’une direction artistique assez peu mémorable, à cause de personnages à l’identité assez peu marquée et d’une bande originale qui ne parvient pas à trouver de grands moments. Quant à sa narration, elle reste bien en deçà de ce que l’on peut décemment espérer, en cochant toutes les cases des clichés du J-RPG sans chercher à les sublimer, faisant du jeu un hommage assez facile qui n’a pas grand chose à offrir de plus. Et c’est dommage, car il y a un vrai bon filon à exploiter sur la notion de nostalgie et du retour aux sources pour le genre, mais il faut un peu plus que ce que propose Trinity Trigger pour convaincre.
- Trinity Trigger est disponible sur Switch, PlayStation 4, PlayStation 5 et PC (Steam) depuis le 16 mai 2023.