The Cape n’est pas la première nouvelle adaptée en comics de Joe Hill, connu pour Locke & Key et A basketful of heads, entre autres comics et romans. Cette fois, The Cape ne voit cependant pas la participation directe de l’auteur, puisque le scénario revient à Jason Ciaramella. Côté dessin, on trouve Zach Howard, et à la coloration, Nelson Daniel. Le postulat de The Cape tient en quelques lignes : et si un homme ordinaire, mais brisé par la vie, trouvait une cape lui permettant de voler ? Et si, plutôt que de faire le bien, il se servait de cet objet pour sa propre vengeance personnelle ?
Cette critique a été rédigée après l’envoi d’un exemplaire par l’éditeur.
Renverser l’idéal du super-héros
Le comics commence avec l’enfance de Eric, le personnage principal de l’histoire. Lors d’un jeu avec son frère, il grimpe à un arbre, vêtu d’une cape grise « héroïque » cousue par sa mère. Un faux pas, et en tombant, il se retrouve volant dans les airs, grâce à sa cape… jusqu’à ce qu’elle se déchire et le laisse retomber plus bas, l’épaule perforée par une branche morte. Des années et des multiples opérations pas toujours efficaces plus tard, Eric vit une existence de looser, soutenu par une petite amie fidèle, par son frère Nicky, vivotant plus qu’autre chose, obsédé par ce souvenir de cape volante. Le jeune homme est aigri et n’a rien fait de particulier de sa vie, abandonnant tout rêve ou toute ambition à cause de son accident d’enfance.
Mais une rupture plus tard, le voilà de retour dans sa maison familiale, où il retrouve la cape du jour tragique. Une cape qui, malheureusement pour la suite de l’histoire, lui permet toujours de voler, et dont il va se servir pour se venger de tous ceux et celles qu’il juge responsable de son existence pourrie.
The Cape a une intrigue simple, directe et efficace. Le récit ne s’encombre d’aucune longueur et d’aucun temps mort pendant 140 pages, se focalisant sur l’action de l’intrigue. Il nous présente ses quelques personnages centraux : Eric, son frère Nicky, sa petite amie Angie, ainsi que sa mère. Il n’y a pas besoin de davantage de protagonistes dans un récit aussi resserré, chacun étant caractérisé juste assez pour bien rendre compte de leur caractère, et pour développer les motivations du personnage principal.
Comme souvent dans l’univers de Joe Hill, l’histoire est aussi sombre que sanglante. Au vu de l’intrigue, il n’est pas étonnant de trouver quelques cases assez violentes, dans un côté « crasseux » reflété par le style du dessin de Zach Howard. Par les couleurs, par la façon de dessiner son héros (vêtements sales ou usés, cheveux et barbe peu soignés), par les quelques images de beauté entourées de violence et d’objets du quotidien, le dessinateur fait parfaitement ressortir ce côté looser qui imprègne Eric mais aussi toute sa vie, la façon médiocre dont le héros voit son quotidien et son entourage, entre dépression et rancune perfide. Un dessin qui sert incontestablement le propos du comics : montrer ce qui arriverait à un homme doté d’un objet magique, qui l’utiliserait pour être monstrueux et cruel plutôt que super-héros. Et cela fonctionne, dans cette quête de vengeance forcément emplie de sa folie furieuse, nourrie de rancunes envers la compassion de ses proches et d’un rêve d’enfance brisée.
Une noirceur antipathique
L’intrigue du comics fonctionne si bien qu’il est d’ailleurs difficile d’éprouver de l’empathie ou de la sympathie pour le héros de The Cape. Bien sûr, on pourrait éprouver de la compassion pour lui, qui a vu sa vie brisée dès l’enfance ; on pourrait comprendre que l’amertume d’une vie gâchée le rende aussi amer et revanchard. Mais quand Eric bascule dans la vengeance – et on est aidé par l’absence d’humanité ou de conscience sur son visage au fil de l’intrigue – on a bien du mal à éprouver quoique ce soit pour lui. Plutôt qu’un récit de super-héros pris à l’envers, cela devient l’histoire d’un loser, d’un type tellement amer, persuadé que chacun nuit à sa vie (sa petite amie, son frère, etc), et empli d’un égoïsme destructeur, incapable de se regarder en face ou de se remettre en question. Du genre à préférer tout casser chez les autres plutôt que de considérer avoir quelque chose qui ne tourne clairement pas rond, agissant par caprice enfantin et paranoïa sans réfléchir, car ce sont forcément les autres qui sont responsables.
De fait, il a été délicat de savoir exactement ce que voulait faire passer le comics avec ce personnage, car il aurait suffi de quelques pages supplémentaires et d’un peu plus de psychologie ou de scènes intérieures pour Eric (comme celle qui conclut presque le comics) pour rendre son parcours compréhensible. Pour lui donner plus de matière et ainsi amener le lecteur à le considérer différemment que comme un type pathétique déversant sa haine (de lui-même) sur les autres. Il y avait là une nuance qui manque à l’ensemble du récit et qui l’affaiblit, le transformant en histoire de vengeance sans sens et sans réelle conviction. Cela n’empêche pas le comics de se lire facilement et de passer un moment agréable de lecture, mais il manque clairement de matière et de profondeur pour rendre son concept marquant et moins oubliable.
« Ne soyez pas peiné d’apprendre qu’il y a un peu du diable en vous. Il y a un peu du diable en chacun de nous. » Arthur Byron Cover
- The Cape est disponible depuis le 15 juin 2022 en librairie, chez l’éditeur HiComics.
HiComics republie intégralement la série The Cape – composé d’encore deux autres tomes qui n’avaient pas été traduits précédemment.