Cousin du populaire Dynasty Warriors, Samurai Warriors a peut-être plus de mal à faire son trou face à la référence des musou, ce type de jeu très particulier qui nous met aux prises avec des centaines d’ennemis en même temps dans des missions qui mêlent l’action à la tactique. Pourtant, si Dynasty Warriors brille par sa manière de raconter les héros·ïnes des Trois Royaumes en Chine, Samurai Warriors a beaucoup de choses à dire sur l’ère Sengoku au Japon. Et ce cinquième épisode sorti tout récemment s’intéresse tout particulièrement à l’ascension de Nobunaga Oda, figure importante de l’histoire du Japon. Sorti tout récemment, le titre passe entre nos mains pour voir si la saga tente de nouvelles choses après avoir eu tant de mal à se renouveler.
Cette critique a été rédigée suite à l’envoi d’un exemplaire du jeu par l’éditeur. Jeu parcouru en une trentaine d’heures sur PlayStation 5 (en rétro-compatibilité PlayStation 4).
L’histoire romancée de Nobunaga Oda
Les amateur·ice·s d’histoire du Japon ne sont pas sans ignorer l’importance de Nobunaga Oda, personnage central pour son rôle dans l’unification de l’archipel. Une quête racontée dans bon nombre d’œuvres, de la littérature aux jeux vidéo, en passant pour le cinéma, sous des angles tout à fait différents. De la fresque historique au fantastique, l’histoire de Nobunaga Oda a toujours provoqué une imagination débordante auprès des personnes qui ont été tentées d’adapter l’œuvre de sa vie. Dans les jeux vidéo, il est souvent associé à des jeux tactiques (Kessen, Nobunaga’s Ambition, Total War : Shogun 2), mais il est ici question d’un tout autre genre : le musou. C’est la proposition de Samurai Warriors 5, mettre les joueur·euse·s dans la peau de l’éminent personnage au 16ème siècle alors qu’il est encore considéré comme « l’imbécile d’Owari ». Impulsif, méconnu et parfois pris pour un fou, on y découvre l’ascension de Nobunaga Oda alors que les guerres de clans font rage. Unificateur d’une région, il décide peu à peu d’y consacrer sa vie, et c’est ce basculement entre « l’idiot du village » et le seigneur de guerre tel qu’il est décrit dans les livres d’histoire qui est au centre du récit.
Ce n’est toutefois pas un cours d’histoire. Samurai Warriors 5 réimagine l’ascension de Nobunaga Oda en y apposant un côté très fantastique, avec des pouvoirs sortis de nulle part, et une narration très libre pour y caler des rebondissements à ne plus savoir quoi en faire. Les amitiés et trahisons se multiplient, y compris même en pleine mission au travers d’incessants dialogues que l’on a bien du mal à suivre tout en tapant sur tout le monde. Mais si l’histoire est parfois légèrement risible, ou au moins confuse et difficile à suivre, la narration brille par son sens de la dramaturgie : c’est très théâtral, plein de discours grandiloquents qui racontent sacrifices et espoirs. On y voit des allié·e·s de longue date qui passent dans l’autre camp pour un détail, des ennemi·e·s qui nous rejoignent pour une question d’honneur, des personnages qui débarquent de nulle part avec une introduction succincte comme si leur rôle était une évidence. Presque folle, la narration ne baisse jamais de rythme et multiplie les idées (bonnes ou mauvaises) à tel point qu’elle en devient terriblement dense. Une sorte de gigantesque pot-pourri dans lequel il faut trier le bon du moins bon, mais à propos duquel il serait bien injuste de nier la générosité. Samurai Warriors 5 veut raconter plein de choses, parfois maladroitement, mais toujours de manière plaisante à suivre. On peut donc bien lui pardonner son manque de maîtrise qui apparaît parfois comme une évidence, afin de profiter pleinement des deux chemins de l’histoire (du côté de Nobunaga Oda, et du côté de son rival) pour y découvrir un récit assez atypique, et globalement mieux raconté, plus dense, que dans les précédents épisodes de la saga.
Paquets d’ennemis et tactique
Le gameplay des Samurai Warriors (ou des musou en général) est tout à fait particulier. Mélange de beat’em all et de jeu tactique, le titre fait se succéder des missions sur des cartes semi-ouvertes où il faut accomplir plusieurs objectifs pour gagner l’avantage sur le général ennemi. Cet avantage est symbolisé par une simple barre bleue (le camp allié) et rouge (camp ennemi) qui se remplit plus ou moins en faveur d’une des deux couleurs, à mesure que l’on fait le ménage parmi les troupes ennemies ou que l’on subit des pertes. Des objectifs arrivent ici et là au fil de l’exploration de la carte, comme des officiers à éliminer pour baisser le moral adverse, ou encore des espions et escouades de ravitaillement qu’il est de bon ton de mettre hors d’état afin d’éviter que de nouvelles troupes débarquent. Ainsi il y a un vrai sens tactique dans les différentes missions, puisqu’elles peuvent être abordées de plusieurs manières. Il est parfois possible de se frayer le chemin le plus rapide vers l’objectif principal pour éliminer le ou la générale adverse, et ainsi obtenir la victoire, ou parfois il vaut mieux déterminer les zones de la carte à combattre pour faire progresser nos propres troupes et affaiblir les ennemi·e·s avant de s’attaquer à ses leaders. Cela oblige à être très mobile sur le terrain, même si ce n’est pas un très gros problème : les troupes ennemies sont pour la plupart inoffensives, et c’est le cœur des musou.
Les ennemi·e·s ne servent en effet pour la plupart que de punching ball. Pratiquement sans défense, incapables de faire des dégâts, ces soldat·e·s apparaissent par centaines à l’écran et n’attendent que de passer sous notre lame avant d’être remplacé·e·s par d’autres troupes venues en soutien. L’objectif est double : ralentir la progression, mais aussi insister sur le sentiment de puissance ressenti par les joueur·euse·s qui gagnent en confiance avant d’affronter les leaders. Car face aux officier·ère·s et généraux, la question est toute autre : plus résistant·e·s, agiles et capables d’occasionner de gros dégâts, ces antagonistes constituent un challenge assurément plus relevé. Alors il est plutôt malin de défourailler tout ce qui bouge en amont, car notre personnage bénéficie de quelques bonus à mesure qu’on enchaîne les coups. Faire 1000 victimes (oui, ça monte vite) sur un champ de bataille nous octroie en effet un gros bonus de puissance, et cela se renouvelle à chaque millier. De quoi bien préparer les combats contre les leaders, d’autant plus que cela permet aussi de faire le ménage et prendre la main sur la carte en imposant notre camp.
C’est donc une formule classique du musou, que Samurai Warriors 5 ne révolutionne en rien. Mais le titre le fait bien, et en associant ce gameplay à une narration assez forte, comme un certain Hyrule Warriors : L’Ère du fléau récemment, le titre fait partie d’une nouvelle génération de musou qui se reposent sur une formule éculée mais solide du genre, tout en lui apportant une certaine modernité dans ses mécaniques et son emballage afin d’attirer de nouveaux publics. C’est toujours un plaisir de refaire des missions ou de jouer en mode « Citadelle », un mode secondaire comparable à un tower defense où il faut défendre nos bases et avant-postes, pour glaner des ressources tout en améliorant les compétences et niveaux des nombreux personnages jouables. Mais aussi pour obtenir de nouvelles armes, développer forge, écuries, dojo et magasin pour aller un peu plus loin jusqu’à devenir si puissant·e que les ennemi·e·s ne peuvent plus faire grand chose. C’est un titre chronophage, dont l’histoire se termine en une bonne vingtaine d’heures, mais qui peut s’étendre bien au-delà pour peu que l’envie de développer tous les personnages au maximum de leurs capacités se fait ressentir. Notons enfin que le jeu permet de jouer l’ensemble des missions en coopération (en ligne ou en local).
Rébarbatif mais jamais lassant
Simple d’accès, le genre du musou revêt pourtant des subtilités qui se dévoilent petit à petit. Samurai Warriors 5 est assez malin pour offrir un système de progression intelligible, avec une courbe d’apprentissage bien dosée pour éviter de se retrouver paumé·e après les premières missions. En offrant plusieurs niveaux de difficulté, qui influent essentiellement sur la résistance des chef·fe·s adverses, le jeu s’ouvre à un maximum de monde et c’est probablement ce dont a besoin le genre pour attirer un public plus important après s’être longtemps cantonné à une niche de fans. C’est d’ailleurs en ce sens que le titre profite d’un ravalement de façade bienvenu, avec un design qui profite d’un cel-shading de toute beauté qui offre cet aspect plus « dessin » que ses prédécesseurs. Un moyen aussi de se distinguer visuellement des Dynasty Warriors, et de constituer une sorte de nouveau départ pour la série. Certes on est face à un jeu d’ancienne génération, avec toutes les limitations techniques que cela implique, mais il est plutôt joli grâce à une direction artistique souvent maîtrisée.
La principale inquiétude face aux musou reste toutefois celle de la lassitude. Le genre est, par nature, répétitif : il faut affronter des milliers d’ennemi·e·s à chaque mission, souvent les mêmes, avec un nombre de coups limités et avec des objectifs qui se ressemblent un peu tous. Certes, Samurai Warriors 5 est lui aussi rébarbatif, mais il parvient à ne jamais être lassant. Il y a en effet quelque chose d’hypnotisant à taper en boucle sur des milliers d’ennemi·e·s (pardonnez le sadisme !) qui ne représentent jamais vraiment de danger pour la vaste majorité, mais surtout le titre fait un bon boulot en ce qui concerne la diversité des personnages jouables, des armes à disposition et des palettes de coups et compétences de chacun·e.
Surprenant mais sans révolution, Samurai Warriors 5 va là où on ne l’espérait plus. En s’appuyant sur les excellentes bases de la série, le jeu y ajoute quelques nouveautés comme son design en cel-shading et sa mise en scène plus soignée. La qualité de sa direction artistique lui confère d’ailleurs une vraie personnalité, qui lui manquait peut-être dans les derniers épisodes en date, même si la bande originale reste assez faiblarde. On pourrait se contenter de dire qu’il s’agit d’un bon point d’entrée pour les personnes qui souhaitent découvrir les musou, et ce serait vrai, mais il serait bien dommage de le cantonner à cette simple fonction. Samurai Warriors 5 est, avant tout, un super jeu.
- Samurai Warriors 5 est disponible depuis le 27 juillet 2021 sur PC, PlayStation 4, Xbox One et Nintendo Switch.