Au village, sans prétention, Ethan Winters a mauvaise réputation.
Trois ans après les tragiques événements survenus du côté de la Louisiane, le héros bien malchanceux de la nouvelle formule de la saga Resident Evil se retrouve projeté dans une brumeuse bourgade d’Europe de l’Est où Lycans, femme gigantesque et autres poupées de cire (et de sang) sèment la terreur auprès d’habitants tous plus torturés les uns que les autres.
Après une transposition réussie, mais clivante, à la mode du FPS, la saga horrifique phare de Capcom réussit-elle à maintenir sa mutation sur de bons rails à l’occasion de son arrivée sur la nouvelle génération de consoles ? C’est ce que nous allons vérifier ensemble le temps de cette chronique rédigée avec panique.
Ce test a été réalisé sur PlayStation 5 par le biais d’une version acquise par nos soins.
« La Louisiane, ça vous gagne ! » scandait fièrement l’un des tous premiers hauts faits à débloquer dans Resident Evil VII: Biohazard, sorti il y a de cela un peu plus de quatre ans déjà sur PlayStation 4, Xbox One, PC et même sur Nintendo Switch au Japon via une étonnante version basée sur le cloud-gaming.
Pas sûr en revanche que la famille Winters s’accorde pleinement sur la véracité de ce slogan semblant tout droit extrait d’une carte postale de bien mauvais goût. Toujours profondément marqué (et à juste titre) par les événements traumatisants survenus quelques années plus tôt dans le manoir infesté des Bakers, les époux Ethan et Mia tentent de reconstruire leur vie, un pas à la fois, dans une réconfortante habitation située quelque part en Europe.
Entraîné un temps, puis caché en ce lieu, par un certain Chris Redfield, les deux tourtereaux sont depuis devenus parents d’une petite Rosemary, un bébé apparaissant des plus ordinaires, mais qui ne tardera pas à attiser toutes les convoitises.
Dès ses premiers instants, Resident Evil Village surprend. Là où son prédécesseur nous entraînait directement dans une sombre forêt aux abords d’une résidence tout aussi lugubre à l’approche du coucher du soleil, le dernier-né de chez Capcom s’ouvre ici en nous contant la bien étrange légende d’une petite fille égarée en forêt dans une séquence semblant tout droit échapper de l’imaginaire d’un Tim Burton ou du studio d’animation Laika. Un réjouissant (et court) passage pouvant apparaître anodin de prime abord, mais porteur pourtant d’une multitude d’indices pour tous les événements qui suivront. Avec ce Village, la mythique saga horrifique délaisse derrière elle son récent penchant pour les marécages boueux et les villas cradingues en opérant un retour tant espéré à une atmosphère gothique du plus bel effet.
Après cette introduction pour le moins inattendue, retour à cette vue à la première personne qui avait tant bouleversé les habitudes en 2017. Tandis qu’Ethan prend soin d’aller coucher sa jeune enfant dans la grande chambre familiale, Mia, pour le moins froide et distante, se charge quant à elle de préparer le dîner peu de temps avant que notre fameux Chris Redfield ne vienne perturber la quiétude ambiante. Le héros initial de la licence tue alors cette dernière de sang-froid et embarque Ethan et son bébé pour un périple qui ne se déroulera pas comme espéré.
Un écran noir plus tard, Ethan Winters se réveille seul et frigorifié aux côtés d’un fourgon blindé renversé. La nuit est totale. Les chemins escarpés mènent vers l’inconnu et d’inquiétants bruits de pas rôdent tout autour. Soudain, apparaît la silhouette d’un immense château, puis celle d’une petite bourgade délabrée en contrebas. L’aventure peut commencer.
Notre belle famille
S’il espérait y trouver de l’aide ainsi qu’un possible refuge, ce cher Ethan Winters ne sera pas au bout de ses peines en tombant rapidement sur une série d’habitants terrifiés et décimés par une bien étrange menace. De manière inattendue, ce qui s’apparente à de véritables loups-garous écorchés de toute part ont envahi ce village sans nom et pris en otage une population stupéfaite. Jusqu’alors, une certaine Mère Miranda apportait sa protection à l’entièreté des environs avant de disparaître mystérieusement du jour au lendemain livrant à eux-mêmes hommes, femmes et enfants de tous âges.
La raison de ce désistement à son rôle ? Elle demeure tout bonnement inconnue… mais l’aventure ne tardera pas à nous le faire découvrir. Avant cela cependant, c’est un brillant parcours du combattant qui nous attend.
Plus rapide et furieux que jamais, Resident Evil Village scande à tout va que la famille, c’est ce qu’il y a de plus important. Pour reconstruire la sienne, Ethan Winters va toutefois devoir prendre son courage à deux mains pour en affronter une autre. À chaque recoin de ce patelin qui donne son sous-titre à ce 8e épisode, quatre nobles, reliés par un pacte ancestral, règnent en maîtres sur une parcelle de terrain qui leur est propre. La gigantesque (et déjà célèbre) vampire Alcina Dimitrescu, l’adoratrice des poupées Donna Beneviento, le difforme Salvatore Moreau et l’inventeur fou Karl Heisenberg y mènent chacun fièrement leurs petites expériences toutes plus douteuses et malsaines les unes que les autres.
Leurs résidences labyrinthiques aux ambiances marquées constituent le fil rouge de cette épopée démoniaque, ces dernières renfermant toutes un élément nous permettant de nous rapprocher des retrouvailles avec l’enfant disparu. Une douzaine d’heures se révèleront nécessaires pour venir à bout de chaque menace et autres pièges mortels qui viendront parsemer la découverte de ces décors aussi oppressants que profondément soignés et somptueux. Si l’envie vous prend cependant de compléter l’entièreté de la cinquantaine de trophées (ou succès selon votre crèmerie) accolés au titre, cette durée montera rapidement au point de se doubler au minimum très largement.
Surtout, le titre n’hésitera jamais à nous pousser à faire abstraction de nos angoisses les plus enfouies pour nous plonger à maintes reprises et avec habileté dans des séquences d’exploration méticuleuse. Les moindres segments, ruelles et autres petites pièces cachées regorgent en effet de dizaines de détails qu’il faudra observer avec soin pour en apprendre plus sur l’entièreté des légendes et récits qui auront mené notre protagoniste jusqu’ici. Une histoire qui se raconte à grands coups de documents cachés et d’objets clés à trouver, pour le plus grand bonheur des âmes courageuses qui s’oseront à braver la crainte légitime de tomber sur une nouvelle monstruosité à chaque porte poussée.
À noter également l’arrivée d’un nouveau mode « Mercenaires » qu’il sera possible de débloquer instantanément après que l’aventure principale ait été terminée une première fois. Un simple petit digestif toujours appréciable, bien que profondément dispensable, qui se révèle pour autant tout aussi fun que savamment bourrin. Si « Quand reverrais-je ce petit village ? » devient l’une des premières interrogations survenant dans votre esprit lors du défilé des crédits du récit initial, sachez que ce sympathique bonus vous invite à foncer tête baissée dans des arènes reprenant l’architecture des décors emblématiques de l’épopée tout juste achevée, pour aller y affronter avec brutalité l’entièreté du bestiaire incongru entraperçu tout au long du jeu le temps de sessions de scoring extrêmes et délurées. Qui aurait cru que dégommer des morts-vivants, des Lycans et même des hommes-machines sans grande possibilité de manquer de munitions pouvait se révéler aussi jouissif à chaque instant ?
Oui la brocante
Comme dans tout bon Resident Evil qui se respecte, outre l’obtention de moult-artefacts de collection, l’exploration de ce Village permet également toujours de se constituer un petit arsenal d’armes de plus en plus efficaces qui ne seront jamais de trop pour venir à bout de cet immense musée des horreurs. La moindre balle ou munition de tous genres se montre toujours aussi précieuse, tant les différents ennemis qui vous barreront la route feront preuve d’une ténacité à toute épreuve. Heureusement, le Duc sera là pour vous offrir de précieux coups de main. En échange de quelques-uns de vos précieux deniers, bien entendu. Eh oui, dans un monde dominé par une sombre entreprise pharmaceutique, même au plus près de la mort, rien n’est gratuit dans la vie.
Avec son design un brin grotesque, ce gigantesque brocanteur, à l’abri du danger dans son échoppe roulante toujours prête à lever le camp pour se trouver au plus près de vous en cas de besoin, videra votre épargne ou la fera grandir à votre bon vouloir en fonction de vos trouvailles et affrontements dantesques tout fraîchement effectués. Chaque bibelot ou élément délaissé par les ennemis au moment de rendre leur dernier souffle peut être marchandé à bon prix afin d’obtenir toujours plus d’améliorations pour l’intégralité de l’armement du jeu, allant du simple pistolet automatique au foudroyant lance-grenade.
Un arsenal varié qui, sur PlayStation 5 tout du moins, prend un malin plaisir à se servir des différentes fonctionnalités haptiques de la manette DualSense avec pour objectif principal que de renforcer l’immersion à chaque tir effectué plus efficacement que jamais. Si à l’écrit, cet ajout pourrait sembler anecdotique pour nombre d’entre vous, une fois manette en main, les sensations surprennent et font preuve d’une efficacité redoutable, renforçant le caractère résolument unique des différents équipements.
Autre fonctionnalité de nouvelle génération au combien brillamment utilisé par ce Resident Evil Village : la spatialisation audio.
Sur PlayStation 5, le fameux Audio 3D tant vanté dans chacune des publicités fait ici des merveilles. Même dans l’obscurité, impossible de ne pas déceler l’arrivée proche d’ennemis, les râles funestes et différents pas engagés de chacun d’entre eux résonnant avec une intensité bluffante tout autour de nous… à condition d’être assez téméraire pour vivre l’expérience pleinement en y jouant au casque. Ajoutez à cela le fait de parcourir les dédales souterrains du château Dimitrescu ou de l’usine d’Heisenberg au beau milieu de la nuit et les sursauts vous seront alors garantis.
Pour les joueuses et joueurs souhaitant plutôt se mettre au vert en parcourant l’aventure sur Xbox Series X ou S, rassurez-vous. La console de Microsoft contourne l’absence du Tempest 3D AudioTech en s’offrant les services de la technologie Dolby Atmos dont l’efficacité a déjà tant fait ses preuves dans l’industrie cinématographique qu’elle n’est ici même plus à présenter.
Enfin, restons côté technique en abordant la partie graphique. Toujours développé sur le maintes fois éprouvées RE Engine qui fait décidément toujours des merveilles malgré ses (nombreuses) années au compteur, le jeu tourne en 4K avec un framerate stable à 60 FPS sur les dernières consoles et se contente d’un 45 FPS tout aussi précis en cas de Ray-Tracing activé. Une performance plus qu’honorable pour un titre cross-génération.
Eh oui, car ce Resident Evil Village a déboulé le 07 mai dernier sur PlayStation 5, Xbox Series X|S, PC et Stadia, mais également sur PlayStation 4 et Xbox One.
Pas besoin donc de déjà frissonner à la simple idée de ne pouvoir parcourir la dernière aventure éditée par Capcom faute de stock de machines suffisants. La peur, c’est mieux quand ça se partage à plusieurs et ici, il y en aura définitivement pour tout le monde.
EN BREF : Entamée en 1996, la saga Resident Evil célèbre ainsi cette année son 25e anniversaire en affichant fièrement une santé de fer.
Avec Village, sa formule n’est pour autant guère bousculée, cette dernière se contentant bien souvent ici de n’être qu’un grand patchwork d’idées et d’influences semblant tout droit extraites du déjà riche passé de la saga. Quelques gouttes du Resident Evil originel, une généreuse louche du 4e épisode, une grosse pincée des deux récents remakes des épisodes 2 et 3 et enfin une bien belle tranche du fameux 7e chapitre précédent comme ingrédient principal viennent parfaire une recette qui, tel un plat de chef révisant ses classiques, ne sent néanmoins jamais le réchauffé, ce savant cocktail coupé à l’hémoglobine réussissant même pleinement à nous surprendre aisément là où l’on ne l’attendait pas initialement.
Il est toutefois possible d’éprouver un léger soupçon d’amertume face à un final qui fait perdre un tant soit peu de sa superbe à une recette jusqu’alors maîtrisée si efficacement. Ce dernier ne peut en effet s’empêcher de plonger tête baissée dans une surenchère de twist ayant pour mission de raccorder chaque instant de l’aventure avec l’univers initié par les précédents opus de la série dans un déluge d’action désinvolte et maladroite qui dénote face à tout ce qui faisait le sel de cette épopée complètement à l’Est.
Malgré cela, Resident Evil Village ne déçoit pour autant jamais vraiment, tant la générosité de son aventure, l’intelligence de son gameplay et la folie de ses antagonistes et lieux instantanément cultes suffisent à en faire l’une des expériences incontournables du genre vidéoludique horrifique. Âmes sensibles s’abstenir cependant… vous ne voudriez assurément pas faire une rencontre fortuite avec un foetus géant vous coursant dans les couloirs sombres d’une demeure nichée dans les sommets d’un village dont vous ne ressortirez définitivement pas indemne.