Mashle – Tomes 3, 4 et 5 | Menaces absurdes

by Anthony F.

La principale interrogation après la découverte des deux premiers tomes de Mashle, c’était sa capacité à tenir sur la durée. aussi sympathique puisse être ce pastiche de Harry Potter, le manga de Hajime Komoto a la lourde tâche de maintenir dans la longueur un humour aux frontières de l’absurde, où toute situation est la source d’une auto-dérision parfois franchement tordante. Alors maintenant que nous avons pu lire les tomes 3, 4 et 5, Mashle est-il toujours au sommet de son art ?

Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’exemplaires par son éditeur.

Finesse d’écriture

MASHLE © 2020 by Hajime Komoto/SHUEISHA Inc.

Inutile de faire durer le suspense : oui, la suite de Mashle est à la hauteur, et non, l’intrigue ne se dévoile pas tant que ça. Pour dire les choses de manière plus complète, Hajime Komoto a fait le choix pour quelques tomes encore de laisser son intrigue se dévoiler en second plan, s’intéressant plutôt au quotidien et à des micro séquences où le monde se dévoile par à-coups. Cela donne l’occasion d’observer le quotidien de l’école de magie, décidément très inspirée par Poudlard, où la simplicité du héros et son humour absurde tournent en dérision un monde qui, de manière très rationnelle, ne tient pas debout. Toutefois le manga parvient à diversifier son humour grâce à l’omniprésence de personnages secondaires, qui savent s’affirmer et qui se dévoilent plus que jamais. Accroître le nombre de protagonistes permet à l’auteur de Mashle d’offrir des points de vue très différents sur son univers, avec toujours cette finesse d’écriture des situations comiques qui font désormais la marque de fabrique du manga. Les personnages se dévoilent aussi de manière plus émotive, avec des destins et des passés qui s’entrecroisent et qui s’opposent, tous et toutes ayant comme point commun d’être des sortes de « rebuts », des personnes en marge de la perfection recherchée par l’école de magie.

L’auteur est toutefois bien obligé de retrouver les habitudes des shonen, avec une orientation plus classique, notamment dans les tomes 3 et 4 qui racontent une série d’oppositions qui placent le manga sur un arc de combats. Toutefois il parvient à y imprimer un ton plus proche de ce que faisait le manga dans ses deux premiers tomes, en se servant de ces combats résolument classiques pour en montrer toute l’absurdité. Le manga n’hésite par exemple par à blaguer sur le danger de mort qu’encourent tous les pensionnaires d’une école de magie qui ne s’intéresse pas beaucoup à la santé de ses étudiant·e·s, ainsi que sur les différentes classes qui s’opposent, avec un dortoir fait de bourgeois·es qui sont bien content·e·s de pouvoir se défouler sur les pauvres de l’école. Un moment sympathique qui fait de ces deux tomes de bons moments de lecture, sans faire avancer le schmilblick certes, mais en montrant une autre facette d’un manga qui est capable de se renouveler narrativement sans pour autant renier l’humour que l’on vient chercher à chaque tome.

Enjeux réinventés

C’est toutefois avec l’excellent tome 5 que Mashle se relance dans quelque chose de nouveau, en apportant une nouvelle menace qui lance l’intrigue sur une nouvelle voie tout en solidifiant un fil conducteur désormais bien mis en évidence. Il aborde par ce biais la question des privilèges, notamment au travers d’un personnage dont la vie très privilégiée est remise en cause par la force des choses, le poussant à s’interroger sur son véritable mérite à être là, mais aussi sur le mal que ce type de privilèges peut faire sur ses camarades. Un élément narratif surprenant dans un manga qui est finalement assez peu politisé, néanmoins cela lui permet d’approfondir les inégalités déjà abordées dans les précédents tomes au sein d’une école qui recherche avant tout l’image et les soutiens parmi l’aristocratie, plutôt que la volonté de dispenser un enseignement de qualité à des étudiant·e·s. Des élèves qui, le plus souvent, sont considéré·e·s comme interchangeables, à l’exception des enfants de bonne famille qui pourraient apporter à l’école une forme de légitimité et permettre aux dirigeants de l’école de se faire une place parmi l’élite.

On salue aussi et toujours le travail sur les expressions des personnages, dont l’efficacité est redoutable, à tel point que la dérision passe maintenant souvent via leurs réactions. Il y a le héros, toujours assez neutre et dépassé par la situation, mais aussi d’autres personnages plus agités et plus vifs que Mash qui apportent une dynamique intéressante. Le manga joue finalement beaucoup sur les contrastes entre ses personnages, de la même manière qu’il s’amuse des incohérences de l’école ou le caractère improbable de son existence. Il y a quelque chose de vraiment fin dans ce manga, qui dépasse largement le premier contact et son humour absurde, et qui montre que Mashle est une des plus belles réussites de ces dernières années.

Comme lorsque j’ai découvert Mashle, je reste charmé par son univers. C’est un manga parfaitement maîtrisé, c’est l’œuvre d’un auteur capable de se réinventer et de pousser la narration toujours plus loin, utilisant l’humour absurde pour raconter des personnages touchants et un pastiche d’Harry Potter qui en montre toutes les contradictions. Mashle est un manga touchant, qui attise une sympathie sans limite et que je vous recommande chaudement si vous souhaitez découvrir quelque chose de léger et de malin pour conclure cette drôle d’année.

  • Les tomes de Mashle sont disponibles en librairie.

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