Mashle – Tome 1 et 2 | Un musclé à l’école des sorciers

par Anthony F.

Qu’il fait bon vivre cette décennie du manga : on ne compte plus les auteur·ice·s qui se distinguent avec de bonnes idées, proposant de nouvelles séries qui révolutionnent à leur manière une industrie qui a pourtant, parfois, tendance à se répéter. Et parmi ces nouveaux talents, il faut compter sur Hajime Komoto, esprit fou qui parle de lui-même comme d’un loser trop persévérant. C’est avec son imagination foisonnante qu’il a surpris son monde l’année dernière au Japon avec Mashle, une comédie aux accents de Fantasy dont la publication française a débuté en avril 2021 chez Kazé. 

Critique écrite suite à l’envoi d’exemplaires du manga par l’éditeur.

L’absurdité comme mot d’ordre

MASHLE © 2020 by Hajime Komoto/SHUEISHA Inc.

Mashle part d’une idée saugrenue, le manga imagine en effet un monde bercé par la magie où les personnes qui sont incapables de la maîtriser sont mises à la marge de la société. Dans ce monde existe une école de magie très prestigieuse que tous les jeunes rêvent de rejoindre, et c’est ainsi que notre héros, Mash, finira par y aller. Mais contrairement aux autres, il ne voit pas trop l’intérêt de cette école, et pour cause : il n’a jamais été capable d’utiliser la magie, comme en atteste l’absence de « marque » sur son visage qui désigne les personnes capables d’en user. Pastiche de Harry Potter (sans la transphobie de son autrice, espérons le), ce monde est un immense terrain de jeu pour Mash, lui qui a été collé à la musculation par son père qui espérait qu’au moins, avec cela, il pourrait survivre dans tout ce bordel. Et ça marche, ses gros muscles lui ont donné une force surhumaine, à tel point qu’il parvient à intégrer la fameuse école de magie, sur un malentendu, et sous la pression d’un représentant de la loi qui tente de se servir de lui pour son propre intérêt. C’est ainsi une situation cocasse qui lance le manga, où l’on découvre rapidement un humour absurde et presque régressif particulièrement réussi. L’école de magie ressemble en tous points à Poudlard, tant dans sa représentation que ses idées : à leur arrivée, les sorcier·e·s en herbe sont divisé·e·s en plusieurs dortoirs selon leur personnalité après une inspection par une licorne squelettique (remplaçant le fameux choixpeau), l’école est dirigée par un vieux sorcier qui ressemble terriblement à Albus Dumbledore et enfin, l’école n’a pas trop l’air scandalisée à l’idée que les élèves puissent risquer leur vie tous les deux jours.

Mash est un héros désabusé, désintéressé, très bête et impulsif, un immense « loser » auquel l’auteur cale sa propre personnalité de gars qui s’est longtemps cru être un raté. Sorte de caricature du sportif qui s’alimente en shakers douteux, il est d’une idiotie attachante. Mais c’est cette forme d’innocence qui en fait une vraie curiosité dans un monde où les gens se prennent trop au sérieux, alors que leurs performances au sein de cette école déterminera leur futur. Au-delà de la fantasy, cette école incarne aussi celle du monde réel, avec ses privilégiés et ses bourgeois qui partent avec une sacré longueur d’avance. Mash, toutefois, compense vite son retard grâce à ses muscles, dans une histoire d’une bêtise tordante, grâce à quelques scènes où règne un humour absurde qui fait un bien fou. Par exemple lors d’une partie d’un sport qui ressemble à s’y méprendre au quidditch, notre héros, faute de pouvoir voler avec son balai, se met à… battre des pieds, pour flotter dans les airs. Absurde, cette scène résume plutôt bien l’humour que met Hajime Komoto dans son manga, s’affranchissant parfois de toute logique comme un enfant qui tente de raconter une histoire drôle et qui invente les choses les plus improbables. Et curieusement, ça marche, et même très bien.

De gros muscles impliquent de grandes responsabilité

MASHLE © 2020 by Hajime Komoto/SHUEISHA Inc.

C’est aussi et surtout visuellement que l’auteur parvient à faire rire, avec un trait simple mais parfaitement approprié à l’absurde. Le héros avec sa tête de champignon est déjà rigolo par nature, mais sa mono-expression le rend encore plus drôle, avec son air dépassé, alors que les personnages qui l’entourent fourmillent d’expressions comme pour compenser l’absence de réactions du héros. Très premier degré, le personnage ne fait preuve ni d’ironie ni de sarcasme, mais il incarne une certaine bienveillance qui bouleverse l’univers d’une école où chaque élève ne pense qu’à son intérêt. Alors certes, il faudra voir si le concept tient sur la durée, puisque cinq tomes sont déjà sortis dans nos contrées (et nous ne manquerons pas de parler de la suite sur Pod’Culture), toutefois le manga place plein de bonnes choses et constitue une vraie bonne surprise. D’autant plus qu’à la fin du deuxième tome, les enjeux s’emballent et de nouveaux antagonistes font leur apparition pour rendre la vie de Mash, peut-être, un peu plus compliquée.

Curiosité qui mérite qu’on lui laisse sa chance, Mashle se saisit d’un humour bien senti pour faire un pastiche du populaire Harry Potter très drôle. L’absurde de situation est particulièrement efficace grâce à son héros, mais aussi avec l’invraisemblable qui entoure un monde fait de magie où rien ne tient vraiment debout, et où l’on perpétue des traditions arbitraires parce que c’est ainsi et pas autrement. Plus malin et profond qu’il n’en a l’air, le manga sait utiliser sa dérision pour raconter une histoire intéressante, d’autant plus que les personnages secondaires qui se dévoilent tout doucement apportent une belle diversité dans le traitement des situations. Côté dessins, c’est une vraie réussite, avec un héros aux traits simples qui se confronte à des décors et personnages plus précis et généreux, le mangaka utilisant habilement les dessins pour définir ses protagonistes, de la simplicité d’âme et visuelle de son héros à ses ami·e·s aux idées et visuels plus complexes.

  • Mashle T.1 et T.2 sont disponibles en librairie.

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