Mashle – Tomes 7 et 8 | Celui dont on ne dit pas le nom

par Anthony F.

On a déjà beaucoup parlé de Mashle sur Pod’Culture depuis l’année dernière tant le manga de Hajime Komoto a su se forger une place importante dans le cœur des personnes qui aiment l’humour absurde. Mais si nous doutions initialement de la capacité de l’auteur à tenir sa proposition au-delà de quelques tomes, on doit bien avouer qu’après huit tomes, le plaisir reste intact. Mieux encore : je peux dire que le manga a enfin atteint ce statut d’œuvre « doudou », à laquelle on revient tous les deux ou trois mois, à chaque nouvelle sortie, pour reprendre sa dose de situations crétines mais tordantes.

Le grand bouleversement

MASHLE © 2020 by Hajime Komoto/SHUEISHA Inc.

Suite et fin du grand tournoi entamé dans le tome 6, Mash Burnedead va enfin affronter Macaron, le grand favori au titre d’élu divin. Voilà les débuts du tome 7, une situation prolongée jusqu’au 8, pour deux tomes dont on conseille chaudement la lecture l’un après l’autre sans interruption. D’abord parce qu’ils sont intimement liés par la situation, mais aussi parce qu’ils viennent refermer un arc tout en distillant les indices du prochain. On y découvre un combat surprenant, plutôt bien mis en scène malgré les faiblesses de Hajime Komoto sur ce point, avec de belles idées et toujours avec une pointe d’un humour grinçant du plus bel effet. Pas qu’absurde, capable de se renouveler et de manier l’ironie des situations avec un talent qui ne cesse d’étonner. D’autant plus que cet humour sert aussi à amorcer l’arrivée de celui que l’on attend depuis longtemps : l’apparition enfin de Innocent Zero, sorte de Voldemort de l’univers de Mashle. Longtemps annoncé dans les précédents tomes, son apparition quasi-horrifique est racontée avec un sarcasme franchement malin pour mieux rappeler l’auto-dérision dont sait faire preuve le manga, jouant avec les codes de l’œuvre dont il s’inspire (Harry Potter, si la référence à Voldemort avait échappé à quiconque). Ce qui aurait pu être une apparition épique se transforme en absurdité, où le grand méchant apparaît dans une scène qui en fait des caisses tandis que le héros reste très terre à terre, atterré par le spectacle qui se déroule sous ses yeux.

Et c’est bien là toute la force de Mashle, que je m’efforce de mettre en avant mois après mois. Formidable œuvre absurde qui dépasse très largement le simple cadre du shonen manga, le récit imaginé par Hajime Komoto se renouvelle sans cesse sur sa manière d’aborder l’absurdité d’un monde magique où rien ne tient debout. Un monde où l’on promeut la violence sous couvert d’éducation, où les grands méchants le sont sans véritable raison, et où le héros n’est finalement qu’un gamin qui tente de faire sa vie. Plus encore, l’œuvre atteint enfin ce moment où elle devient familière, parfaitement inscrite dans le paysage de son industrie, et où l’on y revient comme on va faire un câlin à un doudou qui nous rassure et qui nous réconforte après avoir subi plein d’autres lectures moins inspirées. Une œuvre qui nous redonne notre dose d’idioties et d’humour un peu potache capable de renouveler ses situations pour ne jamais décevoir. Pourtant, la comédie tourne souvent autour de running gag, mais la répétition ne se heurte jamais à la lassitude car les situations où se déclament les mêmes vannes sont constamment renouvelées.

Une créativité fascinante

On se demande jusqu’où Hajime Komoto va réussir à renouveler ses vannes et ses situations. Si l’essentiel tourne autour des gros muscles de Mash Burnedead, on observe que l’auteur multiplie les situations et parvient à se renouveler constamment sur son humour. Notamment dans le tome 7 où de manière absolument fabuleuse, Mash créé lui-même une raquette de tennis et s’amuse à renvoyer les sorts de son adversaire : c’est complètement con, mais moi, ça me fait écrouler de rire de voir les codes de la magie être déconstruits et ridiculisés de la sorte. Malheureusement le tome 8, moins intéressant, se focalise essentiellement ce qui fonctionne le moins bien dans le manga, c’est-à-dire les combats. Moins réussi mais sûrement indispensable pour mettre un terme à l’arc en cours, ce tome se perd un peu dans un sérieux qui sied moins bien à l’univers de Mashle.

Fort d’une créativité sans limite, Mashle assume pleinement son ambiance atypique et sa manière de tourner en dérision son univers, capable de construire puis déconstruire des concepts en deux ou trois pages pour mieux servir ses intentions humoristiques. Malgré des vannes omniprésentes et alors que le manga pourrait s’en tenir à ça, l’auteur parvient à développer son histoire en toile de fond en montrant déjà ce sur quoi il espère un jour conclure. Alors qu’on vient d’apprendre que le tome 12 (qui paraîtra bientôt au Japon) lancera l’arc final du manga, il serait dommage de ne pas profiter de ces huit tomes déjà sortis pour apprécier tout le génie de l’œuvre : c’est drôle, intense et parfois même attendrissant, grâce à des personnages auxquels on s’accroche sans mal, et ça ne perd décidément jamais en qualité.

  • Le tome 7 de Mashle est sorti le 16 février 2022 et le tome 8 le 20 avril. Les deux sont disponibles en librairie aux éditions Kaze Manga. 

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