Les Enfants d’Hippocrate – Tome 4 | Solitudes Croisées

par Reblys

Rythmées comme une horloge suisse, les éditions Mangetsu nous gratifient tous les deux mois d’un nouveau tome des Enfants d’Hippocrate. Lors de ma lecture du tome 3, je pressentais que la longue phase d’exposition des personnages et des enjeux s’achevait, et que cette phase de transition pouvait donner naissance à un nouvel arc narratif, dans lequel Toshiya Higashimoto allait pouvoir jouer pleinement avec ses personnages et leur développement. Il n’a pas fallu longtemps pour que ce quatrième tome réponde favorablement à mes attentes, en proposant les pages les plus intenses que le manga a eu à offrir depuis ses débuts.

Cette critique a été écrite à partir d’un exemplaire envoyé par l’éditeur

Dur dur d’être Médecin

Comme on pouvait s’y attendre avec l’arrivée d’Hideki Suzukake (grand frère de Maco, notre protagoniste), l’une des thématiques principales du manga sera celle de l’exercice de la médecine, tant sur le plan technique que sur le plan éthique. Maco en parlait dès le premier tome : Lorsqu’il ne sait pas encore communiquer, impossible de savoir ce qui ne va pas chez un enfant qui ne s’arrête pas de pleurer. Le talent d’enquêteur du médecin pédiatre est ainsi l’une de ses principales qualités. Mais même une fois que le diagnostic est posé, la marche à suivre n’est pas pour autant décidée. Une grande partie de ce quatrième tome nous emmène au cœur des échanges houleux qui entourent la jeune Tomorin, patiente connue également depuis le premier volume, atteinte d’une leucémie. Celle-ci a commencé son traitement, mais les effets secondaires de celui-ci ne tardent pas à se montrer. Effets secondaires qui mettent Tomorin en danger, alors qu’elle brave les indications médicales, s’échappant de l’hôpital avec un système immunitaire gravement déficient du fait de la chimiothérapie. Celle-ci contracte une inflammation abdominale qui menace directement son pronostic vital. Traitement antibiotique ou intervention chirurgicale ? Saisir le bon timing pour ne pas risquer de commettre l’irréparable en essayant de sauver une patiente, voilà bien le dilemme auquel sont confrontés les professionnels de la clinique pédiatrique de Kitahiroshima. A travers les observations croisées de tous les praticiens en exercice concernant le cas de Tomorin, le manga nous rappelle que la médecine n’est pas forcément une science exacte, qui plus est exercée par des êtres humains, avec leurs doutes, leurs craintes et leurs espoirs.

La famille jusqu’au bout

PLATANUS NO MI © 2020 Toshiya HIGASHIMOTO/SHOGAKUKAN / ©2022 Mangetsu

Bien entendu cette situation critique est une occasion en or d’opposer les deux frères Suzukake. Maco craint que l’intervention chirurgicale soit trop invasive pour Tomorin, et préconise de s’en tenir au traitement antibiotique. Hideki au contraire, appuie le passage au bloc opératoire dès que possible. L’on pense au départ qu’il s’agit d’une nouvelle opposition entre le caractère altruiste de Maco qui veut avant tout préserver sa patiente, et le tempérament plus calculateur d’Hideki qui soupèse le pour et le contre dans une froide logique. Mais c’est alors que celui-ci commence à dévoiler une part de son passé, en exposant un cas similaire qu’il a eu a traiter. Une prise en charge qui s’est terminée sur le décès du jeune patient, faute d’être intervenu à temps. Plus que jamais les personnages se parlent à cœur ouvert, et Hideki commence déjà à dévoiler un peu de sa complexité. D’autant qu’on assiste dans ce quatrième tome à une scène poignante, durant laquelle Hideki dialogue avec lui-même devant la tombe de sa mère. Une séquence qui laisse la part belle à des considérations éthiques et philosophiques profondes : « Quel genre de médecin suis-je ? Quel genre de médecin je veux être ? ». Dans ce métier où le doute pèse de plus en plus lourd sur les épaules de celles et ceux qui le pratiquent, le droit à l’erreur est de moins en moins accordé. On le voit une nouvelle fois à travers la réaction du père de Tomorin lors qu’il est mis au courant de la courte fugue de sa fille.

A l’aise dans tous les registres

Plus que jamais Les Enfants d’Hippocrate démontre sa brillante maîtrise narrative. Prenant de bout en bout, ce tome atteint des sommets de tension avec ce nouveau cas très complexe à gérer. Il n’y a pas de solution toute faite face à la maladie, seulement des histoires d’intuition, et surtout de confiance. Cette poursuite de l’arc Tomorin montre que plus que jamais, les frères Suzukake doivent travailler ensemble, et se reposer l’un sur l’autre malgré leurs dissensions. La hype générée par le fait de faire se compléter des personnages a priori antagonistes joue à plein, alors que le volume se termine un puissant cliffhanger qui fait qu’on attend d’autant plus fort la suite ! Plus technique également, mais toujours humaine, l’histoire se focalise cette fois sur la pratique médicale, qui constitue l’une des trames principales du manga, avec l’histoire de la famille Suzukake, dont on apprendra certainement plus dans les futurs tomes.

Fidèle au poste, Les Enfants d’Hippocrate régale, impressionne, et accroche. Jusqu’à lors très chouette manga, l’œuvre est en train de franchir doucement le cap du petit chef d’œuvre. C’est en tout cas d’ores et déjà une formidable réussite.

  • Le tome 4 des Enfants d’Hippocrate est disponible depuis le 5 octobre 2022 en librairie.

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