Les Enfants d’Hippocrate – Tome 3 | On ne choisit pas sa famille

par Reblys

Il y a deux mois, nous faisions la connaissance de Maco Suzukake, jeune pédiatre excentrique, mais terriblement attachant. Le début de la nouvelle série de Toshiya Higashimoto (déjà auteur du Bateau de Thésée, publié chez Vega-Dupuis) dévoilait un récit entre douceur et amertume, qui prend place dans le monde médical, et plus particulièrement dans l’univers de la pédiatrie. On y repérait déjà des thématiques centrales, comme celle de la famille, ou de la parentalité. Quelques semaines après avoir digéré les deux premiers volumes, voici que le troisième tome des aventures de Maco arrive déjà en librairie. L’occasion de découvrir, avec plaisir, que les promesses initiales de la série ne manquent pas de se réaliser.

Cette critique a été écrite à partir d’un exemplaire envoyé par l’éditeur, Mangetsu

Retrouver le père

Les premiers chapitres de ce troisième volume sont avant tout placés sous le signe de l’acceptation et du pardon. Tant Maco que sa patiente (celle chez laquelle une grave maladie a été diagnostiquée), vont devoir s’engager sur le chemin du pardon. La rancœur de Maco est tenace, alors qu’il tient toujours son père pour responsable de la descente aux enfers, puis du décès de sa mère. De son côté Tomorin (ladite patiente), doit retisser un lien avec son propre père, qui n’a pas accepté qu’elle fasse carrière dans le show-business. Ce bout d’histoire se révèle particulièrement touchant, en ce qu’il met face à face deux personnages qui voudraient pardonner, mais n’y parviennent pas encore, tant le poids du passé est encore lourd à porter. Maco y joue à nouveau un rôle d’intermédiaire, de médiateur, mais peine dans le même temps à appliquer à lui-même ses propres conseils. Ce qui ajoute une part d’imperfection, et donc d’humanité, à un personnage déjà si attachant.

Accepter le frère

PLATANUS NO MI © 2020 Toshiya HIGASHIMOTO/SHOGAKUKAN / ©2022 Mangetsu

Mais alors que Maco peine déjà à renouer avec son passé vis-à-vis de son père, un autre évènement va venir à nouveau perturber son quotidien : Le retour de son frère, Hideki. Chirurgien pédiatrique exerçant jusqu’à lors à l’étranger, il a répondu sans hésiter à la demande de son père de venir travailler avec lui dans la clinique qu’il a ouverte à Hokkaido. Ses motivations restent pour l’heure inconnues, mais on remarque immédiatement sa personnalité, diamétralement opposée à celle de Maco. Factuel à l’extrême et d’une autorité froide avec ses collègues comme ses patients, Hideki s’inscrit en miroir inversé de Maco, qui s’efforce à chaque instant de rester le plus chaleureux et compréhensif possible. La relation entre les deux frères est complexe et mâtinée d’une grande maturité de chaque côté. Maco est en profond désaccord avec son frère sur sa manière d’envisager la médecine et de traiter ses patients. Il le lui signifie clairement et sans détour, mais assortit ses critiques d’un autre constat : Tous deux vont travailler ensemble dans la même clinique, et de ce fait ils doivent s’entendre, pour les enfants qu’ils prendront en charge. Hideki, de son côté, semble toujours considérer Maco comme un enfant, quand bien même tous deux sont désormais professionnels à diplôme égal. Ainsi, il paraît ne pas prendre au sérieux l’opposition exprimée par son frère, se contentant de le renvoyer à son adolescence. Cela change des dynamiques plus caractérielles (et un peu caricaturales) que l’on aurait l’habitude de voir dans les mangas destinés à un public plus jeune, mettant en scène des adolescents ou adolescentes. Ici la psychologie est subtile et les relations entre les personnages emplies de nuances. Le fait que le manga s’inscrive dans un genre beaucoup plus « tranche de vie » que la précédente œuvre de l’auteur (qui était plus axée thriller/enquête) permet à Toshiya Higashimoto de traiter avec plus d’attention toute la complexité de ces affaires familiales. Par exemple à travers la gestion des silences qui transparaît dans la mise en scène des Enfants d’Hippocrate. Il n’est pas rare de rencontrer des pages entières dénuées de dialogues, se concentrant uniquement sur les regards des personnages, qu’ils se rencontrent ou qu’ils se détournent, laissant s’installer des silences lourds de sens. Le genre de planche qui suspend le temps, et qui, à titre personnel, m’impressionne de maîtrise.

Assainir le passé pour préparer l’avenir

Au-delà des histoires de familles, les notions de passé et d’avenir sont également très présentes dans le récit, et en particulier dans ce troisième tome. Tomorin va entamer son traitement, et ressent déjà un certain nombre d’angoisses. Maco termine son contrat de médecin junior avant d’emménager durablement à Hokkaido pour prendre son poste de titulaire. On ressent comme une transition, une sensation de basculement vers un nouvel arc du manga. En trois tomes, la plupart des éléments clé ont été disposés, le tout avec la maîtrise narrative à laquelle Toshiya Higashimoto nous a habitué.es. Par ailleurs le tome nous gratifie également d’un nouveau cas médical complexe, qui nous replonge dans une ambiance de série médicale, où la recherche de la pathologie crée un enjeu toujours très prenant et agréable à suivre.

En somme ce troisième tome confirme les prémisses engagées dans les deux premiers et continue d’en dévoiler un peu plus sur le noyau de l’histoire de Maco Suzukake. C’est toujours d’une grande pureté et d’une grande qualité. C’est toujours un grand coup de cœur. C’est toujours une grande recommandation de ma part !

  • Le tome 3 des Enfants d’Hippocrate est disponible depuis le 17 août 2022 en librairie.

 

Ces articles peuvent vous intéresser