Le jardin, Paris | Danser, aimer, grandir

par Hauntya

Deuxième BD de Gaëlle Geniller après Les fleurs de grand frère, publiée chez Delcourt, Le jardin : Paris nous emmène à la Belle Époque, à Paris, au cœur d’un cabaret nommé Le Jardin. Un lieu où dansent chaque soir plusieurs femmes aux noms de fleurs, et dont la plus jeune danseuse se trouve être Rose, un jeune garçon tout juste adulte, élevé là depuis son enfance par sa mère, la gérante du cabaret.

Une poésie de couleurs et de formes

©Le Jardin : Paris, Gaëlle Geniller, éditions Delcourt, 2021

Le Jardin : Paris nous plonge dans un univers empli de multiples couleurs, proposant des pages aux nuances douces et feutrées, illuminant l’album à chaque page. Les traits de dessin ne sont jamais agressifs, mais plutôt satinés, ronds et pleins de vie, reflétant l’inspiration de la mode et de l’atmosphère des années 20 choisis par Gaëlle Geniller. Ce qui charme avec Le jardin, ce sont ses couleurs, ses lumières avant tout. La bande dessinée est empreinte de vie, pétille d’une page à l’autre avec sa palette de teintes chaudes, resplendit avec l’Art nouveau présent à chaque case. Le Jardin se distingue, dès la couverture, par son jeu d’ombres et de lumières, d’alternance entre la vie quotidienne douce, intimiste, et les moments sur scène du cabaret, emplis de beauté et de sensualité.

Rarement une bande dessinée aura ainsi autant donné l’impression, en quelques pages, d’une atmosphère confortable et sereine. On sent vite que malgré les sujets délicats abordés – la réflexion sur le genre, les conditions de vie de danseuses de cabaret, la tolérance plus ou moins ouverte de la société – Le Jardin n’est pas là pour emprunter des rouages dramatiques prévisibles, mais bien plus pour proposer une histoire bienveillante, emplie de bons sentiments, sans que cela ne soit niais, au contraire ! L’autrice nous offre une intrigue où les personnages et leurs parcours sont au cœur du récit, avec une simplicité et un naturel remarquables, ainsi qu’avec  des messages justes, réfléchis, mais jamais appuyés lourdement, sur le choix de mener sa propre vie en outrepassant le regard des autres.

Un conte sur la différence, l’acceptation de soi et le fait de grandir

Rose est un jeune homme élevé au milieu des danseuses depuis sa tendre enfance : par conséquent, la danse lui paraît parfaitement naturelle, au point que lui aussi se mette à danser sur scène, quand l’histoire commence. On suit alors son évolution, ses premières danses forcément marquées par le stress, puis l’épanouissement que lui procure cet art, la danse qui est pour lui un moyen de communication, de transmettre son énergie et sa joie de vivre aux autres.

©Le Jardin : Paris, Gaëlle Geniller, éditions Delcourt, 2021

Il se fait alors remarquer, au cours du récit, par Aimé, un homme avec qui va naître une belle relation platonique, d’abord amicale puis amoureuse. Et si Le Jardin propose quelques scènes où le travestissement de Rose se confronte au regard d’une société pas toujours très ouverte, il s’en tire toujours avec une simplicité faussement candide, se confrontant aux conséquences d’un succès et d’une exposition publique grandissants. Il grandit, se montre vulnérable, s’expose aux autres, montrant l’acceptation de soi et le bonheur qu’il peut y avoir à être différent, à proposer une vision singulière du genre au monde, à offrir simplement par la danse des moments de beauté, qu’on soit homme ou femme.

Au-delà de l’histoire centrale de Rose et Aimé, ce sont aussi les vies des autres danseuses du Jardin qui nous sont racontées par fragments, offrant à la fois un regard sur la société des années 20, mais aussi sur les choix de vie et les parcours pour s’émanciper et devenir libre. Des histoires de femmes, qui vivent entre elles dans ce petit cabaret parisien, formant une famille, des destinées et des caractères différents, qui doutent, qui se cherchent, avec toujours cette bienveillance et cette ouverture d’esprit qui fait du bien durant la lecture de ces deux cents pages. L’atmosphère si feutrée et agréable de la BD tient ainsi non seulement de son parti pris esthétique, mais aussi de la douceur et de l’émotion de son histoire, sans jamais sombrer dans la naïveté ou le mélodramatique.

Chaleureux, empreint de poésie, d’une lumière bienveillante et d’une patte graphique aux couleurs chatoyantes, Le Jardin : Paris est une merveilleuse bande dessinée qui se démarque par son histoire et ses réflexions, créant un lieu-refuge, une maison où l’on peut grandir et faire ses propres choix. Avec l’émancipation de Rose, un héros qui casse la rigidité des codes attribués au genre, Aimé dépeint comme un homme à la vie très mécanique avant de trouver un amour platonique, et les histoires secondaires des danseuses autour d’eux, Gaëlle Geniller propose un récit aussi sensible qu’enchanteur, dont la lumière et le positif font assurément du bien !

  • Le Jardin : Paris est disponible depuis le 6 janvier 2021 aux éditions Delcourt.
  • Vous pouvez découvrir le début de la BD sur le site de l’éditeur à cette adresse.

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