Kaiju n°8 était l’immense attente de la fin d’année dernière, lancé par Kazé en grande pompe en espérant en faire le nouveau phénomène du monde du manga. Trois tomes plus tard, on constatait déjà un manque d’inspiration et les limites d’une œuvre qui avait du mal à retrouver la fraîcheur de son premier tome. Début avril sortait le quatrième tome, est-ce que le manga de Naoya Matsumoto peut retrouver ce qui a fait tout son intérêt à ses débuts ?
Cette critique a été écrite suite à l’envoi d’un exemplaire par l’éditeur.
Révélation dangereuse
Suite et fin de l’attaque des kaiju sur la base, ce qui annonçait une bataille épique à la fin du troisième tome se révèle vite comme une tempête dans un verre d’eau. Vite expédiée, la confrontation n’est qu’une excuse à la révélation attendue depuis longtemps : face à l’urgence de la situation, le héros est contraint de révéler qu’il est le fameux kaiju n°8, tant recherché par les autorités. Cela lui vaut d’être arrêté et de constater l’influence qu’il a eu sein de son unité, puisqu’il se rend vite compte du soutien de ses coéquipier·e·s une fois passé un premier épisode de défiance. Narrativement, on sent vite l’apport de cette révélation puisque le manga avait jusque là tendance à s’embourber dans des scènes répétitives où le héros sauvait un peu tout le monde en se transformant en douce. Et cela devrait permettre au manga de poser de nouvelles questions autour de sa responsabilité mais également sur le rapport des humain·e·s avec les kaiju, jusque là toujours décrits comme de vulgaires bêtes sanguinaires. C’est aussi un bon moyen de renforcer les liens avec les personnages secondaires, voir l’émotion et l’importance qu’ils et elles accordent au héros, alors que le manga avait jusqu’ici été plutôt défaillant sur ce point en abordant que très sommairement les relations au sein de l’unité. Cela permet à Naoya Matsumoto d’offrir un peu plus d’épaisseur à des personnages qui ressemblaient parfois à des coquilles vides, en montrant les liens qui se sont tissés entre elles et eux.
Cela pourrait amener le manga sur une autre dynamique, mais pour le moment ce tome reste bien maigre et assez peu intéressant. Il distille quelques bonnes idées pour l’avenir, mais c’est un entre-deux qui appelle confirmation dans le futur tome 5. Maintenant deux possibilités s’offrent à Naoya Matsumoto : elle peut emmener son histoire sur un autre terrain, peut-être plus personnel, plus proche des états d’âmes du héros et sur la manière dont son univers traite les humains qui seraient capables de se transformer en kaiju, offrant un visage plus humain aux monstres. Ou alors, elle peut faire ce qu’elle a fait ces trois derniers tomes, en se limitant à l’action sans aller chercher beaucoup plus loin, ce qui empêcherait Kaiju n°8 de retrouver le vent de fraîcheur qui venait avec son premier tome. Parce que des histoires de kaiju, on en a énormément autant dans le manga que dans la pop culture en général, mais ce qui faisait tout le sel de son premier tome, c’était de reprendre ces codes en se les appropriant d’une manière détournée, chose qu’on n’a plus jamais retrouvé depuis.
Une narration poussive
Qu’il est difficile toujours de se passionner pour Kaiju n°8, qui donne l’impression de ne pas trop faire avancer son histoire au-delà de la révélation, s’enlisant dans des combats souvent interminables où il ne se passe pas grand chose de captivant. Ce tome a le mérite sur sa deuxième moitié d’aller sur un autre terrain, mais l’écriture reste un point compliqué pour un manga où les dialogues peinent à faire mouche, où chaque échange manque trop d’impact pour que l’on éprouve quoique ce soit pour ses personnages. Je pense notamment à la relation entre Kafka Hibino, le héros, et Mina Ashiro, son amie d’enfance et désormais supérieure au sein de l’unité qui est sa principale motivation à intégrer les troupes de défense. Naoya Matsumoto nous décrit souvent un lien fort qui les unit, à tel point même que derrière ses airs plutôt froids, Mina semble espérer que Kafka puisse faire son trou au sein de son unité. Mais pourtant les rares mots échangés sont futiles, sans grande signification, presque anecdotiques dans ce qui fonde pourtant l’essentiel des motivations du héros.
On espère que la fin de ce tome va mener vers autre chose de plus intéressant pour son histoire, notamment la reconnaissance de l’état de kaiju du héros et sa place au sein des forces de défense. Mais on a l’impression de dire cela à chaque tome de Kaiju n°8, avec toujours l’espoir que la narration s’améliore et que le manga tienne enfin ses nombreuses promesses du premier tome l’année dernière. Mais il faut bien admettre que ce n’est toujours pas le cas, avec une narration de plus en plus poussive, qui ne parvient pas à étendre son univers au-delà du gimmick du héros capable de se transformer en ce qui représente habituellement l’ennemi pour ses semblables. On verra, mais plus les tomes passent, moins j’y crois.
- Le tome 4 de Kaiju n°8 est sorti le 6 avril 2022 en librairie.